Jus commune. Droit commercial
 
 
« Le Consulat de Mer de Nice. 1613-1855. Perspectives de recherches »
in
Actes du Colloque organisé par l’Association française d’histoire de la justice sur Les tribunaux de commerce. Histoire du modèle français, Bordeaux, décembre 2001, coll. Histoire de la justice, n° 17, Paris, La Documentation française, 2007, pp. 87-110

 
Michel Bottin
Faculté de droit
Laboratoire ERMES
Université de Nice-Sophia Antipolis
 
Le Consulat de Mer de Nice est une juridiction commerciale du jus commune. Voici deux approches qui éclairent sa fonction jurisprudentielle :
Extrait pp. 94-95 :
« La première concerne la motivation des jugements. Le caractère « souverain », selon l’approche parlementaire française, implique que les jugements, du moins les plus importants, puissent constituer une jurisprudence. Or nous sommes ici, on l’a vu, dans le domaine du jus commune et plus précisément pour les XVIIe-XVIIIe siècles dans celui de la construction d’une communis opinio à partir de la la jurisprudentia forensis. La question est donc simple : le Consulat appuie-t-il sa jurisprudence sur des decisiones, c’est à dire des jugements motivés, à l’instar de ceux que rendent les « grands tribunaux », tels ceux du Sénat voisin ? La réponse est au premier abord négative ; le Consulat ne rend pas de decisiones. Toutefois lorsque les juges estiment que leur ordinanza est assez importante  pour être diffusée, ils l’assortissent de motivi tout à fait comparables à une decisio. Au delà de la sécheresse des ordinanze, les motivi, lorsqu’on a jugé utile d’en rédiger, expriment les orientations du tribunal en matière de droit commercial.
La deuxième approche concerne l’œuvre  jurisprudentielle. Il est évident que la juridiction recherche, particulièrement à partir du milieu du XVIIIe siècle, une crédibilité internationale, tant pour limiter les conflits que pour attirer le commerce. Il serait intéressant de suivre ici les pistes que trace Domenico-Alberto Azuni, célèbre maritimiste de la fin du XVIIIe siècle, juge au Consulat de Mer de 1782 à 1792, dans son Dizionario della giurisprudenza mercantile édité à Nice en 1786-1787. L’auteur y embrasse, dans une approche très européenne, les diverses applications du droit commercial et souligne les orientations dominantes dans le but affiché d’en former « una disciplina regolare ». Il souligne d’ailleurs au passage que Savary « con il suo gran Dizionario del Commercio », n’a réalisé qu’une œuvre pratique et limitée aux usages et lois de la France et non aux autres «  piazze comercianti d’Europa ». Les nombreux jugements du Consulat de Mer qu’Azuni cite dans son Dizionario et qu’il replace chacun dans leur contexte jurisprudentiel  propre pourraient servir de base à une telle étude. »

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