La liberté religieuse en France

Ou les paradoxes de la laïcité

 

 
  
Pour citer, Michel Bottin, « La liberté religieuse en France, ou les paradoxes de la laïcité », in Actes du colloque La libertà religiosa tra diritto europeo e diritto interno organisé par l’Université de Turin à Cuneo le 29 avril 2004, Quaderni di diritto e politica ecclesiastica, avril 2005, pp. 125-146.
 
 
                 I   Les libertés constitutives
    A   La capacité cultuelle
         B   La capacité associative
II   Les libertés d’expression
A   Le principe de séparation
                      B   Le principe de laïcité
Conclusion. Les trois paradoxes de la laïcité
 
         Le thème de la liberté religieuse fait apparaître dans ses évolutions françaises un riche champ de contrastes. Son histoire commence avec les grandes proclamations de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui font de la liberté d’opinion un fondement de la citoyenneté : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux… » (art.11) ; « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » (art. 10). Dans le nouveau contexte politique la liberté ne s’inscrivait plus dans le cadre d’une tolérance accordée avec plus ou moins de générosité aux religions non catholiques ; elle devenait un attribut de la citoyenneté.
         La Révolution levait ainsi, et plus particulièrement, l’interdiction qui pesait sur l’exercice des cultes protestants depuis la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV au mois d’octobre 1685. La nouveauté était d’autant plus radicale que l’édit de Louis XVI du mois de novembre 1787 qui établissait un régime d’état civil pour les protestants n’avait pas osé aborder le principe de la liberté de conscience et de pratique mais seulement celui de l’état civil. La Révolution commençait sous le signe de la liberté religieuse.
         Certes ! Mais on remarquera, un peu perfidement peut-être, que la Déclaration ne parlait pas de liberté de culte. La notion semble étrangère aux préoccupations des Constituants, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas l’intention de supprimer le statut officiel de l’Eglise catholique[1]. La Constitution civile du clergé de 1790 s’inscrit d’ailleurs dans cette logique. Accorder la liberté de culte à toutes les religions aurait eu pour corollaire la reconnaissance de l’égalité entre les cultes et tel n’était pas le projet de la majorité de l’Assemblée.
         La Déclaration des droits de la Constitution de 1793 dite de l’an I comble la lacune dans son article 7 : « Le libre exercice des cultes ne (peut) être interdit ». La mesure s’inscrit dans un nouveau contexte, celui du rejet de l’Eglise constitutionnelle et bientôt de la séparation de l’église et de l’état en 1795. La Déclaration des droits et devoirs de l’an III est muette sur la question tout comme la Constitution de l’an VIII. La Charte de 1814 réaffirme à l’article 5 cette liberté ainsi : « Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection ». L’article suivant fait de la religion catholique la « religion de l’état ». La Constitution de 1848 énonce dans son préambule la « protection » que la République doit à la religion et celle de 1852 renvoie « aux grands principes proclamés en 1789 ».
         On terminera cet inventaire de proclamations solennelles par une dernière approche, celle de la « Déclaration des droits » du projet de Constitution du 19 avril 1946 dans son article 13 : « La liberté de conscience et des cultes est garantie par la neutralité de l’état à l’égard de toutes les croyances et les cultes. Elle est garantie notamment par la séparation des églises et de l’état, ainsi que par la laïcité des pouvoirs et de l’enseignement public ». Mais la Constitution du 27 octobre 1946 qui fonde la IVe République ne reprend pas la disposition et fait simplement référence à la Déclaration de 1789. La Constitution de la Ve République adopte la même position.
         Il y a manifestement une certaine continuité dans la proclamation de ces libertés liées à l’exercice de la religion, même si chaque régime l’exprime à sa façon. Il ressort de ces sources déclaratoires que l’approche française est celle de la protection d’une liberté publique : « liberté de conscience », « liberté des cultes », etc. On est toujours dans la logique de la Déclaration de 1789. La loi peut à tout moment aménager, voire interdire, pour protéger une liberté considérée comme supérieure. Cet éclairage permet de souligne que l’approche française ne conçoit pas globalement la notion de liberté religieuse. Elle la démonte en plusieurs applications dont la liberté des cultes est la plus visible.
         Qu’en est-il alors des autres facettes de la liberté religieuse, liberté d’association religieuse, liberté d’enseignement religieux ou encore liberté de comportement social religieux ? La protection offerte par la liberté d’expression est-elle suffisante ? La nature de la protection religieuse française est ainsi éclairée par l’opposition libertés publiques/droits fondamentaux.
         La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948[2] et la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950[3] ont une approche moins relative, celle de la liberté religieuse conçue comme un tout, un droit fondamental englobant la liberté d’expression, le culte, la liberté d’éducation religieuse, le respect, la vie familiale, la liberté d’association, etc.[4]. On peut dire que la « Cour européenne des droits de l’homme a élevé la liberté de religion au rang de droit substantiel de la Convention »[5].
         La  Déclaration sur la liberté religieuse du Concile Vatican II peut également en ce domaine servir de référence parce qu’elle exprime une approche globale de la liberté religieuse : « Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit de telle sorte qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ou  empêché d’agir,  dans de justes limites, selon sa conscience ».
         Mais cette définition contredit-elle l’approche française le la liberté religieuse ? Pas vraiment. En voici trois exemples : un contemporain de 1789 y aurait trouvé la justification de la suppression des vœux religieux perpétuels par la loi du 15-19 février 1790. N’y avait-il pas là atteinte à la liberté religieuse ? C’est de la même façon que certains aujourd’hui justifient l’interdiction du port du voile par les jeunes musulmanes dans les écoles publiques en dénonçant une pratique imposée par les familles aux jeunes filles ; enfin on pourra adopter la même attitude face aux mesures prises aujourd’hui contre les sectes accusées de manipulation mentale ou bien contre les groupements soupçonnés de former des consciences peu réceptives aux idéaux républicains.
Mais inversement comment prétendre que cette définition ne vise pas l’Etat lui-même lorsqu’il s’attaque à la liberté religieuse ? L’offensive menée par la IIIe République contre les congrégations, particulièrement par Emile Combes, n’avait pas pour but de libérer les religieux des contraintes congréganistes mais plutôt de supprimer une liberté religieuse considérée comme nuisible à l’Etat et à la République. Les offensives actuelles contre les sectes ou le port du voile peuvent dans cette optique être considérées comme autant d’atteintes à la liberté religieuse.
         On le voit, les questions qui agitent actuellement l’actualité ne sont pas nouvelles. Les catholiques ont maintes fois dénoncé les atteintes à la liberté religieuse à propos de la question scolaire, à propos de la question congréganiste, à propos des expressions blasphématoires exprimées par certains médias…
         Les religions nouvelles, les mouvements dit « sectaires », pénètrent ainsi sur un terrain qui n’est pas vierge. Il est marqué par une longue pratique de l’Etat-surveillance et par une sorte d’incapacité à définir les frontières de l’espace religieux. L’atteinte à la liberté religieuse n’est ainsi jamais loin. On est là au cœur du problème posé par le voile islamique. C’est ce qu’a voulu dire le congrès de l’ Uoif, l’Union des organisations islamiques de France réunie au Bourget le 13 avril 2004 en centrant ses débats autour du thème de « La liberté religieuse ».
 
