LOUIS XVI. Pré Révolution. Réformes

 

 

 

   retour à l'accueil

 

retour au sommaire " Louis XVI.  Réformes et Pré Révolution"

 

 

                                                                   

                   La Révolution du Roi                

                                                                                         

  Chemins de découverte à travers les réformes du                règne de  Louis XVI                                                            

                                                                                         

 

            « Retour d’un astre au point d’où il était parti » (Littré). C’est dans ce sens que j’emploie le terme révolution pour qualifier le mouvement de réformes du règne de Louis XVI, particulièrement dans les années 1787-1788. Un retour aux formes originelles des institutions de la France. Une vaste réforme des institutions publiques qui s’emploie à corriger les dysfonctionnements et les archaïsmes dont souffre l’organisation des pouvoirs publics. On appelle communément cela « la Pré Révolution française ». Je préfère parler de révolution du roi. J’aurai l’occasion de m’en expliquer.

            La question mériterait un ouvrage. Une histoire institutionnelle de la période, sorte de contrepoint  au maître livre de Jean Egret, La Pré Révolution française. 1787-1788, PUF, 1962. Mais sans doute le moment d’engager un tel travail n’est-il pas encore venu. Plusieurs réformes sont mal, ou insuffisamment, éclairées. J’ai donc choisi une approche différente. Elle emprunte, sans plan préétabli, des chemins qui serpentent à travers les réformes du règne. Le contraire de ce qu’on fait habituellement face à ses étudiants !

 

SOMMAIRE

"Le Gazetier universel"

P. et P. Girault de Coursac

Les Jansénistes et la Pré Révolution

La banque ou la finance?

Hôtels des Finances

La théorie de l'interstice

La Maison des enfants de France

Louis XVI et la recherche scientifique

Incontournable Parlement de Paris

Louis XVI et la refondation des Finances publiques

L'affaire du collier. Dit de la reine

Le Journal de Hardy

Les Edits de mai 1788

Les assemblées provinciales

n

13 mai 2012

13 juin 2012

"Le gazetier universel"

 

        Cette bibliothèque numérique sur la presse d’Ancien Régime en langue française est un monument. Elle compte plus de 500 titres de périodiques et ouvre sur plus de 10 000 liens. Ce répertoire a été entrepris en 2009 par Denis Raynaud, spécialiste de la presse au XVIIIe siècle. Le programme associe les équipes du LIRE (Littérature, Idéologies et Représentations ) de Lyon et de Grenoble.

        On trouve beaucoup de pièces rares dans cette bibliothèque. La moisson des liens est exceptionnelle. Et ces liens sont de qualité. Les plus lents, genre Gallica, ont été écartés au  profit des plus rapides. Le confort est total.

        « Le Gazetier universel » est une fenêtre grande ouverte sur le XVIIIe siècle politique, artistique et anecdotique. Mon coup de cœur, "La Gazette de Leyde" , le journal politique le plus lu et le plus influent de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Chez soi.

 

n

13 mai 2012

9 juin 2012

P. et P. Girault de Coursac

 

        Les recherches de Pierrette et Paul Girault de Coursac ont profondément renouvelé l’image de Louis XVI. Leurs études corrigent les préjugés les plus répandus, tant sur la personnalité du roi que sur son action politique de 1789 à 1792. Les critiques n’ont pas manqué, ce qui peut paraître normal au regard de l’ampleur des remises en cause. Mais l’œuvre des Girault de Coursac est désormais incontournable. On ne peut plus aujourd’hui parler de Louis XVI sans l’avoir lue. Voici un site qui leur est consacré.

        Je fais ici deux remarques à propos de la Pré Révolution :

1.   P. et P. Girault de Coursac se sont peu intéressés à cette période. C’est peut-être dommage mais ils avaient d’autres priorités, le procès du roi en particulier.

2.  La méthode des Girault de Coursac repose sur le recours minimal et critique aux mémorialistes.  Leur fiabilité, expliquent-ils, est faible, voire nulle, car tous ont été influencés par les bouleversements qui ont suivi. Cette méthode critique doit-elle être appliquée à la période pré révolutionnaire ?

