Nice port de Piémont
La politique maritime des princes de la Maison de Savoie
1388-1860
 
 
Pour citer : Michel Bottin, « Nice, port de Piémont. La politique maritime des princes de la Maison de Savoie, 1388-1860 », in Le port de Nice des origines à nos jours, Chambre de Commerce et d’Industrie de Nice Côte d’Azur et Acadèmia Nissarda, 2004, pp. 83-101.
 
 
On éprouve toujours quelques difficultés à présenter une histoire maritime de Nice. Un question préalable vient immédiatement à l’esprit. Parle-t-on de Nice ou de Villefranche? La dualité portuaire obscurcit l’analyse. Certains y verront une forme de concurrence et opposeront le sous équipement de Nice et de son incommode plage des Ponchettes aux aménagements de Villefranche et de sa belle rade. D’autres distingueront la fonction militaire de Villefranche et les activités commerciales de Nice. Tous en tout cas souligneront que Nice était dépourvue de port jusqu’au creusement du bassin de Lympia au milieu du XVIIIe siècle.
L’approche est fragmentaire. Replacés dans la perspective historique tous ces éléments se complètent et se réunissent dans un ensemble qui s’étend de la plage de Carras jusqu’à Beaulieu en passant par les criques du Cap-Ferrat. Nice en est le centre parce que c’est là que se trouvent les maisons de commerce et les entrepôts mais chaque lieu du périmètre portuaire a sa fonction propre, au demeurant variable selon les époques: cabotage, gros porteurs, carénage, pêche, marine de guerre, arsenal. C’est le port franc qui marque le mieux cette unité à partir du XVIIe siècle mais au delà toute la politique maritime de la Maison de Savoie pendant cinq siècles éclaire cette volonté de constituer en ensemble portuaire cohérent dont Lympia sera l’aboutissement.
Cette mise en valeur est pour les souverains de l’Etat montagnard, « portier des Alpes », un souci constant. Le bout de côte qu’ils contrôlent fait d’eux des princes méditerranéens. Son intérêt stratégique dépasse ses qualités intrinsèques…à condition qu’il existe un lien entre leurs possessions continentales et cette côte. Il faut pour cela franchir les Alpes, tracer une route dans un environnement hostile. Le port n’a d’intérêt que si une route relie Nice à Turin. C’est là le ressort profond de cette politique maritime. Elle façonne avec constance pendant cinq siècles ce qui fut d’abord un rêve, avant de devenir une réalité, faire de Nice le port du Piémont.
 
Précédents maritimes provençaux
L'histoire maritime de Nice prend naissance dans la politique que développe la Maison d’Anjou en Italie après la mort de l’empereur Frédéric II en 1250. Les comtes de Provence, Charles I puis Charles II, devenus rois de Sicile en 1266, comprirent pleinement les avantages que la rade de Villefranche pouvait leur offrir. Commode base de départ pour leurs galères elle deviendra le point de liaison entre la Provence et leurs possessions de Naples et de Sicile[1].
         Mais au delà de cet aspect hautement stratégique Nice était beaucoup plus que cela. Elle était la porte d’entrée de l’Italie vers la Ligurie et le Piémont, la pièce maîtresse de leurs ambitions politiques au service de la cause guelfe. Nice a tenu une place de choix dans ce rêve de placer sous leur contrôle, à partir de la Provence et des contreforts du Piémont, une alliance capable de supplanter les Gibelins et de repousser la puissance impériale vers l'Allemagne.
         Parmi les premiers aménagements qui traduisent cette volonté politique figure l’arsenal -tercenalis- créé à Nice sur l’emplacement de l’actuel Cours Saleya en 1249-1252. L’équipement est important. Il était placé sous la direction d’un niçois Guillaume Olivari capitaneus, locumtenens hamiralis et gubernator Arsenalis Niciae. Son élément central était constitué par un bassin de carénage couvert communiquant avec la mer par deux passages voûtés. Son existence s’explique sans doute par la présence de charpentiers de marine génois immigrés à Nice dans le contexte de ces incessantes luttes de pouvoir entre Guelfes et Gibelins qui agitent le port ligure. On ne doit pas sous estimer également les ressources offertes par les forêts de la montagne niçoise riches en bois de marine, tant en qualité qu’en facilités d'extraction par flottage.
Actif au XIIIe siècle l’arsenal périclita au XIVe siècle et fut cédé à un particulier qui procéda à d'importantes réparations. Le sénéchal de Provence Raymond d’Agout le cédera à son tour à la Ville mais l’ouvrage retournera au domaine royal en 1383[2]. On notera que l’arsenal de Nice n’offrait pas sur place tous les équipements nécessaires. Le bâtiment une fois construit devait être remorqué dans la rade de Villefranche pour y recevoir son accastillage à l’abri des coups de mer. C’est là un des aspects de la complémentarité des deux lieux. On en rencontrera d’autres.
         A proximité, sous la protection du Château, se trouvait l’anse Saint-Lambert. Beaucoup plus enfoncée vers la ville qu’elle ne l’est aujourd’hui, où elle se confond avec la plage des Ponchettes, elle sert de port à Nice. Elle est à tous les points de vue, proximité de la ville et des entrepôts des marchands, profondeur et équipements fixes, beaucoup plus commode que la plage de Lympia, qui comme les Ponchettes, ne servait qu’à tirer les barques à sec. Une grande tempête, le 15 septembre 1516, bouleversera le lieu le rendant moins propice aux activités portuaires. Il semble que le projet de construire un môle à Saint-Lambert qui datait des derniers temps du Consulat de Nice n’ait jamais été mené à terme et qu’on se contentait d’embarcadères permanents ou provisoires. Lorsque le temps menaçait, les bâtiments se retiraient au fond de la rade de Portus Olivula, bientôt Villefranche. C’est sans doute cette commodité qui a rendu inutile la construction d’un coûteux môle à Saint-Lambert. Cette complémentarité portuaire de Nice et de Villefranche restera une caractéristique de la vie maritime niçoise jusqu’au creusement du port de Lympia au milieu du XVIIIe siècle.
         Ce port, puisque telle est sa fonction, semble avoir connu à l’époque des comtes angevins une activité rayonnant sur toute la Provence orientale. Il apparaît comme le débouché maritime de la voie terrestre qui d’Avignon à Grasse traverse la Provence. Quelques traces, comme l’activité de ce marchand placentin Aubertus Ruphus dans les années 1272-1284 font apparaître les liens que Nice entretient avec les places italiennes[3]. Le commerce du sel en provenance des salins d’Hyères compte parmi les activités les plus importantes du port. La Gabelle du sel y dispose d’un embarcadère permanent et d'entrepôts à proximité. Son activité s’étend au pays niçois et au delà à la haute Provence et au sud du Piémont.
         L’autre grande réalisation angevine fut la fondation de Villefranche par Charles II avec le rescrit de Brignoles du 10 août 1295. L’objectif était de combattre l’insécurité régnant dans le lieu et aussi d’affirmer la souveraineté du comte sur ces confins en favorisant l’installation d’une population grâce à l’octroi d’avantages: exemption de charges à l’exception des gabelles, du droit de rivage et du droit de mer perçu sur la navigation côtière pour en financer la mise en sécurité. C’est à ce prix que la rade de Villefranche devenait l’indispensable complément des infrastructures niçoises.
         L’essor démographique de Nice au XIIIe siècle soutient et traduit cette politique[4]: environ 4000 habitants en 1249, un peu plus de 7000 en 1286, 10200 en 1333, 13500 en 1340 point haut qu’on ne retrouvera qu’à la fin du XVIIe siècle. Vinrent alors la grande peste et son cortège de malheurs. De 1348 à 1400 toutes les reprises seront compromises par des épidémies et des guerres. La ville haute, le Château, en souffrit; la ville basse résista mieux, comme le montrent ces lettres conservées à l’Archivio Datini de Prato où Nice apparaît toujours en relations avec Gênes, la Toscane ou Majorque.
 
