Frontière La militarisation de la frontière
 
 
 

 La militarisation de la frontière des Alpes-Maritmes 

 1878-1889

 
 
Michel Bottin
 
Pour citer : Michel Bottin, « La militarisation de la frontière des Alpes-Maritimes, 1878-1889 », in Actes du colloque de 1987, dir. M. Carlin et P.-L. Malausséna, Les Alpes-Maritimes 1860 à 1914. Intégration et particularismes, Ed. Serre, Nice, 1988, pp. 97-116. 
 
 
Prologue
         Près de trois siècles de présence militaire avaient fortement marqué l’identité de Villefranche, l’ancien port de guerre des Etats de la Maison de Savoie. Certes, la disparition des galères, le déclassement de sa citadelle -autrefois une des plus puissantes de la Méditerranée- et la démolition du château de Nice, l’autre élément défensif de la province, avaient totalement ruiné son intérêt stratégique. Mais la vocation militaire était restée : ville de garnison, port de guerre, Villefranche était fière de cette situation privilégiée qui faisait du gros bourg bien autre chose qu’un port de pêche : un à deux régiments, un major-général commandant la place, un vice-amiral, plus de cinquante officiers, etc[1]. Telle était la situation au temps du royaume de Piémont-Sardaigne. Symbole de puissance militaire, bien davantage que Nice, Villefranche représentait depuis des siècles la volonté de présence militaire de la Maison de Savoie dans le Comté de Nice.
         Le Rattachement à la France en 1860 avait bouleversé la situation.  Villefranche, et Nice par contrecoup, subissaient un déclassement militaire majeur [2] : plus de port de guerre, plus d’état-major, une garnison réduite à un régiment, occasionnellement un bataillon de dépôt, exceptionnellement deux pendant la guerre de 1870[3]. L’administration militaire se bornait à utiliser les importants casernements de la citadelle pour le logement et le dépôt des vivres et des matériels. Mince satisfaction pour une municipalité qui se disait prête à faire tous les efforts nécessaires pour accueillir des troupes supplémentaires. Espoirs déçus. A la mi-juillet 1875, une mauvaise nouvelle venait mettre en émoi la petite ville : le 4ème bataillon du 111ème régiment d’Infanterie et le bataillon de dépôt de ce même régiment étaient transférés à Antibes[4]. Double perte d’autant plus difficilement réparable que le bataillon de dépôt, par son rôle permanent d’accueil des réservistes, jouait un rôle économique de premier plan ; aucun commerçant n’ignorait qu’il valait mieux un réserviste pour quinze jours qu’un soldat de seconde classe pour l’année entière. La garnison était réduite à un simple détachement.
         Le Conseil municipal de Villefranche protesta, mettant en évidence tous les services que la ville pouvait rendre à l’armée. Son maire, Désiré Pollonnais, alerta de son côté le préfet sur les risques que ce retrait pouvait avoir sur l’esprit public : on pouvait en effet interpréter la mesure comme un désengagement politique de la part de la France[5]. Au début du mois d’août, le maire recevait le renfort d’Auguste Raynaud, maire de Nice, qui se plaignait de son côté du transfert du dépôt du recrutement de Nice à Antibes[6]. Plus de garnisons, plus de dépôts dans l’arrondissement de Nice ; un seul régiment pour l’ensemble du département, le 111ème régiment d’Infanterie caserné à Antibes. Voilà qui devenait incompréhensible. Cette série de mesures ne pouvait que contribuer à alimenter les menées séparatistes. Chacun se souvenait des multiples incidents qui avaient marqué en 1861 et 1862 l’installation à Nice du 90ème régiment de ligne : rixes quasi-quotidiennes, soldats consignés pour éviter les affrontements, manifestations d’hostilité autour des casernes niçoises de Saint-Augustin et de Saint-Dominique, etc[7]. Depuis, les esprits s’étaient calmés. Il est vrai que les autorités militaires prenaient des précautions et sanctionnaient durement toute incartade. Un certain climat d’hostilité à la France demeurait cependant et le retrait des troupes pouvait très bien être interprété comme un abandon du Comté de Nice.
         C’était en particulier l’opinion du commissaire spécial des chemins de fer, fonctionnaire fort bien renseigné sur l’état de l’opinion. Dans un rapport adressé au préfet, il abordait la question sans détour : les garnisons du département, et plus particulièrement de l’ancien Comté, sont trop réduites et cela peut être dangereux : « Dans ce département annexé, précise-t-il, tout le monde reconnaît qu’il serait utile d’avoir une très forte garnison, non pas du point de vue des dangers que peut présenter la situation actuelle, mais du point de vue des relations qu’il est essentiel d’établir entre italiens et français ».
         Il rappelle qu’il a déjà défendu ce point de vue : établir dans les Alpes-Maritimes une forte garnison dispersée à travers tout le département pour « habituer les gens du pays à notre costume militaire ; dans les contrées annexées, l’œil a besoin de se faire aux uniformes nouveaux pour oublier peu à peu les anciennes couleurs nationales ; au lieu d’agir ainsi on a oublié en quelque sorte que Nice était française [...]. Les détachements qui se trouvaient autrefois à Menton ont été retirés depuis déjà quelque temps ; aujourd’hui on semble vouloir encore reculer nos frontières militaires en portant à Antibes le peu de troupes casernées à Villefranche. Avant l’Annexion, des détachements étaient constamment échelonnés à Breil, à Sospel, et ainsi aujourd’hui la population de ces montagnes, essentiellement séparatistes, ne connaissent même pas nos uniformes mais tressaillent encore à la vue d’un militaire italien. Une exception est nécessaire pour ce département récemment annexé » concluait le commissaire [8].
         Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, le préfet reprit l’argument : il ne juge pas le problème en militaire mais en gardien de l’ordre public. Il faut rétablir les garnisons[9]. La plainte reçut quelque écho : le ministère de la Guerre finit par accepter l’installation à Villefranche d’un bataillon du 50ème régiment d’Infanterie, solution très provisoire destinée à calmer les esprits[10]. La décision de retrait était en fait mûrement réfléchie et stratégiquement fondée : les dépôts de Nice et de Villefranche étaient trop proches de la frontière et trop exposés. Il convenait de laisser au-delà d’Antibes le moins de troupes et de matériel possible[11]. La zone frontière était démilitarisée pour défaut de « couverture ».
 
