Mini-chroniques
 
 

 

Mini-chroniques

septembre 2012-mai 2013

 

 
 
De septembre 2012 à mai 2013, j’ai publié dans un blog éphémère une trentaine de mini-chroniques sur les questions les plus diverses. On y trouve aussi des notes destinées aux étudiants, quelques humeurs et un peu de publicité sur mes activités de chercheur. Je ne me souviens plus pourquoi j’ai arrêté. Peu importe, mais je ne m’interdis pas de recommencer. Voici ces mini-chroniques.
PS : elles sont évidemment, et malheureusement, altérées par l’érosion des liens hypertextes. Pourquoi certains organismes effacent-ils aussi facilement la mémoire de leurs sites ?
 
30 mai 2013
A la Conciergerie, l’art contemporain éclaire l’histoire !
 
       La Conciergerie attire les expositions d’art contemporain. Il est vrai que l’écrin est superbe. Il éclipse même les œuvres exposées. Pourquoi alors transformer le monument en lieu d’exposition ? Parce que, expliquent les concepteurs, les œuvres exposées apportent un supplément de compréhension, voire une autre façon de visiter le monument. La lecture du dossier de presse de l’exposition actuellement en cours,  Demeure(s) : histoire et mémoire, vous aidera à comprendre ce cheminement intellectuel.
       On trouve ainsi des œuvres d’art dans tout le bâtiment : dans l’immense salle des Gens d’armes mais aussi dans la salle des Gardes, dans les cellules, dans la chapelle. Le visiteur ordinaire, perplexe, s’interroge sur le sens de tout ce déballage d’objets. D’autant qu’il est venu pour visiter le monument et qu’il comprend très rapidement qu’il se trouve dans un lieu complètement hors normes, peut-être le plus chargé d’histoire de Paris. Bref l’exposition ne l’aide pas à comprendre. Il a même l’impression qu’elle parasite la réalité historique. Et si cet art contemporain qui se présente comme un défi à la connaissance n’était qu’un simple déni de connaissances ?
 
5 mai 2013
Le plus beau campus d’Italie
 
       «Avete il campus più bello d'Italia ». C’est  Romano Prodi, l’ancien président du Conseil, qui s’exclame ainsi devant l’architecture du nouveau campus turinois qui accueille depuis la rentrée 2012 près de 10000 étudiants, des juristes, et aussi des économistes et des politistes. Voyez la galerie de photos pour comprendre la réaction de Prodi.
        Mes collègues ne perdent pas au change! Ils quittent les locaux qu’ils partageaient depuis une quarantaine d’années avec les sciences humaines et sociales. Ils y gagnent des équipements exceptionnels. Il faut voir par exemple les bureaux des professeurs, surtout ceux qui dominent l’immense atrium circulaire qui sert de hall d’accueil.
       Le campus est situé au bord de la Doire, à dix minutes à pied de Via Po et de Piazza Castello. Un campus ultra-moderne pratiquement en centre-ville. On lui a donné le nom de Luigi Einaudi, un Piémontais, économiste renommé et président de la République de 1948 à 1955. 
 
27 avril 2013
Le président du conseil général était-il une potiche ?
 
        Avant 1982, bien entendu. Chacun sait en effet que la loi du 2 mars 1982 a transféré l’exécutif départemental du préfet au président du conseil général. Il y a donc un avant et un après 1982 dans l’histoire de cette présidence. Après 1982 le président exerce le pouvoir. Avant il n’a aucun pouvoir. La présidence est honorifique et le président transparent. C'est ainsi qu'on présente les choses. Le préfet fait tout.
       Les études sur les présidents du Conseil général des Alpes-Maritimes,ici et ici, menées conjointement par le Laboratoire ERMES  et l’Acadèmia Nissarda, éclairent la question autrement : le président du Conseil général  y apparaît comme un acteur majeur de la politique départementale. Il coordonne le travail du conseil ; il collabore avec le préfet ; il travaille avec les services extérieurs de l’Etat; il effectue des démarches dans les ministères. Bref, il participe pleinement à l’exécutif départemental. Cet exécutif est donc bicéphale. Le préfet exerce un pouvoir exécutif de gestion. Le président exerce un pouvoir exécutif de direction.
       Cela remet en question la présentation des anciens manuels et traités de droit administratif qui n’accordent même pas une ligne à la présidence du conseil général. C’est dans cette littérature là que s’est forgé le mythe de la présidence potiche. On y a développé une interprétation centraliste de l’administration départementale, conforme à l'esprit de l'époque. C'était le temps où on ne pouvait pas être à la fois bon républicain et partisan de la décentralisation. Parce qu'un républicain décentralisateur c'était, au moins un peu, un girondin.
 