         Le sens donné en France à ces positions hostiles à telle ou telle religion est éclairé par la notion de laïcité. Cette notion est aujourd’hui omniprésente et maîtresse des raisonnements. La laïcité a étendu son influence. Autrefois limitée à l’école élémentaire publique, depuis les réformes de Jules Ferry, la laïcité est aujourd’hui depuis la Constitution du 27 octobre 1947 une qualité de la République elle-même (art.1) : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », ce que reprend la Constitution de 1958 dans son article 2. La laïcité n’est pas un principe de séparation du religieux et du profane. Elle est plus que cela, ou plutôt autre chose. Elle a pour projet de rendre la République imperméable aux influences religieuses. Inversement le principe de laïcité l’empêche de s’occuper des affaires religieuses.  Ce n’est pas exactement ce que voulait dire l’article 2 de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat : « La République ne reconnaît ni ne salaire aucun culte ». Mais en France le terme de séparation est devenu synonyme de laïcité.
         La laïcité conçue comme principe général de séparation, d’ignorance réciproque et de rejet est ainsi devenue aujourd’hui un moyen de régler toutes les questions religieuses. Certains critiquent cette conception « laïciste » de la laïcité et prônent une définition plus consensuelle où la laïcité apparaît comme un principe d’égalité des religions. Le mot a donc plusieurs sens et son utilisation parfois inadaptée ou intempestive ne facilite pas la compréhension des phénomènes religieux. On l’invoque souvent pour éclairer tel ou tel problème religieux, particulièrement en cette année où on prépare la commémoration du centenaire de la loi de Séparation de 1905. On est bien obligé de constater que le concept n’est guère adapté pour comprendre l’histoire religieuse de la France. Faut-il rappeler quelques réalités historiques ?
         L’histoire religieuse de la France contemporaine est marquée par la lutte, ouverte ou feutrée, des droits de l’Eglise et des principes de la Révolution. Le résultat de l’affrontement est complexe. L’état a dû s’accommoder de la présence de l’Eglise catholique.  Il lui a même parfois accordé de fortes positions et de réels avantages.
         Cette forte présence de l’Eglise catholique a conduit l’Etat à donner à l’exercice de la religion des cadres et des libertés qui vont de la vie associative aux aides financières en passant par la collaboration scolaire. En voici trois exemples, parmi beaucoup, tous propres à brouiller l’image d’une France laïque : les églises, très souvent propriété des communes, qui sont entretenues et chauffées à leurs frais ; un enseignement confessionnel sous contrat qui bénéficie depuis 1959 des services de professeurs salariés par l’Etat ; ou encore l’organisation récente de la représentation du culte musulman par le gouvernement Lionel Jospin, puis par  celui de Jean-Pierre Raffarin, qui met en place un véritable partenariat religieux entre les organisations musulmanes et l’Etat.
         On le voit le tableau est complexe. D’un côté l’image d’un Etat législateur et laïc prêt à museler la liberté religieuse, de l’autre les pratiques quasi concordataires d’un Etat qui réglemente, protège, subventionne. Toutes ces nuances empêchent de considérer la France comme un Etat en pratique laïc ou même comme un pays de rigoureuse séparation.
         Pour rendre compte de cette complexité on a choisi ici d’aborder la question de la liberté religieuse sous l’angle de ses différentes composantes : culte, enseignement, association, expression sociale… Le croyant peut bénéficier de l’une et pas de l’autre.
         Mais ces différentes composantes de la liberté religieuse ne sont pas égales : certaines sont constitutives, tel le culte ou le groupement ; d’autres, une procession, un jour férié, un comportement social, relèvent de l’expression sociale. L’existence des premières conditionne l’exercice des secondes.
I   Les libertés constitutives
 
La liberté religieuse n’est pas définie par le droit français. Il parle plus volontiers de liberté de culte. Le terme « religion » est resté en effet longtemps inusité[6]. Il tend toutefois aujourd’hui à supplanter celui de culte[7]
On ne saurait en effet réduire la liberté religieuse à la liberté du culte. C’était la conception ancienne de la conception religieuse, celle qui s’est développée au long du XIXe siècle. Elle reposait sur une hostilité foncière aux groupements religieux caritatifs, enseignants ou contemplatifs. Ces formes d’expression non cultuelles sont pourtant une composante essentielle de la liberté religieuse. Il faut leur faire une place dans cette évaluation.
 
 
 
