LES SERVICES CENTRAUX DES FINANCES
 
 EN 1788
 
Communication présentée au Colloque organisé le 19 décembre 2008 par l’Université de Rouen et le Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, La Direction générale des Finances publiques. Vers une administration nouvelle ?
 
 
Michel Bottin
Faculté de droit
Laboratoire ERMES
Université de Nice-Sophia Antipolis
 
 
Pour citer l’étude : Michel Bottin, « Les services centraux des Finances en 1788 », Communication au Colloque organisé par l’Université de Rouen et le Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, La Direction générale des Finances publiques. Vers une administration nouvelle ?, 2008, www.michel-bottin.com.
 
 
 
 
 
         La récente fusion de la Direction générale des Impôts et de la Direction générale de la Comptabilité publique dans une Direction générale des Finances publiques (DGFip)[1] marque une étape importante de l’histoire des Finances publiques de la France. La réforme prolonge les changements portés par le décret du 16 avril 1948 qui fusionnait dans une Direction générale des Impôts les  trois directions des contributions directes, de l’enregistrement, du domaine et du timbre et des contributions indirectes et indirectes[2]. Au-delà elle couronne les efforts de centralisation et de rationalisation qui rythment l’histoire des Finances publiques depuis la Restauration[3] voire depuis la période napoléonienne.
         Placée dans cette perspective, l’administration des Finances de l’ancien régime offre le parfait exemple de la dispersion voire du désordre. On a tout dit sur l’incapacité réformatrice de ces temps anciens et sur la gabegie financière qui l’accompagne. Mais peut-être sommes-nous victimes ici de notre ignorance et de la mauvaise habitude de confondre, un peu à la façon de Marcel Marion, l’histoire financière et celle des Finances publiques. Il est vrai que la matière est difficilement accessible à la recherche. Les archives des Finances ont subi de telles destructions depuis près de trois siècles[4] que la mémoire fait souvent défaut. On peut dire avec François Monnier que « les portraits de l’administration de l’ancienne France foisonnent d’idées reçues »[5]. Heureusement les choses ont changé depuis une quarantaine d’années grâce aux travaux pionniers de Michel Antoine sur le Contrôle général[6], d’Henri Legohérel sur les trésoriers généraux de la Marine[7] et aux études encouragées par le Comité pour l’Histoire économique et financière de la France (CHEFF).
         Notre connaissance des services centraux des Finances a souffert plus que d’autres domaines de cette situation. Mais peu à peu des pistes s’ouvrent[8]. Cependant les forces et les moyens manquent encore pour améliorer notre connaissance de ces administrations centrales. Leur histoire n’est pas faite et on peut prévoir qu’elle réserve des surprises lorsqu’elle le sera. Je ne la tenterais donc pas ici. J’adopterai simplement une démarche exploratoire en étudiant la situation des services centraux des Finances en 1788. Le raccourci est commode mais l’année 1788 est un bon point d’observation pour qui souhaite analyser la longue période qui va des réformes de Louis XIV à la Révolution. La plupart des cadres et principes de base n’ont pas changé depuis : organisation ministérielle, gestion fermière de la fiscalité indirecte, fiscalité directe, régime des douanes et droits assimilés, fonctionnement du Trésor royal, statuts des personnels, etc. Mutatis mutandis nous sommes en 1788 dans la même continuité ministérielle 
         La présente étude croise les données fournies par l’Almanach royal 1788, le Compte rendu au roi de Loménie de Brienne de mars 1788[9] et diverses études sur l’emplacement des activités administratives[10]. L’analyse adopte une optique entièrement infra politique, administrative. Dans ce cadre elle n’a d’autre ambition que de décrire les directions sans chercher à entrer dans la sociologie professionnelle.
         Cette étude adopte trois positions. La première consiste à intégrer dans ces services centraux les organes directeurs de la Ferme générale. Trop de liens structurels l’unissent au Contrôle général, ainsi qu’on le verra plus loin, pour les écarter.