Nice, port d’Orient des Savoie
         C’est cette ville aux caractéristiques maritimes déjà très affirmées que convoite le comte de Savoie à l’occasion des difficulté de succession de la reine Jeanne assassinée en 1382. Les prétendants, Charles de Duras et Louis d’Anjou, s’affrontent. Nice est plutôt favorable à Duras, le haut pays plutôt fidèle aux Angevins. Duras pour tenter de maîtriser la Provence orientale nomme Jean Grimaldi seigneur de Beuil gouverneur entre Siagne et Alpes. Mis en difficulté le nouveau gouverneur appelle à l’aide un voisin lointain partisan des Duras, Amédée VII comte de Savoie dit le Comte Rouge. L’opération rapidement menée aboutit au ralliement de la plupart des communautés de la montagne niçoise. Nice fait dédition en 1388.
         La protection offerte par le comte de Savoie était limitée à trois ans. Amédée VII mourut en 1391 sans que les Duras, englués dans les affaires de Naples, aient trouvé les moyens d’assurer leur retour et sans que les Angevins puissent efficacement revendiquer leurs droits. Le 12 novembre 1391 les Niçois prêtaient hommage et fidélité à la Maison de Savoie. La domination deviendra définitive avec le traité signé le 6 octobre 1420 avec la duchesse Yolande. Devenu maître effectif du pays niçois, Amédée VIII, à qui l’empereur Sigismond a donné le titre de duc en 1416, vient visiter Nice au printemps 1420. Sa première décision fut de relancer les activités de l’arsenal. Son activité restera soutenue jusqu’au XVIe siècle. Elle donne au quartier de La Marina l’aspect d’un vaste chantier que l’état actuel de la plage des Ponchettes et du Cours Saleya ne permettent guère d’imaginer. La continuité de l’activité laisse aussi penser qu’il existe à Nice une main d’œuvre qualifiée. Le duc y trouve d’ailleurs les charpentiers navals qui sont nécessaires à sa marine du lac Léman pour ses galères de Chillon et de Ripaille[5].
         La Maison de Savoie, maître d’un petit Etat montagnard, était devenue une puissance méditerranéenne. Le duc en avait-il conscience? Les liens que ces princes entretenaient avec l’Orient méditerranéen et les empereurs de Byzance depuis le mariage de Jeanne fille d’Amédée V le Grand avec Andronic III en 1326 le laissent clairement penser. La Maison de Savoie mène une active politique orientale. Ainsi face aux difficultés que rencontrait le fils de Jeanne, Jean V Paléologue, pour défendre sa couronne, Amédée VI, le Comte Vert, organisa en 1366-1367, une croisade pour secourir son impérial cousin. L’expédition fut marquée par de nombreux combats en mer Noire. C’est donc une famille déjà impliquée dans les affaires méditerranéennes qui prend possession de Nice en 1388. Elle sait très bien que la maîtrise d’un port lui donnera les moyens de son indépendance politique et qu’elle ne sera plus obligée de s’en remettre à Venise ou à Gênes pour mener ses affaires d’Orient.
         La succession de la couronne de Chypre, à laquelle étaient également attachés des droits sur la couronne du royaume latin de Jérusalem, souligne quelques années plus tard encore plus fortement ces ambitions méditerranéennes. Louis de Savoie, fils et héritier d’Amédée VIII épouse en 1433 Anne de Lusignan fille de Janus roi de Chypre. C’est à partir de Nice que se font les voyages des ambassadeurs chargés de négocier l’union. Chypre occupe à partir de là une place importante dans la politique de ces princes[6].
Mais ce ne sont pas là les seules ambitions méditerranéennes des ducs. Leur engagement en faveur du Concile de Bâle les conduit à nouveau à s’intéresser à l’Orient. Amédée VIII abdique en 1434 et cède la place à Louis I. Ces princes sont de fidèles soutiens du Concile de Bâle alors en conflit avec le pape Eugène IV. Le pieux Amédée VIII abdiquera et sera d’ailleurs élu pape par le Concile sous le nom de Félix V en 1439. Espérant tirer parti des liens qui unissaient le nouveau duc Louis I aux Lusignan, le Concile poussa le duc à intervenir auprès de l'empereur et du patriarche pour les inciter à venir à Bâle négocier l’union des deux églises. C’était un des objectifs du Concile. Sans porte maritime l’opération n’aurait évidemment pu se faire. C’est d’ailleurs Nicod de Menthon, gouverneur de Nice, qui fut nommé maréchal du Concile et chargé de l’expédition qui partit de Nice au mois de septembre 1437. Deux des galères de la flotte avaient été construites à Nice. Elles étaient commandées par Jean Grimadi et Théobald Lascaris. L’expédition sera un échec. Le pape Eugène IV, lui aussi à la recherche d’un tel accord, organisa de son côté une expédition. Elle arriva la première à Byzance et revint avec l’empereur et le patriarche à Ferrare où il avait entre-temps réuni un concile dans ce but. L’union se fit en 1439…et Félix V quitta le trône pontifical peu de temps après.
L’Orient toujours, une nouvelle fois à propos de Chypre. Louis I toujours engagé dans les affaires de l'île avait obtenu pour son fils Louis la main de Charlotte de Lusignan héritière du trône. La couronne était en vue pour les Savoie. Mais Charlotte fut évincée de la succession de son père Jean par un frère, fils naturel du roi défunt, Jacques archevêque de Nicosie allié aux Turc et aux Vénitiens. Louis I organisa une nouvelle expédition au départ de Nice en 1461. Ce fut un échec mais la revendication des couronnes de Jérusalem et de Chypre demeurera une préoccupation constante des ducs de Savoie, surtout jusqu’en 1573, date de la prise de l’île par les Turcs.
         La question de Rhodes, siège des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, soumise à une pression croissante des Musulmans, est également un aspect de cette politique. Le duc offre services et protection aux princes qui souhaitent se porter à son secours. Philippe le Bon duc de Bourgogne fait ainsi séjourner une grande nave et deux caravelles à Villefranche en 1441 faisant même construire et armer plusieurs bâtiments- trois galées et une galiote- pour préparer une expédition destinée à secourir l’île assiégée par les Mamelouks. La nave fut radoubée à Villefranche sur une plage protégée - sans doute celle de l’Espalmador, actuellement Passable- permettant de coucher le bâtiment sur l’un puis l’autre flanc pour étaler -espalmer- le brai sur la coque[7].
         Il est également fréquent que les navires de l’Ordre séjournent à Nice. Les chevaliers y font même construire en 1523 une grande caraque à pont blindé, la première du genre. La nau de Rodi comme l’appelèrent les Niçois était haute de six ponts et était manœuvrée par 500 hommes d’équipage[8]. Le grand maître Villiers de l’Isle Adam l’empruntera pour prendre possession de Malte. Tous ces services expliquent que l’Ordre ait choisi de s’établir à Nice en 1527-1529 après la chute de Rhodes et avant son installation à Malte. Dans de nombreuses familles niçoises nobles ce lien donnera naissance à des vocations de chevaliers. On en compte par exemple plus d’une trentaine chez les Lascaris, dont un grand maître, au long de l’ancien régime.
 
L’essor commercial du XVe siècle
         Le commerce a tiré profit de ces intenses activités diplomatiques et militaires. Elles sont d’ailleurs souvent confondues comme le montre l’histoire de la famille Galléan, fleuron du commerce niçois au XVe siècle, armateurs, commerçants, capitaines, corsaires à l’occasion. Un de leurs navires, un des plus grands de l’époque, Le Sainte Marie et Saint Raphaël, fut construit à Nice et lancé sur la plage des Ponchettes en présence d’un grand nombre de spectateurs en octobre 1489. Une partie du financement était d’origine florentine. Leurs succès excitèrent la jalousie des Génois.
Le commerce du sel est un marqueur non équivoque de cette prospérité, parce qu’il est un signe de la pénétration commerciale de nouveaux territoires et qu’il a un effet amplificateur: amélioration des chemins par le gabellier et développement des frets de retour. Le monopole qui avait été affermé 3000 florins en 1404 s’élève en 1440 à 26000 florins. Dans tous les domaines Nice concurrence Marseille pendant tout le XVe siècle. Elle semble en particulier avoir pris de fortes positions auprès des négociants florentins installés à Avignon[9].
         Le duc encourage le commerce par une diplomatie adroite: il tire parti de sa neutralité dans le conflit qui oppose la seconde Maison d’Anjou et la couronne d’Aragon; il rend service au roi de France à la recherche de routes maritimes vers l’Orient; il promet de sécuriser la route côtière dite terratenus, celle qu’emprunte la plupart des bâtiments, toujours à la merci de quelque pirate embusqué dans une crique ou derrière un cap. Les routes hauturières -per pelagus- n’ont pas besoin de protection[10]; elles évitent les pièges de la côte et les navires sont plus gros et mieux défendus. Cette sécurité est un service et a un coût. Si on ne peut attendre grand chose de la part des Génois avec qui les relations sont souvent tendues on peut obtenir du roi de France qu’ il autorise la perception du droit mer de 2% ad valorem dit « de Villefranche » sur les bâtiments français. Des traités sont signés en ce sens avec Charles VII en 1426, avec Louis XI en 1467 puis François I en 1516. Ce sont autant d’assurances fournies par le duc que la route maritime est protégée.
Parmi les signes les plus nets du dynamisme économique et de l’engagement des duc en faveur du commerce figure l’établissement d’une juridiction commerciale comme il en existait déjà dans les plus grandes villes d’Italie. C’est la Ville de Nice qui en fit la demande pour la première fois en 1443. Le duc a hésité face à ce qui était à l’époque une grande innovation juridique, très fortement dérogatoire au jus commune. Il n’accepta d’abord que la seule présence de marchands aux côtés des juges ducaux ordinaires. Les marchands niçois insistèrent en 1446 faisant valoir le rayonnement de la place. Finalement le 28 juillet 1448 Louis I établissait deux juges consuls marchands de première instance élus par le Conseil de Ville et un consul d’appel. La disposition retirait tout le contentieux maritime et commercial aux juridictions de droit commun. Même l’appel était concerné. Le privilège du 15 décembre 1539 précisera qu’en cas de doute sur une question de droit on devait prendre l’avis d’une rota mercatorum composée de juristes et d’anciens juges[11].
         Cette série de mesures, au delà des premières hésitation, éclaire la position de la Maison de Savoie: le duc fait confiance aux marchands jusqu’à accepter que toute la procédure se déroule en dehors de sa justice ordinaire. Ce qui pourrait apparaître normal dans une république marchande comme Gênes l’est moins dans un Etat comme le duché de Savoie aux caractères continentaux marqués. Cette ouverture aux nouveautés du commerce est un aspect essentiel de la politique maritime des ducs.
 