        Assurément oui. La lecture des ouvrages ou développements concernant cette période fait apparaître un fort déni de mémoire et une grande propension à interpréter en fonction de ce qui suit. Le déterminisme y est récurrent.         L’interprétation des mémorialistes pose ainsi deux problèmes : elle disqualifie par avance toute analyse de la réforme administrative et constitutionnelle ; elle n’encourage pas la recherche des racines de la crise financière.

        A utiliser avec beaucoup de modération donc.

          Vous pouvez vous faire une opinion en fouillant dans cette bibliothèque.

n

13 mai 2012

19 mai 2012

Les Jansénistes et la Pré Révolution

 

        « Les Jansénistes, Dieu, la grâce et la politique ». Le titre du numéro de L'Histoire du mois d’avril est fort. De quoi réviser ses fondamentaux culturels. Joël Cornette explique pourquoi Louis XIV les redoutait ; Stéphane Van Damme se livre à une fine analyse de l’ « intransigeance » de Pascal ; Monique Cottret expose l’affaire du cimetière Saint-Médard ; Nicolas Lyon-Caen éclaire le lien entre la bourgeoisie et le jansénisme. Le dossier se termine par une interview de Rita Hermon-Belot au titre particulièrement évocateur : « Des agents de la Révolution ? ». Je me dis que je vais trouver de quoi alimenter mon faux blog avec quelques bonnes informations de derrière les fagots. Que les Jansénistes lèvent la main ! Déception. Après avoir éludé la question du « complot », l’interview en vient au rôle des Jansénistes dans les mesures prises en faveur des Protestants par l’édit de janvier 1788 puis à leur influence sur la Constitution civile du Clergé. L’action de l’Abbé Grégoire est particulièrement mise en valeur.

         On n’en saura pas plus sur l’action politique, parlementaire particulièrement, des Janséniste à la veille de la Révolution. Pourtant, dans un encart, Rita Hermon-Belot présente un document très intéressant décrivant le système de distribution des « Nouvelles ecclésiastiques », le bulletin  janséniste diffusé clandestinement. Dommage que l’interview n’ait pas porté là-dessus.

        Je n’en saurai donc pas plus. Je ne saurai toujours pas combien il y avait de magistrats jansénistes au sein du Parlement de Paris à la veille de la Révolution. Ni surtout comment ils étaient organisés. Je sais pourtant, comme vous, qu’il y en a. Et non des moindres : Duval d’Epémesnil, Fréteau de Saint-Just, Goislard de Montsabert, Robert de Saint-Vincent et d’autres. Il suffit de faire un tour sur la toile La question serait-elle taboue ? Pourtant, si on veut comprendre l’échec des réformes de la Pré-Révolution c’est ce chemin qu’il faut emprunter. C’est tout de même Robert de Saint-Vincent qui le 11 août 1787  a mis le feu aux poudres en faisant voter un arrêt de défense illégal contre l’application de la réforme fiscale. Alors, combien de Jansénistes dans cette liste ?

n

13 mai 2012

13 mai 2012

La banque ou la finance?

 

        « A la date du 31 décembre 2012 le corps des trésoriers-payeurs  généraux est mis en extinction ». C’est dans ces termes lapidaires que le décret du 20 février 2009 supprime une institution qui plonge ses racines dans les réformes de l’administration des Finances au XVIe siècle. Les trésoriers-payeurs généraux ont voulu marquer l’événement par un recueil de contributions mêlant études et témoignages.

        Je me permets de placer cette suppression sous le patronage de Jacques Necker. Chacun sait qu’il n’appréciait guère les receveurs généraux et les trésoriers généraux, les ancêtres directs des TPG.  Il trouvait que les avances de trésorerie qu’ils fournissaient au Trésor étaient trop coûteuses et peu transparentes. Des banquiers auraient été plus efficaces. L’idée s’est répandue dans le public et les deux institutions, ainsi discréditées, ont été incapables de faire face à la crise de trésorerie de l’été 1788. Victoire des banquiers sur les financiers. Pour le meilleur et pour le pire.