         La seconde position consiste à s’en tenir aux seuls services des Finances. On n’inclura donc pas les départements des ponts et chaussées et du commerce. L’approche ne correspond donc pas à la présentation du règlement du 5 juin 1787 qui réduit le nombre de départements à cinq « savoir quatre pour la finance dont le travail sera réparti » entre les quatre intendants des finances » et un seul pour le commerce » confié à l’intendant du commerce[11]. Ajoutons que la répartition des activités faite par ce règlement ne concerne que les intendants des Finances. Elle ne dit rien, ou presque, des compétences du contrôleur général. Or celui-ci a directement au-dessous de lui des services extrêmement importants qui méritent une attention particulière.
         La troisième position établit une distinction dans les services du Contrôle général entre ses propres services et ceux du premier commis de Finances.
         Cette approche permet une présentation optimale des rubriques de l’Almanach royal en matière de Finances publiques. Elle permet de dépasser les apparences de l’ouvrage, certaines présentations marquées par une logique qui n’est plus la nôtre, ses fantaisies typographiques, sa mise en page parfois déroutante.
         Il est vrai que l’organisation est complexe et que les situations juridiques sont diverses : administration directe, administration déléguée, ferme, régie. Les situations administratives le sont également, certaines directions ont des services extérieurs, d’autres pas. Le statut des personnels de direction présente une diversité encore plus grande. On oppose communément les intendants des Finances et les premiers commis. Les premiers, commissaires depuis la suppression de leurs offices par Necker en 1777, demeurent conseillers du roi et ne sauraient être considérés comme de simples hauts fonctionnaires ; les seconds, révocables et sans statut, sont, contrairement à l’idée que nous nous en faisons, des personnages puissants et fort considérés. Les continuités familiales au même poste ne sont pas rares. L’institution est complexe ; il existe des différences considérables entre les premiers commis : certains sont beaucoup mieux payés que d’autres, ont sous leurs ordres plusieurs bureaux où travaillent de nombreux commis, garçons de bureau, secrétaires, facteurs, etc. qu’ils nomment, révoquent, payent. L’Almanach royal ne permet pas de connaître cette partie immergée de l’administration centrale. Joël Félix a montré dans une première approche combien nos connaissances étaient lacunaires[12].
         Cette distinction entre premiers commis et intendants des Finances est elle-même toutefois insuffisante pour rendre compte de la complexité des services centraux. Il faut faire une place aux officiers. Ecartons les receveurs généraux qui, même s’ils sont tous domiciliés à Paris, où ils ont leurs bureaux, sont placés à la tête d’administrations régionales. Mais retenons les trésoriers généraux dont la fonction est centralisée à Paris. Le trésorier général de l’Extraordinaire des Guerres, par exemple, avait sous ses ordres près de 200 employés dont une quarantaine dans ses services centraux[13]. Et il y a un trésorier général pratiquement pour chaque branche de l’administration !
         Enfin il faut ajouter trois autres catégories de personnel de direction : les régisseurs généraux, les administrateurs généraux et les fermiers généraux. Chacune de ces fonctions est exercée de façon collégiale et permet d’assurer, selon un mode particulier de délégation, la gestion des recettes fiscales et domaniales : assemblées générales de fermiers, de régisseurs ou d’administrateurs, travail en comités spécialisés, exécution par des directeurs, etc. On entre ici dans un univers bureaucratique très proche de ce que nous connaissons[14].
         Il n’y a donc pas une administration centrale mais plusieurs. Chacune a ses pratiques propres, sa hiérarchie, son système de promotions et de récompenses, etc. L’implantation des différents services dans Paris reflète ces cloisonnements. A l’éparpillement s’ajoute même l’éclatement des activités d’une même direction en plusieurs lieux.
         Au-delà du désordre apparent on perçoit pourtant certaines logiques administratives. L’Almanach royal en porte la marque. Il suffit de s’en tenir à l’essentiel, c'est-à-dire à une approche raisonnée de la publication. Ainsi posée la matière se présente sous la forme de cinq « directions générales » qu’il est possible, en suivant l’ordre d’exposition de l’Almanach, de présenter schématiquement de la façon suivante : services généraux du Contrôle général ; Trésor royal et comptabilité publique ; impositions indirectes gérées par la Ferme générale et la Régie générale ; impositions directes gérées par la Recette générale ; Domaine et droits domaniaux, y compris les droits d’enregistrement, gérés par l’Administration générale des Domaines.
 