21 avril 2013
Les Alpes de la mer
 
            Les « Alpes maritimes », sans trait d’union et sans majuscules à « maritimes », forment la région qui s’étend sur les Alpes du sud, côté français et côté italien, de la vallée de l’Ubaye à la mer. Les Italiens la nomment « Alpi marittime » ou « Alpi del mare ». Les Français, bloqués par l’appellation départementale « Alpes-Maritimes », n’ont pas la même perception de cet espace.
       Cet espace a son historien : Pierre Gioffredo, un érudit de la fin du XVIIe siècle. Sa monumentale « Storia delle Alpi marittime» avait toutes les qualités pour devenir la matrice d’une grande histoire régionale. Cela n’a pu se faire, pour des raisons linguistiques faciles à comprendre. L’œuvre de Gioffredo est ainsi restée à peu près inaccessible au grand public. Une traduction était indispensable. Hervé Barelli a entrepris il y a une dizaine d’années de traduire la Storia et son complément géographique, la « Corografia  ». L’entreprise a abouti en 2006-2007. Chacun peut maintenant accéder à cette histoire des Alpes de la mer.
       La Storia et la Corografia formaient les premiers volumes d’une collection de sources, « Les grands textes du patrimoine ». Hervé Barelli a poursuivi par d’autres publications de textes traduits. Trois nouveaux volumes ont paru en 2010-2012. On y trouve de nombreux textes originaux traduits et commentés. Plusieurs ont servi à Gioffredo pour sa « Storia ». C’est une nouvelle manière de pénétrer dans l’histoire des Alpes maritimes. Ces sources sont particulièrement riches. J’ai pensé qu’il était utile d’en publier la liste. Vous trouverez ici les tables des matières de ces ouvrages
 
14 avril 2013
Joseph Raybaud et la recentralisation technocratique
 
       Les décrets du 14 mars 1964 réformant l’administration du territoire sont aujourd’hui bien oubliés. Ils marquent pourtant une étape majeure de la recentralisation technocratique entreprise par la république gaullienne. C’était l’époque où l’on croyait aux vertus du Plan. L’ENA était en pleine maturité et on enseignait dans les facs de droit une matière de « Grands services publics et entreprises nationales ». « Une aristocratie de la compétence technique » -l’expression est d’André Siegfried- venait de prendre le pouvoir.
       Les élus locaux ont organisé la résistance contre ces décrets. Voici le témoignage de Joseph Raybaud. Il est à l’époque président du Conseil général des Alpes-Maritimes.
 