        On ne reprendra pas ici le procès des receveurs généraux et des trésoriers généraux. Michel Bruguière, en tordant le cou à quelques idées reçues, a introduit dans ce débat une objectivité bienvenue. Il reste deux problèmes :

1.  Le crédit public de ces grands comptables dépend de leur capacité à multiplier les affaires financières et donc à mêler finances privées et finances publiques. Marie-Laure Leguay a récemment consacré un ouvrage à ces dysfonctionnements

2.  Le pouvoir royal est « dépensier » par nature. Il n’apprécie pas qu’on lui lie les mains. Les grands comptables, particulièrement les trésoriers généraux, lui assurent une indépendance de trésorerie qu’il ne trouverait pas auprès des banquiers. Voyez mon explication dans le collectif TPG ICI .

 

6 avril 2011

Hôtels des Finances

 

         A la découverte des services ministériels des Finances dans le Paris de Louis XVI. Entre la rue de La Michodière et le Louvre, il y en a un peu partout. Certains y trouveront confirmation du désordre des Finances publiques de ce temps. Il faut voir, plus objectivement, une conséquence de la complexité administrative des Finances d’un grand Etat comme la France.

         D’ailleurs le désordre n’est qu’apparent. L’implantation des services répond à une logique administrative. L’administration des Domaines autour de la rue Vivienne, une bonne partie des bureaux de la Ferme générale dans un espace formé par les rues de Grenelle Saint-Honoré, Bouloi et Coquillère, etc.

         C’était donc bien avant Bercy. Mais rappelons qu’entre-temps, il aura fallu toute la poigne politique de Joseph de Villèle   pour rassembler, rue de Rivoli, la plupart de ces services.

n

 

17 mars 2011

La théorie de l'interstice  

    

         Le consentement à l’impôt est un principe constitutionnel bien établi en France dès la fin du moyen âge. Les assemblées représentatives, Etats généraux et états provinciaux, en assurent la manifestation. Exacte au plan des principes, cette présentation est en pratique, fausse pour les deux derniers siècles de l’ancien régime puisque les Etats généraux ne sont plus réunis à partir de 1614.

         Voilà une approche qui fait bon marché des parlements. Ceux-ci prétendent exercer les compétences des Etats généraux entre leurs sessions. C’est ce qu’on nomme « la théorie de l’interstice ». Et dans la situation qui nous intéresse ici, l’interstice est particulièrement long puisqu’il s’étend jusqu’en 1789 !

         Cette théorie constitutionnelle permet aux parlements d’exercer un contrôle d’opportunité sur les mesures fiscales décidées par le roi, en tenant compte des circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier une création ou une augmentation fiscale. Cette extension, pour les matières fiscales seulement, élargit considérablement le contrôle de légalité que les parlements exercent, tout à fait normalement, à l’occasion de l’enregistrement des lois.

         Le roi a toutes les raisons de contester cette position constitutionnelle. Cela suppose toutefois qu’il convoque les Etats généraux. Mais peut-être est-il préférable de discuter avec des parlements plutôt que de réunir la représentation nationale. Les parlements, de leur côté, ont intérêt à maintenir le statu quo. Ils trouvent dans l’exercice de cette compétence un surcroît de puissance. Pourquoi réclamer les Etats généraux ?

         Cet équilibre, bâti sur des arrières pensées, est mis en cause au cours de l’été 1787 à l’occasion de l’enregistrement de deux réformes fiscales, le timbre et la subvention territoriale. Le Parlement de Paris se déclare incompétent pour enregistrer de nouveaux impôts. On connaît la suite.

         Mais si vous voulez savoir comment le Parlement de Paris a abandonné la théorie de l’interstice, il faut lire cette étude que je viens de mettre en ligne .

n

13 mars 2011

  La Maison des Enfants de France

 

         Voici une intéressante étude sur l’éducation et le proche entourage des enfants de Louis XVI et Marie-Antoinette. Elle offre l’avantage de  nous faire pénétrer dans un des lieux les plus méconnus de la Cour, au cœur même de la « Maison des Enfants de France ». Nursery modèle, jardin d’enfants hors classe et aussi salon mondain où princes et princesses font l’apprentissage de leur charge.