Villefranche port de guerre
Trois événements placent Nice au centre de l’actualité méditerranéenne au cours du long et difficile règne de Charles III (1504-1553). L’installation en 1527, puis le départ deux ans plus tard pour Malte, des Hospitaliers de Jérusalem chassés de Rhodes; le Congrès de Nice entre le pape Paul III, l’empereur Charles-Quint et François I en 1538 qui fit de Nice pendant quelques semaines la capitale de la Chrétienté; le siège franco-turc d’août 1543, celui où s’illustra Catherine Ségurane, dont l’échec marque un premier coup d’arrêt à l’inexorable poussée musulmane en Méditerranée occidentale.
Chacun de ces événements a montré, à sa façon, que Nice ne pouvait assumer pleinement sa fonction maritime sans une amélioration de ses défenses[12]. Les travaux de modernisation du Château qui se succèdent de 1512 à 1539, puis après le siège de 1543, répondent à ces nécessités. La présence du duc qui réside au Château de Nice de 1536 à 1540 a contribué à accélérer cette transformation. Mais c’est surtout une réflexion globale que provoque le siège de 1543: la rade servit alors de base pendant deux mois, du 5 juillet au 8 septembre, à une flotte franco-turque forte de plus de 130 galères ! On ne pouvait protéger Nice sans sécuriser la rade de Villefranche et ses abords. C’est ce que soulignait quelques années plus tard le génois Andrea Doria qui avait contribué à chasser les franco-turcs de la rade dans une lettre adressée à Charles-Quint: il y affirmait la nécessité « d’édifier un fort au port de Villefranche pour tenir non seulement ce dernier mais aussi la cité de Nice ».
C’est à partir de cette constatation que sont définis les nouveaux choix politiques des ducs Emmanuel-Philibert et Charles-Emmanuel I de 1553 à 1630 : fortifier la rade et armer des galères pour faire de l’Etat savoyard une puissance navale. L’effort sera poursuivi avec constance pendant trois quarts de siècle[13].
         L’appui espagnol fut décisif. Les travaux de construction de la citadelle et du fort du Mont-Alban –son indispensable protection par terre- commencèrent en 1557 à partir de quelques ouvrages défensifs préexistants[14] ; le duc Emmanuel-Philibert –alors lieutenant général de Philippe II en Flandre- fit parvenir d’urgence 20 000 écus d’or pour les premières dépenses par l’intermédiaire d’Andrea Provana de Leyni, gouverneur de la citadelle et futur général des galères.
         Mais ces travaux étaient insuffisants. Ils n’assuraient pas la protection de la rade et des abris du Cap-Ferrat. C’est ce que fit apparaître dès l’été 1557 l’attaque d’une demi douzaine de galères turques. Elles parvinrent sans difficulté jusqu’à l’intérieur de la rade et ne rencontrèrent de résistance qu’à l’approche du port situé au fond de celle-ci ; Provana de Leiny y avait disposé trois compagnies qui purent repousser l’attaque.
         C’est dans ce contexte qu’Emmanuel-Philibert prit la décision d’armer des galères ; le financement fut assuré par un impôt, un droit de mer, payé par les usagers de la route maritime côtière et bénéficiant de ces mesures de sécurité: le 2 février 1558 était publié à Bruxelles un édit rétablissant le péage du droit de Villefranche sur toutes les marchandises transitant par les ports ou plages de la côte niçoise ou passant simplement au large et bénéficiant ainsi des nouvelles défenses ; l’affermage de l’imposition rapporta rapidement plus de 8000 écus d’or par an. C’est avec ces revenus que le duc put financer une partie des frais d’entretien de deux galères.
         C’était insuffisant, particulièrement face aux progrès de la course algéroise ; ses raids se multiplient à partir de 1560. On n’a plus affaire ici à des flottes importantes facilement repérables mais à des rassemblements beaucoup plus mobiles dont les seuls objectifs étaient de piller les zones côtières sans défense ou de rançonner la navigation de cabotage. Emmanuel-Philibert faillit lui-même en être victime lors d’une tournée d’inspection du côté de Beaulieu !
 
Les galères d’Emmanuel-Philibert
         La côte niçoise, trop découpée pour être efficacement défendue, restait ainsi malgré la construction de la citadelle et la présence de deux galères un des lieux les plus dangereux de la région. Deux solutions étaient possibles : soit construire une série de tours de défense le long de la côte, soit continuer à armer des galères. Dans les deux cas la dépense était considérable et s’ajoutait aux frais nécessités par la poursuite de la construction de la citadelle. La seconde solution parut plus avantageuse ; l’expérience avait en effet montré aux Espagnols qu’il était préférable d’utiliser des galères en nombre suffisant au lieu de trop fortifier ; leur mobilité permettait en outre de les utiliser à d’autres tâches : soit pour venir en aide à des cités voisines, soit pour participer aux armadas chrétiennes que les Espagnols rassemblaient autour d’eux chaque année au printemps…soit même pour faire du commerce.
Le coût de l’armement de galères supplémentaires pouvait faire hésiter le duc[15]. Une occasion survint en 1560: le duc auréolé de sa victoire sur les Français le 10 août 1557 à Saint-Quentin et grand bénéficiaire du traité du Cateau-Cambrésis le 3 avril 1559 se voyait restituer la totalité de ses Etats… et accorder un certain nombre d’avantages directement ou indirectement liés à son mariage, prévu par ce même traité, avec Marguerite de France, fille de François I; parmi ceux-ci on comptait la cession faite par la France de quatre galères; cette opération entrait dans le plan de limitation des armements français à la fin du règne d’Henri II –le nombre des galères françaises chuta alors de plus de 50 en 1548 à 13 en 1561-. C’est pour les accueillir que le duc fit agrandir la darse de Villefranche, bien protégée par la citadelle et indispensable abri des galères. Celles-ci devenaient ainsi une efficace défense avancée des nouvelles fortifications. L’unité de commandement assurait la cohésion de l’ensemble: Andrea Provana de Leiny, commandant de la citadelle et du fort du Mont-Alban, était nommé général des galères et passait avec le duc le premier contrat de maintenance des bâtiments le 17 mai 1561.
            Emmanuel-Philibertavait fait de la Maison de Savoie une véritable puissance navale. Mais là ne s’arrêtaient pas ses ambitions. Le duc voyait d’autant plus grand que la passion de la mer l’habitait. Il avait vécu à Nice une partie de son enfance et passé des heures à observer du haut des fortifications du Château l’activité des Ponchettes et le va et vient des bâteaux dans l’anse Saint-Lambert. Cet intérêt était connu, comme le montre cette note de l’ambassadeur vénitien Boldu en 1561: «  Il se plaît aux galères et aux questions maritimes ; aussi séjourne-t-il de préférence à Nice ; ses bateaux sont mieux entretenus que ses forteresses ». Son projet était d’armer en permanence dix galères.
         Le duc n’a pas eu les moyens d’atteindre cet objectif très ambitieux. Le nombre de bâtiments variera d’ailleurs en fonction des nécessités. Il ne souhaite pas avoir directement à sa charge de façon permanente plus de trois galères. Les autres sont louées à des capitaines pour une opération déterminée. Cette pratique avait l’avantage de ne pas immobiliser de trop importants capitaux et permettait de s’adapter aux circonstances. Ces renforcements passagers, effectués au gré des événements permettaient ainsi au duc de figurer honorablement au sein des immenses armadas chrétiennes dominées par les galères d’Espagne, de Venise et de Gênes. L’effort financier n’en était pas moins remarquable. C’était presque autant que ne faisaient le pape ou l’Ordre de Malte. A la même époque le roi de France armait une douzaine de galères.
         Ces galères permirent ainsi à la bannière savoyarde d’être présente sur les théâtres d’opérations navales qui après le désastre espagnol de Djerba en 1560 et l’apogée de la puissance turque vont marquer jusqu’à Lépante les étapes de la reconquête chrétienne. Les galères de Savoie participèrent aux côtés des galères d’Espagne, de Malte, du Saint-Siège et de Gênes à la défense d’Oran et de Mers-el-Kebir assiégés en 1563 par Hassan Pacha, à la prise du Penon de Velez sur la côte marocaine l’année suivante, au secours de Malte en septembre 1565 –premier grand échec des Turcs et tournant de la guerre-, contre les galères de Mustapha Pacha, lieutenant de Soliman et les Barbaresques de Dragut.
         Parallèlement elles participèrent, à la demande du roi de France Charles IX et en liaison avec les galères françaises basées à Marseille, à la sécurité de la côte provençale et plus particulièrement à la chasse aux Barbaresques fréquemment embusqués dans les Iles d’Hyères. Inversement les galères de France– qui en raison de l’alliance franco-turque ne participent pas aux concentrations navales chrétiennes - firent plusieurs séjours à Villefranche entre 1560 et 1565; ceci permet d’ailleurs d’expliquer qu’on ait pu concilier l’engagement annuel des galères de Savoie dans les armadas espagnoles et le maintien de la sécurité côtière.
         Des opérations similaires furent menées les années suivantes avec les galères génoises et pontificales sur les côtes italiennes. Sur ce plan il semble bien qu’on ne puisse apprécier l’action des galères de Savoie qu’en liaison avec les marines voisines tant la défense contre les raids barbaresques apparaissait comme une entreprise collective.
         La bataille de Lépante le 7 octobre 1571 est le fait d’armes le plus renommé des galères de Savoie. Quatre galères commandées par Provana de Leiny y furent engagées –La Capitana, la Piemontesa, la Savoyarda et la Margarita. Les chroniqueurs rapportent qu’elles y figurèrent très honorablement; la Capitana surtout qui obtint l’honneur de combattre dans le corps central des galères capitanes, deux places à gauche de la Reale de Don Juan d’Autriche, entre le bâtiment de Colonna, général des galères du pape, et la Capitane de Malte.
         La victoire était décisive. Son écho s’amplifia dans toute la Chrétienté. Partout on fit des préparatifs en vue d’une offensive pour l’été 1573. C’est dans ce climat d’euphorie que furent créés ou restaurés plusieurs ordres de chevalerie parmi lesquels l’Ordre savoisien de Saint Maurice et Saint Lazare. Le duc en était le grand maître. Au mois de mai 1573 il lui confiait deux galères. La résidence de l’Ordre était assignée à Nice; la première réunion générale s’y tint au mois d’avril rassemblant une centaine de gentilshommes. Provana, chevalier, fut nommé capitaine général et Marc-Antoine Galléan luogotenente-ammiraglio; Jacques Galléan et Jean Baptiste Badat étaient les capitaines. Les chevaliers devaient aussitôt prendre la mer mais la signature d’une paix séparée entre Venise et les Turcs fit annuler l’opération. Lépante n’avait pas les suites espérées. L’Ordre dut limiter sa campagne à une longue croisière le long des côtes italiennes mais la présence de tous ces chevaliers de la "Religione di Savoia" à Nice créa une animation durable.
 