13 avril 2013
Idées fausses sur la région
 
       Les régions européennes sont, pour la plupart, des régions historiques, souvent à forte identité : Piémont, Saxe, Vénétie, Aragon, Bavière, Catalogne, etc. Ce n’est pas le cas de la plupart des régions françaises. Pourquoi ? Tout simplement parce que celles-ci ont été inventées de toutes pièces en 1956. Il fallait, à l’époque, créer un cadre territorial pour organiser la planification. Les régions françaises sont une invention des technocrates.
       Mais il y a mieux. Savez-vous par qui et comment ces régions ont été découpées ? Par une commission d’experts ? Dans le cadre d’un processus législatif ? Après consultation des socio-professionnels ? Rien de tout cela. Tout le travail a été fait, en solitaire, chez lui, par un jeune énarque, Serge Antoine. Muni de deux ou trois consignes, il a tracé le contour des régions à partir des circonscriptions administratives spécialisées, justice, eaux et forêts, mines, armée, etc. Serge Antoine a reproduit ces découpages sur des calques. En les superposant il obtenait un trait plus ou moins épais. Le plus épais devenait le contour de la région ! C’est Madame Antoine qui tenait les calques sur une vitre de la fenêtre du salon !
       Vous ne me croyez pas ? Regardez cette courte vidéo.
                Encore un mot. A la fin de la vidéo, Serge Antoine et le journaliste font une comparaison avec les régions des autres pays d’Europe. Ils expliquent que les difficultés des régions françaises viennent de leur petite taille. Pour la taille, c’est archi faux :
16 régions en Allemagne pour 357000 km², soit une moyenne de 22000 km².
20 régions en Italie pour 301000 km², soit une moyenne de 15050 km².
15 régions en Espagne pour 505000 km², soit une moyenne de 33600 km².
21 régions en France pour 550000 km², soit une moyenne de 26100 km².
 
9 avril 2013
Régime d’examen L1
 
       Vous avez choisi la matière en U3. L’épreuve écrite est de deux heures et porte sur trois questions, que vous voudrez bien traiter dans l’ordre : 10 points, 6 points, 4 points.
       Si ce n’est pas le cas, vous passez la matière en U4. L’épreuve écrite est de trois heures et porte sur une dissertation à choisir entre deux sujets proposés, deux sujets de cours. Selon le règlement vous saurez une semaine avant l’examen si c’est cette matière qui a été choisie ou bien une autre parmi celles de l’U4.
Rappel : le plan est ICI
 
8 avril 2013
Les trois dernières heures de cours L1 sont en ligne
 
       Nous avons cours mercredi prochain salle 401. Autant dire qu’il n’y aura probablement pas de place pour tout le monde.  Voici une solution qui peut intéresser certains d’entre vous : les trois dernières heures sont en ligne .  Il s’agit du premier chapitre de mon cours de 2e année. Il fera très bien l’affaire. Tenez compte de ces trois remarques :
. Ne vous intéressez qu’aux deux premières sections. La troisième section, sur la réforme de juin 1787, ne fait pas partie de notre cours.
. Considérez que ce que vous avez là est plus développé que ce que je fais en cours.
. Le plan, dans le détail, est un peu différent de celui du cours. C'est sans importance pour le fond.
 
2 avril 2013
Plan complet
 
Le plan du cours d’histoire du droit et des institutions est ICI
 
26 mars 2013
Sur l’autre versant de l’histoire
 
       A propos de ma conférence du 23 sur « Gaëtan De May, corsaire du roi au temps de la Révolution ». Courte bio du héros du jour :
       Gaëtan De May (1759-1827), originaire de Villefranche, Comté de Nice ; officier de marine et officier de fusiliers marins ; école navale à Villefranche et sur la frégate San-Carlo ; sert en Sardaigne comme commandant de galère de 1780 à 1792 ; de mars 1793 à avril 1794, « amiral » de la flottille corsaire qui contrôle les côtes ligures et coupe les approvisionnements des troupes françaises stationnées à Nice ; participe à la bataille des Alpes contre les Français d’avril 1794 à avril 1796 comme major d’infanterie ; commande le bataillon de « La Marina » en Sardaigne de 1798 à 1814 ; promu en même temps général et capitaine de vaisseau pour avoir efficacement défendu l’île contre les Barbaresques ;  forme et commande de 1814 à 1820 le bataillon d’artillerie de marine stationné à Gênes ; commandant militaire et représentant du roi de Sardaigne auprès du prince de Monaco de 1820 à 1827.
       55 ans service ! 55 ans de fidélité à la Maison de Savoie. A servi sous cinq rois, de Charles-Emmanuel III à Charles-Félix.
       L’autre versant de l’histoire. L’histoire de ceux qui ont ouvert le champagne le 18 juin 1815.
 
20 mars 2013
C’est Le Nôtre qui va être content !
 
