De la Constitution civile du Clergé à la loi de séparation de 1795
 
Histoire législative du principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat
 sous la Révolution française
 
 
 
 
Pour citer : Michel Bottin, « De la Constitution civile du Clergé à la loi de séparation de 1795. Histoire législative du principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat sous la Révolution française », communication au colloque de novembre 2004 organisé à Nice par la Commission du Centenaire de la loi de 1905 du Diocèse de Nice. Mis en ligne sur Michel-Bottin.com en 2012
 
 Sommaire
I  L’Eglise absorbée par l’Etat devient une administration publique 1790-1795
L’intégration financière
La « mise à la disposition de la Nation » des biens ecclésiastiques 
La perte de l’autonomie
L’intégration administrative
Le sort du clergé religieux
La Constitution civile du Clergé et la fonctionnarisation du clergé séculier
Le problème du serment civique
Vers la rupture
II L’Eglise rejetée par l’Etat devient un groupement privé 1795-1799
Le processus de séparation
La défense ambiguë de l’Eglise constitutionnelle
Vers la loi de séparation du 21 février 1795
Le processus de destruction
Une liberté du culte sous surveillance
Les espoirs de l’« Eglise gallicane »
L’offensive anti catholique après Fructidor
Conclusion
 
Le Centenaire de la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 a été l’occasion, en France mais aussi ailleurs, de multiples commentaires tant sur la loi elle-même et sur son application que sur les développements actuels et futurs. On s’est pourtant peu intéressé à l’étude des origines de cette loi, ou plutôt à ses racines révolutionnaires. C’est là une histoire connue dira-t-on et déjà abordée par les auteurs d’histoire religieuse depuis le milieu du XIXe siècle[1]. Faut-il s’en tenir à cela ? Deux raisons peuvent justifier un retour à ces fondements : d’abord parce que cette histoire religieuse de la Révolution française sert le plus souvent à éclairer le Concordat de 1801 plutôt que la loi de 1905 ; ensuite parce que cette histoire se présente avant tout comme une histoire politique ; les aspects juridiques sont estompés voire occultés.
Il s’agit ici, en effet, de présenter non une histoire religieuse de la Révolution française mais une analyse des rapports de l’Eglise et de l’Etat. L’approche, dépouillée des éléments dramatiques et passionnels qui marquent la période, fait apparaître une autre histoire, celle d’un législateur qui construit un nouveau type de relation entre les deux pouvoirs. On connaît bien la solution de 1790 et son cortège de conséquences. C’est dans cette perspective qu’on présente habituellement la séparation de 1795. Celle-ci n’y apparaît guère que comme le dernier avatar d’une réforme manquée. La réforme de 1795 n’est pas étudiée pour elle-même. On se propose ici de déplacer l’éclairage de la question vers la loi de 1905. On constatera que la solution de 1905 n’est finalement pas, dans cette perspective, très éloignée de la solution de 1795. Ses éléments constitutifs sont déjà en place sous la Révolution.
Le bouleversement par rapport à l’ordre antérieur est en effet total. La Convention, dans sa phase thermidorienne, abat un système de soutien réciproque des deux pouvoirs dont les fondements remontent à la conversion et au baptême de Clovis. Cette relation s’exprime à travers le gallicanisme, sorte d’adaptation nationale de la foi aux pratiques de l’Eglise universelle. Celui-ci organise la protection de l’Eglise et définit les particularismes nationaux. Le cadre juridique dans lequel fonctionne l’Eglise catholique en France est fixé par les "Libertés de l’Eglise gallicane": indépendance des deux pouvoirs, soumission aux anciens canons, autorité du roi pour le temporel et la discipline.
Dans cette histoire complexe des relations entre le pouvoir royal et l’"Eglise de France", le XVIIIe siècle occupe une place particulière parce qu’il apparaît comme l’antichambre de ce qui va suivre. Les trois grandes secousses religieuses qui marquèrent le siècle, la querelle janséniste, l’expulsion des Jésuites, la réforme des ordres religieux, sont, vues de la Révolution, des événements précurseurs. La critique des Lumières saura tirer parti de ces controverses pour remettre en cause la légitimité de la position de l’Eglise aux côtés de l’Etat. Il en est de même des mutations de la pratique religieuse dans lesquelles on a cru reconnaître un processus de déchristianisation qui annonçait, et finalement justifiait, l’œuvre révolutionnaire. Ces explications téléologiques, qu’on ne peut éviter de présenter en introduction de cette étude, ont cependant une portée explicative limitée. Le faible intérêt manifesté par les cahiers de doléances sur les questions religieuses montre bien que la réforme globale de l’Eglise n’était, ni en actes, ni en intention, à l’ordre du jour en 1789.
D’où proviennent alors les changements radicaux survenus dès le mois d’août 1789 ? Ils bouleversent l’ordre antérieur en détruisant le clergé régulier, en anéantissant les revenus de l’Eglise et en inscrivant la manifestation de la foi dans une stricte dimension nationale et administrative. Paradoxe majeur de la réforme, c’est ce même législateur révolutionnaire qui en 1790 fait du catholicisme le culte officiel du nouveau régime !
Le 14 juillet 1790 fut le point d’orgue de cette politique de fusion, et de confusion, de l’Eglise et de l’Etat. Ce jour-là devant 300 000 participants réunis sur le Champ de Mars sous la présidence du roi une messe solennelle fut célébrée sur l’autel de la Patrie pour sceller l’union de l’Eglise et de la Révolution.
            Moins de quatre ans plus tard, le 20 prairial an II-8 juin 1794, sur ce même Champ de Mars, Robespierre célébrait la Fête de l’Etre suprême et inaugurait un culte civique nouveau. La solution choisie par les Constituants était abandonnée par les Conventionnels. Les Thermidoriens en tireront les conséquences quelques mois plus tard avec la loi du 5 ventôse an III - 21 février 1795 qui séparait l’Eglise et l’Etat.
            Ces deux images, particulièrement fortes, illustrent l’enchaînement des bouleversements qui, à chaque étape de cette évolution, ont rendu possible ce qui était inconcevable auparavant.
            Expliquer cela par le jeu des passions religieuses et la surenchère politique a déjà été fait depuis longtemps par les auteurs les plus compétents. Du côté catholique on y raconte l’histoire d’un malentendu qui tourne mal et qui fait entrer l’Eglise dans une profonde persécution suivie de périodes de rémission. Du côté républicain, on y voit un rejet de plus en plus affirmé des principes de la Révolution par une Eglise qui, d’abord déçoit puis se met elle-même au ban de la Nation, méritant ainsi les malheurs qui l’accablent.
            On a choisi ici de suivre le cheminement législatif[2]. Il fournit la base d’une démarche objective, celle de la volonté même du législateur maître du jeu. Sans doute l’enchaînement n’est-il pas rectiligne, mais il laisse apparaître une logique, ou mieux une cohérence globale. C’est ce qu’exprime le législateur révolutionnaire d’un bout à l’autre de la période à travers son projet de bâtir une cité nouvelle au sein de laquelle l’Eglise serait soit un service public soit une simple manifestation religieuse privée. Dans un cas comme dans l’autre le projet ne viserait qu’à en organiser le dépérissement.
 
