Frontière Voies de communication
 
 
 
 

Politique frontalière et voies de communications 

L’exemple niçois

 
 
 
La région niçoise est une marche frontière particulièrement sensible aux variations politiques qui touchent à l’organisation de la frontière. L’affermissement des frontières des Etats-Nations a accentué cette situation. Les intérêts stratégiques des Etats concernés, Piémont-Sardaigne et France, ont lourdement pesé sur tous les investissements routiers et ferroviaires. L’institution frontalière remplit ici sa fonction, celle de défendre les intérêts économiques et militaires de la Nation. Mais inversement, la défense de la frontière est une hypothèque permanente qui pèse sur tous les projets de développement locaux.  Elle peut, par une sorte d’effet pervers, avoir pour conséquence le dépérissement de la zone frontière. La conférence qui suit met cet aspect en lumière.
Les notes qui ont servi à la conférence n’ont pas été réécrites et n’on fait l’objet que de modifications formelles.
M.B. Juillet 2019
 
De l’ouverture à la fermeture de la frontière
1853-1887
 
Conférence
 Acadèmia Nissarda
 8 avril 1995
 
Michel Bottin
 
Pour citer : Michel Bottin, Les voies de communication dans le Comté de Nice. De l’ouverture à la fermeture de la frontière.1853-1887, Conférence, Acadèmia Nissarda, 8 avril 1995.
 
Le développement des voies de communications dans le Comté de Nice est depuis deux siècles au centre d’un débat politique toujours ravivé.
          La question se présente en effet sous la forme d’un double défi :
-         Un défi technique d’abord lié à la nature du terrain accidenté à souhait. Dans ce développement rien ne fut facile. Les travaux que consacrèrent à cette question Leo Imbert puis Ernest Hildesheimer montrent que tout se fit avec difficulté et retard, au prix d’un certain nombre d’exploits techniques.
-         Un défi politique ensuite, lié à la nature de la province de Nice, pays de frontière, marche de Piémont, de Ligurie et de Provence. La question des voies de communications y prend toujours une tournure politique qu’on ne trouve pas dans des régions moins sensibles.
Se pencher sur cette question revient donc toujours à interroger le passé pour mieux comprendre le présent et regarder l’avenir. Cet exposé n’échappe pas à la tentation de l’histoire-leçon.
Le choix des limites chronologiques, 1853-1887, y est d’ailleurs lié. Cette trentaine d’années entre la fin de la Restauration sarde et les débuts de la IIIe République nous apparaît avec le recul comme une de ces périodes cruciales où se joue l’avenir d’une région. C’est le moment où partout s’organise la trame d’un réseau moderne, routier et ferré, de voies de communications.
Comment, dans ce mouvement général de croissance apprécier les réalisations locales ? Le bilan est tentant.
On ne peut aborder cette question sous cet angle, très politique, qu’en précisant de façon préalable la place de Nice et de son Comté dans l’Etat, sabaudo-piémontais d’abord, français ensuite.
1.     Quelle est d’abord cette place de Nice et de son Comté dans les Etats de la Maison de Savoie au lendemain de 1815 ?
C’est celle d’une petite province bénéficiant dans quelques domaines (fiscal, douanier, économique), d’un statut privilégié. Sa fonction essentielle est d’être le débouché du Piémont. Les privilèges n’en sont que la conséquence. Telle était la finalité du port-franc créé en 1612. Les marchandises à destination du Piémont ou en provenant y bénéficiaient d’avantages douaniers. Une route, celle de Tende avait été aménagée à grands frais pour servir de cordon ombilical. 
Le Comté se trouvait ainsi placé à partir du XVIIe siècle dans une situation d’ « étranger fictif » selon l’expression utilisée en France pour qualifier ce type de situation douanière. La douane se payait à l’entrée en Piémont. Ces privilèges que l’on présente toujours comme une compensation à la pauvreté économique, n’étaient en fait qu’une sorte de contrepartie fiscale liée à une position particulière dans l’Etat.
Il faut compléter cette approche douanière par un éclairage sur la situation militaire. En matière militaire le Comté de Nice, après la destruction de la forteresse de Nice par Louis XIV, est devenu un glacis. La ligne de défense, la frontière militaire, est reportée sur les contreforts du Mercantour. L’ouest de la Province en particulier fut totalement démilitarisé et rien ne devait y être fait qui puisse avantager l’ennemi.
Marche douanière, glacis militaire, l’état des voies de communications ne fait que refléter cette situation. Voici cet état :
Il n’y a en 1815 que très peu de routes dans le Comté. C’est un pays de sentiers et de chemins muletiers : la route royale Nice-Tende, celle reliant Nice à Villefranche et celle menant au pont du Var face à Saint Laurent, ainsi que quelques aménagements très partiels le long de ce qui deviendra la grande corniche. La route n’atteindra La Turbie qu’en 1825.
C’est aussi à cette époque-là que commencent les travaux de la route Nice-Levens, premier tronçon d’une route dite « centrale » qui devait desservir les vallées de la Vésubie et de la Tinée par Duranus, Utelle, La Tour vers. L’état-major s’était opposé à toute ouverture vers la vallée du Var. C’était tout et c’était peu.
D’une certaine façon la province niçoise payait son particularisme. Mais à partir de 1820-1822 se développe à Turin un mouvement destiné à replacer le Comté de Nice dans le droit commun. D’abord timide, ce mouvement s’amplifie en 1848 avec la création d’une Chambre des députés. Les privilèges niçois y seront critiqués avec constance et finalement avec succès par les députés génois. C’est ce mouvement, unitaire, qui culmine avec la publication de la loi douanière du 14 juillet 1851. On y prévoyait à l’article 38 la suppression du port franc pour le mois suivant et le report de la ligne des douanes sur le Var-Estéron au 1er janvier 1854.
         Cette mesure capitale ouvrait un débat. Puisque Nice devait être pleinement intégrée à l’Etat, il fallait en tirer les conséquences en matière de voies de communications. C’est de ce débat que sortit la loi sur les routes de la province de Nice de juin 1853. Elle marque un tournant majeur dans la politique des voies de communications. Le Comté n’est plus seulement le débouché maritime du Piémont, mais une province comme les autres. Elle doit être rattachée par des routes à la Ligurie et à la France.
 