 Charles-Emmanuel I prince de la mer
Charles-Emmanuel I poursuivit avec constance l’œuvre de son père: il assura une dotation de 13000 écus d’or aux deux galères de Saint Maurice et Saint Lazare et conserva sous administration ducale directe entre deux et trois galères, non sans difficultés semble-t-il en raison du vieillissement des matériels. La construction de deux galères en 1582 et 1586 permit au duc de remplacer les plus anciennes.
         La croisade était toujours la préoccupation majeure du duc: en 1601, faisant valoir son titre de «roi de Chypre et de Jérusalem», il réclamait à l’Espagne l’organisation d’une expédition en Palestine. L’Espagne écarta le projet. Deux ans plus tard il plaidait pour une nouvelle guerre contre les Turcs et réclamait le commandement de la flotte. En vain. En 1607 un nouveau projet plus précis visait la conquête de la Macédoine et de l’Albanie. Au mois d’août 1608 il envoya une mission en mer Adriatique pour étudier les possibilités militaires. En 1609 il obtenait l’appui du pape. La même année le patriarche de Macédoine réunissait une diète des cinq royaumes placés sous sa juridiction spirituelle, Macédoine, Serbie, Bulgarie, Bosnie et Albanie; on y réclama l’intervention du duc. Toujours en vain. L’Espagne avait d’autres projets.
Les galères de Charles-Emmanuel I servirent également la politique d’extension territoriale de la Maison de Savoie. Elles furent une première fois engagées en 1590-91 en Provence, aux côtés des Espagnols, pour appuyer les prétentions du duc appelé comme «protecteur» par le Parlement d’Aix rallié à la Ligue; on les vit faire des croisières jusqu’à Marseille. Elles furent surtout durablement engagées dans le cadre des guerres de succession du Montferrat à partir de 1612, particulièrement contre Gênes entre 1625 et 1634. Ce conflit correspond à un net renforcement de la flotte, sous l’impulsion d’un seigneur provençal Jean-Ludovic du Mas de Castellane, baron d’Allemagna, nommé général des galères en 1627 à la place du Marquis d’Urfé -frère du poète Honoré d’Urfé d’ailleurs mort à Villefranche au cours de la campagne menée par le duc contre Gênes en 1625-. Plusieurs prises de bâtiments génois –certaines à Gênes même- marquent alors ce renforcement[16].
         Des projets de croisade aux faits d’armes, la politique maritime des ducs alimente ainsi un imaginaire qui nourrit les rêves des nobles savoyards, piémontais et niçois, particulièrement ceux des enfants du duc. C’est un véritable intérêt personnel pour la mer qui porte les rêves et ambitions de ces derniers. Leurs carrières navales en témoignent: entre 1614 et 1619 on les retrouve à la tête de grandes flottes rassemblant Espagnols et alliés. Thomas de Savoie-Carignan commanda même en 1616 une flotte française pour conquérir la Sicile. C’est dans ce creuset d’ambitions maritimes qu’est né, comme on le verra, le projet de faire de Nice le port du Piémont
L’importante place qu’occupe Nice dans la Guerre civile qui oppose entre 1639 et 1642 les partisans de Christine de France veuve de Victor-Amédée I et son beau-frère Maurice de Savoie, les "Madamistes" pro français contre les "Principistes" pro espagnols, donne un éclairage particulier sur cette politique maritime. Lorsqu’en 1639 Maurice de Savoie s’installe à Nice et s’y proclame régent du duché, c’est parce qu’il sait que le débouché maritime lui permettra de trouver un appui espagnol en cas de besoin.
La fin de la Guerre Civile marque la consolidation de l’influence française sur les Etats de Savoie…et le recul des ambitions maritimes. La croissance du commerce marseillais et la montée en puissance de Toulon à l’époque de Colbert font alors de plus en plus d’ombre à Nice et à Villefranche. La Maison de Savoie ne disposera pas des moyens nécessaires pour faire face aux modernisations indispensables, celle des fortifications et celle de la marine à voile. La prise de Nice et de Villefranche par les armées de Louis XIV en 1691 en est en quelque sorte la sanction.
 
La route de Turin
Les ambitions maritimes de la Maison de Savoie sont indissociables de sa politique de contrôle des cols alpins vers Nice. Les ducs se sont pendant longtemps satisfaits de la route franchissant les Alpes au col de Fenestre (2471 m) ou de la Lombarde (2351 m), chemins difficiles que construisaient et entretenaient à grands frais les fermiers de la gabelle du sel, tel dans les années 1430 le gabellier Paganin Del Pozzo qui avait à force d’investissements beaucoup amélioré le chemin de la Vésubie en multipliant ponts et passages en corniche[17]. L’œuvre était considérable, en particulier sur le tronçon Levens-Lantosque par Duranus. C’est par là qu’aurait dû passer la route de Nice en Piémont. Mais Emmanuel-Philibert trouva que les passages étaient trop élevés, enneigés pendant la moitié de l’année. Ses ambitions militaires ne pouvaient plus s’en accommoder. Il fallait trouver un passage plus pratique, plus bas, vers Tende, ou mieux à travers la chaîne ligurienne. Toute la politique territoriale d’Emmanuel-Philibert dans la région est orientée en ce sens.
La situation se débloqua en 1575. Le duc obtint coup sur coup, d’abord le rattachement du Comté de Tende, avec un col à 1908 m, et l’année suivante celui d’Oneglia (Imperia) et de son arrière pays qui communique avec le Piémont par le col de Nava (941 m). Mais les résistances génoises l'empêcheront de contrôler complètement le fief de Pornassio en contrebas du col. L’avenir maritime de Nice s’est peut-être joué là [18]!
C’est donc par le col de Tende que passera la route vers le Piémont. C’est encore Charles-Emmanuel I qui est le promoteur de cette entreprise gigantesque de traversée des Alpes. Les premiers travaux sont engagés en 1610. On commença même en 1614 le percement d’un tunnel sous le col mais face aux difficultés le chantier fut arrêté. Les bourgs et villages desservis sont mis à contribution, à commencer par ceux de la route du col de Braus à partir de l’Escarène. Bientôt on s’attaque aux gorges de la Roya. Le tracé du chemin existant est modifié; la nouvelle route, d’abord muletière, passera à l’écart de Breil, Saorge et La Brigue. On crée même un hameau à Fontan en 1616 pour en faire un lieu d’étape. Gravée en bas de falaise, au fond des gorges, une inscription porte le témoignage aux générations futures de l’ampleur de la tâche et de sa valeur visionnaire: "Unissant les deux versants des monts pour le bien public, l’autorité, l’utilité de l’Italie et de tout le globe, en dépit des précipices qu’il réduisit par le fer et le feu, Charles Emmanuel, XIe comte et IVe duc de Savoie, prince prévoyant, père de son peuple, comblé dans la paix comme dans la guerre, de sa propre initiative, de sa propre science, de ses propres ressources, réalisa cette route royale".
L’entreprise ne fut toujours conduite avec la plus grande constance. D’abord parce qu’on a parfois hésité. La route de la Vésubie a conservé des partisans. Dès 1627 ceux-ci font d’autres propositions, remplaçant le difficile trajet Levens-Lantosque par une variante Contes-Lantosque. En 1681 une opération de mesurage fait apparaître que la route par le col de Fenestre est nettement plus courte que celle du col de Tende, 26218 trabucs contre 34413.
Il restait toutefois un avantage décisif à la route de Tende, elle dessert davantage de bourgs importants capables de financer l’opération, en particulier Sospel deuxième ville de la province. Mais, trop tributaire des participations communales le système de financement est parfois insuffisant. C’est la deuxième raison qui explique les retards. Enfin il reste ce qui est probablement la cause profonde de toutes les difficultés, les impératifs militaires. L’état major, méfiant, a toujours considéré cette route comme une voie possible d’invasion surtout si on transformait le chemin muletier en route carrossable. Malgré cela Victor-Amédée II pouvait à son tour marquer, dans le bronze cette fois, sa participation à l’œuvre souveraine, "taillant le roc, égalisant la cime des monts, jetant des ponts, élevant des murailles". En 1765 le touriste écossais Tobias Smollet pouvait se permettre de faire une "excursion à Turin" en plein hiver pendant son séjour à Nice.
 L’étape finale ne fut réalisée que sous le règne de Victor-Amédée III dans les années 1780 grâce à un changement de politique et à un engagement direct et important des finances de l’Etat[19]. Une série d’aménagements et de travaux d’élargissement rendent alors la route entièrement carrossable à partir de 1788. Thomas Jefferson, à l’époque ambassadeur des Etats-Unis en France, dira avec admiration qu’on pouvait se rendre en voiture « au grand trot, de Nice à Turin, comme si il n’existait pas de montagnes ». « Cette route, jugeait le futur président, est probablement le plus grand travail de cette sorte qui ait jamais été exécuté dans les temps anciens ou modernes »[20]. Restait le tunnel. Les travaux reprirent en 1782. L’entreprise fut arrêtée en 1794 avec la conquête de la montagne niçoise par les Français. A Nice, sur le côté nord de la Place Vittoria nouvellement crée, à peu de distance du port de Lympia, une porte monumentale en forme d’arc de triomphe marquait le départ de la route de Turin
 