***
         Depuis plusieurs années, la notion de « couverture » avait en effet considérablement évolué, suivant en cela les très profondes transformations militaires des années 1860. La Prusse avait montré l’exemple en généralisant la conscription, en limitant les exemptions, en raccourcissant la durée du service et en organisant des procédures de mobilisation capables de mettre en mouvement dans un délai très court des masses considérables de réservistes. La France, avec la loi Niel de 1868, avait suivi avec un temps de retard ; la défaite de 1870 en fut la sanction. La loi de 1872 poursuivait le même objectif : être capable de mettre sous les drapeaux le plus d’hommes possible au moment voulu. La puissance d’une armée reposait désormais avant tout sur sa capacité de mobilisation et de rassemblement. Mais que l’ennemi frappe avant la fin de ces opérations et c’était la défaite assurée. Il fallait donc songer préalablement à « couvrir » ces opérations : assurer la sécurité des voies de communication, protéger la mobilisation, les dépôts, les regroupements de réservistes et ... au besoin désorganiser l’ennemi dans ses propres préparatifs en procédant à des incursions.
         Tout cela conduisait à opérer à proximité des frontières d’importantes concentrations de troupes à effectifs renforcés et immédiatement opérationnelles. La cavalerie était une pièce maîtresse des nouveaux dispositifs de couverture. Ces troupes s’appuyaient sur des éléments défensifs constitués d’ensembles fortifiés selon les principes du directeur du Génie au ministère de la Guerre, le général Séré de Rivières[12] : la percée ennemie ne pouvait qu’intervenir entre les « rideaux défensifs » ; il suffisait d’y concentrer les troupes de couverture. C’est ainsi que les choses se présentaient sur la frontière Nord-est de la France.
         Sur la frontière des Alpes, le problème de la couverture se posait en des termes très différents : d’abord, parce qu’en matière diplomatique, l’état des relations franco-italiennes était à peu près bon et ne justifiait pas de renforcement ; ensuite parce qu’au plan topographique, la chaîne de montagnes était, à elle seule, un moyen de couverture. Ce calcul fut bouleversé par la mise en place, en 1872, par l’Italie de troupes spécialisées dans le combat en montagne et inspirées du modèle autrichien. Installation discrète d’abord limitée à 15 compagnies de 120 hommes, augmentées l’année suivante à 24, le tout étant doublé par des milices mobiles. En 1878 les effectifs d’ alpini s’élevaient à 96 compagnies stationnées pour une bonne moitié le long de la frontière Sud-est[13]. L’Etat-major devait désormais tenir compte de cette possibilité de percée de la frontière des Alpes.
         Avec la dégradation, lente mais régulière, des relations diplomatiques franco-italiennes, le problème jusque là secondaire, passa au rang des priorités. Maints signes politiques soulignaient en effet le rapprochement progressif de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. On est encore loin de la Triple Alliance (1882) mais un Etat-major responsable se devait de tenir compte des nouvelles données. La frontière des Alpes fit alors entre 1872 et 1874 l’objet d’un examen attentif. Les conclusions furent nettes : la partie comprise entre la Haute-Tinée et Menton en était le secteur le plus faible. Quittant la ligne de partage des eaux, la frontière tracée en 1860 abandonnait en effet à l’Italie les contreforts du Mercantour. Solidement appuyées sur le Col de Tende où on commençait d’ailleurs à construire forts et casemates, les troupes italiennes pouvaient sans difficultés envahir les Alpes-Maritimes au moins jusqu’à Antibes et sans doute au-delà[14]. Ce n’étaient pas les fortifications existantes, remontant le plus souvent aux systèmes Vauban, qui auraient résisté à la nouvelle artillerie et aux nouveaux explosifs.
         Le problème ainsi posé à l’Etat-major était double : d’une façon générale, il fallait d’abord établir des troupes de couverture efficaces tout le long de la frontière, de la Méditerranée au Lac Léman ; il fallait ensuite plus particulièrement protéger la trop vulnérable frontière des Alpes-Maritimes. A la première question, on répondit, non sans lenteur et hésitations en reprenant la formule que Cézanne, député des Basses-Alpes, lançait dès 1873 : « A l’alpin il faut opposer l’alpin »[15].  A la seconde question, on ne pouvait répondre qu’en compensant l’handicap géographique niçois par des fortifications puissantes et des troupes nombreuses et mobiles. Il fallait à terme militariser les Alpes-Maritimes et plus particulièrement sa partie orientale. En quelques années, la région allait ainsi devenir un formidable camp retranché protégeant, de Menton à Antibes, un chapelet de villes de garnison et prolongé dans les montagnes niçoises par un champ de manœuvres quasi-permanent.
 