2. Quelle est la Place de Nice après 1860 dans la France du Second Empire et de la IIIe République ?
 
Le changement de souveraineté qui survient en 1860 ne met pas fin à cette ouverture. Bien au contraire il l’amplifie au moyen d’un effort financier sans précédent et le développe dans un cadre douanier libre échangiste. Le Rattachement ne provoque pas de rupture des relations commerciales entre le Comté et la nouvelle Italie.
Projets et réalisations se succèdent pendant l’Empire et au début de la IIIe République. Le point d’orgue de cette évolution est le programme de développement ferroviaire de Freycinet, ministre des travaux publics, voté en 1879. Il prévoyait la construction de 16 000 km de voies ferrées qualifiées « d’utilité publique ». Le Comté de Nice obtenait dans ce programme trois voies Nice-Draguignan, Nice-Digne et Nice-Cuneo, cette dernière devant être réalisée en collaboration avec l’Italie, soit un total de 600 km de voies ferrées.
         La mise en œuvre de ce programme d’ouverture et de décloisonnement devait définitivement faire sortir Nice de son isolement. Sa non-réalisation, au moment où la France se couvre de voies ferrées, est un évènement majeur de l’enfermement de Nice. Après 8 années d’atermoiements et de reculades la cause est entendue. Les tensions diplomatiques croissantes marquées entre autres par la constitution de la Triple Alliance en 1882 ont eu raison du programme Freycinet dans le Département. Le coup de grâce sera donné en 1888 par la dénonciation par la France des accords douaniers franco-italiens.
Les nouveaux tarifs, très protectionnistes entrouvrent la rupture des relations économiques entre Nice et l’Italie.
Nice et son ancienne province ont changé de fonction et de position dans l’Etat. Ce n’est plus un lieu de communication mais un coin de territoire adossé à une frontière infranchissable. Mieux, même, la mise en place de puissantes infrastructures militaires en fait à partir de 1887-1888 un véritable camp retranché où toute création de route dépend de l’autorité militaire.
         Aux politiques d’ouverture mises en œuvre depuis 1853 succède une logique de fermeture.
Les politiques d’ouverture
 