 
Le port franc
La route de Tende apporta, dès ses premiers aménagements, des commodités nouvelles. Il n’était plus utopique de penser qu’un jour Nice serait le port du Piémont. Charles-Emmanuel I apparaît encore ici comme un souverain visionnaire lorsque par l’édit du 22 janvier 1612 il crée à Nice et Villefranche un port franc. Intéressé par les récents succès du port-franc de Livourne, le duc avait en effet compris qu’il pourrait tirer d’appréciables avantages d’une politique maritime et commerciale cohérente. L’idée force de cette politique consistait simplement à accorder plus d’avantages que ses voisins immédiats, Gênes et Livourne, pour parvenir à attirer à Nice une partie de leur trafic; l’entreprise avait d’autant plus de chances d’aboutir que Marseille, après avoir connu un processus d’affranchissement assez semblable à celui de Nice, avait perdu depuis le début du XVIIe siècle la plupart de ses franchises[21].
Les mesures prises par les édits de 1612-1613 accordaient un large sauf-conduit -un droit d’asile- en faveur des commerçants étrangers qui viendraient s’installer dans le périmètre du port franc[22] et mettaient en place un système de franchises des droits à l’importation portant particulièrement sur l’exemption du droit de Villefranche. Elles bénéficiaient aux bâtiments gros porteurs, d’une portée supérieure à 500 salmes ou 200 tonneaux, peu habitués à fréquenter ces parages, ainsi qu’aux bâtiments de provenance lointaine, venant « d’au-delà le détroit de Gibraltar, du golfe de Venise et de Barbarie » quelle que soit leur portée. Un sauf conduit général, droit d’asile généreux et peu contraignant, était offert aux commerçants qui viendraient s’installer dans le périmètre du port franc. Ces disposition parurent très vite insuffisantes.
L’extension progressive des franchises de Livourne et de Gênes et leur concurrence croissante contraindront le pouvoir ducal à prendre des mesures supplémentaires : entre 1626 et 1633 une série de règlements étendait les avantages du port franc aux bâtiments de faible portée, habitués à fréquenter les ports et plages du Comté: la franchise des droits à l’importation leur était accordée en cas de vente des marchandises. L’exposition en vente partielle ou totale de la cargaison pendant douze jours permettait également de bénéficier de la franchise même en cas d’absence d’acheteur. Toutes ces mesures étaient applicables dans un périmètre élargi au Cap-Ferrat et en particulier aux criques de Saint-Hospice dont les abords venaient d’être mis en sécurité par le construction d’un très puissant fort[23]. La portée de ces dispositions, qui intéressaient tout le commerce de cabotage, était considérable et cela d’autant plus que l’extrême difficulté des communications par voie de terre faisait le plus souvent préférer la route maritime à l’ancienne voie romaine et au gué de Saint-Laurent-du-Var.
On notera qu’aucune franchise à l’exportation n’était prévue en faveur de ces commerçants et marins; la traite foraine et le droit de 2% restaient imposables… sauf application des privilèges anciens dont bénéficiaient les commerçants niçois. C’est à peine si on acceptait de ne pas percevoir le droit de Villefranche sur les produits achetés pour les besoins personnels des équipages ! Le port franc n’était conçu que pour favoriser les entrées de marchandises, pas les sorties. C’est sur cette question que se manifesteront le plus fortement les tendances évolutives.
Ce n’est en effet que dans une troisième étape, celle des édits de 1652-1658, que fut établie de façon officielle la franchise des droits de traite foraine et de 2% de Villefranche pour les marchandises exportées par le port franc, à l’exception des bois toutefois. Des controverses s’ensuivirent avec les fermiers de la traite foraine. Ce fut l’occasion de définir la nature profonde du port franc. On admit finalement que « l’esprit du port franc », c’est à dire l’interprétation ouverte, sinon laxiste, du règlement, l’emportait sur « la lettre » de l’édit, ce qui fera dire aux consuls de France qu’à Nice « il n’y a pas de douane ».
A ces aspects strictement locaux de la franchise s’ajoutaient des avantages en cas d’importation en Piémont. Une ligne douanière séparait en effet le Comté de Nice et le Piémont depuis la fin du XVIe siècle: la dogana se payait au passage des cols. Les édits du port franc aménageront progressivement le tarif de cette douane pour les produits importés dans le cadre du port franc. La mesure ne s’appliquait que pour la route de Tende. Les exportations piémontaises ne bénéficiaient d’aménagements tarifaires que dans le cas où elles étaient destinées à la consommation niçoise. Celles qui étaient exportées par Nice, par mer comme par terre, n’étaient pas avantagées.
Le dernier règlement du port franc publié en 1749, et resté applicable jusqu’en 1851, prit en compte ces améliorations. Il était complété au plan douanier par un manifeste de la Chambre des Comptes publié en 1755 rationalisant certains mécanismes d’impositions. La mesure visait en particulier à éviter les cumuls d’impositions en cas de transit à travers les Etats de Savoie. Droit de Villefranche dans le Comté de Nice, dace de Suse au passage du Mont-Cenis, transit de la traite foraine en Piémont, et dogana étaient aménagés en fonction des trajets empruntés. La route de Tende faisait partie des itinéraires internationaux permettant de bénéficier de ces droits de transit très favorables. On acquittait un seul droit. Mais là encore le port franc permettait d’obtenir une exonération, particulièrement pour les marchandises introduites par mer à Nice,Villefranche ou Saint-Hospice.
 
Le Consulat de Mer et la tutelle du commerce
C’est pour assurer le bon fonctionnement de cette franchise que fut établie le 1er janvier 1613 une nouvelle juridiction sous le nom de « Magistrat du Consulat de Mer » ; elle était composée de deux juges professionnels compétents pour toutes les affaires de port franc et par extension pour toutes les questions maritimes. Ses magistrats jugeaient sans appel jusqu’à 500 écus d’or. Au-delà l’appel était possible devant le Sénat de Turin puis, à partir de sa création en 1614, devant le Sénat de Nice. Le tribunal de commerce qu’avait créé le duc Louis I en 1448, amputé d’une bonne partie de ses compétences en matière maritime, poursuivait ses activités.
         On ne pouvait cependant laisser fonctionner côte à côte deux juridictions aux objectifs aussi proches, l’une réglant les conflits commerciaux ordinaires, l’autre chargée de faire applique les dispositions du port franc. La réforme du 26 mars 1626 en tire les conséquences : les deux juridictions sont fusionnées dans un Consulat de Mer nouvelle manière, le Magistrato del Consolato generale di commercio e di mare in Nizza sedente [24]: le nouveau tribunal était composée de trois juges professionnels, choisis l’un parmi les conseillers d’Etat, l’autre parmi les sénateurs, le troisième parmi les auditeurs de Chambre des comptes, et de deux consuls élus par la communauté des marchands et appelés à siéger avec voix délibérative chaque fois qu’il était question d’usages commerciaux. La réforme du 18 novembre 1626 ajoutera un ministère public composé d’un avocat fiscal et d’un procureur du commerce. La juridiction disposait d’un pouvoir réglementaire dans toutes les matières commerciales et maritimes: police des professions, surveillance de la navigation, applications réglementaires du droit des prises, organisation des procédures d’exposition en vente, droit de Villefranche.
 D’abord dépendante en appel du Sénat, l'institution se renforcera progressivement. Elle obtint au début du XVIIIe siècle le dernier appel, devenant ainsi une cour souveraine à part entière. Le Consulat de Mer est un élément essentiel de la politique maritime des souverains. Ses magistrats, qu’ils soient sénateurs ou juges en droit ont la lourde responsabilité de trancher les affaires les plus délicates parfois lourdes de complications diplomatiques: interpréter l’intention de vendre d’un marchand désirant obtenir la franchise des droits, juger une prise faite par un corsaire, apprécier l’accueil d’un commerçant étranger banqueroutier demandant le droit d’asile…A tous les points de vue c’est la Consulat de Mer qui exprime cette politique maritime dans le cadre des choix faits par Turin.
Le Consulat de Mer a été modernisé par la réforme du 15 juillet 1750. L’institution produit à partir de cette époque une jurisprudence soutenue et cohérente qui fait apparaître le souci d’asseoir une crédibilité internationale: tutelle du port franc, prises, régulation du droit de Villefranche. Il serait intéressant de suivre ici les pistes que trace Domenico-Alberto Azuni, célèbre maritimiste de la fin du XVIIIe siècle, juge au Consulat de Mer de 1782 à 1792, dans son Dizionario della giurisprudenza mercantile édité à Nice en 1786-1787. L’auteur y embrasse, dans une approche très européenne[25], les diverses applications du droit commercial et souligne les orientations dominantes dans le but affiché d’en former « una disciplina regolare ».
Les critiques répétées des consuls de France en poste à Nice vis à vis de l’institution sont bien connues. La facilité d’accès de ces sources a permis aux chercheurs de les mettre en évidence depuis longtemps, sans doute de façon excessive et en oubliant que ces consuls sont des agents français partisans. Sont particulièrement visés ici, l’octroi du port franc à des personnes parfois poursuivies par la justice de leur pays, les modalités d’exposition en vente des marchandises pour bénéficier de la franchise, les arrestations en mer pour défaut du paiement du droit de 2% de Villefranche, le refus de permettre aux consuls des nations de s’immiscer dans le fonctionnement de la justice locale, la partialité des juges ou encore l’octroi de l’exequatur aux consuls des nations étrangères.
En 1753 le consul de France Jullien, excédé par une série de démêlés judiciaires avec le Consulat de Mer, écrivait : « La justice ne se rend pas ici comme ailleurs et les usages les plus communs et les plus universellement reçus y sont ignorés ». En 1775 son successeur Leusseure reproche lui au Consulat ses exigences en matière d’exequatur ; leurs clauses, trop restrictives, interdisaient tout exercice de juridiction aux consuls des nations étrangères On avait en outre pris l’habitude de rejeter toute immunité pour le personnel diplomatique et on refusait de laisser le consul inspecter les bâtiments bénéficiant du port franc, même battant pavillon français[26]. Ces mesures, conclut le consul, sont des « abus nuisibles au commerce » quand la franchise « tend à y favoriser le mépris des lois, l’impunité des coupables, à exciter la désertion, l’infidélité, le libertinage, enfin tous les genres de crimes que l’Edit du port franc ne proscrit pas, comme vol, vol domestique, recèlement… ».
 