Un rapide survol des textes montre que la liberté cultuelle a fait l’objet au fil des régimes d’une large proclamation de principe. Si la Déclaration de 1789 ne s’intéresse qu’« à la libre communication des pensées et des opinions » (art. 11) et qu’à la manifestation de ces opinions religieuses (art. 10) la Constitution de 1791 est plus précise : elle « garantit à tout homme… d’exercer le culte religieux auquel il est attaché ». La loi du 18 frimaire an III-8 décembre 1793 affirme que « toutes violences et mesures contraires à la liberté des cultes sont défendues ». La loi du 5 ventôse an III - 21 février 1795 le dit autrement : « L’exercice d’aucun culte ne peut être troublé ». Enfin la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat  « garantit le libre exercice des cultes ».
Mais qu’est-ce qu’un culte ? La loi a été longtemps restrictive. Le Concordat et les Articles organiques de 1802 ne visaient ainsi que les cultes reconnus : catholique, calviniste, luthérien. Le Statut des juifs de 1807 y ajoute les cultes juifs. Enfin on ajoutera les pratiques coloniales de la France en Afrique du Nord, Algérie, Maroc et Tunisie[8], qui reviennent à reconnaître le culte musulman. La Grande Mosquée de Paris construite à Paris en 1922 est le signe non équivoque de cette reconnaissance et de cette assimilation au statut des autres cultes reconnus.
L’émergence, ces dernières années, de nouveaux mouvements religieux a conduit à réfléchir sur l’extension de la liberté, c’est-à-dire l’accueil d’un culte. Cela est-il toujours souhaitable ? Comment l’accepter si la personne peut être mise en danger ? De là vient la distinction religion/secte mise au point depuis une vingtaine d’années. Elle est fondée sur des critères spécifiques comme la liberté de sortir du groupe ou la présence de mineurs[9]. Un Observatoire national des sectes a été établi pour informer les pouvoirs publics sur les comportements de tel ou tel groupe. Des listes ont été dressées et des campagnes d’informations sur les dangers, réels ou supposés, représentés par certains groupements ont été réalisées. L’Etat s’engageait indirectement dans la voie de la discrimination religieuse. Les groupements concernés ont immédiatement réagi contestant la légalité de ces campagnes d’information comme contraires à la liberté des cultes. Le Conseil d’état dans un arrêt du 17 février 1992 à propos de l’Eglise de scientologie de Paris s’est prononcé en faveur de ces mesures rendant ainsi possible la diffusion des informations.
 Cette orientation protectrice et discriminante a connu un aboutissement législatif avec la loi Nicolas About-Catherine Picard du 12 juin 2001, du nom des rapporteurs, « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales ». Cette loi permet de prononcer la dissolution de tout groupement ayant pour but ou pour effet de créer ou d’exploiter une « sujétion psychologique ou physique » ; elle étend en outre la responsabilité pénale des personnes morales. L’application de la loi permet donc d’exclure du champ cultuel les mouvements qui se rendraient coupables de ces pratiques.
En dehors des incidences cultuelles directes de cette loi il existe d’autres motifs, moins directs, de rejeter un groupe hors du champ religieux : escroquerie, atteinte à la liberté par fichage informatique, etc. La Cour d’appel de Paris a ainsi condamné le 13 octobre 2003 l’Association de l’Eglise de scientologie d’Ile-de-France à 5000 euros d’amende avec sursis pour « conservation en mémoire informatisée de données normatives ». On notera que la Cour d’appel de Lyon par arrêt du 30 juillet 1997 ne contestait pas à l’Eglise de scientologie le titre de « religion ». Elle condamnait les manœuvres frauduleuses mais refusait de se prononcer sur la doctrine.
La recherche du statut de « culte » est un objectif prioritaire pour tous ces groupements en raison des avantages qui s’y attachent. Il vaut reconnaissance. Tous pratiquent ainsi « l’auto proclamation cultuelle » afin de pouvoir constituer une association cultuelle prévue par la loi de Séparation de 1905. Cette forme d’association, limitée à l’objectif cultuel, permet de gérer les biens mobiliers et immobiliers affectés à l’usage du culte.  L’association cultuelle peut recevoir des libertés testamentaires et des dons avec autorisation préfectorale au-dessous de 760.000 euros, avec celle du Conseil d’Etat au-dessus. Elle bénéficie de l’exonération de la taxe foncière pour l’édifice affecté au culte et de la défiscalisation des dons faits par les fidèles[10].
Cette auto proclamation cultuelle est un aspect essentiel de la liberté religieuse parce que le plus souvent la reconnaissance cultuelle administrative suit sans difficulté. Celle-ci est facile à obtenir[11]. Il revient au préfet de l’apprécier en fonction des critères définis par le Conseil d’état : une activité exclusivement cultuelle, dépourvue d’activités commerciales et respectant l’ordre public. C’est à partir de ce critère d’activités non exclusivement cultuelles qu’on a refusé à plusieurs associations des Témoins de Jéhovah le bénéfice de l’exonération de la taxe foncière. Mais la justice sanctionne parfois ces décisions administratives. Le Conseil d’état confirme ainsi le 23 juin 2000 deux arrêts de la Cour administrative de Lyon au motif « que l’objet statutaire de l’association locale des Témoins de Jéhovah de Clamecy et l’activité qu’elle exerçait depuis 1995 dans les locaux qu’elle possède… présentaient un caractère exclusivement cultuel ».
L’accès au statut d’association cultuelle est donc ouvert dès lors que le groupement respecte l’ordre public. On soulignera que cette forme associative - une création de la loi de séparation de 1905 ! - place de facto l’Etat dans le jeu religieux : c’est lui qui règle la discrimination religion-secte et qui définit les avantages liés au statut d’association cultuelle.
On doit remarquer sur ce point le régime particulier dont bénéficie l’église catholique : celle-ci a refusé en 1905 ce type d’organisation associative au motif qu’il portait atteinte à la constitution hiérarchique de l’Eglise. Un accord a finalement été trouvé en 1924 entre l’Eglise et l’Etat avec la création, comme cultuelles spécifiquement catholiques, d’« associations diocésaines » placées sous la direction de l’évêque du diocèse. Ici encore il revient à l’Etat de protéger cette sorte de label catholique. Ainsi a-t-il refusé à la Fraternité Saint Pie X créée par Monseigneur Lefebvre ce statut d’association cultuelle au motif qu’elle apparaissait comme une organisation schismatique. Une quarantaine de dossiers d’exonération de legs représentant 50 millions de francs sont ainsi restés bloqués pendant plusieurs années à la Préfecture des Hauts-de-Seine siège de l’association. La mesure a été levée après que l’association ait supprimé dans ses statuts son appartenance explicite au catholicisme romain. Ici encore c’est l’Etat qui « sélectionne ». Aristide Briand commentant la loi de 1905 ne disait pas autre chose : « Si une religion protestante d’une forme nouvelle naissait dans ce pays et s’y constituait en vertu de la loi de 1905, si elle réclamait le temple occupé par une association de protestants…, je m’élèverais contre sa prétention, comme je m’élève contre les néo-catholiques voulant s’installer dans les églises »[12].
 
 
 