Le camp retranché
 
         Le littoral de Cannes à Menton apparut aux visiteurs du siècle dernier comme un pays de rêve : douceur hivernale, fêtes sans fin, lumière incomparable...  Inlassablement, les guides touristiques reprennent ces images, les diffusent dans toute l’Europe, emprisonnant progressivement le pays de Nice dans son image de « Côte d’Azur ». Et si la réalité était autre ? Comment ne pas songer que c’est justement au moment où le qualificatif de « Côte-d’Azur » -lancé par Stephen Liégeard en 1887- connaissait la fortune, que s’enveniment soudainement les relations franco-italiennes ! Avec l’arrivée à la présidence du Conseil italien de Francesco Crispi, la Triple Alliance prenait un nouveau visage, plus menaçant : guerre douanière, concurrence coloniale exacerbée... Derrière les fêtes et les mondanités de la Côte d’Azur touristique, les préparatifs de la guerre ; une Côte-d’Azur militaire, discrète et pourtant omniprésente, organise ses retranchements sur les hauteurs de la Riviera.
         De façon générale on s’est peu intéressé à la formidable ligne de défense que le Génie venait d’édifier en quelques années. Parmi les contemporains qui font exception, Ardoin-Dumazet, auteur de la célèbre collection de guides Voyage en France met à profit sa bonne connaissance des choses militaires pour décrire l’envers du décor : « Lorsqu’on a parcouru la merveilleuse côte de la Rivière de Gênes, il semble que l’on a passé par toutes les phases de l’admiration. Cependant avant d’atteindre Vintimille, on découvre un panorama qui fait oublier les horizons de la côte de Ligurie. Le Mont-Agel, Menton, la Turbie, Monaco les dépassent en splendeur ». L’auteur note alors un changement : « Depuis quelques années ces montagnes fameuses que borde la Corniche ont changé de caractère : leurs lignes ont pris au sommet un aspect régulier, parfois rébarbatif. C’est que l’on a dû organiser défensivement cette entrée de la terre de France. Des forts et des batteries s’étagent de la mer aux plus hautes cimes, ferment le bassin de Nice, interdisent l’entrée de la belle rade de Villefranche et des ports de Menton, Monaco et Nice, ensemble de positions maritimes dont la perte au début d’une guerre serait un véritable désastre car l’ennemi pourrait prendre à revers les positions de la vallée de l’Ubaye où nous avons établi de formidables défenses pour empêcher Briançon d’être tourné [...]. Tous les accès de Nice ont été couverts et Nice en devenant la grande cité de luxe et de plaisir se voyait transformée en gigantesque forteresse, c’est-à-dire en camp retranché[...]. De la ville on ne voit guère les forts qui la couvrent [...]. Il faut monter sur les collines les plus hautes pour deviner ce rôle militaire »[16].
 
Des forts ...
 
         Les opérations de fortification avaient commencé en 1877 par des achats de terrains suivis des premières constructions. Les travaux se poursuivront à un rythme soutenu jusqu’en 1914, avec une accélération très nette en 1889-91[17]. Le système défensif développé était complexe : les forts et batteries situés sur les hauteurs de Nice et de Villefranche n’en constituaient que l’élément central. Un ensemble de défenses placées plus avant dans la moyenne montagne niçoise était destiné à prévenir toute offensive terrestre à partir de Tende et du Mercantour. Enfin, un réseau de routes et de chemins permettait d’unir les différents éléments du système et facilitait la circulation des troupes et de l’artillerie de campagne. Le tout formait ensemble fortifié homogène, combinant fortifications et obstacles naturels, appuyé sur un môle imprenable, Nice.
         Les travaux entrèrent dans leur phase active en 1879 avec l’arrivée à Nice d’une compagnie du Génie[18]. On commença par le fort de La Drette au-dessus de La Trinité et par celui de la Tête de Chien à La Turbie. « Borne gigantesque [...] puissamment armée, la Tête de Chien tient sous son canon tout le littoral jusqu’à Menton »[19] commente Ardoin-Dumazet. Ce premier élément était complété à partir de 1880 par le fort du Barbonnet, « fort d’arrêt » à profil enterré, dominant Sospel et contrôlant la route de Tende par le col de Braus. Mais la montagne niçoise restait relativement perméable : le massif de l’Authion, trop proche de la ligne de défense italienne ne fit pas l’objet de puissantes fortifications. Mais encore fallait-il au moins être capable d’empêcher l’ennemi de s’y installer. L’expérience de la guerre de Succession d’Autriche et de la période révolutionnaire montrait qu’il était difficile de déloger un adversaire qui s’y serait retranché. Ceci dit, les spécialistes reconnaissaient que la position était plus naturellement défendable contre une attaque venue de l’Ouest que contre une offensive venue de l’Est[20] ... et comme c’était ce qui risquait de se produire on se limita dans un premier temps à aménager les accès, d’abord par Lucéram en améliorant la route dite des « Canons », ensuite par la Bollène-Vésubie, afin de tenir la position.
         On pensa que cela était suffisant. Le Génie cessa ses achats de terrain en 1880-1881. Puis l’entrée de l’Italie en 1882 dans la Triple Alliance orienta la fortification vers une nouvelle phase. Les travaux de la période 1886-1895 sont tout-à-fait considérables. On compléta le dispositif Drette-Tête de Chien par le fort de la Rovère. L’ensemble était relié par un chemin stratégique le long duquel s’échelonnaient des batteries : trois, dites des « Feuillerins » entre la Drette et la Rovère, quatre vers la cime de la Forna et trois autres entre La Turbie et la Tête de Chien. Magasins à poudres, abris-cavernes de la Drette, etc. L’ensemble était impressionnant.
         Dans le même temps commençait la construction des forts du Mont-Chauve d’Aspremont et du Mont-Chauve de Tourrette-Levens destinés à fermer les accès du Nord de Nice et à croiser leurs feux avec ceux de la Drette et de la Rovère. Un système de batteries flanquait les forts et les ouvrages de Colomars contrôlaient la Vallée du Var.
         Enfin complétant la défense rapprochée de Nice, plusieurs batteries étaient construites sur les collines : batteries de Rimiez, de Saint-Aubert, du Cimetière Russe, du Mont-Boron, du Mont-Gros s’ajoutaient à celles du vieux fort du Mont-Alban.
         En ce qui concerne les éléments les plus avancés vers la frontière, on poussa la défense jusqu’au Mont-Agel que l’on commença à fortifier à partir de 1890 tandis que dans le même temps on fermait les accès par les Vallées de la Tinée et de la Vésubie ; dans chaque vallée, on choisit un resserrement, une « chiuse », que l’on fortifia : l’une à Saint-Jean La Rivière, l’autre à Bauma Negra un peu avant le confluent de la Tinée et du Var, à l’endroit où la route franchit la Tinée « sur un point facile à défendre avec une poignée d’hommes. De solides grilles de fer peuvent barrer le pont, celui-ci est bordé de hauts parapets crénelés, des casernes ont été creusées dans le roc, leurs fenêtres sont blindées de rails », précise Ardoin-Dumazet[21]. Au-dessus, sur une hauteur entre Var et Tinée, le Picciarvet, fort d’arrêt, contrôle la Vallée du Var.
         Il restait toujours le problème de l’Authion, « clé du pays », position indispensable et pourtant difficile à fortifier. Des routes stratégiques furent tracées à partir des Mille-Fourches, centre du dispositif, vers Colle-Basse au-dessus des Gorges de Saorge et vers le Col de la Gonelle. La circulation dans l’ensemble du massif devenait plus facile et sa défense pouvait en être assurée au moyen de batteries de campagne.
         Pour servir cet ensemble impressionnant stationnaient depuis 1884, à Nice et dans les environs, trois batteries du 13ème bataillon d’Artillerie de forteresse, soit quelques 420 artilleurs. Un demi bataillon de forteresse sur les 16 que comptait l’armée française à cette époque[22], voilà qui donne une idée de la puissance de feu du camp retranché. L’importance de la place fut consacrée en 1887 avec le choix de Nice comme chef-lieu d’un des 21 groupes de défense entre lesquels étaient réparties les places fortes de métropole et d’Algérie par le décret du 28 mars 1887. Le poste était occupé par un général de division « commandant supérieur de la défense du groupe de Nice », placé sous l’autorité directe du ministre de la guerre et paré du titre de « Gouverneur de Nice ». L’année suivante voyait enfin Nice devenir une des trente directions de l’Artillerie et une des trente directions du Génie.
 