De la Sicile à la Sardaigne
         Le règne de Victor-Amédée II (1675-1730) ouvre, dans sa deuxième partie, un nouvel épisode de cette histoire maritime. Celle-ci commence lorsque le duc devient roi de Sicile en 1713 en application du Traité d’Utrecht. Sa souveraineté sur la grande île lui impose de nouvelles responsabilités. Il crée une flotte de cinq galères et de trois vaisseaux[27]; le rôle militaire de Villefranche s’en trouve considérablement accru. Le corps de la Marina -fusillers marins- créé en 1671 à l’initiative des comtes Lascaris et Grimaldi- est renforcé. Nice apparaît plus que jamais comme le point de jonction des deux ensembles territoriaux.
La situation reste la même après 1720 lorsque, contraint pour des raisons diplomatiques d’échanger sa couronne sicilienne contre celle de Sardaigne, Victor-Amédée II devient roi de Sardaigne. Il conserve une flotte suffisante pour la défense des côtes sardes contres les Barbaresques. Villefranche a tiré profit de cette situation. On y fit d’importants aménagements, une digue brise-vagues, un arsenal, des entrepôts et surtout un bassin de carénage - la forma delle galere- de 62 mètres sur 12. Le bassin était couvert et soutenu par deux rangées de cinq arches. Son entrée était fermée par trois portes, deux pour les quais et celle du milieu pour le bassin, immense arche, œuvre monumentale de pierre et de marbre. La première galère fut lancée en 1739. La forma servit pendant tout le XVIIIe siècle[28].
La marine de Savoie restait en effet attachée, comme par tradition, aux galères. Bâtiments de parade, de garde, de transport à l’occasion elles employaient les services de plusieurs centaines de forçats. La voile avait pourtant déclassé la rame depuis longtemps. La France avait abandonné ce type de bâtiment depuis 1748 et Smollett dans une de ses Lettres de Nice sur Nice en 1764 souligne, dans une description pittoresque, qu’il n’a jamais vu pareil spectacle.
 Un changement de politique navale se produisit avec le règne de Charles-Emmanuel III; en 1763 une commission, réunie à Villefranche, conclut à la nécessité de remplacer les galères par des navires à voiles de haut bord. Pour faire accepter ce qui était pour beaucoup un choix déchirant on fit valoir la possibilité d’utiliser occasionnellement ces bâtiments au commerce. Deux navires furent achetés en Angleterre, un vaisseau le San Vittorio et une frégate le San Carlo. Celle-ci fut remplacée en 1768 par un bâtiment du même type acheté en Hollande C’est pour former ces nouveaux équipages qu’une école de cadets de marine fut créée à Villefranche. On y créa également une école d’artillerie. Les deux établissements étaient placés sous le commandement du savoyard Daviet de Foncenex.
Victor-Amédée III donnera à partir de 1773 une nouvelle impulsion à cette nouvelle marine en achetant deux shooners en Angleterre, la Favorita et le Speditivo. Un deuxième bassin de carénage fut également construit près du Lazaret à partir de 1774 pour construire les futures frégates. La forma de la darse poursuivait son activité; en 1781 deux galères y étaient réparées.
Il apparaissait en effet que cette marine à voiles ne correspondait pas aux besoins de surveillance des côtes, particulièrement des côtes sardes toujours très exposées aux incursions barbaresques. On poursuivit donc la construction des galères sous la forme de bâtiments plus légers et rapides, la mezze-galere: trente mètres de long, quarante rames légères actionnées par un seul rameur, deux grandes voiles latines, trois canons et un fort détachement de soldats de la Marina.
Cette histoire de la marine de guerre de Savoie reste à faire. On ne la connaît guère qu’à travers celle, mieux connue, de la guerre de course: celle faite sous pavillon de Savoie par des Niçois ou des Savoyards ou celle des capitaines anglais bénéficiant de la protection politique de Turin[29].
 
 
Le bassin de Lympia et le nouvel essor du commerce
La fin de la guerre de Succession d’Autriche en 1748, après quatre années qui ravagèrent la province, marque un nouveau départ. Quatre nouveautés significatives, déjà présentées par ailleurs, en constituent les fondements: la publication de l’édit du port franc du 12 mars 1749 qui consolide les acquis antérieurs et restera applicable, pour l’essentiel, jusqu’en 1851, l’édit du 15 juillet 1750 qui modernise le Consulat de Mer, la réforme douanière de 1755 qui réaménage les tarifs et les exemptions et enfin le creusement de la première partie du port de Lympia en 1749 dans la plaine marécageuse située à l’est du Château.
Faut-il voir dans ce dernier apport un élément décisif? Les intéressés, administrateurs ou commerçants, ont toujours lié les difficultés commerciales niçoises à l’absence de véritable port. Un rapport du Niçois Charles-Louis Caissotti, premier président du Sénat de Turin et grand chancelier souligne au début du siècle, et après d’autres, cette impérieuse nécessité. Même s’il ne faut pas sous estimer la complémentarité de Nice et de Villefranche en matière portuaire force est en effet de constater que ce qui n’était pas dans le passé un handicap majeur était devenu, avec la croissance des activités, un vrai problème. Or creuser un bassin n’était pas une opération insurmontable. Pourquoi l’opération n’a-t-elle pas été réalisée plus tôt?
Pendant longtemps Turin à hésité à s’engager, comptant sur un financement local. Or, considérant le faible niveau des capitaux niçois investis au XVIIe siècle dans le commerce, celui-ci était forcément dépendant en bonne partie d’intérêts génois ou marseillais qui n’avaient rien à gagner à encourager une telle initiative. On ajoutera que l’influence française sur le gouvernement de Turin fut assez forte jusqu’en 1713 pour empêcher toute réalisation. C’est sans doute là la cause de l’échec des nombreux projets[30] qui ont vu le jour, tant pour Lympia que pour les Ponchettes, au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle.
La réalisation devenait politiquement possible à partir du Traité d’Utrecht mais l’atonie persistante du commerce niçois la fit repousser. Ici encore l’engagement de Turin fit défaut. Victor-Amédée II fit le choix, comme on l’a vu, de développer le port de guerre de Villefranche plutôt que de commencer la construction d’un port de commerce à Nice. Cette valorisation constante de la marine de guerre est un fait majeur de l’histoire maritime de Nice et de la province. Elle est née de la passion d’Emmanuel-Philibert et de ses descendants pour la guerre sur mer. La noblesse niçoise, même si elle est parfois d’origine marchande, a ainsi davantage recherché les carrières militaires plutôt que les réussites commerciales : on ne saurait compter les nobles ou notables niçois engagés dans la marine royale ou dans celle de l’Ordre de Malte dans des postes de commandement, Alli Maccarani, Peyrani, Guibert, Constantin, Emanuel, Thaon sans parler des anciennes familles comme les Cays, les Gubernatis ou encore les incontournables Lascaris. La fonction navale a durablement concurrencé la fonction commerciale.
Avec le bassin de Lympia commence une nouvelle page de l’histoire maritime de Nice. Les initiatives commerciales se multiplient; elles éclosent pourtant difficilement: l’environnement financier est faiblement porteur et le commerce local ne dispose pas d’une institution représentative puissante du type chambre de commerce même si on voit parfois intervenir dans certains conflits une Università de negozianti della Città di Nizza. La puissance du commerce de Marseille, en plein essor depuis les réformes de Colbert, constitue un véritable handicap. Ajoutons que les guerres de Sept Ans (1756-1763) et de la « liberté des mers » -dite d’Amérique- (1778-1783) ont favorisé une forte activité corsaire préjudiciable au développement d’un commerce paisible.
Le pouvoir politique fait ce qu’il peut pour soutenir l’activité: il encourage, pas toujours avec succès, les projets d’armement et de sociétés de navigation; il autorise l’emploi des bâtiments militaires à des opérations commerciales; il négocie des traités de commerce. L’adaptation aux conditions du commerce international est difficile. Ce n’est que progressivement que les différents responsables comprennent qu’entrer dans le concert des nations commerçantes supposait quelques sacrifices.
C’est à la lumière de ces nouvelles exigences qu’il faut apprécier l’amélioration du fonctionnement du Consulat de Mer et le développement de sa jurisprudence. Mais c’est sans doute la perception du droit de Villefranche qui souligne le mieux les ambiguïtés de la politique maritime de la Maison de Savoie. L’imposition, justifiée par le financement de la défense côtière, faisait peser sur la navigation des contraintes parfois insupportables: contrôle au large, obligation de s’arrêter au port en cas de contrôle approfondi, contestation à propos de la capacité des bâtiments pour l’obtention de la franchise, discussions interminables pour cerner l’intention de vendre dans les cas d’exposition en vente des marchandises. On a vu par exemple des bâtiments nordiques, de capacité requise pour bénéficier de la franchise, rester à quai pendant des semaines voire des mois tout simplement parce que les experts appliquaient des règles de calcul inadaptées à ce type de navire.
Mais ce sont surtout les méthodes du capitaine du garde-côtes et de ses marins qui sont les plus fortement dénoncées à mesure que progresse le principe de la limitation de la mer territoriale à la portée du canon à partir de la côte. Les contrôle et les arrestations à 10 ou 20 miles au large, justifiées par le droit de la mer traditionnel, ne sont plus possibles au regard des nouvelles normes internationales. Les incidents diplomatiques se multiplient. Les marins en arrivent à se méfier de ces parages de crainte de tomber dans les griffes du fermier du droit[31]. Fâcheuse situation pour un pouvoir qui aspire à développer le commerce ! Il est clair que le droit de Villefranche est devenu un handicap majeur.
Avec beaucoup d’intelligence diplomatique les rois s’engagent alors dans une politique d’extinction par rachat de l’imposition. La France racheta la première en 1753 après de laborieuse tractations, l’Angleterre suivit quelques mois plus tard. En 1785 ce fut au tour des Deux-Siciles et l’année suivante du royaume de Danemark-Norvège. L’Espagne racheta en 1791. L'empire préféra négocier des arrangements territoriaux Italie du Nord. Chaque opération fut l’occasion de parler de relations commerciales…et de vanter les avantages commerciaux qu’apportait le nouveau port. Les Génois continuèrent à s’en accommoder.
Peu à peu tout cela porta des fruits. Un groupe d’armateurs apparut. En 1764 Louis Fighiera capitaine de la frégate Le Piémont appartenant à Jean Baptiste Guide fait un voyage aux Indes. Les armateurs Vierne et Veillon font des trajets réguliers à Londres avec leurs bâtiments. Un rapport de 1769 note que « le commerce de Nice commence à fleurir ». Déjà en 1755 un consul de France remarquait que Nice était devenue « l’entrepôt de tous les draps d’Angleterre qui se consomment en Piémont ». Il ajoutait qu’ « il en passe beaucoup en France ». C’est un fait nouveau, l’influence commerciale de Nice touche la Provence. Un observateur constate à la fin du siècle que Nice a « enlevé à la Provence orientale une partie de son commerce et à la ville d’Antibes celui qu’elle faisait ».
Le commerce de Nice vient de prendre un tournant décisif. On ne cherchera pas à faire la part des réformes et celle des investissements. Leurs effets sont imbriqués et démultipliés. Un exemple suffira. Il est illustré par les craintes manifestées en 1785 par les commerçants de Trieste auprès de la Chambre de Commerce de Milan au sujet d’une possible concurrence niçoise sur le marché lombard grâce à l’effet combiné de la route de Tende et des faibles tarifs douaniers[32]. En tenant compte de la distance et des taxes il leur apparaît que la desserte de Milan est devenue plus rentable au départ de Nice.
La réponse la Chambre de Commerce de Milan tempère les craintes des Triestins… ne serait-ce que pour justifier leur refus de leur accorder des compensations tarifaires, mais reconnaît que les marchandises françaises n’auront plus intérêt à passer par Gênes. Toutes ces nuances éclairent la réalité du changement en cours, car comme le notent les transporteurs Barisoni appelés comme experts, « la route de Nice à Turin a été réaménagée de façon louable, certes, mais pas encore rendue toute carrossable ». Que serait le résultat une fois les travaux achevés? C’est peut-être ce qui fondait les craintes des Triestins.
L’entrée des Français à Nice au mois de septembre 1792 met un terme brutal à cette politique. Une autre page s’ouvre, d’abord marquée par la guerre révolutionnaire puis la construction de l’Empire napoléonien. Certes les équipements demeurent, mais ils sont maintenant au service d’une autre politique maritime. Le commerce de Nice passe sous l’influence de Marseille et la fonction militaire de Villefranche s’efface devant Toulon. Gênes avance ses prétentions comme débouché du Piémont. Le développement portuaire de Nice n’est manifestement plus une priorité. Dubouchage, l’avisé préfet des Alpes-Maritimes sous le Premier Empire, notait avec lucidité le changement: "Anciennement tout ce que la France, l’Italie, la Hollande, l'Angleterre et le Nord envoyaient en Piémont, dans le Milanais, dans la Lombardie, passait par Nice et le col de Tende, ce qui donnait au port et au pays de Nice un passage continuel de marchandises".
 