Les activités religieuses ne se limitent pas à l’exercice du culte. Elles concernent aussi de multiples domaines tant de la vie sociale -l’enseignement, l’aide sociale, la santé, l’édition- que de la vie spirituelle - la prière et la louange de Dieu. Ces activités sont assurées depuis les temps les plus anciens par des associations d’hommes et de femmes, religieux ou religieuses, liés entre eux par des vœux ou des liens d’obéissance. On les qualifiera ici par commodité du terme de congrégations religieuses.
Ces congrégations, presque toutes catholiques, bénéficient de la personnalité morale et sont organisées de façon hiérarchique indépendamment des cadres diocésains. Leur puissance, et aussi leur utilité sociale, expliquent que le pouvoir politique ait toujours exercé sur elles une forte surveillance. La Révolution leur a été particulièrement hostile. D’abord dès 1790 en supprimant un nombre considérable d’ordres et de maisons de religieux et religieuses, ensuite en 1792 en supprimant toutes les congrégations.
Cette situation marque l’histoire de la liberté religieuse en France au XIXe siècle. Même si quelques rares régimes, telle la Restauration, ont pu partiellement autoriser le retour de certaines congrégations, ce domaine reste celui de la confrontation entre l’Eglise et l’Etat. La situation de ces congrégations est restée juridiquement précaire. Un régime politique hostile qui imposerait une mise en conformité administrative placerait de nombreuses congrégations en position difficile. Tout ceci éclaire et explique la politique anti congréganiste de la IIIe République à partir des années 1880. On doit ici distinguer deux étapes. La première dans les années 1880 aboutit à l’exclusion des congrégations du domaine de l’enseignement et à une véritable « séparation de l’église et de l’école »[13]. La seconde étape, celle de la loi du 1er juillet 1901 met en place un dispositif législatif limitant de façon extrême la possibilité de maintenir ou de créer une congrégation. Cette loi, qui établit la liberté d’association - !-, comporte un titre III sur les congrégations. Elle est aussi libérale pour les associations déclarées qu’elle est contraignante pour les congrégations : elle impose une reconnaissance par la loi et une stricte surveillance. La loi fut appliquée de façon extrêmement rigoureuse. Très peu de congrégations obtinrent la reconnaissance légale. La plupart des congrégations durent se séculariser, ou s’établir à l’étranger. La liquidation de leurs biens fut prononcée. Toute tentative de reconstitution était punie du délit de congrégation non autorisée. L’offensive anti congréganiste ne fut freinée que par la guerre de 1914 et la politique d’Union sacrée.
Mais la contrainte demeurait. Plusieurs propositions de loi destinées à atténuer la rigueur de la loi de 1901 n’aboutirent pas pendant les années 20 et 30. C’est le gouvernement de Vichy qui libéralise le titre III et autorise les congrégations enseignantes à exercer. La loi du 8 avril 1942 supprime le délit de congrégation et facilite la procédure de reconnaissance par décret en Conseil d’état et non plus par la loi.
         Ces mesures furent reprises à la Libération, mettant ainsi fin à une guerre religieuse commencée sous la Révolution. Mais de fortes oppositions subsistaient encore. La IVe République n’autorisa aucun retour. Même De Gaulle hésita. C’est le Président Pompidou qui donna le feu vert.  La première reconnaissance légale depuis 1901 eut lieu en 1970[14]. C’est un des premiers effets de la diffusion progressive du principe de liberté religieuse en droit européen. Le régime discriminatoire de la loi de 1901 n’était plus acceptable.
Le mouvement de création s’est progressivement amplifié. Quatre ou cinq congrégations sont crées en France chaque année[15]. En raison des avantages accordés à ces associations d’une part, de leur caractère transnational et romain pour les congrégations catholiques[16] d’autre part, on doit considérer qu’il y a là une réelle ouverture à la liberté religieuse.
Le régime juridique des congrégations est proche de celui des associations cultuelles et des associations reconnues d’utilité publique. Il assure en particulier la continuité patrimoniale quel que soit le nombre de membres. Ainsi lorsque la majorité de la congrégation catholique de rite oriental des moniales d’Aubazine a décidé en 1990 de passer à l’orthodoxie, la congrégation catholique a pu subsister. Les dissidentes ont dû former une autre congrégation[17].
Ces avantages ont été recherchés par les autres religions. La première autorisation par décret du 8 janvier 1988 concerne la communauté monastique bouddhiste Karmé dharma chakra de Saint-Léon-sur-Vézère en Dordogne. Depuis une autre congrégation bouddhiste, trois congrégations orthodoxes ainsi que l’Armée du salut ont été reconnues. Enfin et c’est un événement, d’ailleurs presque passé inaperçu, les Jésuites de France jusque là dans une sorte de semi clandestinité juridique ont été reconnus comme congrégation par décret du 24 février 2001.
Le champ associatif religieux ne se limite pas au seul domaine congréganiste. De multiples groupements liés directement ou indirectement à une religion exercent leurs activités dans les cadres associatifs ordinaires. Les plus importants bénéficient de la reconnaissance d’utilité publique et des avantages correspondants, dérogations fiscales et subventions publiques, Secours catholique, Emmaüs, Comité catholique contre la faim et pour le développement, Aide à toute détresse quart monde, Cimade, Fonds social juif unifié, etc. D’autres, très nombreuses et souvent largement subventionnées, sont régies par les dispositions de la loi de 1901 sur les associations simplement déclarées. On les trouve en particulier dans le domaine éducatif, autour de l’école confessionnelle et dans les mouvements scouts, dans le domaine de l’entraide et même à la périphérie des groupements religieux : associations paroissiales, association des amis de tel monastère ou telle institution, etc.
On peut conclure en remarquant que si l’Etat ne reconnaît pas les religions en tant que telles il en reconnaît l’existence à travers les cadres associatifs qu’il met en place pour accueillir les fidèles.
 