I   L’Eglise absorbée par l’Etat devient une administration publique
 1790-1795
 
L’Assemblée Nationale, ci-devant Etats généraux, qui engage les réformes radicales qui suivent l’été 1789 compte un nombre important d’ecclésiastiques, 250 sur plus d’un millier de députés. C’est là la conséquence du règlement électoral du 24 janvier 1789 qui maintenait le principe de la tripartition des ordres mai doublait la représentation du Tiers Etat. Ce règlement électoral avait entrainé d’importants changements dans la représentation du Clergé. Il individualisait en effet le droit de suffrage à l’intérieur de chaque ordre et écartait les représentations de droit. Cela s’était traduit par une surreprésentation du clergé séculier par rapport aux autres catégories d’ecclésiastiques, particulièrement les réguliers pénalisés par un système de vote qui n’accordait qu’une voix par monastère.
            C’est donc un Clergé séculier sûr de lui et du rôle qu’il doit jouer dans la Nation qui prend place sur les bancs de la nouvelle assemblée. Il n’a de toute évidence aucune intention de bouleverser l’organisation de l’Eglise gallicane. Ses objectifs ne dépassent pas les vœux des cahiers de doléances : corriger les abus du système bénéficial, renforcer les libertés de l’Eglise gallicane, améliorer la censure, augmenter les traitements des curés et vicaires.
            Il reste que ces députés, administrateurs de qualité et pour la plupart parfaitement au fait des questions financières du moment, savaient très bien que les Etats généraux avaient été réunis pour trouver une solution à la crise budgétaire et que ce remède passait d’une part par une augmentation des recettes fiscales, d’autre part par un remboursement de la dette publique qui dévorait annuellement près de la moitié des recettes.
Sur ce plan le Clergé était en première ligne : il pouvait s’attendre à ce qu’on exigeât de sa part une contribution plus forte que le traditionnel don gratuit et surtout il pouvait redouter que certains ne proposassent une solution financière miracle qui aurait consisté à vendre les biens du Clergé pour éteindre la dette. Les évaluations qui circulaient dans les milieux financiers rendaient la chose possible : une dette publique de 3 milliards de livres pour une évaluation de la valeur des biens du Clergé tournant autour de … 3 milliards. Il y avait là largement de quoi compenser les ministres du culte dépouillés de leurs bénéfices. L’histoire de la réforme religieuse relève d’abord de l’histoire financière. Elle vise à supprimer l’autonomie financière de l’Eglise de France et à intégrer son budget dans celui de l’Etat. Ce n’est que dans un second temps qu’elle prendra une tournure ecclésiastique.
 
                                                L’intégration financière
 
La première mesure, l’abolition des dîmes, est une surprise. Elle fait partie des mesures décidées par le décret du 4 août sur l’abolition des droits féodaux et s’est trouvée rattachée à cet ensemble de façon inopinée. Dans l’enthousiasme de la célèbre séance, les dîmes ecclésiastiques, 70 millions de revenu, avaient suivi le sort des dîmes inféodées, 10 millions, sans que les députés du Clergé s’en émeuvent. Si le rachat de celles-ci était logique, il y aurait pu y avoir débat sur le sort des premières. Mais le 11 août l’archevêque de Paris, Monseigneur Juigné, réglait la question en remettant les dîmes ordinaires entre les mains de la Nation à charge pour elle de pourvoir aux frais assurés jusque-là au moyen des dîmes. C’était une nouveauté absolue pour l’Eglise gallicane ; il fallait maintenant organiser un budget des cultes au sein du budget général de l’Etat.
            C’est le même élan patriotique qui incita le Clergé à accepter l’arrêté du 29 septembre 1789 invitant évêques, curés, abbés et communautés à porter à l’hôtel des monnaies le plus   proche l’argenterie qui ne serait pas nécessaire au culte divin.
            Enfin, le décret du 2-4 novembre 1789 poussa cette logique financière à son point extrême. Il disposait dans son article 1 que "les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais des cultes, à l’entretien des ministres et au soulagement des pauvres". Ecartant résolument l’idée d’une spoliation le législateur laissait apparaître dans l’article 2 une des profondes motivations de la loi, augmenter le traitement des curés ainsi que le demandaient les cahiers de doléances : "L’Assemblée Nationale décrète : 2° Que dans les dispositions à faire pour subvenir à l’entretien des Ministres de la Religion, il ne pourra être assuré à la dotation d’aucune Cure moins de douze cent livres par année, non compris le logement et les jardins dépendants". Le décret du 13 novembre invitait tous les titulaires de bénéfices à faire une exacte déclaration de leurs biens.
            Conséquence directe de la doctrine gallicane qui justifiait l’étroit contrôle du pouvoir politique sur le temporel de l’Eglise, la mesure de "mise à disposition" ne pouvait paraître illégale. On avait d’ailleurs dans un passé récent fait de même avec les biens des Jésuites expulsés ou avec ceux des ordres religieux supprimés par la Commission des Réguliers. Mais la nouvelle mesure était générale et présentait l’immense avantage de sortir d’un coup les finances de l’Etat de l’embarras. Une Caisse de l’Extraordinaire était mise en place pour recevoir le produit des ventes. Dans l’immédiat, sans attendre les premières opérations Necker obtenait l’autorisation d'émettre pour 400 millions de livres de billets, assignés sur le produit futur des ventes. L’opération, par les facilités qu’elle procurait, était un succès. Elle assurait la transition entre l’ancienne et la nouvelle fiscalité, déchargeait le service de la dette et permettait le financement du culte. De là sont nés les assignats. D’autres ventes, accompagnées d’autres émissions, suivront. Cette belle construction commencera à craquer lorsqu’il apparut que le produit des premières ventes ne correspondait pas aux estimations : enchères truquées, biens surévalués, églises ou chapelles ne trouvant pas d’acquéreurs … On est là aux origines de la débâcle financière qui s’amplifie à mesure qu’avance la Révolution.
 
La perte de l’autonomie
Dans l’immédiat la vente soulevait un problème nouveau, imprévu. Comment assurer le fonctionnement de toutes les activités jusque-là financées par les bénéfices ecclesistiques ? Il fallait complètement innover. Il fallait s’engager plus avant dans la réforme du Clergé et plus particulièrement poser en termes nouveaux la question du clergé régulier. Une porte s’ouvrait sur l’inconnu.
            La suppression brutale et totale de l’autonomie financière de l’Eglise, pièce essentielle des Libertés de l’Eglise gallicane, constitue une rupture politique majeure. Il était prévu qu’elle soit rapidement mise en œuvre. Le décret du 20-22 avril 1790 décidera ainsi que les traitements des ecclésiastiques seraient payés en argent "à compter du 1er janvier de la présente année". L’évaluation de ces dépenses est difficile en raison des mesures transitoires et de nombreux chevauchements. Le 12 novembre 1790, soit après les mesures réformant les ordres religieux et après le vote de la Constitution civile du Clergé, Lebrun déposera au nom du Comité des Finances de l’Assemblée un projet de budget des dépenses de l’Etat pour l’année en cours de 566 millions dans lequel les dépenses du culte s’élevaient à 143 millions. Il comprenait, outre le traitement des ministres du culte, les pensions versées aux religieux et les frais des œuvres d’assistance et d’enseignement privées de revenus par la "mise à disposition à la Nation'" des biens du Clergé.
 