De Charles-Félix à Charles-Albert. La nouvelle politique maritime
La défaite des Sardes face à Bonaparte en 1796 a scellé le sort des Etats continentaux de la Maison de Savoie. Charles-Emmanuel IV signe sa renonciation et se retire en Sardaigne à la fin de l’année 1798. Il y demeurera entouré de fidèles jusqu’à la chute de l’Empire en 1814 pratiquant avec difficulté une politique de neutralité et assurant la défense de l’île contre les incursions barbaresques. Le Villefranchois Gaêtan De May s’y illustra à bord de ses mezze-galere[33].
Après le défaite de Napoléon en 1814 le roi retrouve Turin et ses Etats, mais le traité de Vienne lui offre en juin 1815 un avantage inespéré, le rattachement de la République de Gênes. Cette modification territoriale est un événement majeur dans l’histoire de la politique maritime de la Maison de Savoie. La province niçoise n’est plus la seule porte maritime. Il faut maintenant compter avec la présence du grand port ligure. Pourtant Nice reste protégée. Le slogan piémontais de la Restauration triomphante, Tout coma dinans, "Tout comme auparavant", trouve ici une signification profonde. Il faut oublier les 22 ans de présence française. Seule la restauration de ses privilèges commerciaux, douaniers et maritimes, peut lui rendre son identité. D'ailleurs face aux incertitudes politiques génoises du moment comment ne pas voir en Nice une solution alternative? Nice, la fidélissime, rassurait ceux qui craignaient Gênes la rebelle.
Le manifeste de la Chambre des Comptes du 4 février 1814 portant la liste des nouveaux tarifs douaniers renvoie ainsi pour Nice aux dispositions du port franc de 1749. Les patentes du 4 mars 1818 confirment également le maintient de la ligne douanière sur le Mercantour. Le rétablissement des privilèges et positions administratives est complet. La position de Villefranche est également maintenue en matière d’administration navale. Il n’a pas été question d’intégrer la côte niçoise dans la circonscription génoise; Villefranche restait à la tête d’une des trois circonscriptions maritimes avec Gênes et la Sardaigne. La première place de Gênes était marquée par la présence du Conseil royal de l’Amirauté. En 1824 c’est d’ailleurs un noble niçois, Félix Constantin de Chateauneuf, qui le préside. La situation était assez semblable pour la marine marchande. Si l’administration centrale était établie à Gênes ce n’était pas au détriment de Nice. Le règlement des ports du 24 novembre 1827 divisait les ports du royaume en quatre classes. Nice faisait partie de la première avec Gênes et Cagliari; Villefranche était comprise dans la deuxième avec La Spezia et Savone.
Mais c’est sans doute le rétablissement du Consulat de Mer qui montre le mieux cette volonté de faire de Nice la capitale maritime de la Ligurie occidentale, au détriment même de Gênes. Le ressort du Consulat était étendu à la partie de la Ligurie située entre le Comté de Nice et Oneglia, c’est à dire Vintimille, Bordighera, San Remo et Porto Maurizio, territoires antérieurement génois. Le rattachement judiciaire était d’autant plus remarquable qu’il ne tenait pas compte de la différence des droits appliqués. Or on avait en effet conservé en 1814, pour l’ensemble du territoire génois rattaché à la Maison de Savoie, le Code de Commerce français de 1807 et les tribunaux de commerce établis par les Français. Les tribunaux de Gênes, Chiavari, Savona, Novi, San Remo, Porto Maurizio, continuèrent ainsi à appliquer le droit français pour les causes commerciales. L’appel était porté devant le Sénat de Gênes. Pas pour longtemps. Les patentes du 23 avril 1816 modifiaient les ressorts et précisaient, d’une part que les sentences du Tribunal de commerce de San Remo seraient portées devant le Consulat de Nice, d’autre part que la juridiction de Porto Maurizio serait supprimée et remplacée par le Conseil de Justice d’Oneglia, le tribunal civil ordinaire, dépendant en appel pour les causes commerciales du Consulat de mer de Nice[34].
Le rattachement de Gênes ne semble donc pas avoir modifié la politique maritime traditionnelle. Les activités du port de Nice sont en pleine expansion. Charles-Félix (1821-1831) en ordonne l’agrandissement. Les Niçois reconnaissants dressent un peu partout dans la ville des hommages au roi bienfaisant. Pourtant de plus en plus de nuages assombrissaient l’horizon. A commencer par la critique du port franc. L’institution n’est plus à la mode. Le bref rétablissement du port franc de Marseille avait soulevé des polémiques qui montraient l’inadaptation de ce type de solution dans le cadre nouveau du libéralisme commercial..
Le port franc de Nice-Villefranche-Saint-Hospice était d’autant moins à l’abri des critique que les dysfonctionnements y étaient nombreux: le droit d’asile n’était pas toujours accordé dans des conditions très claires et l’application laxiste du règlement du port franc faisait du Comté de Nice une sorte de zone franche dont les douanes françaises ne parvenaient pas à contrôler les frontières[35]. Smollett, toujours acerbe, disait déjà en 1764 « que le principal commerce de cette localité est un trafic de contrebande pratiqué au détriment de la France ». Le thème est repris par le consul de France Candolles en poste à Nice au début de la Restauration: « La plus grande ressource de la ville de Nice, affirme t-il, est dans la contrebande qu’elle fait sur nos frontières ». A Gênes, et surtout dans les ports de la Riviera de Ponant, à Porto Maurizio, à San Remo, on y voyait une concurrence injustifiée. Leurs marchands adressèrent à partir de 1814, tant à Turin qu’à Paris, un nombre considérable de pétitions accusant les Niçois de commettre des irrégularités commerciales et de favoriser la contrebande. Le commerce des huiles, point fort de l’économie niçoise[36], était particulièrement visé. Les conditions pour que se développe un processus d’altération des franchises se trouvaient ainsi réunies.
Dès 1822, le pays niçois était soumis au régime général en matière de droits d’importation des grains. Certes la mesure n’était pas directement dirigée contre le port-franc de Nice puisqu’elle dépendait d’une décision générale destinée à corriger les variations des prix intérieurs par des tarifs douaniers mobiles; il parut impossible de laisser Nice en dehors de la zone d’application de l’échelle mobile, car en matière d’approvisionnement en céréales la région était trop dépendante des importations piémontaises. Quoiqu’il en soit la mesure fut considérée comme une atteinte aux privilèges locaux, d’autant plus grave qu’elle était la première.
Les mesures suivantes furent par contre directement prises pour restreindre le domaine d’application du port-franc; leurs instigateurs étaient surtout des commerçants génois mécontents des avantages fiscaux accordés aux utilisateurs de la route Nice-Tende. Peu leur importait que le port de Nice bénéficiât de la franchise la plus large pourvu que l’élément concurrentiel, la protection de la route internationale du col de Tende, disparût. Leur puissance commerciale leur assura un rapide succès : dès 1830 la franchise du droit de transit pour les marchandises destinées à la Suisse, l’Allemagne ou l’Autriche et passant par le col de Tende était supprimée. Puis une série de relèvements tarifaires de la douane finissait en 1835 par supprimer tous les avantages que le commerce d’importation en Piémont pouvait trouver en transitant par Nice.
         Comme l’expliquera Hilarion Spitalieri de Cessole, premier président du Sénat de Nice, toutes ces mesures étaient davantage destinées « à placer Nice hors de l’Etat », à éliminer les facteurs les plus directement contraires aux intérêts génois, plutôt qu’à supprimer la zone franche. Sur ce plan-là les franchises restaient largement intactes. L’édit de 1749 servait toujours de référence. Tous les commerçants niçois n’étaient d’ailleurs pas mécontents de la tournure que prenaient les événements. Ceux qui avaient profité entre 1792 et 1814 de l’intensification des relations commerciales avec la France y trouvaient toutes les commodités, particulièrement en matière de contrebande. Seuls ceux qui faisaient du commerce avec le Piémont ou la Ligurie étaient défavorisés. Il y avait là une perversion profonde de la politique maritime traditionnelle.
 