 
 
 
Les libertés constitutives ne fondent que les structures indispensables dans lesquelles les croyants d’une religion exprimeront leur foi avec plus ou moins de facilités. Avec les libertés d’expression l’Etat devient régulateur. Il encadre, accorde des avantages ou au contraire établit des contraintes. La liberté religieuse se mesure à l’aune de ces dispositions. La liberté constitutive peut ainsi être réduite à sa plus simple expression par une application stricte du principe de séparation. Elle peut inversement se développer à travers de multiples applications favorables. L’histoire religieuse de la France contemporaine est marquée par ces contradictions qui montrent tout simplement que le principe de séparation ne constitue pas une ligne infranchissable. Il en va autrement avec le principe de laïcité. Plus dynamique il permet de revisiter tous les domaines de l’expression religieuse
 
 
 
Le principe de séparation se définit en réaction et par rapport aux régimes antérieurs d’encadrement religieux. La France a connu depuis 1789 deux régimes d’encadrement de l’exercice des cultes : l’un de 1790 à 1793 sur la base de la Constitution civile du clergé, l’autre de 1801 à 1905 dans le cadre du Concordat et de ses applications.
         Le premier système fait de l’Eglise catholique, le seul culte reconnu. Le pouvoir politique la place dans une position de service public cultuel : clergé fonctionnarisé et salarié, découpage des circonscriptions ecclésiastiques, obligation de discipline administrative, pas de structures congréganistes. Le second système procède de la même philosophie mais concerne outre les catholiques, les protestants et les juifs. Ces systèmes font de l’Etat un partenaire à part entière de la politique religieuse. Il fournit les moyens et il règle la discipline.
Chacun de ces régimes a pris fin avec une loi dite de « séparation », le premier en 1795 et le second avec la loi de 1905 toujours en vigueur. Si la loi de 1795 a débouché sur une véritable persécution religieuse il en va autrement de la loi de 1905. D’une part parce qu’elle fournit aux cultes un cadre de fonctionnement, les associations cultuelles, d’autre part parce qu’elle libère chaque culte des pesanteurs administratives que pouvait faire peser la solution napoléonienne. Certes l’image de cette loi a été profondément marquée par les oppositions de l’Eglise catholique et les troubles auxquels son application a pu donner lieu au cours des mois qui ont suivi, particulièrement à propos des inventaires des biens de l’Eglise. Partisans et adversaires de la loi se sont ainsi retrouvés autour d’une interprétation dure de la loi contribuant à la construction d’une sorte de mythe.
 Il faut se méfier de cette interprétation de la loi de 1905. L’application qui en a été faite pour les catholiques contredit sur plusieurs points les fondements de la séparation établis en 1905. Une série de mesures étendues sur un demi siècle l’ont fait évoluer en « concordat officieux ».
On peut en noter brièvement les aspects les plus saillants : l’absence de cultuelles pour les catholiques à conduit l’Etat et les communes à rester propriétaires et gestionnaires des églises et bâtiments annexes. La loi du 2 janvier 1907 et la jurisprudence du Conseil d’état ont développé une pratique de mise à disposition des édifices construits avant 1905 particulièrement favorable puisqu’elle fait peser l’essentiel des charges sur les pouvoirs publics[18]. Les édifices construits postérieurement sont à la charge des religions concernées et ne peuvent bénéficier d’aides financières directes. 
         Le deuxième domaine concerne le caractère particulier des associations diocésaines par rapport aux autres cultuelles[19]. Il déroge à la loi de 1905 particulièrement sur le problème du respect de la hiérarchie ecclésiastique.
         Le troisième domaine concerne l’enseignement primaire et secondaire. Depuis 1959 les enseignants des établissements confessionnels d’enseignement qui ont accepté le contrat d’association prévu par la loi sont payés par l’Etat. La réforme place sur ce plan ces établissements sur un plan d’égalité avec ceux de l’enseignement public. Elle bénéficie à toutes les religions. Le cadre du contrat ne permet toutefois pas les aides financières publiques.
         La liste de ces aménagements et dérogations au principe de séparation est longue. Sans chercher à être exhaustif on en notera quelques autres : le maintien du régime concordataire de 1801 dans les trois départements d’Alsace-Lorraine lors de leur retour à la France en 1919 ; les procédures particulières de nomination des évêques qui nécessitent une concertation officieuse entre l’église et l’état[20] ; la création d’aumôneries militaires, scolaires et de prison dont les aumôniers sont parfois salariés par l’Etat ; le régime particulier de certains départements et territoires d’outre-mer qui méconnaissent complètement le principe de séparation[21] ; la mise en place d’un régime d’exemptions fiscales accordées aux associations cultuelles ou congréganistes et de déductions d’impôts accordées aux particuliers et entreprises pour leurs dons aux œuvres[22].
          Souvent d’abord accordées aux catholiques ces mesures ont été étendues aux autres cultes. Le régime de séparation, ainsi transformé en régime de participation, fournit à l’expression religieuse de nouveaux moyens. Il s’avère plus favorable à la liberté religieuse que le régime de 1801 parce que l’Etat n’y est plus organisateur mais partenaire. On comprend que les évêques soient favorables au statu quo. Mgr Ricard président de la Conférence des évêques de France a fait part de cette position lors de son audition par la Commission Stasi le 24 octobre 2003. Inversement certaines voix se font entendre réclamant une modification de la loi pour permettre aux religions nouvelles ou en fort développement, comme l’Islam, de bénéficier des avantages matériels identiques à ceux des religions anciennement établies particulièrement pour financer les édifices du culte[23].
Cette nouvelle approche des relations Etat-religions a conduit depuis quelques années à une visibilité politique des religions. Le pouvoir politique engage ainsi le dialogue avec les instances religieuses qu’il considère comme représentatives : pour les catholiques il s’agit d’une structure rassemblant des représentants de la Conférence épiscopale et de personnalités comme l’archevêque de Paris[24]. Pour les protestants l’interlocuteur est la Fédération protestante de France, pour les juifs, le Conseil représentatif des institutions juives de France.
Il restait à mettre en place une telle structure pour les musulmans. La variété des groupements l’a rendu difficile. Entreprise sous le gouvernement Jospin la démarche a abouti l’an dernier sous le gouvernement Raffarin avec l’impulsion de Nicolas Sarkozy ministre de l’Intérieur et donc responsable des cultes. Le Conseil français du culte musulman rassemble les différentes tendances de l’Islam en France. Il est placé sous la présidence du recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.
La police des cultes et de l’expression religieuse présente, toujours dans le cadre de l’application de la loi de 1905, des caractéristiques semblables. Ces solutions institutionnelles sont complexes et nuancées. Les rigueurs de la séparation sont tempérées par une longue pratique de la gestion des contentieux entre l’Etat et l’Eglise. On ne peut oublier en effet que le pouvoir politique a toujours été en France le garant et le protecteur de l’ordre religieux.  Il en règle la discipline externe. C’est un des aspects les plus remarquables des relations entre l’Eglise et l’Etat avant 1789 telles qu’elles sont définies dans le cadre des libertés de l’Eglise gallicane. L’appel comme d’abus était la procédure qui organisait la gestion de cette ligne de partage entre les deux pouvoirs. Elle pouvait frapper toute décision judiciaire ou administrative de l’autorité ecclésiastique et conduire à son annulation.
Le régime concordataire est placé dans l’exacte continuité des systèmes antérieurs, celui de l’Eglise gallicane et de l’Eglise constitutionnelle. Sans doute est-il même plus tatillon et plus policier en raison des contraintes mises en place par les Articles organiques, véritable « corset policier » du Concordat. Tout y est minutieusement réglé en matière de police des cultes : manifestations extérieures, calendrier, fêtes, etc. Ici encore c’est l’appel comme d’abus qui est le moyen régulateur.
Les oppositions entre partisans de la laïcité et catholiques ont conduit au XIXe siècle et même encore au XXe à certains excès et débordements que les représentants de l’Etat et surtout les juridictions administratives ont encadré avec de plus en plus de souplesse et de nuances. La police des cultes s’est ainsi développée sur le terrain juridique des libertés publiques aboutissant à des solutions dépassionnées permettant à chacun de s’exprimer.
 Le terrain le plus sensible reste en cette matière la police de l’expression religieuse en matière littéraire ou télévisuelle.  Régulièrement reviennent sur le devant de la scène des affaires qui tournent autour du caractère blasphématoire : le livre de Salman Rushdie sur Les versets sataniques, le film de Scorsese sur La dernière Tentation du Christ, certaines campagnes d’affichage de Beneton ou encore l’affiche du film de Costa-Gavras Amen. Les exemples ne manquent pas.
 