       Bon anniversaire Monsieur Le Nôtre. Je parle au présent parce qu’à travers vos jardins vous êtes toujours vivant. Le quatrième centenaire de votre naissance sera dignement fêté. Sachez toutefois que les gérants du château vous préparent une drôle de surprise. Votre bosquet du Théâtre d’eau va être restauré … à la sauce contemporaine : de nouvelles espèces, des fontaines de perles dorées, des « structures en tôle », etc. On n’en sait pas plus parce que le projet est « top secret ».
       Jusqu’à maintenant le squat de l’art contemporain à Versailles se limitait à quelques expositions plus ou moins permanentes, en tout cas amovibles. Avec votre nouveau bosquet c’est du définitif. Et on ne pourra pas compter sur les effets d’une tempête du type de celle de 1999 parce que le paysagiste a prévu des arbres de taille moyenne. Mais je sais que vous allez protester en haut lieu parce que vous vous doutez que ce n’est qu’un début et qu’on va bientôt s’attaquer à d’autres bosquets. Et parlez-en aussi à Monsieur de La Fontaine ; il apprécie vos jardins; et il a déjà écrit une fable sur le sujet. Celle du geai .
 
15 mars 2013
La théorie des deux corps du roi
Shakespeare professeur d’histoire politique
 
       La théorie des deux corps du roi repose sur la dualité corporelle du roi à la fois personne physique et personne surnaturelle, à l’image du Christ vrai homme et vrai Dieu. Le corps physique est soumis à toutes formes de dégradations, l’incapacité, la maladie, la mort. Le corps mystique est parfait et seul capable d’incarner le royaume. La métaphore a fait son lit dans la guerre civile des Deux Roses puis a connu un développement populaire sous les Tudor. On ne se contente plus alors de distinguer les deux corps, on les dissocie, on les oppose jusqu’à les rendre irréconciliables. Les Puritains utiliseront ainsi la métaphore pour condamner Charles I au nom de Charles I.
       Le thème du « King’s two bodies » traverse une grande partie de l’œuvre de Shakespeare : Richard II, Jules César, Hamlet, Le roi Lear, etc. Une grande leçon d’histoire politique. Les amateurs écouteront certainement avec plaisir cette conférence de François Ost .
       Il reste deux questions :
1    Comment expliquer que cette théorie n’ait pas pas connu de développement en France alors que les deux royautés sont très proches ? On remarquera que les Français ne se sont intéressés à la question qu’après la publication du maître livre d’Ernst Kantorowicz en 1957, The King’s two bodies. A Study in Mediaeval political theology. Ou plus exactement après sa traduction en 1988. Soit 31 ans plus tard, alors que la question touche au fondement métaphysique de l’Etat en Europe !
2     Ceci permet-il d’expliquer la violence politique anglaise ? L’élimination du souverain au nom de ce qu’il devrait-être est une constante de l’histoire anglaise : de 1377 à 1688, soit en trois cents ans, sept monarques -sur vingt !- ont été démis, assassinés ou exécutés. 
 
4 mars 2013
Traçabilité historique
 
        Les rois maudits (1955-1977), le roman historique de Maurice Druon, fait partie des chefs d’œuvre du genre. De la fin du miracle capétien aux signes avant-coureurs de la Guerre de Cent ans, l’immense fresque ressuscite l’histoire de Philippe le Bel et de ses descendants. Je fais partie de ceux qui ont appris l’histoire de la période dans cette œuvre. Pour les besoins de mon cours d'Histoire du droit et des institutions j’ai  voulu relire le tome 1, Le roi de fer. J’avais sous-estimé la difficulté! Lire pour le plaisir était une chose. Relire pour y puiser des éléments de connaissance est autre chose. La fiction et la réalité sont trop bien cousues ensemble. Druon a bien du talent ! Où est le vrai ? Où est le faux ? Je m’en suis finalement remis au magistral Philippe le Bel  de Jean Favier.
       Cette anecdote ne met pas en cause les vertus initiatrices du roman historique. Elle en illustre les risques et pose une question : le romancier de l’histoire doit-il signaler au lecteur les libertés qu’il prend avec la vérité ?
 