 
                                                L’intégration administrative
 
L’opinion publique s’est montrée au long du XVIIIe siècle critique, voire hostile, aux ordres religieux et plus particulièrement à la vie monastique. A la critique des pratiques bénéficiales s’ajoutait une incompréhension très rationaliste envers un mode de vie jugé à la fois oisif et peu compatible avec les idéaux de liberté du temps. Quelques succès de librairie, comme La Religieuse de Diderot, avaient contribué à diffuser une image très négative des vœux monastiques.
            Le Clergé avait de son côté réagi dans son Assemblée générale de 1765 pour mettre un terme aux situations abusives. La tâche fut confiée à une Commission extraordinaire du Conseil du roi, composée d’archevêques et de conseillers d’Etat et connue sous le nom de "Commission des Réguliers" qui fonctionna de 1766 à 1780. La réforme aboutit à la suppression de deux ordres et de plusieurs centaines de maisons pour des motifs tenant parfois au mode de vie, parfois à l’inexistence de véritable communauté ou encore à la pluralité de maisons d’un même ordre dans une même ville. Le travail fut prolongé par une "Commission des unions" chargée de régler la question de la suppression et de la dévolution des bénéfices concernés par la disparition des maisons.
            Ce travail, très médiatisé, apprécié par les uns, critiqué par les autres, trouvera un écho dans les cahiers de doléances. Fallait-il aller plus loin ? Les Constituants abordèrent la question avec d’autant moins d'ambiguïtés que la mise à disposition des biens du Clergé imposait un nouveau mode de financement et donc une nouvelle organisation. La réforme comporte trois volets : réduction du nombre de maisons, suppression des vœux, indemnisation des religieux.
            Le décret du 5-12 février 1790 traite la question des maisons de religieux considérées comme superflues. Il établit, "en attentant des suppressions plus considérables", le principe du maintien d’un seul établissement d’un même ordre par commune. Paris, avec ses nombreux monastères et couvents, était évidemment particulièrement visé. La Législative reprendra cette action après le 10 août 1792.
            Le décret du 13-19 février 1790 abolit les vœux monastiques et autorise les religieux et les religieuses, s’ils le souhaitent, à quitter leur maison : ils devaient faire une déclaration devant l’autorité municipale ; une "pension convenable" leur était promise. Les religieux qui ne voudraient pas profiter de ces dispositions devront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées. La loi exceptait, pour l’instant, de ces mesures les maisons chargées de l’éducation publique, les établissements de charité et l’ensemble des religieuses.
            Le décret du 19-26 février 1790 fixe le traitement des religieux "sortis du cloître". Celui-ci variait selon l’ordre et l’âge : 700 L pour le religieux d’un ordre mendiant jusqu’à 50 ans, 1000 L pour un non mendiant jusqu’à 70 ans, etc.
            L’ensemble de ces mesures mécontenta Rome. Pie VI les condamna le 29 mars 1790. La condamnation ne fut pas rendue publique à la demande du cardinal de Bernis ambassadeur de France qui redoutait une radicalisation et préférait attendre pour tenter une négociation.
           
Face à l’impressionnante série de réformes visant les réguliers, certains députés s’émurent et, pour freiner ce qui leur apparaissait comme une destruction de l’Eglise, présentèrent une motion décrétant "que la religion catholique, apostolique et romaine serait et demeurerait pour toujours la religion de la Nation et que son culte serait le seul public autorisé". Le 13 avril 1790 l’Assemblée votait un décret refusant de délibérer sur la motion, précisant que l’Assemblée n’avait "aucun pouvoir à exercer sur les consciences" et manifestait son "attachement au culte catholique apostolique et romain" qui "ne saurait être mis en doute au moment où ce culte seul va être mis par elle à la première place des dépenses publiques". Suivait les 14-29 avril 1790 un décret sur l’administration des biens ecclésiastiques, les dîmes, les frais du culte et l’entretien des ministres des autels.
            Cette mesure engage le processus de fonctionnarisation du clergé séculier. Celui-ci aboutit avec le décret du 12 juillet-24 août 1790 portant Constitution civile du Clergé.  89 articles répartis en quatre titres réglementent le statut du Clergé séculier. Le titre I réformait la carte ecclésiastique sur la base d’un diocèse par département et d’une paroisse pour 6000 âmes. Le titre II traitait de la nomination aux offices ecclésiastiques : le système généralisait l’élection, par tous les citoyens actifs de l’assemblée électorale du département pour les évêques, de l’assemblée électorale du district pour les curés. La confirmation canonique de l’évêque était accordée par le métropolitain, celle du curé par l’évêque. Les vicaires étaient nommés par les évêques et les curés. Il était prévu que les curés et évêques prêtent un serment "à la Nation, à la loi et au roi". Le titre III portait sur le traitement des ministres du culte : de 5.000 à 20.000 L pour les évêques, de 1.200 à 6.000 L pour les curés, de 700 à 6.000 L pour les vicaires. Le titre IV réglait les questions de résidence.
            Face à un tel texte, particulièrement porteur de nouveautés et qui n’avait fait l’objet d’aucune concertation ni avec Rome ni -soulignons-le- avec l’Eglise gallicane, Louis XVI hésita à donner sa sanction législative, mais sous la pression exigeante de l’Assemblée il sanctionna le 24 août. Un mois plus tard Pie VI informait le roi que la situation difficile dans laquelle celui-ci se trouvait le poussait à retenir sa "juste répudiation de la Constitution civile" et "à agir avec une modération inhabituelle".  Enfin le 30 octobre 1790 trente évêques députés signèrent une protestation longue et nuancée, rédigée par Monseigneur de Boisgelin, archevêque d’Aix, sous le titre d’Exposition des principes de la Constitution civile. On y critiquait l’action unilatérale de l’Assemblée, non pour avoir omis de se concerter avec Rome, mais pour avoir légiféré dans des matières qui auraient nécessité la convocation d’un concile national : carte administrative, élection, suppression des vœux, prestation du serment, tout pose aux yeux des prélats de graves problèmes.  Le pouvoir civil est allé trop loin. Les "institutions émanées de Jésus-Christ et des apôtres…ne peuvent pas former une législation purement civile". "Nous voulons éviter le schisme, assurent les évêques, nous voulons employer tous les moyens de la sagesse et de la charité pour prévenir les troubles dont une déplorable scission peut devenir l’ouvrage".
            C’est pour prévenir les nombreux refus d’institution canonique que le décret du 15-24 novembre 1790 met en place la procédure à suivre en cas de refus d’institution par le métropolitain ou le plus ancien évêque de l’arrondissement: présentation à tous les évêques de l’arrondissement par ordre d’ancienneté avec l’assistance de deux notaires, en cas d’échec, appel comme d’abus devant le tribunal de district; si l’abus est déclaré, envoi en possession du temporel et confirmation canonique par un évêque d’un autre arrondissement chargé de donner également la consécration.
           
