Louis XVI. Chemins de découverte. 2e série

  

 
 
 
     La Révolution du Roi    
                                                                         
         Chemins de découverte à travers les réformes       
               du règne de Louis XVI                 
                                                                                          
2e série
 
 
            « Retour d’un astre au point d’où il était parti » (Littré). C’est dans ce sens que j’emploie le terme révolution pour qualifier le mouvement de réformes du règne de Louis XVI, particulièrement dans les années 1787-1788. Un retour aux formes originelles des institutions de la France. Une vaste réforme des institutions publiques qui s’emploie à corriger les dysfonctionnements et les archaïsmes dont souffre l’organisation des pouvoirs publics. On appelle communément cela « la Pré Révolution française ». Je préfère parler de révolution du roi. J’aurai l’occasion de m’en expliquer.
            La question mériterait un ouvrage. Une histoire institutionnelle de la période, sorte de contrepoint  au maître livre de Jean Egret, La Pré Révolution française. 1787-1788, PUF, 1962. Mais sans doute le moment d’engager un tel travail n’est-il pas encore venu. Plusieurs réformes sont mal, ou insuffisamment, éclairées. J’ai donc choisi une approche différente. Elle emprunte, sans plan préétabli, des chemins qui serpentent à travers les réformes du règne. Le contraire de ce qu’on fait habituellement face à ses étudiants !
 
SOMMAIRE
Le magistrat et le frère du roi [I]
Les remontrances du 11 avril 1788[II]
Pauvres parlements ! [III]
Les Assemblées des chambres du Parlement de Paris …[IV]


[I] 10 mars 2013
Le magistrat et le frère du roi
 
         Les magistrats du Parlement de Paris connaissent bien l’histoire d’Angleterre. Cet incident survenu entre le Comte d’Artois et Pierre-Augustin Robert de Saint-Vincent, un des chefs de file de l’opposition à la réforme fiscale, en témoigne. La scène se déroule au Parlement 2 juillet 1787 dans le cours des débats sur l’extension des droits de timbre. Le Comte d’Artois, frère du roi, défend le bien-fondé de la réforme. Cet impôt est une bonne mesure, affirme-t-il ; d’ailleurs il en existe un semblable en Angleterre et il fonctionne très bien. La réponse de Robert de Saint-Vincent est cinglante. Il n’est pas question de comparer avec l’Angleterre et, puisqu’on est dans la comparaison, il convient de rappeler que les Anglais ont « détrôné sept de leurs rois et coupé le coup au huitième ». Une manière de rejeter toute comparaison ou une menace déguisée ? En tout cas le frère du roi le prend très mal, hausse le ton, s’énerve et invective l’Assemblée. Robert, à nouveau, le rappelle à l’ordre : «  Si Monsieur n’était pas le frère du roi, la Cour devrait décréter sur le champ et le faire descendre à la Conciergerie pour avoir manqué de respect à l’Assemblée ». La Pré Révolution a commencé.
         En ce qui concerne la référence historique, le compte est bon ! Les rois concernés sont : Edouard II, assassiné, Richard II, probablement assassiné, Henri VI, déposé, Edouard IV, en fuite, Henri VI de nouveau, cette fois assassiné, Edouard V, assassiné, Charles I exécuté, Jacques II, en fuite.
 
[II]2 octobre 2012
Les remontrances du 11 avril 1788
 
         « La liberté publique, attaquée dans son principe, le despotisme substitué à la loi de l’Etat, la magistrature enfin, réduite à n’être plus que l’instrument du pouvoir arbitraire, tels sont les grands et douloureux objets qui ramènent votre Parlement aux pieds du trône. Etc … ». Il faut lire ces remontrances du 11 avril 1788 . Elles portent une véritable leçon de droit constitutionnel. Et c’est au roi qu’elle est adressée !
         Ces remontrances sont le résultat du travail des commissaires nommés par le Parlement le 22 novembre 1787 pour protester, d’une part contre l’illégalité de l’enregistrement du 19 novembre -en présence du roi !- d’un très important emprunt quinquennal, et d’autre part contre les sanctions touchant le duc d’Orléans et deux conseillers. Au cours de l’Assemblée des chambres du 23, le Parlement adopta la protestation contre les sanctions mais pas les remontrances contre l’illégalité de la séance du 19.
         On n’en parle plus dans les mois qui suivent. Puis, soudainement, le l1 avril, le premier président annonce que les commissaires ont terminé leur travail, que le texte a été présenté devant chaque chambre et que l’Assemblée des chambres peut en délibérer. Le texte est approuvé. Cinq mois plus tard donc ! Pourquoi ?
         On ignore à peu près tout du débat interne qui s’est développé durant l’hiver. On sait simplement que nombreux étaient les magistrats favorables au statu quo. Une remise en question de l’emprunt aurait pu fragiliser la situation des emprunteurs. Le ministère avait gagné. Mais le feu couvait à l’intérieur du Parlement.
         On n’en saura pas plus sur cette question, mais faute de pouvoir éclairer la genèse du texte, on peut toujours en faire l’analyse. Ces remontrances sont décisives sur deux plans :
         1. Elles durcissent le débat constitutionnel. Isabelle Brancourt, dans deux publications récentes, a signalé l’importance de la séance du 19 novembre dans le processus de maturation de ces questions constitutionnelles : «  "C'est légal parce que je le veux". Loi et constitution dans le face à face du roi et du Parlement à la fin de l'Ancien Régime ». Les remontrances du 11 avril sont au cœur de ce débat.
         2. Elles remettent en question la légalité de l’emprunt et donc hypothèquent la levée de la deuxième tranche prévue à l’automne. Loménie de Brienne ne peut plus espérer présenter un budget 1789 en équilibre. Toute sa politique est remise en cause. Pour éclairer cette question j’ai mis en ligne mon étude sur « Le budget de 1788 face au Parlement de Paris ».
         La transgression du 11 avril est donc doublement inacceptable, au plan constitutionnel et au plan budgétaire. Le ministère doit au plus vite trouver une solution de remplacement. Puisque le Parlement est entré dans une opposition radicale, il faut confier ses pouvoirs d’enregistrement à une autre institution. La Cour plénière, jusque-là simple menace, devient réalité.
 