... et des routes
 
         Tel qu’il se présentait le système défensif du pays niçois pouvait ainsi rivaliser avec celui de l’Italie. Celui-ci, articulé autour du groupe de Tende, élément de base du dispositif, facile à ravitailler depuis le percement du tunnel routier en 1882, était impressionnant. Au-delà, formant un arc de cercle vers Savone on trouvait les groupes de Nova, de Zuccarello et de Melogno[23]. L’ensemble, relié par une route stratégique, présentait l’irremplaçable avantage de tenir la ligne de crête et tous les cols vers le Piémont.
         Indubitablement, le système français présentait au nord du département plusieurs points faibles. Rien n’empêchait une percée italienne dans cette zone. Un élargissement des dispositifs de défense s’imposait. A partir de 1893-95 débute une troisième série de travaux défensifs : vers le Mont-Tournaïret pour compléter les défenses de l’Authion, vers le Mont-Ours pour renforcer les positions du Mont-Agel, vers le Mont-Maccaron enfin, pour parachever la ceinture fortifiée de Nice. Enfin, deux positions défensives étaient établies dans le nord du département : l’une au col des Fourches dans la Haute-Tinée, l’autre au col des Champs, dans la Haute-Vallée du Var, pour assurer la jonction avec la vallée du Verdon.
         Cette dernière étape de l’extension du réseau défensif était complétée par la construction d’un très dense réseau de routes et de chemins stratégiques situés pour la plupart dans l’arrondissement de Nice[24] ; les communes concernées et le département furent appelés à financer partiellement l’opération en raison de l’intérêt économique qu’elle pouvait présenter[25].
         L’influence de l’armée en matière de voies de communication ne se limite d’ailleurs pas à ces seules routes et chemins stratégiques. Le commandement militaire pesa de tout son poids sur les décisions des administrations. Les vicissitudes de la construction du réseau ferré Nice-Digne le montrent clairement. Conclu primitivement avec la Compagnie P.L.M. pour faire de la voie ferrée Nice-Digne un axe important, le contrat était remis en cause en 1883 après exclusion des lignes frontières du réseau ferré général. Il faut y voir une conséquence directe de l’entrée de l’Italie dans la Triple Alliance. Inversement, après le durcissement de 1887, l’armée manifeste un intérêt certain pour un réseau ferré qui faciliterait l’approvisionnement d’une ligne de front à partir de Nice et de la Provence. La déclaration d’utilité publique du 29 juillet 1889 pour les voies Nice-Meyrargues et Nice-Digne va dans ce sens[26]. On aurait tort d’y voir une simple opération civile[27].
         Il en est de même pour le réseau routier : ici encore l’armée peut accélérer ou écarter. Elle a ainsi appuyé la construction, à partir de 1894, de la route du col de la Cayolle, mais il ne fut pas question de prolonger la R.N. 205 au-delà de Saint-Etienne de Tinée vers Barcelonnette. La route de la Cayolle existante, précisait l’avis commun des Ponts et Chaussés et du Génie, « a l’avantage de ne présenter aucun danger en cas d’invasion ». C’est le même type de critiques que l’armée fait aux routes intervallées dite de la « ceinture extérieure » : elle s’oppose à toute route qu’elle n’aurait pas les moyens de garder et qui pourrait être facilement utilisée par l’ennemi[28].
         L’armée est ainsi devenue en quelques années une puissance administrative et économique considérable. La direction du Génie s’y taille la meilleure part, passant les marchés de travaux, collaborant parfois de façon très directive avec les services des Ponts et Chaussées, achetant des quantités considérables de terrains, le plus souvent à l’amiable, parfois en usant de l’expropriation. Moins omniprésente et plus discrète, si l’on peut dire, la direction de l’Artillerie se contente de règlementer l’organisation des champs de tir, de définir les périmètres interdits et d’avertir les particuliers en cas de séance de tir. Mais que penser de telles servitudes lorsqu’il s’agit non pas de tir au fusil mais de tirs d’artillerie et que l’on conseille par voie d’affiche qu’en raison de la séance de « tir du canon » qui aura lieu tel jour au fort du Barbonnet, les particuliers habitant dans la zone dangereuse sont priés de rester chez eux ?![29]
 