On sait que c’est à propos du serment, réglementé par le décret du 27 novembre - 20 décembre 1790, que se manifestèrent les premières réticences. Il enjoignait sous peine de révocation "à tous les évêques, ci-devant archevêques, curés et autres fonctionnaires publics" de prêter serment "d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée  par l’Assemblée Nationale et acceptée par le roi; savoir, ceux qui sont actuellement dans leurs diocèses ou leurs cures dans la huitaine; ceux qui sont absents mais qui sont en France dans un mois; et ceux qui sont en pays étrangers dans deux mois". Le serment concernait également "les supérieurs et directeurs de séminaires, les vicaires des curés, les professeurs des séminaires et des collèges, et tous autres ecclésiastiques fonctionnaires publics". En cas de non prestation dans les délais, ils seront réputés avoir renoncé à leur office et il sera pourvu à leur remplacement selon la procédure d’élection prévue.
A ceux qui pensaient qu’un arrangement était possible, l’Assemblée répliqua par le décret du 4-9 janvier 1791 qui précisait que ce serment "sera prêté purement et simplement dans les termes du décret, sans qu’aucun des ecclésiastiques puisse se permettre de préambule, d’explications ou de restrictions". D’autres dispositions suivront étendant la prestation de serment à d’autres ecclésiastique que ceux chargés de fonctions administratives et menaçant les non jureurs de non-paiement du traitement.
            Deux problèmes se posaient : une part importante du clergé paroissial variable selon les diocèses refusait de prêter serment. Sept évêques seulement le prêtèrent et parmi eux six refuseront d’instituer les remplaçants des "réfractaires".
Il fallut donc mettre en place un système de nomination moins contraignant que celui prévu par l’article 7 du titre 2 de la Constitution civile : il fallait en effet avoir exercé dans le diocèse un ministère ecclésiastique pendant au moins quinze ans pour être évêque ; pour être éligible à une cure l’article 32 il était "nécessaire d’avoir rempli les fonctions de vicaire dans une paroisse ou dans un hôpital ou autre maison de charité du diocèse, au moins pendant cinq ans".
Le décret du 7-9 janvier 1791 modifie donc la Constitution civile et élargit le champ du recrutement : pour être évêque "tout français prêtre, actuellement curé, ou ayant été fonctionnaire public pendant cinq ans, sera éligible dans tous les départements". Pour être curé "tout français prêtre depuis cinq ans, sera éligible dans les départements". Tout religieux ou ecclésiastique pensionné qui serait élu conserverait "la moitié de sa pension indépendamment de son traitement". L’obligation d’être originaire du diocèse est supprimée, la durée antérieure de fonctions réduite, l’accès aux fonctions épiscopales est permis aux fonctionnaires publics, l’accès aux cures est ouvert aux simples prêtres et aux religieux.
 
Vers la rupture
            Le 21 janvier 1791 l’Assemblée publiait une longue "Instruction sur la Constitution civile du Clergé" dans laquelle elle dénonçait les "détracteurs téméraires" et proclamait son attachement "à l’Eglise catholique dont le pape est le chef visible sur la terre » et au bout d’une longue exhortation terminait ainsi : "Et vous pasteurs, réfléchissez que vous pouvez dans cet instant contribuer à la tranquillité des peuples. Aucun des articles de la foi n’est attaqué : cessez donc une résistance sans objet ; qu’on ne puisse jamais vous reprocher la perte de la religion et ne causez point aux représentants de la Nation la douleur de vous voir écartés de vos fonctions par une loi que les ennemis de la Révolution ont rendue nécessaire".
            Dans les départements les directoires ont déjà engagé des poursuites contre "les fonctionnaires et ecclésiastiques publics refusant de prêter le serment prescrit par la loi". Les premiers remplacements sont prononcés par les tribunaux de districts. Le décret du 25 janvier - 4 février 1791 encourage ces procédures. Celui du 27-30 janvier organise le système de remplacement. Celui du 5 février ajoute les prédicateurs à la liste des fonctionnaires ecclésiastiques devant prêter le serment. Celui du 8-18 février prévoit pour les curés remplacés un secours de 500 L par an s’ils n’ont pas droit par ailleurs à un traitement égal ou supérieur.
            De toute évidence les résistances se multiplient, particulièrement chez les évêques. Rome n’avait toujours pas jusque-là pris de position publique. Les interventions du pape étaient d’ordre privé. Le bref du 10 mars 1791 lui-même qui critique les principes de la Constitution civile ne s’adresse qu’aux évêques membres de l’Assemblée mais ne vaut pas prise de position publique. Il semble bien que Rome attendait une prise de position unanime de l’Episcopat français pour aller plus loin. C’est ce que précise le bref du 13 avril 1791 adressé aux évêques signataires de l’Exposition des principes de la Constitution civile du 30 octobre 1790 et au-delà au clergé et aux fidèles : Pie VI s’y réjouit de voir qu’aux trente premiers signataires s’en sont ajouté 107 au cours des mois suivants et que quatre seulement font défection. Ainsi l’Exposition soutenue par cet accord général peut être tenue pour la doctrine de toute l’Eglise gallicane, "concordi animorum consensione suscepta, totius gallicanae ecclesiae doctrina haberetur, et esset". Ce soutien valait condamnation publique, par Rome…comme par l’Eglise gallicane.
 