                            B   Le principe de laïcité
 
Séparation et laïcité ont chacune leur histoire. La première naît au cœur de la Révolution française et réapparaît de façon affadie en 1905. La seconde émerge dans les années 1880 du concept d’« anticléricalisme », en réaction contre les fortes avancées catholiques dans tous les domaines de l’enseignement, particulièrement au début de la IIIe République sous la présidence de Mac Mahon. Deux lois forment la matrice de cette laïcité scolaire : la loi du 28 mars 1882 voulue par Jules Ferry pour laïciser l’enseignement public primaire, la loi du 30 octobre 1886, dite loi Goblet, organisant la laïcisation des personnels dans l’école publique. Ces mesures visaient à protéger l’enseignement primaire des influences des congrégations religieuses. Son application entraîna l’exclusion de cet enseignement non seulement des congrégations en tant que telles mais aussi des ecclésiastiques eux-mêmes, même à diplômes égaux. Elle visait aussi à exclure les matières religieuses. Le catéchisme est ainsi enseigné hors de l’école primaire publique ; un jour par semaine lui était toutefois réservé par la loi. A côté de l’école publique subsistaient des milliers d’établissements privés dépourvus d’aides publiques et souvent très pauvres.
Ce processus de laïcisation concernait moins l’enseignement secondaire public. Les aumôneries des lycées furent maintenues. Elles seront même étendues aux collèges sous la IVe République. En outre on trouvait à côté des ces lycées de nombreuses institutions privées crées depuis le vote de la loi Falloux du 15 mars 1850 qui avait mis fin au monopole de l’enseignement secondaire établi sous Napoléon. La France connaissait donc à la fin du XIXe siècle deux systèmes éducatifs dont la concurrence alimentait une « guerre scolaire ». La laïcité règnait dans l’espace public mais la liberté de l’enseignement primaire et secondaire, tant pour la création d’établissements que pour le choix des parents, garantissait la liberté d’éducation religieuse.
Restaient les questions financières. L’absence d’aides publiques fut dénoncée par les partisans de l’école confessionnelle comme profondément inégalitaire. Une série de mesures prises entre 1919 et 1977 ont répondu à cette attente et complètement bouleversé le paysage de la laïcité scolaire. Notons les principales. La loi Astier du 27 juillet 1919 qui crée l’enseignement technique et permet l’octroi de subventions aux établissements confessionnels permettant ainsi le développement d’un important secteur d’enseignement catholique dans ce domaine ; les mesures du gouvernement de Vichy qui autorisent les subventions municipales et l’octroi de bourses aux élèves du privé ; abrogées à la Libération ces mesures réapparaissent avec la loi Marie du 21 septembre 1951 pour les bourses et la loi Barrangé du 28 septembre 1951 pour l’allocation aux familles scolarisant leur enfant dans le privé. La loi Debré du 31 décembre 1959 va plus loin en reconnaissant que le privé participe au « service public d’enseignement » et qu’à ce titre il peut bénéficier d’aides. La loi met en place un système de contrats d’association assurant d’une part le respect des programmes généraux d’enseignement par les établissements et d’autre part le paiement par l’Etat des traitements des enseignants[25]. Enfin la loi Guermeur en 1977 augmente la participation financière de l’Etat et met en place une série de mesures destinées à garantir le « caractère propre » des établissements sous contrat[26].
C’est ce contexte particulièrement favorable au développement de l’enseignement confessionnel qui éclaire la réaction de la gauche dans les années 1970. La défense de la laïcité devient un axe fort du « Programme commun de gouvernement » signé par les partis de gauche en 1972. En 1981 la proposition n°90 du candidat Mitterrand à la présidence de la République annonçait, non sans nuances, la constitution d’« un grand service public, unifié et laïque de l’Education nationale ». Soucieux de ne pas rallumer la guerre scolaire le ministre de l’Education nationale Alain Savary élabora un compromis avec l’Episcopat, en retrait par rapport aux propositions du programme commun. Malgré cela le projet de loi du 18 avril 1984 provoqua un puissant mouvement d’hostilité. D’immenses manifestations firent reculer le gouvernement. Fort de son succès le camp de l’école privée continua de réclamer une égalité complète de traitement. Cette action faillit aboutir en 1994 sous le gouvernement Balladur avec le projet de François Bayrou abrogeant l’article 69 de la loi Falloux qui plafonnait les aides publiques à la construction des établissement privés d’enseignement secondaire à 10% de leur montant. Le Conseil constitutionnel rejeta le texte le 16 janvier 1994 provoquant l’échec de la réforme. [27]
On notera que le principe de laïcité a peu pénétré l’enseignement supérieur public[28] : un clerc peut y enseigner et on n’a jamais pris de mesures dans les facultés contre le port de la kipa ou du voile. Mais les choses pourraient changer face aux évolutions communautaristes et à leurs revendications actuelles : respect des prescriptions alimentaires, jours fériés, salles de prières, etc. Une charte est en cours d’élaboration. Elle pourrait paradoxalement aboutir, par réaction de la part des autorités universitaires, à la suppression des liberté religieuses existantes, par exemple des aumôneries étudiantes établies dans les locaux universitaires.
Le débat sur la laïcité, qui s’était focalisé depuis la fin du XIXe siècle sur les questions d’égalité de traitement, a repris sur le thème des comportements religieux avec l’arrivée dans le système éducatif de nombreux enfants musulmans. C’est au nom de la laïcité qu’a éclaté en 1989 l’affaire du « foulard islamique » à Creil, dans un collège de la banlieue parisienne. Enseignants et responsables administratifs y ont vu une atteinte à la laïcité et procédé à l’exclusion des élèves. Le Conseil d’Etat s’est prononcé dans un avis de 1989 en considérant que « le port par ces  élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il  constitue l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation de croyances religieuses ». « Mais cette liberté ne saurait permettre d’arborer des signes… de caractère ostentatoire ou revendicatif (qui) constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme… ». La décision était laissée à chaque chef d’établissement. Une fois de plus la jurisprudence administrative trouvait une solution dépassionnée à un problème délicat.
 Plusieurs conflits, très médiatisés, ont montré par la suite les limites du pouvoir des directeurs d’établissement. Peu à peu l’idée d’une loi contraignante sur le port ostensible des signes religieux a progressé. Deux commissions ont été réunies, chacune étant favorable à une intervention législative. La commission parlementaire présidée par Jean-Louis Debré -fils de Michel, le promoteur du cadre du contrat pour les établissements privés en 1959- a même proposé son extension aux établissements confessionnels.
         La commission présidée par Bernard Stasi a proposé de son côté une loi portant interdiction pour la seule école publique. Elle proposait également deux jours de congé supplémentaire, l’un pour le Yom Kippour, l’autre pour l’Aïd el Kébir. Cette proposition a été rejetée immédiatement par le gouvernement.
 La loi votée par le Parlement au début du mois de mars 2004[29], droite et gauche confondues, contre l’avis des responsables de toutes les religions, a suscité quelques manifestations. Certains y ont vu une atteinte religieuse dans la mesure où elle concerne tous les signes religieux portés par les élèves : voile, kipa et grande croix (ce que personne n’a jamais vu mais il fallait bien assurer une égalité de traitement avec les chrétiens même fictivement), mais aussi médailles diverses. On s’est finalement orienté vers une application souple et minimale de la loi. Les médailles semblent hors du champ. Une concertation préalable est prévue par la loi. Dans son rapport annuel consacré cette année 2004 à Un siècle de laïcité[30] le Conseil d’Etat recommandait de son côté une application souple de la loi[31]. La rentrée scolaire 2004 s’est déroulée dans le calme. François Fillon ministre de l’Education nationale précisait lors d’une interview accordée à la radio Europe I le 19 septembre 2004 que seulement 635 jeune filles s’étaient présentées avec le voile lors de la rentrée 2004 contre 1500 l’an dernier ; 534 avaient accepté de le retirer après la phase de dialogue et 101 cas étaient en cours de traitement.
Au delà du caractère spécifique de la question du voile l’événement montre que dans certaines circonstances l’expression religieuse peut être considérée comme une manifestation déplacée voire hostile. Ici c’est à propos de l’école publique, demain ce pourrait être le cas de l’enseignement religieux dans les aumôneries de l’enseignement secondaire ou des signes religieux dans les écoles confessionnelles[32].
Ce rejet du fait religieux au sein même de l’école peut porter d’autres rejets plus larges. C’est tout le sens des paroles prononcées par Jean-Paul II devant le Corps diplomatique à l’occasion des vœux 2004 : « Nous sommes témoins, ces derniers temps, dans certains pays d’Europe, d’une attitude qui pourrait mettre en péril la liberté de religion. Si tout le monde s’accorde à respecter le sentiment religieux des individus, on ne peut pas en dire autant du fait religieux, c’est à dire de la dimension sociale des religions ». Ces propos conduisent à s’interroger sur l’expansion du principe de laïcité hors de l’école. Pendant longtemps cantonnée à l’école la laïcité tend en effet depuis le milieu du XXe siècle à toucher l’ensemble de la sphère publique. On notera que le législateur de 1905 n’avait pas jugé utile d’utiliser le terme, sans doute parce qu’il ne correspondait pas à ce qu’il voulait, mais que les Constituants de 1946 l’ont érigé en principe constitutionnel. Il s’agissait ici de mettre en œuvre dans l’ensemble de la sphère publique un principe qui avait montré son efficacité au sein de l’école… en lieu et place du principe de séparation, particulièrement malmené tant par la IIIe République que par le gouvernement de Vichy, et devenu inefficace dans la défense de l’espace public contre les influences religieuses.
 
 
L’emploi, aujourd’hui généralisé, du terme de laïcité pour qualifier les rapports entre politique et religion soulève de nombreux problèmes de définition. On tentera ici d’en éclairer quelques uns au moyen de trois paradoxes.
 