La mise en cause du statut territorial privilégié de Nice et du Comté était une conséquence logique des conceptions unitaires de plus en plus marquées.
Comment Nice pouvait elle prétendre à ces particularismes alors qu’elle était le chef-lieu d’une division administrative, d’une région au sens administratif actuel, s’étendant à la Ligurie occidentale. Il y avait contradiction entre ce statut de capitale régionale et la défense des privilèges niçois. La prise de conscience fut longue et douloureuse. Les milieux économiques niçois ne surent s’y résoudre.
 
La loi sur les routes de 1853
La question ne fut jamais franchement abordée avant les débats qui précédèrent la loi douanière de 1853. Au cours de ces débats, les députés de la province de Nice, pour une fois unis, proposèrent qu’une politique de développement des routes compense les avantages douaniers perdus.
Cette stratégie des compensations fut en particulier appuyée par De Foresta et Santarosa, députés de Nice, bien introduits dans les bureaux de Turin, mais aussi par le niçois Thaon de Revel député de Turin. L’influence, étudiée par Henri Barelli, de ces trois personnages, tous anciens ministres ou futurs ministres, suffit pourtant à peine à contrebalancer le faible poids de la représentation de la petite province au sein de la Chambre, 5 députés sur 200 !
Les résultats furent positifs.
*Leur action permit de faire avancer la question du financement de la route Nice-Voltri vers Gênes en alternant des crédits supplémentaires, mais surtout en obtenant que soit clairement posée la modification du statut de cette route, provinciale, en route royale, intégralement financée par l’Etat. Turin tardera à prendre une décision définitive.
*Ils défendirent l’axe Nice-Turin par Tende et Sospel menacé par les revendications des ports de la Riviera de Ponant qui auraient bien voulu voir la route royale emprunter la Roya. Santarosa obtient gain de cause en mai 1851 avec une loi autorisant le percement du tunnel routier de Tende.
*Enfin, après bien des résistances, une loi met en place en juin 1853, les modalités de financement d’un ensemble de routes dans les vallées du Var, de la Tinée et de l’Estéron.
Il avait en particulier fallu vaincre l’hostilité de l’état-major qui jusque-là se montrait réticent même pour la construction de chemins muletiers. Sa crainte était d’offrir un boulevard au Français en cas de guerre, à partir d’Entrevaux où parvenait la route en provenance d’Avignon par Apt. Ce changement d’attitude marque un tournant majeur. Il n’est plus interdit d’ouvrir sur la frontière Var-Estéron des routes vers le France.
Ces routes étaient « provinciales », et non « royales », mais la loi permettait un financement exceptionnel de l’Etat pour la moitié (2 millions sur 4 millions. Vote difficile car de nombreux députés en profiteront pour en demander autant pour leur province. Les travaux avancèrent avec difficultés pour des raisons techniques et financières. En 1860 le chantier avait dépassé la Mescla et s’engageait dans le Tinée. On s’apprêtait à construire le pont sur le Var à Malaussène.
 
Le plan Freycinet
Avec le changement de souveraineté, les travaux routiers et ferroviaires reçurent une impulsion décisive. L’ampleur du financement est illustrée par le mythe du « wagon d’or » apporté par Napoléon III et popularisé par les contemporains. Deux résultats :
*Les chantiers des routes des vallées sont activés.
*Le chemin de fer PLM, Paris-Lyon-Marseille, à voie unique arrive à Nice en 1865, atteint Monaco en 1868 et Menton en1869. On n’attend plus que l’avancement du tronçon Savone-Vintimille pour opérer la jonction. A noter que le doublement du PLM jusqu’à Nice ne sera réalisé qu’en 1892, et à la frontière après la guerre de 1914. Du côté Italien le doublement est très postérieur. Il est toujours en projet sur la plus grande partie de Vintimille-Savone.
C’est dans ce climat favorable, que se multiplient les projets de création de chemins de fer.
Dans ses débats le Conseil général revient régulièrement pendant près de 20 ans sur la question et souligne la nécessité de construire trois lignes : Central-Var, Nice-Digne et Nice-Cuneo, celle-ci leur paraissant prioritaire.
Ces projets seront pris en compte par le plan Freycinet en 1879. Bien relayé par Borriglione et par Gambetta alors président de la Chambre des députés et par Freycinet lui-même, fidèle de Gambetta, le département obtient les trois voies demandées.
Le succès était paré de toutes les certitudes, le financement de ce programme Freycinet étant assuré directement par l’Etat. La mesure excluait toute concession à des compagnies privées type PLM et donc toute remise en question dans le cadre des négociations Etat-concessionnaire.
On se trompait.
L’euphorie née du programme Freycinet devait bientôt retomber. Une série d’obstacles se dressa contre les projets. Une logique de fermeture succédait aux politiques d’ouverture.
 