         La Maison des Enfants de France est ce qu’on appelle  une institution. Les fonctions importantes y sont pourvues en forme d’offices. Le personnel est nombreux. Tout ce monde s’affaire comme dans une ruche. Enfin, ce n’est peut-être pas le cas de tous, parce qu’on entrevoit bien ici et là quelques sinécures pour grandes courtisanes ou pour femmes de chambre. Bref, la Maison des Enfants de France coûte cher. Il est question de prendre des mesures d’économies. La reine et le roi s’y emploient et introduisent un style nouveau. A ranger dans la rubrique « Louis XVI papa poule ».

n

n

 

24 janvier 2011

Louis XVI et la recherche scientifique

 

        La belle exposition qui se tient actuellement au château de Versailles sur les sciences prend à contre-pied l’habituelle histoire courtisane et frivole du lieu. Les rois auraient donc été préoccupés de l’avancement des sciences et la cour aurait servi d’espace de sensibilisation et de promotion. Bigre ! L’initiative est révolutionnaire. Et complètement iconoclaste. C’est plus fort que Jeff Koons et Murakami réunis.

        Ceci dit, c’est sérieux. L’exposition met en valeur une forte réalité. Particulièrement pour Louis XVI, dont on sait depuis le livre de Pierrette Girault de Coursac, « L’éducation d’un roi » paru en 1972, qu’il préférait la physique et la géographie au menuet et à la poésie. Sur ce point, l’exposition ne fait que soulever un coin du voile. Elle invite à entrer dans la modernité scientifique des années 1780. Berthollet, Laplace, Chaptal, Vicq d’Azyr, Lavoisier, Monge, Duhamel Du Monceau, Daubenton, Lamarck, Parmentier, et j’en passe. Plusieurs créations d’institutions de recherche fondamentale ou appliquée. Louis XVI, promoteur des avancées scientifiques contemporaines. Si vous trouvez que j’exagère, prenez le temps de lire cette étude.

n

 

11 janvier 2011

Incontournable Parlement de Paris

 

        Je viens de mettre en ligne le procès verbal de l’Assemblée des chambres du Parlement de Paris, les princes et pairs y séant, du 22 juin 1787. J’ai choisi cette séance parce que c’est la première de la période pré révolutionnaire qui se tient en présence des princes et pairs. Des dizaines d’autres vont suivre. J’ai reproduit le texte le plus fidèlement possible. Jusqu’à l’abus des majuscules.

        On ne peut pas dire que la lecture est facile. Le style est amphigourique au possible. Le protocole étouffant. La procédure tatillonne. Et le procès verbal devient laconique dès qu’on croit enfin entrer dans les débats ! On comprend que les historiens aient peu utilisé cette source. Elle est pourtant d’une grande utilité, justement en raison de son formalisme. Ces procès verbaux présentent le grand avantage de fixer les cadres du débat, de préciser les procédures de vote et d’indiquer les incidents de séance. Il faut simplement compléter par quelques sources extérieures. Les débats ne sont pas publics mais certains magistrats se laissent facilement interviewer par les journalistes pendant les interruptions de séance et à la fin de la réunion. On peut ainsi savoir ce qui s’est réellement passé et en recoupant avec le procès verbal il devient possible de reconstituer  la séance. C’est ce que j’ai voulu faire. Il faudrait procéder de même pour toutes les séances.

        Incontournable Parlement de Paris. Cet acteur central de la vie politique reste pourtant bien mal connu. Une histoire politique, souvent superficielle et idéologique, a gangrené notre connaissance de l’institution. Il faudrait des bataillons d’historiens du droit pour mettre la question à plat. L’excellent site sur Le Parlement de Paris  qu’anime Isabelle Brancourt donne une idée de la tâche à accomplir.

n

 

4 décembre 2010

Louis XVI et la refondation des Finances publiques

 

        Il n’y a pas de  faute de frappe dans le titre de ce billet. Je n’ai pas voulu dire « Louis XVIII et la refondation des Finances publiques ». L’exercice aurait été trop facile. Chacun sait que c’est ce règne qui a apporté aux Finances publiques de la France la rigueur budgétaire et la clarté comptable. C’est ce qu’on enseigne depuis des lustres en faculté de droit dans le cours de Finances publiques. Chaque ministre des Finances de ce règne a apporté sa pierre à cette fondation : le Baron Louis, Corvetto, Roy, et surtout Joseph de Villèle, efficacement secondé par son premier commis des Finances, Audiffret, le père fondateur de la comptabilité publique. Je viens d’ailleurs de publier une étude  sur la question dans l’ ouvrage collectif  « L’invention de la gestion des finances publiques. Elaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle (1815-1914), sous la direction de Philippe Bezes, Florence Descamps, Sébastien Kott et Lucile Tallineau.