 28 février 2013
Quasi allodial: réflexion sur la nature du droit féodal français
 
       Quasi allodial. Cette expression cache une bombe à retardement. Elle est employée par les parlements français pour qualifier la situation juridique des droits et biens féodaux. Ceux-ci sont considérés, presque, comme des alleux, c’est-à-dire des biens ordinaires, librement transmissibles et aliénables. Pourtant les biens et droits féodaux ne sont pas assimilables aux biens et droits ordinaires puisqu'ils sont "tenus" d'une autre personne. Ainsi, en refusant de reconnaître la spécificité de ce système de concessions, les parlements travestissent le droit féodal. Et surtout ils empêchent la régulation du régime féodal par le roi. Cette position interdit pratiquement toute possibilité de retour à la Couronne, toute suppression des archaïsmes, toute sanction du seigneur. Ceci éclaire les dérives du régime féodal français au XVIIIe siècle.
       Il en va autrement ailleurs en Europe, là où du moins on applique les principes des Libri Feudorum. On n’y confond pas les biens ordinaires et les biens féodaux. La dévolution du fief est commandée par les clauses de l’investiture et le souverain a toujours la possibilité de réguler le droit féodal par la voie règlementaire ou par la voie judiciaire.
       Les Etats de Savoie offrent un bon exemple de ces pratiques : ici  sur les aspects fiscaux et domaniaux , là sur les aspects jurisprudentiels  .
       Question subsidiaire : pourquoi les principes des Libri Feudorum n’ont-ils pas été appliqués en France ?
 
 21 février 2013
Divagation uchronique: hommage à Louis XIV
 
       Visitez la crypte archéologique de Nice .  Dans la catégorie fortifications c’est exceptionnel. On y suit toutes les transformations des remparts de la ville, du moyen âge à la fin du XVIIe siècle. Ces fortifications sont de plus en plus épaisses et avancées. J’en tire une réflexion. Si Louis XIV n’avait pas ordonné la démolition des fortifications niçoises, celles de la forteresse et celles de la ville, toute la plaine niçoise aurait progressivement été couverte de bastions. La ville ressemblerait à un vaste camp retranché. Les servitudes militaires auraient été multipliées … et Nice ne serait jamais devenue une destination touristique. L’histoire d’Antibes éclaire la question. Les contraintes militaires y ont empêché le développement du tourisme jusqu’aux années vingt ! Louis XIV est donc celui qui a permis la mutation touristique de Nice. En signe de reconnaissance on pourrait ériger sa statue –équestre bien entendu- sur une belle place de Nice. Pour l’épitaphe il faudrait faire simple : « A Louis XIV, la Ville de Nice reconnaissante » irait très bien.
 
  18 février 2013
Viterbe: l'autre Avignon
 
       Quand l’actualité de l’élection du successeur de Benoît XVI rencontre le cours de cette semaine sur la réforme de l’Eglise.  Un conclave pourquoi faire ? Pour empêcher que l’élection ne s’éternise et pour favoriser l’action de l’Esprit-Saint. L’idée en revient aux habitants de Viterbe excédés par le peu d’empressement des cardinaux à trouver un successeur à Clément IV. Près de trois ans après sa mort en 1268 l’élection n’était toujours pas faite ! La population décida d’enfermer les électeurs dans une salle de réunion et d’en démonter le toit « afin de permettre aux influences divines de descendre plus librement sur leurs délibérations ». Grégoire X fut élu le jour même.
       Pourquoi Viterbe ? Cette ville du Latium, à une centaine de kilomètres au nord de Rome, est au XIIIe siècle un des lieux de résidence du gouvernement pontifical. Rome n’est plus une ville sûre : manigances aristocratiques, influences impériales et protestations populaires s’entremêlent au risque d’anéantir les bénéfices de la réforme grégorienne. Le pape choisit donc de s’installer là où il est protégé. Ainsi sur les  30 élections  pontificales de la période 1181-1370 sept seulement ont lieu à Rome, contre cinq à Pérouse, cinq à Avignon, cinq à Viterbe et huit en divers lieux. 
 