Paradoxe politique d’abord. Le port du voile et plus généralement les questions liées à l’intégration des musulmans en France ont réactivé les attitudes traditionnelles de l’Etat face aux questions religieuses : le religieux est mis à l’écart de l’espace public mais aménagements et exceptions tempèrent la situation. Les problèmes liés au culte musulman en sont l’actuelle illustration. Certains ont vu dans l’interdiction du port du voile une atteinte à la liberté religieuse ; à l’inverse d’autres ont considéré l’organisation de la représentation du culte musulman comme une atteinte à la laïcité. On est ici au cœur du paradoxe de la laïcité. Comment un Etat champion de la laïcité peut-il à la fois repousser l’expression religieuse dans la sphère privée et instaurer un dialogue public avec ses représentants ? Des funérailles officielles de François Mitterrand célébrées à Notre-Dame de Paris en janvier 1996 à la réception officielle du pape en pèlerinage à Lourdes le 15 août 2004 par Jacques Chirac en passant par tous les élus locaux qui ici et là à travers la France participent aux dévotions des fêtes patronales, l’histoire de la laïcité n’est qu’un long chapelet d’accrocs et d’arrangements. On est loin des excès laïcistes qui suivent la loi de séparation de 1795 ou de ceux qui précèdent celle de 1905. Le « compromis laïque »[33] est devenu en France le mode de gestion normal des questions religieuses.
 
Paradoxe sémantique ensuite. La situation est d’autant plus déroutante que si la pratique de la laïcité est incertaine il en est de même du sens du mot lui-même. Sa signification classique est connue : « La laïcité consiste à affranchir l’ensemble de la sphère publique de toute emprise exercée au nom d’une religion »[34]. Mais cette conception qui fait référence à une laïcité offensive est de plus en plus concurrencée par une laïcité consensuelle, « une laïcité désormais acceptée par tous et modulée par chacun selon ses conceptions »[35] ou comme le dit Monseigneur Ricard dans son discours de clôture de l’Assemblée des évêques de France en novembre 2003 : « La vraie laïcité est celle qui contribue à faciliter un meilleur vivre ensemble de toutes les composantes d’une société ». Un autre sens du mot émerge : « L’état français aurait congédié les axiomes de verticalité et d’universalité qui le caractérisaient depuis les années 1880 pour s’ouvrir à la dimension de la pluralité. La laïcité relèverait désormais d’une logique de la conciliation plus que de la confrontation »[36]. Ainsi ce mot qui fut pendant longtemps synonyme d’anticléricalisme et de lutte anti religieuse prend aujourd’hui une signification consensuelle et sert à combattre les communautarismes par la neutralité, la concertation et le respect réciproque des religions.
 La signification du mot est devenue instable et comme si cela ne suffisait pas s’ajoutent toutes les transformations que le terme subit lorsqu’il est exporté et qu’il est confronté à d’autres expériences. A l’échelle européenne « diverses versions de la laïcité se confrontent » explique Jean Baubérot. « Il faut que les sensibilités religieuses participent au débat, mais en évitant tout retour du cléricalisme : c’est le nouveau chantier de la laïcité »[37].
Autant dire que ce n’est pas demain que la France pourra proposer au autres pays une définition précise de la laïcité. Ce n’est pas là le moindre paradoxe de cette notion : un terme difficile à définir et pourtant érigé au rang de principe fondamental du droit français est employé pour analyser une pratique de la séparation entre l’église et l’Etat particulièrement complexe et nuancée. On l’emploie par exemple aujourd’hui fréquemment pour éclairer la loi de 1905 alors que le législateur de l’époque parlait de séparation. La substitution perturbe gravement l’analyse. L’emploi anachronique du mot et son caractère polysémique ne contribuent pas à clarifier l’approche juridique des questions religieuses. Comme le dit René Rémond « la laïcité n’est plus ce qu’elle était »[38].
 
Paradoxe juridique enfin, et surtout. Les questions religieuses sont depuis quelques années placées sous les feux de l’actualité. La commémoration en 2005 du centenaire de la loi de séparation de 1905 contribue déjà depuis plusieurs mois à alimenter un peu plus le débat. On constate en France une inhabituelle floraison d’ouvrages sur ces questions. Leur thème axial est la laïcité. Aucun, ou presque, ne porte sur la liberté religieuse. Ce n’est pas le moindre des paradoxes. La notion de laïcité s’est substituée dans les commentaires et analyses à celle de liberté religieuse jusqu’à apparaître comme son équivalent.  « Elle postule à la fois à la neutralité de l’Etat et à la liberté de conscience » estime Jacques Robert[39]. Il semble qu’on ne soit pas très loin ici d’une définition de la liberté religieuse, sauf que cette liberté ainsi définie est modulée par les variations d’une neutralité étatique qui renvoie forcément aux critères de séparation public /privé portés par la laïcité.
Ainsi les droits de la sphère publique qu’exprime le principe de laïcité en arrivent-ils à supplanter la défense d’un droit fondamental pourtant essentiellement lié à la liberté de conscience[40]. On comprend ainsi que, coupée de sa référence naturelle et supérieure qu’est la liberté religieuse, la laïcité tende à tracer elle-même les limites de son influence jusqu’à pénétrer, en cas de nécessité, dans la sphère privée, un peu comme un droit propre qui se développerait en contradiction avec le droit commun, celui de la liberté religieuse. Peut-être est-ce cela qui fait de la laïcité une « exception française »[41] ?
 


[1] La discussion par l’Assemblée constituante des futurs articles 10 et 11 a été particulièrement houleuse et désordonnée. Le projet du Sixième bureau qui servait de base à la discussion parlait même de « respect pour le culte public » (art. 17) et faisait référence dans son article 18 à un « culte établi ». S. Rials, La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Hachette, 1988, pp. 236-247.

[2] Article 18 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ».

[3] Article 9 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».

[4] Rapport du Conseil constitutionnel français à la IXe Conférence des cours constitutionnelles européennes, novembre 1998, sur La jurisprudence constitutionnelle en matière de liberté confessionnelle et le régime des cultes, éléments rassemblés par Brigitte Gaudemet-Basdevant.

[5] J.F. Renucci, Droit européen des droits de l’homme, Lgdj, Paris, 2002, 3e ed., p. 139. Cf. G. Gonzales, La Convention européenne des droits de l’homme et la liberté des religions, Economica, Paris, 1997.

[6] « En France, il n’y a pas à proprement parler, de droit des religions. La religion, ou les cultes, si l’on préfère adopter les catégories d’une société démocratique et pluraliste, ne constitue pas un concept juridiquement défini », A. Boyer, Le droit des religions en France, Puf, Paris, 1993, p. 11. Les approches combinées du droit canonique et du droit ecclésiastique ont pendant longtemps pallié cette déficience. Cf. P. Valdrini, J. Vernay et J.P. Durand, Précis de droit canonique, Dalloz, Paris, 1999.

[7] Voir les approches nouvelles de cette redéfinition dans F. Messner, P.H. Prelot et J.M. Woehrling, Traité de droit français des religions, Editions du Juris-Classeur Litec, Paris, 2003.

[8] A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, 1895 ; F. Luchaire, Droit d’Outre-Mer, Puf, Paris, 1959.

[9] A l’origine de cette approche les travaux du député A. Vivien, Les sectes en France : expression de la liberté morale ou facteurs de manipulations ? Rapport au premier ministre, La Documentation française, Paris, 1985.

[10] J. Gueydan, X. Delsol et P. Desjonquères, Cultes et religions, impôts et charges sociales, Ed. Juris, Lyon, 1991.