II   L’Eglise rejetée par l’Etat devient un groupement privé
1795-1799
 
L’Assemblée Législative issue des élections prévues par la Constitution du 14 septembre 1791 modifie très sensiblement l’orientation de la politique religieuse. D’abord au plan des principes. La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 n’abordait la question de la liberté religieuse que par deux dispositions : indirectement par l’article 11 qui portait sur "la libre communication des pensées et des opinions" et directement par l’article 10 qui disposait que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi".  La liberté de culte en tant que telle n’était pas protégée, lacune qui pouvait se justifier par l’octroi d’une position officielle en faveur du culte catholique. Les Constituants de 1791, prenant en compte l’essor d’un pluralisme cultuel nouveau à côté du culte constitutionnel -Catholiques romains, Juifs, Luthériens ou Calvinistes- ajoutèrent dans les "Dispositions fondamentales garanties par la Constitution", la liberté pour le citoyen "d’exercer le culte religieux auquel il est attaché" aux droits proclamés en 1789.
La nouvelle orientation religieuse dépend aussi de facteurs plus politiques. La position du Clergé est beaucoup plus faible dans l’Assemblée Législative que dans sa devancière ; sur 745 membres on n’y compte plus que 26 ecclésiastiques dont 10 évêques. Ajoutons à cela que la Législative adopte une orientation patriotique accentuée sous l’impulsion de la gauche jacobine qui, bien que minoritaire, prend tout de suite l’ascendant sur la majorité. Elle innove en particulier en demandant aux ecclésiastiques la prestation d’un nouveau serment dit de "liberté-égalité" beaucoup plus contraignant que le serment des fonctionnaires publics prêté seulement «à la nation, à la loi et au roi". Un décret du 29 novembre 1791 légalise les mesures prises par certains directoires départementaux qui enjoignent aux ecclésiastiques de prêter ce nouveau serment civique faute de quoi "ils seraient suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie" et ils perdraient leur pension et ne pourraient plus officier dans les églises constitutionnelles ; Louis XVI refusera de donner la sanction et le 19 décembre il ajourne sa décision.
Cette offensive reprit au printemps 1792 dans un climat patriotique exacerbé par l’entrée en guerre de la France contre l’Autriche et la Prusse. Le 27 mai 1792 la Législative vote un décret autorisant les directoires départementaux à déporter les contrevenants, c’est-à-dire à les exiler hors de France, sur la demande de vingt citoyens actifs d’un canton ou sur dénonciation pour troubler tout insermenté. Nouveau refus du roi de donner la sanction au motif que le décret ne respectait pas la liberté de conscience. Ce sont les conséquences de ce veto qui sont à l’origine de l’émeute du 20 juin.
Le 10 août provoque une accélération des mesures anti religieuses : sous la pression de la Commune insurrectionnelle de Paris, l’Assemblée vote trois textes significatifs de cette nouvelle orientation : le décret du 14 août 1792 révoque l’édit de Louis XIII ordonnant la procession du 15 août. Celui du 17 août décide, "pour dissiper les restes de fanatisme auxquels les ci-devant monastères prêtent une trop facile retraite" et pour "concilier par une augmentation de pension le bien être des religieuses déliées de la vie commune et les intérêts de la Nation avec l’extinction absolue de la vie monacale", l’évacuation de toutes les maisons encore occupées par des religieux ou des religieuses. La disposition ne concernait pas les religieuses consacrées au service des hôpitaux et des établissements de charité.
            Enfin la loi du 18 août 1792, déjà préparée par une série de projets de décrets présentés et rejetés depuis le printemps par l’assemblée précédente, supprime toutes les congrégations séculières et les confréries, y compris enseignantes, caritatives et hospitalières. Les membres de celles-ci pouvaient poursuivre individuellement leur activité, hors de toute organisation sous le contrôle des autorités administratives. Un système de traitements et de pensions était prévu pour compenser les pertes de revenus résultant de la vente des biens formant la dotation des congrégations.
Le décret du 26 août 1792 vise à nouveau les ecclésiastiques assujettis au nouveau serment de "liberté-égalité" et qui ne l’ont pas prêté ou qui se sont rétractés : ils doivent quitter le territoire dans les quinze jours. Passé ce délai ils seront déportés en Guyane. Le décret visait également tous les autres prêtres non soumis à l’obligation de serment qui par leur comportement auraient occasionné des troubles ou dont l’éloignement aurait été demandé par six citoyens domiciliés dans le département. Les infirmes et les sexagénaires étaient exceptés.
Toutes ces mesures, prises sous l’influence de la Commune insurrectionnelle de Paris peuvent être éclairées par un contexte dramatique particulièrement marqué par les massacres de septembre. Le législateur n’y exprime toutefois pas l’idée d’une séparation. La Législative se place encore sur une ligne de défense de l’Eglise constitutionnelle mais les difficultés croissantes de mise en œuvre de la réforme de 1790 découragent progressivement les partisans de cette politique fusionnelle de l’Etat et de l’Eglise.
 
 
 
 
La fracture ecclésiale entre jureurs et réfractaires, maintenant bien marquée, a considérablement affaibli la position de l’Eglise. Avec la chute du trône disparaît sa dernière ligne de défense. La Législative puis la Convention engage une autre politique qui ne vise plus à soutenir l’Eglise constitutionnelle à tout prix et qui s’aventure, de façon un peu hésitante, dans la voie de ce qu’on n’ose pas encore appeler une séparation.
Signe de cette ambiguïté le décret du 4-14 septembre 1792 qui règle quelques questions budgétaires et prescrit de payer les frais du culte catholique antérieurement pourvus par les décimateurs laïques et ecclésiastiques à défaut de fonds de fabrique, sur les fonds de la Caisse de l’Extraordinaire pour les années 1791 et 1792. Il va dans le sens des besoins de l’Eglise constitutionnelle. Mais son article 3 engage un processus de séparation lorsqu’il prescrit qu’à compter du 1er janvier 1793 "les citoyens dans chaque municipalité ou paroisse, aviseront eux-mêmes aux moyens de pourvoir à toutes les dépenses du culte auquel ils sont attachés, autres néanmoins que le traitement des ministres du culte catholique".
La loi du 20 septembre 1792 qui supprime l’indissolubilité du mariage et crée un état civil tenu par les municipalités marque assurément un tournant. En discussion depuis plusieurs mois elle est votée à l’extrême fin de la législature. Pour l’Eglise constitutionnelle le coup est rude. Le législateur touchait ici, unilatéralement, à un sacrement que cette Eglise constitutionnelle n’avait pas remis en cause et réduisait considérablement le champ de ses compétences administratives. Indirectement on pouvait y voir une mesure de police destinée à régler les désordres engendrés par la concurrence des cultes… mais aussi la prise de conscience que l’Eglise constitutionnelle était incapable d’assurer ce service. On notera enfin que la suppression de l’indissolubilité du mariage eut des conséquences immédiates sur le célibat des prêtres. Parmi les premières mesures sur la question le décret du 17 décembre 1792 précise, à propos du refus d’institution canonique par l’évêque de Seine-et-Oise à un vicaire marié, "que tout citoyen peut se pourvoir devant les tribunaux contre la violation de la loi à son égard".
Pourtant le législateur hésite toujours. Ainsi lorsque Cambon propose le 13 novembre 1792 de supprimer le budget du culte, l’Assemblée réplique "qu’elle n’a jamais eu l’intention de se priver des ministres du culte que la Constitution civile du Clergé lui avait donnée". La formulation est reprise dans un décret du 11 janvier 1793 qui répond à une députation de citoyens des départements de l’Eure, de l’Orne et d’Eure-et-Loir, demandant au nom de plus de cent mille citoyens " de ne point les gêner dans l’exercice de leur culte" et professant "de mourir aussi bons catholiques que bons républicains". Le décret du 19 mars 1793 exprime la même préoccupation lorsque après "avoir entendu avec douleur le récit des profanations commises par des citoyens dans plusieurs églises de Belgique", au moment où, en vertu du décret du 15 décembre dernier, on en extrayait "les vases et ornements d’or et d’argent inutiles, superflus à la dignité du culte" elle décrète que tout citoyen "qui se permettra des indécences dans les lieux consacrés à la religion" ou qui sera "convaincu de profanations dans quelque genre que ce soit, sera dénoncé et livré aux tribunaux".
Enfin, et cela relève toujours de la défense de l’Eglise  constitutionnelle, le décret des 21-23-24 avril 1793 prend une série de mesures pour faire appliquer la prestation du serment en jurant "de maintenir la liberté et l’égalité ou de mourir en les défendant" prévue par la loi  du 15 août 1792: cela concerne tous les ecclésiastiques, séculiers, réguliers, frères convers et lais, sous peine de déportation en Guyane ainsi que tous ceux qui l’auraient déjà prêté et qui seraient dénoncés pour incivisme par six citoyens du canton. Etaient exceptés les évêques, curés et vicaires élus par le peuple, ou conservés dans leur place au moyen de la prestation de serment exigée par la loi, les professeurs ainsi que les ecclésiastiques appelés à des fonctions administratives et les aumôniers militaires.
La victoire des Montagnards après les événements des 31 mai et 2 juin 1793 ne marque pas, non plus, de rupture dans cette défense ambiguë de l’Eglise constitutionnelle. Le décret du 7 juin menace de huit jours de prison à l’Abbaye tout membre de la Convention qui se permettra "de demander la déportation des prêtres qui se sont soumis à la loi et sont salariés des deniers publics". La logique protectrice est la même lorsqu’il s’agit de faire face au problème de la pénurie de prêtres constitutionnels. Le décret du 1er juillet 1793, "considérant que beaucoup de paroisses de campagne manquent de curés ou de desservants" demande aux évêques de faire desservir ces paroisses par les vicaires épiscopaux, sous peine de privation de leur traitement.
Il est clair qu’un débat est en cours au sein même de la Convention et que le clergé constitutionnel est maintenant en train de payer les protections qu’il avait obtenues auprès des autorités départementales à l’époque où les Girondins étaient maîtres du jeu.
 