1. Les services généraux du Contrôle général
 
         Le contrôleur général des Finances a perdu depuis le règlement du 5 juin 1787 la direction politique des Finances. Ce règlement réforme profondément le Conseil royal des Finances et en fait le lieu d’impulsion de toutes les actions. Le véritable ministre des Finances est maintenant le chef de ce Conseil, Loménie de Brienne, nommé à ce poste le 1er mai 1787. Il est placé à la tête des différents ministères le 26 août 1787 comme principal ministre. Quatre contrôleurs généraux se succèdent à ce poste au cours de l’année 1787 : Calonne, Bouvard de Fourqueux, Laurent de Villedeuil et depuis le 31 août Lambert[15].
         Au plan administratif Lambert a sous ses ordres directs onze chef ou premiers commis soit selon un état de dépense de l’année 1789 environ 150 employés[16]. Cinq premiers commis seulement sont établis dans l’Hôtel du Contrôle général où réside le ministre, rue Neuve-des-Petits-Champs, ancien Hôtel de Lionne-Pontchartain[17] : Villiers du Terrage[18] a la responsabilité de la vérification des états au vrai de la Ferme générale, de l’expédition des édits, lettres patentes, arrêts en finances, etc. ; La Roche et son adjoint Denois, dirigent le bureau en charge des dépêches, lettres, requêtes, etc. ; dans le département de Tarbé on traite des affaires des assemblées provinciales, de la législation des monnaies, etc. ; dans celui de Vaudran des parties casuelles, de la Compagnie des Indes, des écoles vétérinaires,etc. Harivel est premier commis pour la centralisation des informations financières des pays d’états …mais son adjoint Acher de Mortonval a ses bureaux Rue Croix-des-Petits-Champs, Hôtel Lussan, et il remplit également la fonction, en tant que premier commis, de l’« expédition des affaires qui n’ont point de département ». Le premier commis Melin centralise les états de situation de tous les comptes, tient l’état des gages des officiers de justice, les états des charges assignées sur les Cinq grosses  Fermes, etc ; il a ses bureaux rue du Dauphin…où exerce également son fils trésorier de l’Ordre du Saint Esprit[19].
         Les archives du Contrôle général ne sont même pas sur place. Les registres sont placés sous la conservation de deux gardes, Perrotin de Barmont, Vielle-rue-du-Temple, « au dessus de l’égoût », « en exercice impair pour le contrôle de l’annuel des années paires » et Fougeray de Launay « rue de Paradis au Marais, pour le Contrôle général en exercice pair, pour le contrôle de l’annuel des années impaires ». Tous ces chefs et premiers commis ont évidement sous leurs ordres des commis, des facteurs, des secrétaires en nombre variable que l’Almanach royal ne mentionne pas.
         J’ai placé à part, ci après, suivant en cela la présentation de l’Almanach royal, le plus important de tous ces agents, le premier commis des Finances chargé de la gestion du Trésor royal et de la fabrication des monnaies. Sa fonction n’est manifestement pas de la même nature que celle des autres premiers commis du Contrôle général.
 