[11] Sur ces stratégies, « Sur les statuts légaux des sectes » in Bulles, Bulletin de liaison pour l’études des sectes, 4e trimestre 1992 et C. Duvert, Sectes et droit, Thèse droit Paris II, 1999.

[12] Réponse d’Aristide Briand à la Chambre des députés, 21 décembre 1907 cité par Boyer, Le doit des religions, cit, p. 142.

[13] P. Chevallier, La séparation de l’Eglise et de l’Ecole. Jules Ferry et Léon XIII, Fayard, Paris 1981.

[14] Au bénéfice des Petites sœurs de l’Assomption, Boyer, Le droit des religions, cit., pp. 174-176.

[15] 636 congrégations avaient fait l’objet d’une reconnaissance légale à la date de janvier 2003 : 617 catholiques, trois protestantes, six orthodoxes, neuf bouddhistes et un hindouisme. Chiffres donnés par Vianney Sevaistre chef du Bureau des cultes au ministère de l’Intérieur lors du colloque organisé en octobre 2003 par la Conférence française des supérieurs majeurs, La Croix, 21 octobre 2003.

[16] La plupart des ordres religieux ont leur maison générale à Rome.

[17] Boyer, Le doit des religions, cit., p. 167.

[18]M. Flores-Lonjou, Les lieux de culte en France, Cerf, Paris, 2001.

[19] B. Basdevant-Gaudemet, « A propos des associations cultuelles. Etapes d’une législation », in  L’Année canonique, n° 33, 1990, pp. 101-124.

[20] J.L. Harouel, « Les désignations épiscopales dans les droits contemporains », Travaux et recherches de l’Université d’économie et sciences sociales de Paris, n° 13, Paris, 1977 et J.B. d’Onorio, La nomination des évêques, procédures canoniques et conventions diplomatiques, Tardy, Paris, 1989.

[21] F. Messner, L’organisation des cultes et des congrégations dans les Dom-Tom, in F. Messner, P.H. Prélot et J.M. Woehrling dir., Traité de droit français des religions, cit., pp. 835-838.

[22] O. Schrameck et X. Delcros, « La fin de la laïcité fiscale », in Actualité juridique droit administratif, 1988, p. 257 à propos de la loi du 23 juillet 1987 organisant le mécénat d’entreprise.

[23] Le financement des constructions nouvelles est en effet interdit, Conseil d’état, Sec. 9 octobre 1992, Commune de Saint-Louis /Association (Hindouiste) Siva Soupramainen de Saint-Louis, Semaine juridique 1993, n°424. On a cependant parfois considéré comme un équipement public la construction d’un centre culturel islamique comprenant une mosquée, Conseil d’état, Sec. 12 février 1988, Association des résidents des quartiers Portugal-Italie à Rennes,  Juris classeur périodique,1989 II n°21257. La mesure a été interprétée par certains juristes comme un correctif en faveur de la religion musulmane

[24] Le 12 février 2002 Lionel Jospin premier ministre a reçu une délégation de l’ « Eglise catholique en France » (et non « de France ») composée de J.M. Lustiger archevêque de Paris, Mgr Ricard président de la conférence épiscopale et du nonce. La question de la présence de ce dernier fut tranchée par Lionel Jospin lui-même qui décida que l’Eglise composait sa délégation comme elle l’entendait. Certains fonctionnaires se souvenaient que vingt cinq ans auparavant il avait fallu annuler une rencontre entre le premier ministre de l’époque et le cardinal Marty tout simplement parce que l’annonce avait filtré dans la presse. La Croix, 4 novembre 2003.

[25] La formation des maîtres de l’enseignement primaire public est assurée par des Instituts de formation des maîtres, Iufm ; celle des maîtres de l’enseignement primaire catholique sous contrat par des Centres de formation pédagogique, Cfp.

[26] G. Cholvy et N.J. Chaline, L’enseignement catholique en France aux XIXe et XXe siècles, Cerf, Paris, 1995.

[27] L’enseignement privé, catholique à 95%, scolarise 14% des élèves du primaire et 19% du secondaire, soit près de 2 millions d’élèves. On remarquera que les élèves passent facilement d’un système à l’autre : 33% d’entre eux ont passé au moins un an dans un établissement privé.

[28] Qui coexiste lui aussi avec un enseignement privé en partie catholique. Le système du contrat n’existe pas dans l’enseignement supérieur.

[29] Article 1. « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »

[30] La Documentation française, études et documents, n° 55.

[31] Il précise par ailleurs dans ce même rapport consacré à Un siècle de laïcité qu’ « on ne saurait à cet égard faire fi d’une histoire millénaire et tenir pour abusif que les jours chômés et fêtes légales soient directement et quasi exclusivement liés à la mémoire chrétienne ».

[32] D’autant plus que de nombreuses écoles catholiques sous contrat accueillent des jeunes filles musulmanes voilées.

[33] R. Charvin et J.J. Sueur, Droits de l’Homme et libertés de la personne, ed. Jurisclasseur Litec, Paris, 2002, 4e ed., pp.238-257.

[34] H. Pena-Ruiz, Qu’est-ce-que la laïcité ? Gallimard, Paris, 2003, p. 71.

[35] E. Poulat, Notre laïcité publique, ed Berg international, 2003. Yves tripier, La laïcité, ses prémices et son évolution depuis 1905 (le cas breton), L’Harmattan, Paris, 2003, parle de l’évolution d’une « laïcité de combat » à une « laïcité ouverte ».

[36] J. Baudoin et P. Portier, La laïcité une valeur d’aujourd’hui ? Contestations et renégociations du modèle français, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2001, pp.15-16.

[37] Entretien au journal La Croix, 28 avril 2003. Cf. J. Baubérot, Vers un nouveau pacte laïque ? Seuil, Paris, 1988. P. Portier, « Les laïcités dans l’Union Européenne. Vers une convergence des modèles ? » in La Tolérance, Presses universitaires, Rennes,1999.

[38] Titre d’un article de René Rémond dans  Etudes, n° 360, 1984, pp. 439-448

[39] Libertés et droits fondamentaux, dir. R. Cabrillac, A-M Frison-Roche et T. Revet, Dalloz, Paris, 2000, 6e ed., pp. 587-613. On est très proche de la définition de la « Déclaration des droits » du projet de Constitution du 19 avril 1946 dans son article 13. 

[40] Jean-Paul II aux évêques de l’Est de la France fin février 2004 : « Tout chrétien ou tout adepte d'une religion a le droit, dans la mesure où cela ne remet pas en cause la sécurité et la légitime autorité de l'état, d'être respecté dans ses convictions et dans ses pratiques, au nom de la liberté religieuse, qui est un des aspects fondamentaux de la liberté de conscience ».

[41] Intitulé du 3e colloque, organisé en novembre 2004 à Nice dans le cadre du Centenaire de la loi de 1905 « La laïcité en France et dans le monde. L’exception française ». Le premier colloque « De la genèse de la loi de 1905 à son application » s’est tenu en février 2004 ; le troisième colloque « L’avenir de la laïcité en France » aura lieu en novembre 2005, Commission du Centenaire de la loi de 1905, Maison Saint Pierre, 52 Rue de la Buffa, 06000 Nice.

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