La logique de fermeture
 
La première difficulté qui survint est d’ordre budgétaire. Il apparut très vite que l’Etat ne pouvait financer les 16 000 km sans l’aide de financements privés.
D’autant plus que le projet ferroviaire avait suscité beaucoup d’envies et que de nombreux députés réclamaient de nouvelles extensions ( les « chemins de fer électoraux » ). Il fallut en revenir au système de la concession avec participation en garantie de l’Etat.
Les trois lignes furent concédées à la Société PLM qui obtenait 2 000 km de concession avec obligation d’en construire 1 400 km, 600 km restant réservés. Les trois lignes n’étaient pas comprises dans les 1 400 km.
Ce n’est qu’après de multiples démarches que la Société PLM acceptera d’engager des études et des travaux en novembre 1883 sur le tronçon Digne-Saint-André, à voie normale.
 
L’option des militaires
Si les projets semblaient prendre forme sur Nice-Digne et pour le Central-Var, il en allait autrement pour Nice-Coni. Le projet prenait une tournure militaire peu favorable. En effet, depuis 1876 l’état-major avait révisé sa stratégie de défense dans la région niçoise.
Jusque-là, et depuis le Rattachement de 1860, la tendance était à la faible militarisation du Comté, voire même au retrait complet des troupes. Antibes restait la frontière militaire. Ce retrait s’expliquait par un très net défaut de couverture, l’Italie tenant sous le feu ses batteries positionnées sur les contreforts du Mercantour une bonne partie de l’ancien Comté.
En changeant d’avis en 1876 et en décidant de militariser la zone frontière, l’état-major français devait assurer la « couverture » de ses troupes en construisant un puissant réseau défensif.
C’est durant les années 1879-1880 que sont construits les premiers éléments du système.
La ligne ferroviaire vers l’Italie prend dans ce nouveau contexte un intérêt stratégique, d’autant plus que côté italien on a déjà commencé les travaux d’une ligne Coni-Vintimille. Le percement du tunnel ferroviaire de Tende est commencé en 1882. D’où un risque majeur. La France réagit :
-Opposition à la poursuite des études et des travaux dès 1880 tant qu’on n’aurait pas assuré la sécurité de la ligne.
-Construction du fort du Barbonnet au-dessus de Sospel. La mesure parut suffisante. En fait la pression militaire découragea le PLM et remis en cause tous les projets. Il fallut trouver un nouveau concessionnaire.
 
L’entrée en scène du Sud-France
La loi du 17 août 1885 concède Nice-Digne et Central-Var à la Société marseillaise de crédit industriel et commercial, qui créa la filiale Sud France pour équiper Central-Var et Nice-Digne. Une banque marseillaise pour gérer des intérêts niçois. Conséquences :
Il n’est plus question de lignes normales mais de « Chemin de fer économiques ».
C’était déjà ce qu’avait proposé en 1883 le sénateur Léon Renault, conseiller général de Cagnes au ministre des Travaux publics.
De son côté l’autorité militaire, hostile à la voie normale, ne s’opposait pas à la voie étroite : décision du général Campenon, ministre de la guerre, 30 janvier 1887.
La mesure portait le coup de grâce à ce qui subsistait du plan Freycinet.
Ainsi, face aux impératifs de défense, les élus s’inclinaient. Changeant d’objectifs, y compris électoraux, ils vont employer tous les moyens pour obtenir un renforcement du dispositif défensif (fortifications et garnisons).
Ainsi en 1887, le général Ferron, ministre de la guerre dans le cabinet Rouvier, alors député des Alpes-Maritimes, aida les élus du département, Borriglione en tête, à obtenir la garnison de plusieurs bataillons de chasseurs alpins.
 