Les garnisons de la côte
 
         Le Rattachement du Comté de Nice en 1860 n’avait pas été conforté par une forte implantation militaire : on s’était borné à installer à Nice un régiment, le 90ème de ligne, et à assurer la garde de la place de Villefranche. Cela s’ajoutait à ce qui se trouvait déjà à Antibes : un régiment, le 111ème de ligne et un commandement de place. A partir de 1871, Antibes perdit son régiment, départ mal compensé par l’installation de deux dépôts, ceux des 78ème et 97ème régiments d’Infanterie. Enfin, on l’a vu, des problèmes de couverture imposèrent un transfert de troupes et de dépôts de Nice-Villefranche vers Antibes : perte générale en effectifs, pour le département, maintien d’une garnison de moins d’un régiment à Nice, une partie du 111ème d’Infanterie, et tendance à déplacer les dépôts à Antibes, telle était l’orientation des années 1871-1877.
 
Les chasseurs à pied sur la frontière
 
         Comparé aux effectifs stationnés dans le XVème Corps (Var, Alpes-Maritimes, Basses-Alpes, Corse, Bouches-du-Rhône, Gard, Vaucluse et Ardèche) c’était peu. La loi du 24 juillet 1873 portant réforme de l’organisation militaire précisait en effet que chaque corps d’armée comprenait une division d’Infanterie avec deux brigades de deux régiments, une brigade de Cavalerie avec deux régiments, une brigade d’Artillerie avec deux régiments, un bataillon de chasseurs, un bataillon de Génie et un escadron du Train d’équipages. Soit une unité sur la dizaine que comptait le corps d’armée ; le département, pourtant frontalier, n’était guère avantagé ! Une consolation pour Nice cependant qui devenait quartier général de la 29ème division d’Infanterie, celui de la 57ème brigade dont dépendait le 111ème R.I. étant fixé à Toulon.
         Il fallut attendre 1877 pour que s’inverse la tendance à la démilitarisation. Les Villefranchois durent penser que leurs réclamations avaient été entendues lorsqu’ils virent arriver chez eux, en remplacement du bataillon du 50ème R.I. qui occupait provisoirement les casernements de la citadelle depuis 1875, une compagnie du 24ème bataillon de chasseurs à pied. En fait, l’Etat-major, cherchant une parade aux nouvelles compagnies d’ Alpini , tentait l’expérience de spécialiser certaines compagnies de chasseurs qu’il rapprochait le plus possible de la frontière ; la nouvelle compagnie de chasseurs se partagea d’ailleurs entre Villefranche et Menton.
         Le bataillon au complet avec ses quatre compagnies suivit peu de temps après. C’est ce bataillon qui, en même temps que quatre autres bataillons de chasseurs des XIVe et XVe Corps, inaugura en 1880 les premières marches manœuvres de 10 jours dans les Alpes et en 1882 les premiers séjours de trois mois en montagne l’été[30]. Durant cet été-là deux compagnies du 24e cantonnèrent donc dans la montagne niçoise, l’une à Sospel, l’autre à Breil, tout près de la frontière, à la plus grande satisfaction des habitants. C’était une première réussie. Dès la fin de l’été, les municipalités réclamèrent le maintien des troupes pendant l’hiver. Celle de Sospel obtint satisfaction, mais dans sa réponse le général commandant le XVe Corps précisait au préfet que ce maintien était une mesure « essentiellement provisoire » et n’était justifiée que par les importants travaux du fort du Barbonnet[31].
         Breil n’eut finalement pas gain de cause. Son maire, Cachiardy de Montfleury, avait pourtant bien défendu sa commune : il y avait selon lui deux avantages à conserver une telle garnison pendant l’hiver : l’un était politique, l’armée pouvant dans ces montagnes « compléter l’œuvre de l’administration civile » et sceller « l’union parfaite et indissoluble avec la grande patrie française » ; l’autre était militaire : le maire reconnaissait que cette garnison de Sospel était « à peu près inutile pour la défense réelle de l’extrême frontière, forcée qu’elle serait en cas de complication avec l’Italie de se replier immédiatement sur la vraie ligne de défense ». Mais elle serait par contre du plus grand intérêt « pour l’étude de cette partie des Alpes » : « Les Alpes, expliquait le maire, sont aussi impénétrables pour l’Italie que pour la France en temps ordinaire et ce n’est que pendant l’hiver qu’on peut espérer les forcer par surprise ». Or « l’Italie commet l’erreur de retirer ses troupes de ses positions montagneuses à l’approche de l’hiver. Malgré mon incompétence absolue dans l’art militaire, il me semble que la France aurait avantage à devancer l’Italie sur ce point et à familiariser ses troupes avec les obstacles qu’elles peuvent être appelées à vaincre »[32]. Monsieur le Maire voyait juste. Il était simplement un peu en avance sur les idées de l’état-major. Le général commandant le XVe Corps répondit au préfet en lui demandant de dire au maire de Breil que la garnison « devra rentrer à Villefranche pendant l’hiver »[33]. L’année suivante, la garnison fut réduite à une demi-compagnie. Protestations, promesses d’avantages matériels, Breil épuisa tous les arguments[34]. L’autorité militaire refusa de faire davantage.
 