2. Les services du premier commis des Finances
 
         Le premier commis des Finances[20] dirige un ensemble de services qui régulent les mouvements de fonds vers les ministères dépensiers. Il exerce pour cela la direction des Trésoreries royales.
         Ce véritable ministère dans le ministère est dirigé par Achille Joseph Gojard, un homme expérimenté entré dans ce service comme commis en 1759[21]. Il a sous ses ordres sept « premiers commis aux départements des Finances »[22] : Liré pour « les états de fonds à verser au Trésor royal, leur distribution aux différents départements » ; Bergeron pour l’enregistrement de toutes les ordonnances de fonds des départements ; Duclaud pour l’expédition des pensions ; Du Tertre pour les dettes de l’Etat et la confection des monnaies ; Coedes pour les fonds des dépenses de la guerre ; Gaix pour les dépenses de la Marine et des Colonies ; Cottin pour les dépenses de la Maison du roi.
         Ces services sont installés dans l’Hôtel Tubeuf à l’angle de la rue Vivienne et de la rue Neuve-des-Petits-Champs[23], à deux pas donc du Contrôle général.
         Gojard exerce ses fonctions en liaison avec les services du Trésor royal. Ceux-ci sont assurés par des officiers dont les caisses sont organisées en réseau. Les principales sont les deux caisses des gardes du Trésor royal, l’institution héritière du Trésor de l’Epargne. On y centralise la majeure partie des recettes nettes, les « revenant bons ». L’une est gérée par Louis-Joseph de Laborde de Mereville depuis 1785[24], rue d’Artois. L’autre est gérée par Charles de Savalette de Langes depuis 1782[25], rue Saint-Honoré « au dessus des Jacobins ».
         Autour de ces deux caisses gravitent plusieurs caisses, certaines majeures, d’autres mineures. Les plus importantes sont celles des trésoriers généraux de la Guerre (Fontaine de Biron), de la Marine et des Colonies (Boutin), des Maisons du roi et de la reine (Randon de la Tour assisté de Henry payeur à Versailles), des Bâtiments du roi (Du Tartre), des Ponts et Chaussées (Thoynel) et des Dépenses diverses (Rouillé de l’Etang). L’Almanach Royal fait état d’une dizaine de caisses secondaires, Régiments de gardes suisses, Invalides de la Marine, Ecole militaire, Ordre du Saint-Esprit, Etats de Bourgogne, Etats de Provence, etc. Ces services ont fait l’objet par un édit de novembre 1787 d’une réforme qui entre en application au 1er janvier 1788 : suppression des caisses des revenus casuels et du marc d’or réunies aux Domaines et de celle des Amortissement réunie au Trésor royal[26]. Celui-ci, tel qu’il est présenté par l’Almanach royal1788, est en outre à la veille d’une réforme majeure. Le règlement du 30 mars 1788[27]  supprime les offices de gardes du Trésor royal, trésoriers de la Marine, de la Guerre, de la Maison du roi et de la reine, des Bâtiments, des Dépenses diverses, des Ponts et Chaussées et les remplace par un Trésor unique composée de cinq départements. Les services sont gérés par des administrateurs et non plus par des officiers. La plupart restent en poste. Boutin d’officier devient ainsi administrateur[28]. Cette réforme de mars 1788 crée l’unité de caisse et ainsi le Trésor moderne.
         Tous ces trésoriers généraux résident à Paris où ils ont leurs bureaux dans leur hôtel particulier ou ailleurs. Ils disposent de réseaux de commis en province. Ces agents sont leurs employés.
 