Tout devait changer après 1849. Les profondes réformes politiques intervenues cette année-là dans le royaume de Sardaigne dans le cadre du Statuto devaient entraîner une remise en question décisive des rapports politiques existant entre le comté de Nice et Turin: l’établissement d’un parlement bicaméral muni de larges pouvoirs devait en effet faciliter les entreprises des adversaires du régime de faveur. Il ne serait plus possible désormais de défendre les privilèges locaux, comme cela avait été fait jusque-là, par simple requête adressée à un prince protecteur. L’avenir des franchises était lié à la volonté d’un Parlement dont la Chambre des députés ne comptait que cinq représentants de la province de Nice isolés au sein d’une assemblée de plus de deux cents membres. Le nouveau cadre constitutionnel n’offrait que de très faibles moyens de défense; par contre, les critiques des représentants ligures devaient évidemment y trouver l’accueil favorable de tous ceux, et ils étaient nombreux, qui considéraient que toute reconnaissance des disparités les plus marquantes était contraire au principe dominant de l’Unité.
La réforme du régime douanier fut donc aussitôt mise à l’ordre du jour; elle fut réalisée en deux étapes, d’abord à l’automne 1851 par la suppression du port-franc, puis au début de l’année 1854 par le report, la ligne douanière, établie depuis le XVIe siècle sur les crêtes du Mercantour, à la frontière du Var-Estéron. La suppression du Consulat de Mer est la dernière étape de cette politique de normalisation. L’institution avait pourtant résisté vingt ans plus tôt aux projets de réforme du gouvernement de Prospero Balbo. Elle avait même résisté à la poussée libérale de 1848 et à la publication du Statuto  de Charles-Albert. La promulgation du Code de Procédure civile en 1854 lui donnait le coup de grâce Son fonctionnement contredisait sur trop de points le nouveau code. Le 19 mars 1855 le Consulat de Mer de Nice était supprimé et remplacé par un simple tribunal de commerce
         Ainsi prenait fin ce régime de faveur particulièrement durable, produit du temps et des circonstances les plus favorables. Les protestations furent vaines. La lapidation au port de Nice par les Niçois mécontents de la statue de Charles-Félix, le roi bien-aimé, montre l’ampleur du mécontentement. Son doigt brisé ne montrait plus le port. C’était tout un symbole. Le port-franc était devenu un mythe politique porteur de prochains bouleversements. Les partisans du rattachement à la France y puiseront bientôt leurs arguments les plus convaincants.
 
 
 
 
 


[1] A. Compan, « La politique navale des deux premiers Angevins. 1246-1309 » in Provence Historique, 1953, pp. 30-47.
[2] E. Cais de Pierlas., La Ville de Nice pendant le premier siècle de la domination des princes de Savoie, Turin, 1898, pp. 212-214.
[3] P.L. Malausséna, « Commerce et crédit à Nice à la fin du XIIIe siècle », in Nice Historique, 1970, p. 70
[4] A. Venturini, « L’évolution urbaine de Nice du XIe siècle à la fin du XVe siècle » in Nice Historique, 1984, pp. 3-26.
[5] C. Tixi, « Una marina dimenticata. Appunti per la storia della flotiglia sabauda del Lago di Ginevria », in Bollettino dell’ Associazione italiana di documentazionz marittime e navale, 1991, pp.36-42. L’histoire a retenu parmi ces constructeurs le nom de Laurent Dental appelé par le duc à Thonon en 1671 avec une équipe de charpentiers niçois pour y rénover sa flotte. Dental est l’inventeur de ce qu’on appelle « la barque du Léman ». Sur la carrière de Dental, Catalogue de l’exposition La barque du Léman, une invention du XVIIe siècle, Exposition préparée par Paul Bloesch, Musée du Léman, Nyon, juillet 1994-octobre 1995.
[6] C. Tixi, « Le origini della marina sabauda. Appunti per la storia politica navale sino al ducato di Emanuele Filiberto», in Bollettino dell’ Associazione italiana di documentazionz marittime e navale, 1995, pp. 7-15.
[7] J. Paviot et D. Tailliez « Une escale bourguignonne à Villefranche en 1442 » in Nice Historique 1999, pp. 45-55.
[8] F. Brun, « Un nouveau cuirassé construit à Nice en 1523 » in Nice Historique 1898.
[9] G. Duby, « Société et civilisation dans le pays niçois à la fin du moyen âge » in Annales du Centre Universitaire Méditerranéen, Nice, 1960, pp. 49-62.
[10] M. Bottin, « Les développements du droit de la mer en Méditerranée occidentale du XIIe au XIVe siècle » in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, XII, 1983, pp. 11-28.
[11] H. L. Bottin, « La juridiction commerciale à Nice au XVe siècle » à paraître dans Recherches Régionales et contrées limitrophes.
[12] M. de Candido, « La défense du littoral niçois dans la première moitié du XVIe siècle » in Nice Historique 1999, pp. 3-11.
[14] M. de Candido, « Le fort saint-Elme et le port de Villefranche » in Nice Historique, 1999 pp. 25-35.
[15] M. Bottin, « Les galères de Savoie au XVIe siècle », Aarcheologia, n° 1145, août 1980, pp. 28-33.
[16] G. Po., « I fasti della marineria nizzarda », in Nizza nella Storia, , Garzanti, 1943, pp. .337-381
[17] L. Imbert, « Routes de Nice en Piémont du XVe au XIXe siècles » in Nice Historique 1938 et « La route et le col de Tende dans l’histoire » in Nice Historique 1948.
[18] M. Bottin, « Genèse d’un espace administratif régional : Nice.1560-1614 », Recherches régionales Côte d’Azur et contrées limitrophes, 1992, pp. 2-12.
[19] M. Ortolani, Tende 1699-1792. Destin d’une autonomie communale, Menton, 1994, p. 140 sq.
[20] J. L. Fontana, « Real Strada. La route royale de Nice à Turin » in L’Alpe, fev. Mars, avril 1999.
[21] M. Bottin, « Port-franc et zone franche : les franchises douanières du pays niçois » in Cahiers de la Méditerranée, n° 18, juin 1979, pp. 37-49.
[22] J-M Bessi, «  Les étrangers et le port franc » in Nice Historique, 1972, p. 17-32.
[23] Il fut détruit par Louis XIV en même temps que le Château de Nice. Une madrague, immense piège à thons, a pu être établie dans la baie de Saint-Jean grâce à cette protection. L’entreprise a fonctionné jusqu’au XIXe siècle. J-Y. Coppolani, « La madrague de Saint-Hospice » in Mélanges Roger Aubenas. Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, XII, 1983, pp. 213-227.
[24] M. Bottin « Le Consulat de Mer de Nice », Cahiers de la Méditerranée, n° 18, juin 1979, pp. 55-63 et « Le Tribunal de Commerce de Nice. Notes et réflexions à propos d’un anniversaire » in Nice Historique 1998 pp. 111-119.
[25] Par exemple pour la faillite. Cf., M. Carlin, « Le Consulat de Mer, juridiction commerciale niçoise à la fin du XVIIIe siècle », in Procédures collectives et droit des affaires, Mélanges Adrienne Honorat, Paris, ed. Frison-Roche, Paris, 2000.
[26] A-N. Emanuel, « Les démêlés du consul de France Le Seurre avec le Consulat de Mer », in Nice Historique, Nice, 1914.
[27] C-A Gerbaix de Sonnaz, « I Savoiardi ed i Nizzardi nella marina da guerra di Casa di Savoia dal 1300 al 1860 », in n° spécial de FERT. Bolletino dell’Associazione oriundi Savoiardi e Nizzardi italiani, 1914. On peut également consulter à la Bibliothèque de Cessole, Palais Masséna, Nice, dans les Papiers Nicot de Villemain, un ensemble de notes sur la marine de la Maison de Savoie du XVIe au XIXe siècle.
[28] M. de Candido, « Villefranche, port de la Maison de Savoie. Le bassin des galères. La forma delle galere » in Nice Historique 1999, pp. 37-43.
[29] L. Lo Basso, In tracia de’ legni nemici. Corsari europei nel Mediterraneo del settecento, Philobiblion ed., Ventimiglia, 2002 et M. Bottin, « La course sous pavillon de Savoie dans le Golfe de Gênes en 1793 » in Rivista di Storia del diritto italiano, 1993, pp. 75-107.           
[30] L. Thévenon, Du Château vers le Paillon. Le développement urbain de Nice de la fin de l’Antiquité à l’Empire, Serre ed., Nice, 1999, pp. 231 sq.
[31] M. Bottin, « Gestionnaires ou corsaires ? Les fermiers du péage maritime de Villefranche. XVIIe-XVIIIe siècles » in Actes du Colloque De Jacques Cœur à Renault. Gestionnaires et organisations, P.U. Sciences sociales de Toulouse, 1995, pp. 93-102.
[32] H. Barelli, « Le commerce de Nice vu de Milan à la fin du XVIIIe siècle » in Nice Historique 1998, pp. 125-129.
[33] M. Bottin, « Le général Gaëtan De May, corsaire du Reale Marina.1759-1827 », Cahiers de la Méditerranée, n° 55, 1997.
[34] G-S. Pene Vidari, « Ricerche sulla giurisdizione commerciale negli Stati sabaudi (1814-1830 », in Bolletino storico-bibliografico subalpino, 1978, p. 436-566 
[35] M. Bottin, « Un commerce parallèle : La contrebande niçoise du XVIIe au milieu du XIXe siècle » in Annales Méditerranéennes d’Histoire et d’Ethnologie juridiques, 1976-1977, pp. 3-36.
[36] O. Vernier, « Commerce de Nice », in Nice Historique 1998, pp. 138-149.
 
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