Dans l’attente des garnisons
 
         L’altération brutale des relations franco-italiennes à partir de 1882 laissa espérer à plusieurs communes des renforcements ou des créations de garnisons. Grasse et Antibes se mirent sur les rangs. Grasse demanda sa garnison dès le mois de juin 1882, proposant de construire une caserne aux frais de la ville[35]. La demande fut réitérée sans succès l’année suivante. Antibes, touchée, on l’a vu, par d’importantes réductions d’effectifs depuis plusieurs années se déclara en novembre 1883 prête à faire tous les sacrifices[36], promettant à l’administration militaire une extension du champ de tir, la création d’un polygone d’artillerie et autres avantages. Le préfet plaida le dossier antibois avec succès insistant sur le fait qu’Antibes avait depuis longtemps une vocation militaire, que celle-ci comportait des servitudes, par exemple en matière de fortifications, et que cela l’avait empêchée, à l’instar des autres villes de la côte, d’accueillir une colonie étrangère[37]. Dans sa réponse, le ministre annonçait l’arrivée d’un bataillon du 111e R.I., en provenance de Nice, où on devait accueillir incessamment trois batteries du 13e bataillon d’Artillerie de forteresse[38]. Cela revenait pratiquement à doubler la garnison d’Antibes forte jusque-là d’environ 500 hommes.
         De façon générale, c’était cependant la déception. Le ministère de la Guerre ne procédait toujours pas à la réforme -attendues par tous ceux qui connaissaient bien la frontière des Alpes- des bataillons de chasseurs à partir de l’expérience menée depuis 1882 par le 24e chasseurs et ses quatre homologues. Et pourtant la disparité avec l’Italie s’était aggravée : en 1882, on comptait 72 compagnies d’Alpini -soit près de 9.000 hommes- dont 43 étaient stationnées le long de la frontière française[39]. On était loin côté français, avec 5 bataillons à quatre compagnies, d’atteindre cet effectif : en comptant les batteries de montagne le tout ne dépassait guère 3.000 hommes.
         Il fallut les graves événements de 1887, la soudaine tension diplomatique provoquée par la politique de Crispi pour qu’on se décidât à faire davantage : le général Ferron, officier du Génie, sous-chef d’Etat-major au ministère de la Guerre et chargé de tout ce qui concernait la défense des Alpes, élabora un projet qui avait pour objectif de renforcer tous les points faibles de la frontière, en particulier dans sa partie niçoise. Outre un renforcement des fortifications, le plan prévoyait la mise en place de troupes alpines équivalentes en quantité et en qualité à celles de l’Italie. Ferron devint peu après ministre de la Guerre dans le cabinet Rouvier de mai à décembre 1887. C’est en cette qualité qu’il fit dans les Alpes-Maritimes une tournée remarquée où les aspects militaires se mêlaient de notes électorales : à Grasse en compagnie de Roure, député du lieu, il promit une garnison, il procéda de même à Sospel en présence de Borriglione, il recommença à Menton, à Breil et dans d’autres lieux[40]. Comment n’aurait-on pas cru aux promesses d’un ministre de la Guerre ? Tout semblait devoir aller très vite. On annonça ainsi pour la fin de l’année l’arrivée du 159e régiment d’Infanterie régional à Nice et à Antibes. Il s’ajoutait au 111e. Le département retrouvait enfin ses deux régiments comme au temps du Second Empire. Ferron avait tenu parole. En partie du moins, car la réforme des troupes de chasseurs tardait.
         Le ministre n’eut pas le temps de la mettre en œuvre avant la chute du cabinet Rouvier en décembre. A Menton, Sospel, Grasse on commença à craindre que la manne militaire ne soit moins abondante que prévu. Le Conseil municipal de Grasse fut le premier à réagir dans sa séance du 12 juin 1888[41]. On avait promis une garnison ; son député-maire Roure s’était électoralement engagé. Il fallait réagir avec d’autant plus de vigueur qu’ici et là couraient des bruits selon lesquels la candidature de Grasse comme ville de garnison serait finalement écartée, la ville étant située trop loin de la frontière. On accusa le préfet de mettre peu d’empressement dans la transmission du dossier de candidature, justement pour réduire les chances de Grasse au seul profit de l’arrondissement de Nice[42]. « La comédie garnisons », comme l’appelait Le Mentonnais du 23 juin, menaçait de dégénérer en une lutte acharnée entre les villes prétendantes lorsqu’on comprit que le successeur de Ferron, Freycinet n’avait pas l’intention de bouleverser les projets de son prédécesseur.
 