                   3. Les impositions administrées en ferme et en régie
 
         L’affermage des revenus du roi est une pratique ordinaire et générale. Le système s’est progressivement perfectionné et la Ferme générale produit au milieu du XVIIIe, avant son démembrement, près de  la moitié des revenus de l’Etat : on y trouve la gabelle, les traites, les droits d’aides et une grande quantité d’impositions locales diverses, péages, taxes… bref la plus grande partie de la fiscalité indirecte plus les revenus domaniaux.
         Cette solution globale fut de plus en plus contestée à partir du milieu du siècle. L’affermage n’était pas la meilleure solution pour tous les revenus. Elle était même mauvaise pour les aides et pour les domaines. Necker retire ainsi à la Ferme générale les aides, confiées à une régie, et les domaines confiés à une « administration ». Puis, quelques années après, c’est au tour des traites de passer en régie.
         En 1788 la situation est la suivante : le produit des impositions affermées, gabelles, tabac et entrées de Paris est de 115 M ; celui des « objets régis au compte du roi » par les fermiers généraux est de 28 M[29] ; le produit de la Régie générale de 57 M[30]. C’est cet ensemble de revenus, plus de 40% de la recette globale (472M)[31], qui est administré par les services étudiés ici.
         On trouve à la tête de cette administration Douet de La Boullaye, intendant des Finances, rue du Houssaye. Il dirige donc deux ensembles de services, ceux de la Ferme générale et ceux de la Régie générale.
 Pour le premier. L’administration de la Ferme générale est assurée d’une part par le ministère et d’autre part par ses propres services. En ce qui concerne l’administration « ministérielle » on trouve trois premiers commis établis rue de La Michodière[32] : Cocherau a en charge l’administration générale des fermes, les gabelles et la régie du tabac. Bergon la régie des traites, le commerce des colonies. Mollien, le futur ministre du Trésor de Napoléon, les entrées de Paris. Ces trois directions ne disposent pas de services administratifs directement subordonnés.
         La Ferme générale proprement dite est organisée en onze départements. Chacun est dirigé par un comité de fermiers généraux. Lavoisier, pour ne citer que le plus célèbre d’entre eux, siège ainsi dans le département des affaires générales, dans celui chargé de collecter les données pour bâtir les états de prévision du roi, dans celui de la régie du tabac et dans celui de la régie et comptabilité des entrées de Paris[33].
         La coordination est assurée par des assemblées réunies chaque jour à l’Hôtel des Fermes : comité des caisses le lundi à 10 h, petites gabelles à 14 h, mardi à 9 heures grandes gabelles, etc.[34].La direction administrative est assurée par treize directeurs généraux et la direction comptable par six directeurs des comptes[35].
         Ces services sont pour la plupart établis à l’Hôtel des Fermes, ancien Hôtel Séguier, rue Bouloi, côté rue Bouloi et coté rue Grenelle-Saint-Honoré[36] , tout près de la Place des Victoires. On trouve aussi deux directions des tabacs à l’Hôtel de Longueville entre le vieux Louvre et le Palais des Tuileries[37]. A l’Hôtel de Bretonvilliers dans l’Ile Saint-Louis se tient le samedi un comité préparatoire …où on trouve encore Lavoisier[38]. On y gère les services de la régie des entrées de Paris et sa comptabilité[39].
         Pour le second ensemble. L’administration ministérielle de la « Régie générale des aides et droits y réunis », sous l’autorité de l’intendant des Finances La Boullaye également,  est assurée par Boizot, premier commis, rue Neuve-des-Petits-Champs.
         Les services proprement dits de gestion de la Régie générale sont établis rue Choiseul[40], Hôtel de la Régie générale, tout près de la rue Neuve-Saint Augustin et de la rue de La Michodière. On remarquera que, comme pour la Ferme générale, la direction ministérielle est établie en un lieu différent de celui des services de gestion. Les régisseurs généraux sont répartis en huit départements : comité des caisses le lundi matin pour, entre autres, rassembler les pièces justificatives de l’état au roi, le jeudi matin pour traiter la correspondance avec les agents et les directeurs relativement aux affaires contentieuses, etc.[41]. Neuf chefs de bureau assurent les relations avec les bureaux provinciaux de la Régie[42]. Une recette générale permet de délivrer des rescriptions sur les recettes des recettes générales et particulières de province[43].
 
4. Le département des impositions directes
 
         Le « département des impositions » regroupe essentiellement les impôts directs : taille, capitation, vingtièmes, pour les pays d’élections, les pays conquis et les impositions de la Ville de Paris. La recette totale est de 154 M, soit le tiers des revenus[44].
         La direction de l’ensemble est assurée par Blondel, intendant des Finances. Il dirige trois premiers commis : Gaudin, le futur ministre des Finances de Napoléon, pour le brevet général de la taille, pour la capitation, l’inspection sur le recouvrement, la vérification des états au vrai de ces matières, etc. ; Fieux pour les municipalités et les octrois ; son adjoint Hennet pour la direction générale des vingtièmes et son contentieux ; Lubert et son adjoint Legrand pour le contentieux de la taille et de la capitation, etc.[45].
         Ces services, ainsi que Blondel lui-même, sont établis à l’Hôtel de la Recette générale, rue Sainte-Avoye, Hôtel de Mesme, dans le quartier du Temple, bien loin du Contrôle général.
         La recette de cet ensemble d’impositions est assurée par 50 receveurs généraux des Finances, une moitié servant en années paires, l’autre moitié en années impaires. Tous sont domiciliés à Paris d’où ils gèrent leur recette générale et disposent de bureaux en province. Ils exécutent les ordres de leur administration centrale concernant la perception des impôts et procèdent aux avances sous forme de rescriptions. Ces receveurs généraux sont officiers et nomment aux différents postes des agents qui sont de simples employés. A cette recette s’ajoute celle des receveurs généraux pour les pays d’états, qui, pour la plupart, résident en province. On trouve également dans cet Hôtel les services du « caissier pour le roi des recettes générales des Finances ».
 