        Revenons à Louis XVI. Le titre de mon billet est tout simplement une provocation. Comment est-il possible que d’un frère à l’autre, on soit passé aussi soudainement de l’ombre à la lumière ? En une vingtaine d’années, essentiellement marquées par une gestion politisée, désordonnée et artificieuse des Finances publiques. Je parle de la Révolution et de l’Empire.

         Villèle et Audiffret étaient des royalistes conséquents -des ultra royalistes disent leurs adversaires-. Leur action s’inscrit dans la continuité, celle d’un ministère des Finances restauré et d’un Trésor performant. Je vais tenter l’impossible. Montrer que c’est sous Louis XVI, dans le cadre des réformes de la Pré Révolution, que sont jetées les bases des futures modernisations. La tâche est compliquée. La dégradation financière qui a conduit à la convocation précipitée des Etats généraux ne plaide pas en ma faveur. Il me faudra plusieurs billets pour justifier mon titre. Commençons, en guise d’entrée en matière, par la lecture de ces deux textes :

Règlement pour la formation du Conseil royal des finances et du commerce

du 5 juin 1787

Règlement général du roi pour la manutention du Trésor royal

du 30 mars 1788

 

n

 

4 novembre 2010

L’affaire du collier. Dit de la reine

 

        Une  des  plus étonnantes affaires judiciaires du XVIIIe siècle. Marie-Antoinette victime collatérale d’une incroyable arnaque courtisane. Au bout du compte, une suspicion de gaspillage des deniers publics qui pèse sur la reine et qui en vient à atteindre le roi lui-même. Comment expliquer un tel dérapage ? En jargonnant un peu, je dirais que cette affaire s’inscrit dans le processus de judiciarisation des questions sociales et politiques au cours des règnes de Louis XV et de Louis XVI. Autrement dit comment mêler justice et politique.   

        Les cours souveraines, Parlement de Paris en tête, maîtrisent très bien cette technique. De mieux en mieux même, à mesure que la médiatisation des affaires s’amplifie. L’affaire du collier est un point d’orgue. Mais elle n'est pas la seule dans ce cas. La rue et les salons sont friands de ces débats. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les sensibilités : malmener un magistrat du Parlement façon Maupeou, dénoncer une erreur judiciaire, fouiller dans les affaires d’un trésorier général réputé, disserter sur l’usage de la lettre de cachet, etc. Ainsi se façonne l’esprit public au temps de Louis XVI.

 

n

 

22 octobre 2010

Le Journal de Hardy

 

        L’université Laval de Québec a entrepris de publier le Journal d’événements de Siméon Prosper Hardy. La publication est dirigée par Daniel Roche et Pascal Bastien. Les  deux premiers volumes sont parus. Ils couvrent la période 1753-1771. Ce n’est qu’un début. Le Journal de Hardy, qui couvre la période 1764-1789, compte 4100 pages !

        C’est une excellente initiative. Hardy, libraire parisien de son état, est un bon observateur de la vie politique et sociale. Il suit l’actualité de très près, parfois jour après jour. C’est objectif, sans recul. Rien à voir avec les souvenirs défaillants ou sélectifs des mémorialistes qui écrivent après la Révolution et qui encombrent l’histoire de la période.

        Dans quelques années, une fois le travail d’édition terminé, le manuscrit de Hardy deviendra une mine de renseignements accessible à tous. Il sera pour le règne de Louis XVI l’équivalent de ce qu’est le Journal de Barbier pour celui de Louis XV… depuis 1857.  Depuis un siècle et demi !

        En attendant, pour répondre aux impatiences des chercheurs et des curieux, les promoteurs de l’opération  ont eu la bonne idée de mettre en ligne un index des noms et des lieux ainsi qu’une une table des événements. Voila un très utile instrument de recherche pour exploiter avec efficacité le manuscrit de la Bibliothèque nationale.

n

 

12 octobre 2010

Les Edits de mai 1788

 

        Un train de réformes judiciaires comme on en a rarement vu dans l’histoire de France. Cinq textes pour moderniser la justice. Tout y passe : rationalisation des justices seigneuriales, réorganisation de la hiérarchie des tribunaux, réduction des pouvoirs des parlements, mise en place d’un organe de surveillance de la magistrature, réforme de la procédure d’enregistrement des lois, etc.