Vers la loi de séparation du 21 février 1795          
Un pas décisif vers la séparation est franchi avec le décret du 25 brumaire an II-15 novembre 1793 ; celui-ci apporte un signe non équivoque de désengagement : on y établit que les prêtres "qui abdiquent les fonctions du culte ne peuvent être regardés comme ayant déserté leur poste". La Convention ajoute même "que les prêtres n’ont jamais été considérés comme fonctionnaires publics, et que le décret qui ordonne aux fonctionnaires de rester à leur poste ne les concerne pas".  Quelques jours plus tard le décret du 2 frimaire an II-22 novembre 1793 met en place un système de secours pour les évêques, curés et vicaires qui abdiquent leur état : 800 L au-dessous de 50 ans, 1600 L entre 50 et 70 ans, 1200 L au-delà.
Deux jours plus tard la Convention laïcise le calendrier avec le décret du 24 novembre qui supprime le calendrier chrétien et remplace le dimanche par le décadi. La Commune de Paris organise alors la surenchère. Elle fait fermer toutes les églises constitutionnelles de Paris. Les initiatives hostiles à l’exercice du culte se multiplient.
La Convention réagit avec le décret du 18 frimaire an II-8 décembre 1793 qui interdit "toutes violences et mesures contraires à la liberté des cultes", nonobstant les mesures existantes pour assurer le maintien de l’ordre public envers les "prêtres réfractaires ou turbulents ou contre tous ceux qui tenteraient d’abuser du prétexte de la religion pour compromettre la cause de la liberté". La Convention invitait "tous les bons citoyens, au nom de la patrie, à s’abstenir de toutes disputes théologiques". Le texte ne fait pas de différence entre le culte constitutionnel et les autres pratiques.
La place est libre pour un autre culte officiel. Le décret du 18 floréal an II-7 mai 1794 y pourvoit avec l’instauration du culte de l’Etre suprême : "Le peuple français reconnaît l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme". Le décret institue de nouvelles fêtes et fixe les dédicaces des commémorations décadaires : "à la nature", "au genre humain", "aux martyrs de la liberté", "à la liberté du monde", à la piété filiale", "à l’amour conjugal", "à l’agriculture".... L’article 11 maintenait la liberté des cultes.
Après la chute de Robespierre les Thermidoriens ne tentent pas de restaurer l’Eglise constitutionnelle. Au contraire ils accélèrent le processus de séparation. Après la promesse faite par le décret du 18 thermidor II-5 août 1794, de payer les arriérés de traitements et de pensions, la Convention décide le 2e jour des sans-culottides an II- 18 septembre 1794 que "la République française ne paie plus les frais ni les salaires d’aucun culte". Les pensions dites ecclésiastiques accordées aux ministres du culte abdicataires sont déclarées "communes aux ci-devant ministres qui ont continué leurs fonctions ou qui les ont abandonnées sans avoir abdiqué leur état" et celles accordées aux personnes des deux sexes "pour des fonctions, places ou bénéfices supprimés" sont plafonnées.
La loi du 5 ventôse an III- 21 février 1795 précise le nouveau cadre de séparation : la République ne salarie aucun culte, elle ne fournit aucun local, "les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice", "la loi ne reconnaît aucun ministre du culte"," aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public". L’article 1 précisait que l’exercice d’aucun culte ne pouvait être troublé.
Boissy d’Anglas rapporteur de la loi, à la fin d’un long discours sur les crimes de la religion et sur  les mesures à prendre pour son extinction, exprime ce qu’est l’essence de la loi: "Les cultes n’auront de vous aucune préférence; vous n’adopterez point celui-ci pour persécuter celui-là; et en ne considérant la religion  que comme une opinion  privée, vous ignorerez ses dogmes et regarderez en pitié ses erreurs, mais vous laisserez à chaque citoyen la faculté de se livrer à son gré aux pratiques de celles qu’il aura choisie. Vous ne souffrirez pas qu’aucune d’elles veuille porter atteinte à la propriété nationale, ou se glisse dans la société pour y usurper un rang quelconque, ou appelle les regards du peuple sur ses cérémonies et sur ses fêtes. Les édifices publics, les monuments sont le domaine de l’Etat ; ils ne sont pas plus la propriété d’une agrégation particulière que celle d’un seul homme. Vous ne souffrirez pas qu’ils soient le théâtre d’aucun acte religieux; ils ne peuvent être prêtés à aucune secte; car si vous y en admettez une seule il faudrait les admettre toutes et il en résulterait une préférence ou une lutte dont vous devez prévoir les dangers; vous ne souffrirez pas davantage que vos routes, vos places publiques soient embarrassées par des processions ou par des pompes funèbres; les mêmes inconvénients en résulteraient, et il est d’une bonne police d’éviter les rassemblements qui peuvent égarer les hommes en alimentant le fanatisme".
La rupture des rapports entre l’Eglise et l’Etat crée une situation complètement nouvelle ; en tant que séparation elle marque la fin de l’Eglise constitutionnelle ; en tant que liberté des cultes elle permet au clergé réfractaire de souffler. C’est dans cette approche que des tentatives de pacification ont lieu dans les départements de l’Ouest, tel le Traité de la Jaunaye signé entre Charette et les délégués de la Convention en février 1795 accordant la liberté des cultes et le libre choix des prêtres. Pâques 1795 fut célébré partout à peu près normalement.
 