15 février 2013
Chaptal et le fluide électrique
 
       « Le préfet ne connaît que le ministre, le ministre ne connaît que le préfet. Le préfet ne discute point les ordres qu’on lui transmet : il les applique, il en assure et surveille l’exécution » … « Le préfet essentiellement occupé de l'exécution transmet les ordres au sous-préfet, celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages ; de manière que la chaîne d'exécution descend sans interruption du ministre à l'administré et transmet les lois et les ordres du gouvernement jusqu'aux dernières ramifications de l'ordre social avec la rapidité du fluide électrique » ... 
       Le texte est connu. Il est de Chaptal, le grand chimiste. « Orateur du gouvernement », il défend devant le Corps législatif la loi du 28 pluviôse an VIII sur la nouvelle administration territoriale. Quelle fougue centralisatrice ! On comprend qu’il ait été nommé ministre de l’Intérieur quelques mois plus tard. Quant à la métaphore du fluide électrique, il fallait oser ! Personne n’a jamais aussi parfaitement illustré la centralisation idéale.
       L’intervention complète de Chaptal est ici, dans les Archives parlementaires. Le texte –pas facile à dénicher sur le web- mérite une lecture complète. On y trouve, au-delà de cette envolée centralisatrice, une excellente analyse de la loi de pluviôse.
 
3 février 2013
l'ordre féodo-seigneurial et le légendaire arthurien
 
         « Féodo-seigneurial ». L’adjectif composé est chargé ! Il cumule les altérations politiques les plus profondes : le fractionnement de l’autorité et l’enchevêtrement des liens personnels. C’est en tout cas ainsi qu’on présente communément les choses dans un cours d’histoire du droit et des institutions. De façon plutôt téléologique. Comme un signe de l’avènement inéluctable de l’Etat. Il faudrait peut-être prendre son temps et s’arrêter un moment sur cette préhistoire politique faite de fidélités, d’honneur et de batailles. Il faudrait entrer dans ce monde féodo-seigneurial pour prendre la mesure de sa vitalité, de son « ordre » et de son expansion. Toute l’Europe occidentale est concernée par cette matrice politique.
       Peut-être faut-il prendre le cours à contrepied. Je suggère aux amateurs de légendaire de suivre la piste tracée par Chrétien de Troyes. Par exemple avec cette étude, p. 26, qui dresse un parallèle entre le roi Arthur et Louis VII. Et pour ceux qui connaissent déjà « bien » la légende arthurienne grâce à la série-télé Kaamelott, voici un utile complément . La visite guidée est ici .
       En attendant voici le plan du titre 2  du cours de première année.
 
2 février 2013
Les Etats de Savoie et la mer
      
       Une conversation avec Luca Lo Basso, le directeur du Laboratoire « di storia marittime e navale » de l’Université de Gênes, m’a permis de constater combien mes publications d'histoire maritime étaient éparpillées … et parfois peu accessibles. Qu’à cela ne tienne ! J’ai récupéré la plupart d’entre elles et je les ai mises en ligne. Vive le web !
 
28 janvier 2013
Epoque franque
 
    J’emploie environ six heures, sur les trente heures de mon cours de première année, pour traiter les institutions de l’époque franque. Six heures pour cinq siècles. On peut trouver que c’est beaucoup, voire trop. Mais comment expliquer la formation de l’Etat en France sans d’abord présenter ce formidable trou noir étatique qu’est l’époque franque ? L’histoire qui commence à la chute de l’Empire romain en Occident est totalement imprévue et déroutante, à la fois lourde de menaces et riche d’avenir. Elle mérite bien ce détour. Voici le plan du titre I .
 
22 janvier 2013
Pour gagner du temps. Tocqueville a-t-il raison ?
 