 
[III]29 septembre 2012
Pauvres parlements !
 
         Ils avaient défendu les libertés individuelles et politiques, bataillé inlassablement contre les lettres de cachet, proclamé les droits de la Nation, réclamé les Etats généraux, dénoncé le despotisme ministériel… La Nation aurait dû leur témoigner sa reconnaissance et le Peuple son attachement. Mais c’est tout le contraire qui s’est produit.
         Leur légitimité constitutionnelle fut d’abord contestée par les légistes du Conseil. Tout dans les premiers siècles de l’histoire de France montrait que les parlements avaient usurpé leur statut de conseil légal du roi. La mise en place de la Cour plénière fut le couronnement de cette remise en cause. Puis, avec la convocation des Etats généraux, l’offensive se déplaça sur le front de la représentativité de la Nation. Les parlements, impuissants à faire reconnaître une fonction qu’ils remplissaient pourtant depuis des siècles, sortaient du débat constitutionnel. Laissant derrière eux une fâcheuse réputation.
         Les 23 pamphlets anti parlementaires que présente Frédéric Bidouze dans une récente publication racontent cette descente dans les enfers de la mémoire historique. « Haro sur les parlements ! ». En moins de trois années, la critique, directe ou insidieuse, gagne en intensité, érode le capital de confiance des cours, bouscule les positions séculaires. Les parlements perdent leurs soutiens populaires. Leur réputation bascule : institutions factices, bastions de privilégiés, parasites politiques. C’est cette image qui nous vient à l’esprit encore aujourd’hui.
         Cette inversion brutale n’est pas le résultat d’un débat historique et constitutionnel organisé et rationnel. Elle a été préparée par les pamphlets eux-mêmes. Le recueil de Frédéric Bidouze incite ainsi à la réflexion. Nous aurions donc une connaissance « pamphlétaire » des parlements. Leur histoire terminale aurait été façonnée par un journalisme d’opinion, certes adroit et intelligent, mais passionné et peu objectif. CQFD donc. Il faut revenir aux réalités historiques. Et poursuivre l’entreprise de réévaluation institutionnelle et politique. Comme ici par exemple.
 
[IV]15 septembre 2012
 
 Les Assemblées des chambres du Parlement de Paris réuni en Cour des pairs
 11 avril-7 mai 1788
 
         Plus d’un siècle après sa publication, le recueil des remontrances du Parlement de Paris de Jules Flammermont présente toujours le même intérêt. On y trouve, outre les remontrances, les supplications, les réponses du roi et de nombreux arrêtés. Flammermont a extrait tout cela des archives du Parlement de Paris, principalement des procès-verbaux des Assemblées des chambres. Il n’a pas retranscrit ces P-V. L’entreprise eût été insurmontable. Et peut-être pas vraiment utile. Ces procès-verbaux sont répétitifs et formalistes. Leur lecture est difficile. A la différence des remontrances, des arrêtés, des discours et des interventions du roi marqués au sceau de l’éloquence politique. Ajoutons que ces P-V abordent les questions les plus diverses, judiciaires ou administratives, souvent très éloignées des préoccupations politiques.
         Cela suffit-il à reléguer les procès-verbaux des Assemblées des chambres au rayon des sources accessoires ? Peut-être pas. Ces P-V permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la Cour. Ils éclairent le débat : procédure, incidents de séance, travail des commissaires, vote, assiduité des magistrats et des pairs, etc. On peut estimer que, pour les périodes les plus cruciales au moins, ils sont une source directe irremplaçable. Ils permettent de compléter ou de corriger les informations des gazetiers et des nouvellistes.
         C’est pour montrer ce qu’on peut trouver dans un P-V d’Assemblée des chambres que j’ai publié l’an dernier celui du 22 juin 1787 . Je poursuis l’entreprise, mais cette fois avec une série d’Assemblées des chambres. J’ai choisi la période qui conduit aux Edits de mai, du 11 avril au 7 mai 1788. La confrontation entre le roi et le Parlement est tendue, émaillée de prises de position sur les questions constitutionnelles les plus essentielles. On y trouve quelques-uns des plus grands textes de la période pré révolutionnaire et du débat constitutionnel. Tout cela méritait d’être replacé dans le cadre des Assemblées des chambres. J’ai donc retranscrit l'intégralité de ces 11 P-V en insérant, sous la forme de liens hypertextes, ce qui a été publié par Flammermont. C’est mieux qu’un roman. Mais attention, ça ne se lit pas comme un roman. Bonne lecture.  
 
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