 
 
Une liberté du culte sous surveillance
Mais la nouvelle liberté était extrêmement encadrée. La loi du 11 prairial an II- 30 mai 1795 donnait aux communes le libre usage des édifices non aliénés pour l’exercice "d’un ou plusieurs cultes". En cas de demandes concurrentes de cultes différents "ou prétendus tels" la commune devait aménager un partage du local.  Il n’était accordé pour Paris "qu’un seul de ces édifices pour les douze arrondissements". L’officiant devait avoir fait acte de soumission aux lois de la République.
Le contexte politique troublé qui suit la mort de Louis XVII en juin 1795 et qui  accompagne les préparatifs des élections aux Conseils des Anciens et des Cinq-Cents prévues par la Constitution du 5 fructidor an III-22 août 1795, déboucheront sur les mesures d’encadrement de la loi du 7 vendémiaire an IV-28 septembre 1795 qui en 37 articles réglementent l’exercice des cultes: le libre exercice y était affirmé sous réserve des garanties civiques et de la prestation d’un serment: la déclaration, article 5, comporte la formule suivante: "Je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain et je promets soumission au lois de la république"; tout ministre du culte qui l’aura "rétractée ou modifiée, ou aura fait des protestations ou restrictions contraires, sera banni à perpétuité de la république. S’il rentre, il sera condamné à la gêne, aussi à perpétuité" ajoute l’article 8. Le titre IV, "De la garantie contre tout culte qu’on tenterait de rendre exclusif ou dominant", porte sur le caractère public et visible du culte : aides communales interdites, signes interdits hors des enceintes destinées au culte, cérémonies exclusivement dans l’enceinte des édifices, interdiction absolue aux fonctionnaires publics de tenir compte des attestations des ministres du culte en matière d’état civil. 
L’insurrection royaliste du 13 vendémiaire-5 octobre 1795 provoquera une réactivation des lois de 1792 et 1793 contre les prêtres soumis à réclusion et à déportation et libérés depuis peu.
 
Le Directoire, prolongement politique de Thermidor, poursuit la même politique : séparation stricte, militante même, alternant au plan du contrôle des phases de répression et d’apaisement. Elle est apaisante pendant plus d’un an et demi mais sans concession sur l’essentiel :
Sur la vente des biens du clergé d’abord. L’exemple belge montre que la politique de transfert du patrimoine ecclésiastique est toujours d’actualité : la loi du 17 fructidor an IV accélère la vente des biens nationaux en exécution de la loi sur la suppression des maisons religieuses dans les neuf départements de la ci-devant Belgique.
Sur les mesures répressives ensuite. Les dispositions ne concernent que la suppression de la législation mise en place par leurs prédécesseurs Girondins ou Montagnards : la loi du 19 fructidor an IV-5 septembre 1796 autorise ainsi les ecclésiastiques reclus en vertu des lois de 1792 et 1793 à reprendre possession de leurs biens. La loi du 7 fructidor an V- 24 août 1797 abroge les peines de déportation et de réclusion contre les ecclésiastiques insermentés et rapporte les lois qui assimilent les prêtres déportés aux émigrés. Elles sont suffisantes pour que le culte reprenne un peu partout.
C’est dans ce contexte favorable que l’ancienne Eglise constitutionnelle, très affaiblie par les abjurations de serment et les renonciations aux fonctions ecclésiastiques, tente sous l’impulsion de l’Abbé Grégoire de se réorganiser. Elle réunit sous le nom d’ "Eglise gallicane" un concile national du 15 août au 12 septembre 1797. Les évêques et prêtres participants y proclament leur attachement au pape, à la foi de l’Eglise romaine, constatent la caducité de la Constitution civile, proposent un système de fusion avec le clergé réfractaire, demandent le rétablissement du dimanche comme jour férié.
L’ensemble de ces demandes mécontenta les directeurs qui ne pouvaient manquer de faire un lien entre ces événements et la politique menée par Bonaparte en Italie. Celui-ci au terme d’une courte campagne venait de battre les troupes pontificales et avait traité Pie VI avec une modération que les directeurs avaient toutes les raisons de trouver suspecte, même si le Traité de Tolentino signé le 19 février prévoyait la cession des Légations, de la Romagne et d’Ancône. Ils pouvaient même craindre que le pape, poussé par Bonaparte, ne revienne dans le jeu en rapprochant les deux clergés, libres maintenant l’un et l’autre de toute attache avec le pouvoir politique.
 