       Les cours étaient de 33 heures. Avec le nouveau contrat quadriennal ils passent à 30 heures. Il faut donc soit amputer soit survoler pour gagner trois heures. Pour mon cours d’ « Administration territoriale de la France du XVIIIe siècle à nos jours » j’ai choisi de survoler le début du cours, le chapitre dans lequel je présente l’état de l’administration de la France à la veille de la Révolution.
            Mais comment comprendre la centralisation révolutionnaire, le fameux principe d’unité et d’indivisibilité, si on n’est pas correctement entré dans les pratiques de l’ancien droit public ? Voici donc, à titre de remplacement ce  premier chapitre du cours, « Autonomies locales et pouvoir royal. XVIe-XVIIIe siècles ». A lire consciencieusement dès maintenant si on veut comprendre quelque chose à ce qui se passe à partir 1789. La Révolution a-t-elle poursuivi la centralisation commencée sous l’Ancien Régime ? Il est de bon ton de répondre par l’affirmative. Alexis de Tocqueville a, dans « L’Ancien Régime et la Révolution », exposé avec intelligence les linéaments de cette continuité. On en a tiré une vulgate qui a pénétré notre culture juridique et qui fait autorité. Ce chapitre de cours ouvre le débat.
 
15 janvier 2013
"Les liens de l'Histoire du droit". Petite mise à jour
 
       Je remets toujours à demain la mise à jour de la rubrique «  Les liens de l'histoire du droit ». Elle date de mars 2009. Et depuis il y eu des changements dans les revues, les portails et les blogs : liens brisés, disparitions, créations. En attendant, je signale deux blogs d’informations sur les publications et les colloques :
       Le premier est déjà très bien connu des chercheurs : il s’agit de Nomôdos. Ses archives remontent à mars 2009.
       Le second est moins fréquenté par les chercheurs français. Il s’agit du blog de la  European Society for Comparative Legal History (ESCLH). Il publie depuis février 2010. Ce blog , expliquent ses concepteurs, « was born out frustration with the narrow nationalism and geographical segregation of legal history in contemporary European scholarship and professional organisations ». Je fais remarquer qu’il suit l’actualité du ius commune. Il publie depuis février 2010.
       Enfin, il faut signaler que l’indispensable blog de Paolo Alvazzi del Frate, « Storia giuridica francese-Histoire juridique française », a changé d’adresse depuis l’automne 2012. Il est maintenant ici : http://storiagiuridicafrancese.weebly.com/ . On y trouve aussi ses archives 2008-2012.
 
10 décembre 2012
Collegium jurisconsultorum niciensis
 
       Le  site  web de la Faculté de droit a été entièrement refait. On y apprend dans l'historique  que les études supérieures de droit à Nice remontent au XVIe siècle. C’est plutôt ancien pour une jeune Faculté.  Roger Aubenas , jadis professeur d’histoire du droit dans cette Faculté, a jeté les bases de cette histoire. Il y a une cinquantaine d’années. Il faudrait poursuivre. Mais les sources d’archives sont minces. Il reste la solution biographique. Où les juristes niçois, les sénateurs en particulier, ont-ils fait leurs études de droit ? A Nice, à Turin ou ailleurs ?
 
2 décembre 2012
Oui, je sais, ça n’a rien à voir avec le droit français !
      
       Pour mes étudiants de Master 2, cours de Jus commune . Comme suite à la discussion de la semaine dernière, voici une définition, complexe mais à peu près complète, du jus commune :
- Le jus commune est un droit effectif ;
- Fondé sur le droit romain tel qu’il est exprimé par les compilations de Justinien ;
- Complété dans les matières ecclésiastiques et spirituelles par le droit canonique ;
- Etendu aux matières féodales sur la base des Libri feudorum ;
- Adapté par la jurisprudence des docteurs jusqu’au XVIe siècle puis par celle des grands tribunaux ;
- Et appliqué en combinaison, supplétive ou subsidiaire, avec les jura propria.
       Donc, vous voudrez bien réfléchir sur les trois propositions suivantes :
Le jus commune n’est pas un droit savant mais un droit effectif.
Le jus commune est différent du droit romain.
Le jus commune n’est pas un droit unique mais un droit commun.
       Oui, je  sais, ça n’a rien à voir avec le droit français.
 