5. Domaine et droits domaniaux.
        
         Le département des domaines et droits domaniaux est partagé entre deux intendants des Finances. Douet de La Boullaye a la direction des droits domaniaux, contrôle des actes, insinuation, centième denier, autrement dit de l’enregistrement. Bonnaire de Forge a la direction des « domaines et bois ». La recette de l’ensemble est de 50 M soit un peu plus du dixième de la recette totale[46].
         Douet de la Boullaye, pour les droits domaniaux donc, dirige trois premiers commis : Bergon, pour les droits domaniaux des généralités du centre et du sud-ouest, Mutel pour ces mêmes droits pour Paris et le reste des généralités, Anthoine pour la comptabilité, les emplois, les droits de greffe, les amendes, les cautionnements. Les bureaux sont rue de La Michodière[47] mais on trouve aussi des services rue Montmartre (Mutel) et rue Sainte-Barbe (Anthoine).
         Bonnaire de Forges, pour les domaines, dirige cinq premiers commis : Cyalis de Lavaud pour les domaines, rue Gramont ; Angebault, pour les eaux et forêts et les états des bois, rue des Bons-Enfants-Saint-Honoré ; les trois autres services, celui de Brutté de Nierville pour le recouvrement des frais de justice,  celui de Busserolles pour la confection de l’état des domaines et celui de Lambert pour les bâtiments dépendant du Domaine sont rue Montmartre, « près l’égout ». Le secrétariat est rue Vivienne où réside Bonnaire de Forges, Hôtel de l’Administration des Domaines[48], ancien Hôtel Boutru-Colbert à l’angle de la rue Vivienne et de la rue Neuve-des-Petits-Champs, en face donc de l’administration du Trésor
         L’administration proprement dite est assurée par une « Administration des Domaines », rassemblant donc Domaine et droits domaniaux, dont les bureaux sont à l’Hôtel des Domaines. On notera ici que la séparation géographique de la direction ministérielle et des services de gestion n’existe pas pour le Domaine
         Les services sont répartis en dix comités correspondant à autant de départements[49] : le lundi à onze heures pour le rapport des affaires générales ; le lundi à neuf heures pour le versement des fonds au Trésor et la confection des états du roi, le jeudi pour la comptabilité des domaines, les droits féodaux et seigneuriaux, etc., les mardi et vendredi matin à neuf heures pour les droits de contrôle des actes, l’insinuation, centième denier, hypothèques, etc.[50]. Dix directeurs assurent la correspondance avec les services établis en province[51]. Une recette générale, Imbert, permet à tous les particuliers qui ont de l’argent à faire toucher en province d’obtenir de ce receveur des rescriptions[52].
 
 
         Cette présentation peut permettre de comprendre l’organisation, voire le fonctionnement, des services centraux à la fin de l’ancien régime. Peut-elle servir à éclairer la période qui suit ? On est tenté de répondre par la négative tant les transformations de la période révolutionnaire et impériale sont majeures : séparation ministérielle des Finances et du Trésor, suppression de la Ferme générale, homogénéisation des statuts des personnels, etc. Mais ces transformations sont essentiellement d’ordre politique. Elles ne remettent pas en cause les cloisonnements existants. Le temps a fait son œuvre. Chaque service central conserve ses pratiques administratives et comptables, ses archives, ses particularismes. Pas forcément ses locaux car sur ce plan l’instabilité de la période révolutionnaire et impériale est très forte[53].
        Telle est la situation au début de la Restauration au moment où on reconstitue le ministère des Finances en réunifiant le perception des impôts et la gestion du Trésor. Ni de Baron Louis, ni Corvetto, ni Roy n’oseront prendre des mesures pour réduire les comportements autonomiques des différents services. C’est Joseph de Villèle qui avec l’ordonnance du 4 novembre 1824 franchit le pas et fonde l’unité des services des Finances : les directions financières sont rattachées directement au ministère et l’action de la comptabilité générale et des caisses est unifiée[54]. L’unité de l’ensemble est matérialisée par la réunion de ces services dans l’Hôtel des Finances du Mont-Thabor, rue de Rivoli[55]. Au plan de l’organisation des services ce grand déménagement est un événement majeur.
 