Les incohérences politiques
Mais on s’étonnera que Ferron n’ait pas tenté de remettre en cause la décision de son prédécesseur Campedon et que Rouvier n’ait pas tenté de relancer durant son court ministère la ligne Nice-Coni. Plus grave encore, le service des études de la ligne fut fermé en septembre 1887.
Incohérences politiques, impératifs électoraux, soumission aux impératifs stratégiques ? La réponse à cette impuissance tient un peu à tout cela à la foi.
Plus incohérent encore, c’est Freycinet, mais cette fois comme ministre de la Guerre l’année suivante, qui reconnut l’utilité stratégique d’une ligne Nice-Fontan, capable d’acheminer des troupes rapidement vers la frontière. L’Etat-major découvrait les vertus du chemin de fer à voie normale. L’ordre fut alors donné au PLM de reprendre les études.
Enfin la même année (1888), la montée des tensions diplomatiques entre le gouvernement Français et le gouvernement italien dirigé par Crispi aboutit à la dénonciation des accords douaniers libre-échangistes. Conséquences :
-Sous la pression des intérêts protectionnistes français, la loi du 27 février 1888 met en place un tarif très protectionniste, le premier du genre.
-La frontière militarisée à outrance perd tout intérêt économique.
-Désormais tous les chantiers prendront du retard (la ligne vers Coni ne sera ouverte qu’en 1928). Le contexte est également défavorable pour Central-var et Nice-Digne.
A voie étroite, l’intérêt de ces lignes était réduit. On s’orientait vers la « voie économique ». Le Sud-France pressa pour qu’on s’engage dans cette option. Les débats qui précédèrent le vote de la loi du 29 juillet 1889 déclarant définitive la concession à la Société Sud-France le montrent.
La défense des deux lignes, surtout celle de Digne, fut assurée par Eugène Delattre, député de la Seine. Il fit à cette occasion une critique sévère de ce qu’il appelle un « tramway à vapeur ».
*Critique de l’utilité stratégique d’une voie étroite et unique, incapable d’acheminer sur l’axe Grenoble-Nice plusieurs milliers d’hommes dans un délai satisfaisant.
*Critique de la volonté de rupture entre le réseau PLM et le Sud-France par l’absence de raccordement à Digne et à Nice !
*Critique du rejet de tout embranchement Sud-France au port de Nice. Mais comment le député Delattre aurait-il pu obtenir en 1889 ce que Borriglione lui-même n’avait pu obtenir en 1880 pour le PLM ?
***
Peut-être, au fond, toutes ces considérations militaires masquent-elles tout simplement la poussée des intérêts économiques marseillais. C’est l’opinion que résume Chauvain, Président du tribunal du commerce. Il disait à propos du développement du port de Nice : « Autrefois Gênes en prenait ombrage et gênait son expansion. Français, aurait-il la malchance d’éveiller les susceptibilités de Marseille ? »
Nice avait perdu cette bataille du rail.
Tout le reste, c'est-à-dire la laborieuse construction des trois lignes, n’est que péripétie, suscitant la plainte résignée d’un Ernest Lairolle ou d’un Raiberti.
La rupture a été faite et le patriotisme commande qu’on ne se lamente pas sur la fin des grands projets ou sur l’imperméabilité frontalière.
Chauvain résume bien une opinion générale lorsqu’il dit à propos de ces échecs : « Nous savons en faire le sacrifice à l’intérêt général de la patrie comme nous savons supporter les charges que nous impose la dénonciation du traité de commerce franco-italien et celles dérivant de notre situation de camp retranché à l’extrême limite de la France. »
 
Sans doute, mais avec le recul on ne peut s’empêcher de penser que le tribut a été lourd et que bien des retards ont été accumulés.
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