20 novembre 2012
Réécrire l’histoire du droit de la mer
      
       Le colloque organisé il y a quelques jours par Anne Brogini et Maria Gazhali sur « Les formes d'encadrement des rivages en Méditerrannée» m’a donné l’occasion de me replonger -si on peut dire- dans  l’histoire du droit de la mer. J’en ai profité pour :
1 Mettre en ligne une ancienne étude sur la mer territoriale au moyen âge
2 Ouvrir dans le site une rubrique Histoire du droit de la mer
       Ma communication portait sur « La mer côtière en Méditerranée occidentale : réalités géographiques et encadrement juridique, moyen âge-XVIIIe siècle ». Un sujet très voisin de celui abordé en 1983. En apparence du moins. Parce qu’entretemps j’ai découvert le jus commune et que cela change la perception des choses. Il n’y a pas d’un côté un droit de la mer légitime, celui de la liberté, et de l’autre un droit de la mer illégitime, celui de la territorialisation de l’espace marin par le riverain. Cette approche manichéenne ne correspond pas à la logique du jus commune et de ses combinaisons avec les jura propria.
 
20 novembre 2012
Saint-Jean-d’Angély
      
       Le colloque mentionné ci-dessus se déroulait sur le campus Saint-Jean-d'Angély  dans le bâtiment d'état-major rénové, de l’ancienne caserne de Riquier. Etonnant pour une Université cette installation dans une ancienne caserne. Plus étonnant encore, le campus a pris le nom d’une des casernes du lieu, Saint-Jean d’Angély, nommée ainsi en l’honneur d’Auguste Regnault Saint Jean d’Angély, maréchal de France. Y a-t-il en France un autre campus qui porte le nom d’un militaire ?
       Moins anecdotique. La rénovation du quartier a entraîné la disparition des casernes. Il n’en reste plus que quelques vestiges. J’ai l’impression qu’il en est de même pour la mémoire. Un petit tour sur le web et en bibliothèque donne des résultats décevants. On n’y trouve même pas la liste des casernes. J’espère me tromper. Si c’est le cas dites-le-moi.
Un dernier mot. Ce campus est laid. J’espère qu’il est fonctionnel
 
31 octobre 2012
PRIDAES VI
      
        PRIDAES  poursuit sa route. Le sixième colloque s’est tenu à Nice du 25  au  27 octobre sur le thème « Intendant et intendance en Europe et dans les Etats de Savoie. XVIIe-XIXe siècles. Le programme a été préparé par Marc Ortolani, Karine Deharbe et Olivier Vernir. 43 communications ! De quoi réactiver la recherche sur une institution  apparemment bien connue.
 
30 octobre 2012
PRIDAES VII
 
       Le 7e colloque international du PRIDAES se tient à Lyon les 17 et 18 octobre 2013. Thème : "États de Savoie, Églises et institutions religieuses : des Réformes au Risorgimento". L’appel à communications est  ICI
 
24 octobre 2012
Usus modernus Pandectarum
 
       Pour les étudiants de M2 : voici le manuel de droit romain dont j’ai parlé en cours à propos de l’usus modernus Pandectarum : Mackeldey, Histoire des sources du droit romain, 1846, mais notez que la première édition allemande est de 1814. Pour ceux qui sont pressés, les développements sur le droit romain en Allemagne sont à partir de la page 117. Mais prenez tout de même le temps de feuilleter.
 
2 septembre 2012
Du nouveau sur le Parlement de Paris
 
       J’ai mis en ligne les  onze procès-verbaux  des Assemblées des chambres du Parlement de Paris du  11 avril  au  7 mai 1788. Ces textes complètent et éclairent les remontrances publiées par Flammermont au début du siècle dernier. Il faut lire aussi les trois billets de la Chronique. Ceci dit, il reste une question. Qui a eu l’idée d’arrêter Duval d’Eprémesnil et Goislard de Montsabert, dans l’enceinte même du Parlement, en pleine nuit, après avoir fait boucler le quartier par un régiment de gardes françaises ? Loménie de Brienne ou Lamoignon ? Le roi est-il dans le coup ? J’ai peut-être trouvé une piste dans les Mémoires de Louis XVIII. A suivre.
 
 
 
 
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