 
Les services centraux des Finances en 1788
 
Synthèse
 
1. Les services généraux du Contrôle général
 Lambert, contrôleur général des Finances, Hôtel du Contrôle général
 Rue Neuve-des-Petits-Champs : Hôtel du Contrôle général (Lionne-Pontchartrain), plusieurs services généraux
 Rue Croix-des-Petits-Champs : Hôtel Lussan, un service du Contrôle général
 Rue du Dauphin : un service du Contrôle général
 
2. Les services du premier commis des Finances
 Gojard, premier commis des Finances, rue Vivienne, Hôtel Tubeuf
 Rue Vivienne : Hôtel Tubeuf, Trésor et Comptabilité,
Adresses diverses dans Paris pour la vingtaine de trésoriers généraux ou trésoriers ainsi que les deux gardes du   Trésor royal
 
3. Les impositions administrées en ferme et en régie
Douet de La Boullaye, intendant, rue du Houssaye
 Rue de la Michodière : administration ministérielle de la Ferme générale et de la Régie générale
 Rue du Bouloi et rue Grenelle-Saint-Honoré : Hôtel des Fermes, (Hôtel Séguier)
 Hôtel de Bullion, Ferme générale
 Hôtel de Longueville, Ferme générale
 Hôtel de Bretonvilliers (Ile Saint-Louis), Ferme générale
 Hôtel de la Régie générale (Hôtel de Choiseul)
 
 4. Le département des impositions directes
Blondel, intendant, rue Sainte-Avoye, Hôtel de la Recette générale
Hôtel de la Recette générale (Hôtel de Mesmes), rue Sainte-Avoye, quartier du Temple
 
5. Domaine et droits domaniaux.
 Bonnaire de Forges, intendant, rue Vivienne, Hôtel de l’Administration des domaines
 Douet de La Boullaye, intendant, rue du Houssaye
Rue de La Michodière : administration ministérielle des droits domaniaux
 Rue Vivienne : administration ministérielle des droits domaniaux, Hôtel de l’Administration des domaines (Hôtel Tubeuf)
 Rue Vivienne : Hôtel de l’Administration des domaines (Hôtel Tubeuf), « Administration générale des domaines et des droits domaniaux »
 
 

[1] Décret du 3 avril 2008

[2] Dominique de La Martinière, « L’évolution des structures de l’administration fiscale », in Histoire du droit des finances publiques, dir. H. Isaïa et J. Spindler, vol. 3, Economica, 1986, pp. 517-532.

[3] Michel Bottin, Histoire des finances publiques, Editions Economica, Paris, 1997.

[4] 1737, incendie du Palais de Justice et perte d’une grande partie des archives financières de l’époque médiévale ; 1793, la Convention ordonne de brûler les registres de l’audience du Sceau conservés dans le couvent des Célestins; 1797, destruction par le bureau de triage des titres des comptes du Trésor conservés dans le couvent des Cordeliers ; 1871, incendie par les Communards du Ministère des Finances et des archives qui y étaient entreposées. Michel Antoine, Le cœur de l’Etat. Surintendance, contrôle général et intendances des Finances, 1552-1791, Fayard, Paris, 2003, pp. 12-14.

[5] François Monnier, « L’administration des Finances au XVIIIe siècle », in L’administration des Finances sous l’ancien régime, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, CHEFF, Ministère de l’Economie et des Finances, Paris, 1997, p. 42.

[6] Bibliographie dans Michel Antoine, Le cœur de l’Etat op. cit.

[7] Henri Legohérel, Les trésoriers généraux de la Marine (1517-1788), Editions Cujas, Paris, 1965.

[8]Françoise Bayard, Le monde des financiers au XVIIe siècle, Flammarion, Paris, 1988.
Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand siècle. Paris, 1984.
Joël Félix,  Economie et finances sous l’Ancien Régime. Guide du chercheur : 1523-1789, CHEFF, Paris, 1994.

Françoise Mosser, Les intendants des Finances au XVIIIe siècle. Les Lefèvre d’Ormesson et le Département des impositions. 1715-1777, Librairie Droz, Genève-Paris.

[9] Compte rendu au roi de mars 1788 et publié par ses ordres, Imprimerie royale, Paris, 1788. Michel Bottin, « Le budget de 1788 face au Parlement de Paris. Novembre 1787-Avril 1788 », in Etat, Finances et Révolution française, Comité pour l’Histoire économique et financière de la France, Paris, Imprimerie Nationale, 1991, pp. 67-79.