L’arrivée des chasseurs alpins
 
         La loi du 24 décembre 1888 modifiait profondément l’organisation des bataillons chasseurs à pied en spécialisant douze d’entre eux comme « bataillons de montagne » à six compagnies. Ceux-ci stationnés sur les territoires des XIVe et XVe corps devaient être accompagnés d’une batterie de montagne et d’un détachement du Génie de façon à former 12 « groupes alpins » occupant chacun un secteur de la frontière des Alpes. Pour les Alpes-Maritimes, c’était un véritable cadeau de Noël : sur les 12 groupes, cinq étaient stationnés dans le département : le 23e bataillon de chasseurs à Nice puis à Grasse dès 1890, le 7e à Nice, puis à Antibes à partir de 1896, le 24e restait à Villefranche, le 6e à Nice avec des détachements à Breil, Sospel et Saorge, le 27e à Menton[43].
         Cinq bataillons de chasseurs à environ 900 hommes chacun, deux régiments d’Infanterie le 111e -depuis 1890- à Antibes et le 159e à Nice, à environ 1.800 hommes chacun, dix batteries d’Artillerie -3 de forteresse, deux montées et cinq alpines- à 120 hommes en moyenne, une compagnie du Génie de 110 hommes, plus les états-majors du gouverneur de Nice, de la 29e division d’Infanterie, de la 57e brigade d’Infanterie -à Nice depuis 1890- et les différents services administratifs militaires, génie, matériel, artillerie, topographie, intendance, etc. Telle était la situation de 1890 : une garnison de près de 10.000 hommes[44]. Entre 1883 et 1890 les effectifs avaient décuplé, essentiellement au profit de l’arrondissement de Nice. Nice d’ailleurs où étaient concentrés la plupart des services techniques et d’état-major et qui prenait ainsi des allures de capitale militaire régionale. Antibes restait tout de même chef-lieu de la subdivision -circonscription d’administration militaire concernant essentiellement le recrutement- pour les Alpes-Maritimes et l’arrondissement de Draguignan. Un nouveau glissement en faveur de Nice se produira en 1901 avec le transfert dans cette ville du siège de la subdivision.
         Les effectifs s’accrurent encore dans les années 1890, en rapport avec l’état de tension des relations diplomatiques entre la France et l’Italie. Ainsi au mois de novembre 1893, alors que l’escadre russe venait mouiller à Toulon pour participer aux festivités de l’Alliance franco-russe, on constata du côté de Coni d’importants mouvements de troupes qui alarmèrent quelques officiers de l’Etat-major. La presse locale demeura remarquablement sereine et discrète mais la menace fut prise assez au sérieux pour justifier une visite du général Ferron, cette fois comme membre du Conseil supérieur de la Guerre. Le général fit la tournée des fortifications, constata l’état des approvisionnements et conclut à une insuffisance d’effectifs. C’est ainsi du moins qu’on peut interpréter l’arrivée à la fin du mois de forts détachements des 58e et 163e régiments d’Infanterie en provenance d’Avignon et de Nîmes[45]. Le Conseil municipal de cette ville n’hésita d’ailleurs pas à protester contre ce départ qui vidait sa garnison[46].
         On n’éprouva guère de difficultés pour caserner, la charge incombant aux municipalités, soit qu’elles procèdent elles-mêmes aux constructions, soit qu’elles indemnisent l’armée en versant un forfait annuel de 5 à 6 francs par homme. Toutes les villes étaient prêtes à cet effort financier à la fois populaire et finalement rentable. Grasse était par exemple prête à s’endetter considérablement pour avoir une caserne : un savant calcul expliquait que le montant de l’emprunt serait remboursé grâce à la plus-value que devait procurer à l’octroi la présence des troupes[47] ; Antibes, tout comme Villefranche, en avaient fait une activité de base. L’armée compléta les casernements en fonction de ses nouveaux besoins : la garnison de Nice déborda de ses anciennes casernes de la Vieille-Ville pour s’installer à Saint-Roch et à Riquier[48] et des casernements furent construits à Menton, Roquebrune et Sospel. C’était somme toute moins difficile que de construire des forts sur des montagnes inaccessibles.
 
Le champ de manœuvres
 
         Les garnisons des Alpes-Maritimes, composées, pour plus de la moitié des effectifs, de bataillons de montagne, présentaient un caractère très particulier. Avec l’arrivée des beaux jours les casernes se vidaient, bataillons et batteries partaient prendre pour quatre mois leurs quartiers d’été à la montagne. La zone frontalière, de la Haute-Tinée à Menton, était découpée en cinq secteurs, chacun étant attribué à un groupe alpin : au 8e (stationné à Grasse l’hiver) la Haute-Tinée, au 9e (Antibes) les montagnes entre Tinée et Vésubie, au 10e (Villefranche) la Vallée de la Roya vers Breil, au 11e (Nice) le massif de l’Authion et au 12e (Menton) le Mentonnais[49].
         Au total c’étaient plus de 6.000 hommes qui se répandaient dans la montagne niçoise et la sillonnaient en tous sens jusqu’à la fin de l’été. Accueillis avec chaleur par les populations, ces soldats allaient rompre pendant quatre mois avec la routine de la vie de garnison. La montagne devenait pendant l’été un champ de manœuvre permanent.
 