L’offensive anti catholique après Fructidor
Le coup d’Etat du 18 fructidor an V -4 septembre 1797 destiné à enrayer la poussée électorale royaliste survint opportunément au cœur de ces deux événements, le concile gallican et les nouvelles relations avec le Saint-Siège patronnées par Bonaparte : l’un et l’autre étaient porteurs d’ouvertures, le premier vis-à-vis des réfractaires, le second vis-à-vis des jureurs.
Le coup de force directorial organisé par La Revellière, Reubell et Barras change la donne. Dès le lendemain du coup d’ Etat, le 19 fructidor, le Conseil des Anciens adopte la déclaration d’urgence votée la veille par le Conseil des Cinq-Cent portant sur "les mesures de salut public relativement à la conspiration royale"; le régime de liberté des cultes était suspendu et plusieurs dispositions répressives étaient prises: "La loi du 7 de ce mois qui rappelle les prêtres déportés, est révoquée" (article 23); " Le Directoire exécutif est investi du pouvoir de déporter, par des arrêtés individuels motivés, les prêtres qui troubleraient dans l’intérieur la tranquillité publique" (article 24); "La loi du 7 vendémiaire an IV sur la police des cultes continuera d’être exécutée à l’égard des ecclésiastiques autorisés à demeurer  dans le territoire de la république, sauf qu’au lieu de la déclaration prescrite par ladite loi, ils seront tenus de prêter le serment de haine à la royauté et à l’anarchie, d’attachement et de fidélité à la constitution de l’an III" (article 25).
 Cette dernière disposition est lourde de conséquences. Le décret introduisait la prestation d’un serment, déjà applicable aux fonctionnaires, de "haine à la royauté et à l’anarchie". Les lois de 1792 et 1793 étant remises en vigueur, la non prestation pouvait conduire à la déportation voire à la mort. Tous les "gallicans" prêtèrent le serment alors que seule une partie du clergé "romain" accepta de le faire. Le Directoire multiplia alors les arrêtés de déportation.
La radicalisation concerne également le Saint-Siège, à une époque où Bonaparte est de retour à Paris : les Français du général Berthier entrent à Rome et le 15 février 1798 la République y est proclamée. La loi du 15 ventôse an VI "portant que l’armée française au Capitole a bien mérité de la patrie" reprend le texte d’un message du Directoire exécutif au Conseil des Cinq-Cents qui expose les raisons de cette action et les objectifs recherchés : abattre un pouvoir tyrannique auteur depuis toujours de crimes et de malversations et présentement directement ennemi de la France au même titre que l’Angleterre. "Le général français, proclament les directeurs, a gardé les ménagements que le culte et les préjugés pouvaient exiger de sa part. Le 30 pluviôse, les églises de Rome ont retenti d’un Te Deum pour célébrer le jour où Rome a reconquis sa liberté et proclamé la république. Quatorze cardinaux ont eux-mêmes chanté cet hymne dans Saint Pierre". Le pape, banni, se réfugie d’abord à Sienne puis dans d’autres villes d’Italie fuyant les avancées françaises. Il est fait finalement prisonnier et conduit en France dans la citadelle de Valence le 13 juillet 1799 où il meurt le 29 août.
Radicalisation enfin envers l’Eglise gallicane qui avait pourtant approuvé le coup d’Etat. Plusieurs de ses pasteurs furent sanctionnés et l’exercice du culte contenu dans une pratique peu visible, presque privée. D’actives mesures furent prises pour enlever les signes extérieurs du culte, croix, calvaires, là où il s’en trouvait encore. Seules les résistances des municipalités purent freiner cette nouvelle politique de déchristianisation. De très nombreuses églises et abbayes furent vendues pendant cette période. Notre Dame de Paris elle-même fut adjugée pour 450.000 francs.
Parallèlement les directeurs multipliaient les initiatives en faveur des cultes civiques : le directeur La Revellière mit en œuvre d’important moyens pour développer la théophilanthropie. Après quelques mois ce fut le culte décadaire qui eut la faveur des directeurs. Les administrations multiplièrent les interventions pour qu’on accorde à ce culte-là plus grande solennité. La célébration du décadi devint la manifestation la plus visible du nouveau culte. Chaque événement glorieux, chaque commémoration, était l’occasion de fêtes grandioses. La République a trouvé avec ce culte civique une transcendance patriotique nouvelle, justifiée par le combat contre les ennemis de la Révolution, légitimée par les victoires ses généraux.
La politique de séparation atteint progressivement son objectif. Dans de nombreux départements le culte catholique perd toute visibilité et prend l’aspect d’une pratique privée. Les situations dépendent d’une part de l’ampleur de l’échec de l’Eglise constitutionnelle qui laisse des vides immenses, d’autre part de la sévérité des poursuites engagées contre les prêtres réfractaires. 
L’affaiblissement intellectuel suit le même mouvement : plus de moyens d’enseignement, séminaires sans vocations, élites politiques, administratives et militaires athées ou anticléricales.
Quant au Siège de Pierre, il semble alors progressivement sombrer dans le néant avec l’exil, l’emprisonnement, puis le décès du pape ; la Curie est dissoute, les cardinaux dispersés. Rien ne paraît plus pouvoir s’opposer à la République. A la veille de Brumaire le catholicisme est entré en France dans un processus d’éradication.
Deux événements changeront le cours de l’Histoire : le coup d’Etat de Brumaire d’une part, la tenue du conclave d’autre part. Ils sont parfaitement contemporains, le second encadrant le premier. En passant à Florence lors de son périple Pie VI avait en effet décidé que le conclave se tiendrait là où se trouveraient le plus de cardinaux. Ce fut à Venise, possession autrichienne. 35 cardinaux sur 46 tinrent conclave du 30 novembre 1799 au 14 mars 1800. Pie VII fut ainsi élu au moment où Bonaparte prenait le pouvoir.
 
Conclusion
 
La "Convention", connue sous le nom de Concordat, signée en 1801 entre Pie VII et Bonaparte est née de cette histoire. On ne peut y voir simplement un sursaut catholique. Il était impossible pour un clergé brisé et un peuple de fidèles sans repères. Si le régime directorial avait duré on imagine mal ce personnel politique thermidorien, foncièrement hostile au catholicisme, changer quoi que ce soit à sa politique religieuse : cantonnement des manifestations cultuelles à la sphère privée et, au grès des élections, alternances de phases d’apaisement et de répression.
Le Concordat n’effaçait cependant pas le passé. Il reprenait, sans les risques de schisme, l’aventure de l’Eglise constitutionnelle et écartait le spectre de la séparation. Il n’effaçait pas non plus la mémoire de la politique radicale des révolutionnaires envers les Catholiques. La solution de séparation, née de l’échec de la politique d’intégration civique menée à partir de 1790, avait été appliquée pendant une période assez longue pour marquer durablement les esprits. Pour les Républicains elle restera la solution idéale parce qu’elle désengageait la République de toute attache religieuse, condition indispensable à son épanouissement. Pour les Catholiques elle restera synonyme de persécution parce que la liberté qui sous-tend le principe de séparation plaçait la police des activités religieuse entre les mains d’un régime porteur d’autres valeurs que celles assurant la poursuite du Salut.
 Un siècle plus tard cette histoire est encore présente dans les mémoires. La Séparation de 1795, mythe précurseur de la cité sans Dieu pour les uns, signe avant-coureur de l’Apocalypse pour les autres, commande, au plus profond de leur inconscient, l’attitude des protagonistes de la loi de 1905.
 
 


[1] Abbé Guettée, Histoire de l’Eglise de France d’après les documents originaux et authentiques, T. XI, 1855

L. Sciout, Histoire de la Constitution civile du Clergé. 1790-1801, 4 vol., 1872-1881

Abbé Jager, Histoire de l’Eglise catholique en France, T. XIX, 1881

A. Mathiez, Rome et le clergé français sous la Constitution, 1911

            La théophilantropie et le culte décadaire, 1904

            La Révolution et l’Eglise, 1910

P. de La Gorce, Histoire religieuse de la Révolution française, 5 vol. 1909

Abbé Sicard, Le clergé de France pendant la Révolution, 4 vol., 1912

Dom H. Leclercq, L’Eglise constitutionnelle, 1924

A.     Latreille, L’Eglise catholique et la Révolution française, T. 1, Le pontificat de Pie VI et la crise française, 1775-1799, 1946

C. Ledre, L’Eglise de France sous la Révolution, 1949

A.     Latreille et R. Rémond, Histoire du catholicisme en France. La période contemporaine, 1963

J. Leflon, La crise révolutionnaire, T. XX de l’Histoire de l’Eglise de Fliche et Martin, 1951

B. Plongeron, Regards sur l’historiographie religieuse de la révolution, 1969

M. Vovelle, Religion et Révolution. La déchristianisation de l’an II, 1976

                        Théologie et politique au siècle des Lumières, 1770-1820, 1973

G. Sicard, Le droit et les institutions de l’Eglise catholique latine de la fin du XVIIIe siècle à 1978, IIe partie, De la Révolution française à la    première guerre mondiale, pp. 65-180, 1984, in Histoire du droit et des institutions de l’Eglise en Occident, dir. Gabriel Le Bras.

J. Dumont, La Révolution française ou les prodiges du sacrilège, 1984

[2] Les textes les plus importants sont dans le recueil de J.B Duvergier, Collection des lois, Paris, 1864. Pour les autres voir le Bulletin des lois et G. de Champeaux, Le droit civil ecclésiastique français ancien et moderne dans ses rapports avec le droit canon et la législation nationale. Recueil complet des pragmatiques, concordats, lois décrets, circulaires, arrêts du Conseil d’Etat, et tous autres actes de la puissance civile relatifs au droit public de l’Eglise, 2 vol, 1845. Pour les débats parlementaires, Archives parlementaires, première série.

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