[10] Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville. L’administration des Finances à Paris du XVIIIe au XXIe siècle, http://www.budget.gouv.fr/directions_services/cedef/ministere_ville/index-bat.html

 Louis Lurine, Les rues de Paris. Paris ancien et moderne, 2 vol., Paris 1844.

[11] Michel Antoine, Le cœur de l’Etat. op. cit. p. 541.  Decrusy, Isambert, Jourdan, Recueil général des anciennes lois françaises. Paris, 1826-1827, tome 28, p. 357. Voir aussi l’autre règlement du 5 juin  sur le Conseil royal des Finances  p. 354.

[12] Joël Félix, « Les commis du contrôle général des Finances au XVIIIe siècle », in L’administration des Finances sous l’ancien régime,  Comité pour l’histoire économique et financière de la France, CHEFF, Ministère de l’Economie et des Finances, Paris, 1997, pp. 81-102.

[13] Joël Félix, « Les commis du contrôle général des Finances », op.cit., p. 82.

[14]Vida Azimi, Un modèle administratif de l'ancien régime, Les commis de la
Ferme Générale et de la Régie Générale des Aides
, Ed. CNRS, 1987.

[15] Michel Antoine, Le cœur de l’Etat. op. cit. p. 539.

[16] Joël Félix, « Les commis du contrôle général des Finances », op.cit., p. 94 : pour 1789, 14 directeurs ou premiers commis du Contrôle général avec 5 chefs, un sous-chef, 60 commis aux expéditions, 8 garçons de bureau et 4 divers  soit 92 personnes ;   1 premier commis des Finances avec 8 chefs, 35 commis aux expéditions, 4 garçons soit 48 personnes.  On comprend que l’Hôtel du Contrôle général soit trop exigu !

[17] Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit., « Maison du Ministre » Hôtel de Lionne Pontchartrain.

[18] Les Villiers de Terrage ont servi pendant trois générations dans le même bureau en tant que premiers commis, J. F. Bosher, French Finances. From business to bureaucracy, Cambridge UP, 1970, p. 59

[19] Almanach royal, 1788.  p 572.

[20] Bosher, « The premiers commis des Finances in the reign of Louis XVI », French Hist. St., vol. III (1964), pp. 475-474.

[21] J. F. Bosher, French Finances, op.cit. p. 359.

[22] Almanach royal, 1788.  p 569.

[23] Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit.

[24] J. F. Bosher, French Finances, op.cit. p. 207 dit qu’elle est supérieure à l’autre.

[25] J. F. Bosher, French Finances, op.cit. p. 339.

[26] Michel Antoine, Le cœur de l’Etat. op. cit. p. 548 et Almanach royal, 1788.  pp. 571-572.

[27] J. F. Bosher, French Finances, op.cit. p. 211.

[28] Ibidem.

[29] Compte rendu au roi de mars 1788, op.cit, p. 1.

[30] Ibidem, p. 18.

[31]  Ibidem, p. 80; 472M.

[32] Ibidem, p. 577.

[33] Almanach royal, 1788, pp. 580-582.

[34] Ibidem, p. 586.

[35] Ibidem, p. 588.

[36] Partie de la rue J-J Rousseau. Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit.,  Hôtel des Fermes.

[37] Almanach royal, 1788,  p. 588. Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit.,  

[38] Almanach royal, 1788,  p. 585.

[39] Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit., Hôtel de Brettonvilliers.

[40] Almanach royal, 1788,  p. 592.

[41] Ibidem, p. 595.

[42] Ibidem, p. 596.

[43] Ibidem, p. 599.

[44] Compte rendu au roi de mars 1788, op.cit, p. 11.

[45] Almanach royal, 1788, p. 614.

[46] Compte rendu au roi de mars 1788, op.cit, p. 22.

[47] Almanach royal, 1788, 603.

[48]  Almanach royal, 1788, p. 611.

[49] Ibidem, pp. 604 sq.

[50] Ibidem, p. 607.

[51] Ibidem, p. 609.

[52] Ibidem, p. 611.

[53] Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit.

[54] Michel Bottin, Histoire des Finances publiques, op. cit., p.71.

[55] Ministère de l’Economie et des Finances, Un  ministère dans la ville, op. cit. Immeuble construit pour la Direction générale des Postes en 1811 et détruit par incendie pendant la Commune de Paris.
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