        Voici les textes. Si vous êtes pressé, contentez-vous de lire les préambules. La rédaction est d’une telle qualité que tout autre commentaire est superflu :

Déclaration relative à l'ordonnance criminelle

Ordonnance sur l'administration de la justice

Edit portant suppression des tribunaux d'exception

Edit portant réduction d'offices dans la cour de parlement de Paris

Edit portant rétablissement de la Cour plénière

        Cette réforme est communément considérée comme le point de départ des événements révolutionnaires. Les parlements entrent en résistance. Les troubles gagnent la province. Le 7 juin à Grenoble, on jette des tuiles sur les soldats venus rétablir l’ordre. Le roi n’a plus d’autre solution que de convoquer les Etats généraux pour le printemps 1789.

        Drôle de raccourci ! Il fait l’impasse sur le véritable accueil des Edits de mai. Evidement mauvais dans les milieux parlementaires et parmi les officiers des juridictions d’exception supprimées. Mais  comment  ne pas souligner la satisfaction des villes qui deviennent siège d’un grand bailliage ? Pourquoi passer sous silence le soulagement de tous ces seigneurs qui se trouvaient déchargés du coûteux entretien d’une juridiction criminelle ? Comment ne pas remarquer le soutien de tous ces juges à qui la réforme promettait des promotions ? Sans parler du public qui comprenait parfaitement le bien fondé du changement. Je ne fais que reprendre l’analyse de Marcel Marion dans son ouvrage sur Le garde des Sceaux Lamoignon et la réforme judiciaire de 1788, Paris, 1905.

        Avec le temps la réforme aurait été acceptée. Après amendements et corrections. Loménie de Brienne aurait patiemment négocié. Rien à voir avec Maupeou.

        Non. Présenter les Edits de mai comme une mauvaise réforme et en faire la cause de la convocation des Etats généraux ne correspond pas à la réalité.  L’application de la réforme a tout simplement été suspendue parce qu’il devenait urgent de sortir de la crise financière dans laquelle s’enfonçait l’Etat. Et cela appelait une autre politique.

 

4 octobre 2010

Les assemblées provinciales

 

        Mon premier chemin de découverte conduit à la réforme dite des « assemblées provinciales » de juin 1787. Je l’emprunte pour les besoins d’un cours d’histoire de l’administration territoriale de la France. Je veux montrer aux étudiants la richesse institutionnelle d’une réforme qui généralise dans les pays d’élection les pratiques autonomiques des pays d’états. L’intendant s’efface. Les assemblées représentatives, de la province aux communes, prennent la direction des affaires locales. Le principe de subsidiarité est omniprésent. (Voir le texte de l'édit et le règlement  d’application pour la Champagne).

        On connaît la genèse de la réforme. Conçue dans les milieux réformateurs de l’entourage de Louis XVI, elle mûrit au cours des premières années du règne et aboutit après l’Assemblée des notables du printemps 1787. Le nouveau maître du jeu politique, Etienne Charles Loménie de Brienne, a su très habilement prendre le relais de Calonne disgracié par le roi. Il a conduit avec succès cette réforme devant le Parlement de Paris. Et Dieu sait que l’enregistrement n’était pas facile ! La plupart des parlements de province, rassurés par la prise de position du Parlement de Paris, enregistrent l’édit dans les semaines qui suivent. Quelques uns rechignent, mécontents de devoir partager leur pouvoir avec une assemblée provinciale. La réforme a ainsi été mise en oeuvre. Jusqu’à l’arrivée de Necker à la tête du ministère au mois d’août 1788 qui en interrompt  l’application.

         Toutes les préoccupations sont maintenant tournées vers la préparation de la réunion des Etats généraux prévue pour le printemps 1789. Il n’est plus question de poursuivre l’application de la réforme. Elle risquerait de perturber les procédures de convocation des députés aux Etats.

        Ainsi s’effondrait le rêve de tous ceux qui voyaient dans cette réforme de la représentation territoriale le moyen de régénérer les pratiques administratives et politiques. Le rêve d’une France faite de républiques provinciales fédérées par le roi.

 

 

1 -