Logement et cantonnement
 
         Pour les accueillir le Génie avait dû assurer la construction de plusieurs baraquements. Le premier avait été en 1883 celui de Peira-Cava, pour les besoins du 24e bataillon de chasseurs. A partir de 1888-90, les constructions se multiplièrent : Turini, Col de Braus, Col de Brouis, Granges de la Brasque, Col des Fourches, Col des Champs, Mont-Agel, etc[50]. L’ensemble ne suffisait cependant pas à loger les troupes : il ne semble d’ailleurs pas que c’était là l’intention de l’Etat-major qui mettait l’accent sur la mobilité permanente et préférait le logement chez l’habitant ; une bonne partie des troupes cantonnait donc tout l’été : 12 officiers, 390 hommes, 21 chevaux à Breil ; 4 officiers, 135 hommes, 7 chevaux à Gorbio, etc. « L’avis des itinéraires des troupes et d’occupation des cantonnements »[51] dressé annuellement montre une extraordinaire dispersion de la troupe jusque dans les plus petits villages.
         Sauf situation particulière on évitait bivouac ou campement[52]. Le logement présentait trop d’avantages et de commodités : tous les trois ans les maires dressaient un état des logements disponibles avec mention des qualités. Centralisés par le préfet, ces états étaient remis à l’autorité militaire qui pouvait les employer selon ses besoins[53]. Pour les habitants, la perspective de l’indemnité atténuait bien des désagréments : 1 franc par jour pour un officier, 50 centimes pour un sous-officier, 10 centimes pour un soldat... -il est vrai que dans ce cas on prévoyait 2 m² par homme-, 5 centimes, ou le fumier, pour un cheval[54]. Qui aurait songé à se plaindre d’un tel revenu, en fait plutôt facile puisqu’il n’était pas question qu’on loge dans les pièces nécessaires à la famille ?
         La perspective était d’autant plus favorable lorsqu’il s’agissait d’un logement durable sous forme de cantonnement. Les habitants des simples « gîtes d’étape » étaient moins favorisés ; d’ailleurs une loi de 1877 admettait encore la gratuité du logement trois nuits par mois consécutives ou non. L’indemnité était versée à partir de la quatrième nuit[55]. En cas de cantonnement les revenus étaient ainsi nettement supérieurs ; à la montagne c’était même une activité de complément. D’ailleurs bien des familles cherchaient à améliorer une chambre ou deux dans ce but afin de les faire classer en catégorie supérieure. « La présence des troupes a métamorphosé la notion du confortable dans maints hameaux », note un contemporain[56]. A cela s’ajoutaient les retombées commerciales pour les villages importants bien pourvus en commerces. Pour les petits villages une vie nouvelle apparaissait avec l’arrivée des Alpins, les troupes traînant derrière elles des cohortes de commerçants ambulants. Ardoin-Dumazet, invité par un ami officier de chasseurs en cantonnement à Massoins, note ainsi que le village n’a pu fournir que sept lits pour les officiers du 23e et qu’il est dépourvu de tout commerce mais que cela n’a pas empêché l’installation du bataillon : « Lieutenants et sous-lieutenants sont sur la paille ou sur des brancards d’ambulance. On ne trouverait même aucune ressource en vivres si l’on n’avait le mercanti ; partout où peut passer un alpin avec un mulet, le mercanti arrive avec les provisions de bouche. Les artilleurs n’auront pas encore débâté leurs animaux et monté leurs petits canons pour constituer le parc et déjà le mercanti, gras, fleuri aura fait un étalage alléchant : saucisson et fromage, pain blanc, raisins, pêches et melons, tomates, aubergines, haricots verts, piments, concombres, tout ce qui peut rapidement frire, rissoler ou accompagner le mouton de l’intendance. Non loin, un autre industriel s’installe : quelques piquets et des clous fichés dans les murailles d’une maison lui permettent de dresser une tente faite de grosse toile ou de vieux sacs ; il a hissé à ces hauteurs sur des mulets, des tables et des bancs ; entre quatre pierres il fera bouillir l’eau destinée à une gigantesque cafetière ; sur un banc s’aligne l’armée innombrable des apéritifs inventés par les liquoristes du Midi, trônant autour de la reine Absinthe[...]. Dans ce café une partie spéciale est réservée aux officiers. L’établissement est naturellement le centre de la vie au cantonnement. Fourriers et sergents-majors y viennent aux ordres ; on va y chercher les officiers pour les communications. Le tableau est presque partout le même ! »[57]
 
La maîtrise de la montagne
 
         On comprend que cette présence militaire n’ait guère laissé de traces de mécontentement. L’armée est trop étroitement unie au pays, un pays qu’au demeurant elle finit par bien connaître et dont elle contribue année après année à améliorer le réseau de communications, élargissant un chemin ou réparant son empierrement entre deux exercices. Qui songerait à se plaindre d’une armée qui travaille, paye, indemnise ses dégâts, et en prime régale les populations de ses airs de fanfare ; pas d’arrivée ou de départ sans musique ; le soir, sur la place du village, la sérénade et parfois le bal. L’armée a rompu la monotonie quotidienne : elle fait l’événement et marque les jours. Plus de fête patronale réussie sans la participation d’une troupe de chasseurs. En devenant familière, en partageant la vie des ruraux, l’armée a fait pénétrer l’idéal patriotique auprès de populations jusque-là indifférentes. Classe après classe, les jeunes de ces montagnes, souvent incorporés dans des bataillons de chasseurs en Savoie ou en Dauphiné, entreront dans cette famille des Alpins, renforçant ainsi le climat de compréhension.
         Fin août, début septembre, sonne l’heure du retour. Seuls quelques chasseurs resteront sur les hauteurs pour l’hivernage : 15 à 30 hommes par poste, la plupart du temps des volontaires[58]. Avec les années, on hiverne de plus en plus haut et avec de plus en plus d’hommes. Une véritable surenchère, car les Italiens ne sont pas en reste. L’intérêt stratégique, autrefois bien perçu par le maire de Breil, est d’ailleurs évident. En 1893 ce sont deux compagnies complètes qui partent hiverner à Peira-Cava[59]. Le général Ferron estimait « que nous ne devrions pas faire moins que les Italiens qui occupent en permanence leurs postes les plus élevés »[60] ; en 1897, un poste d’hiver est installé au Col des Fourches à 2.250 m[61]. Autant de tentatives audacieuses où les seules garanties étaient la préparation et l’entraînement. Une erreur d’appréciation et la montagne reprenait le dessus[62].
         Déjà maître de la montagne l’été, le chasseur tentait de l’être l’hiver. Ces Alpins n’étaient décidément pas des soldats comme les autres. Une bonne raison pour ces montagnards du haut-pays niçois de commencer à se sentir fiers d’être français. En quelques années, les réticences et les incompréhensions s’étaient évanouies. Les monuments aux morts érigés dans ces villages après la Grande Guerre en portent une sorte de témoignage indirect.
 
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         Quelques idées toutes faites sur les défenses naturelles et sur le caractère impénétrable de la montagne niçoise ; une image envahissante de Côte-d’Azur qui empêche de faire le moindre rapprochement entre Nice et telle ou telle grande ville de garnison de l’Est de la France. Il n’en a pas fallu davantage pour gommer la formidable présence de l’armée dans les Alpes-Maritimes à partir des années 1880. Le contraste est trop criard et on éprouvera toujours quelques difficultés à superposer l’image de cette Côte-d’Azur militaire à celle des mondanités de la Belle-Epoque. D’autant plus que les acteurs ont disparu et que les souvenirs s’effacent progressivement. Les bataillons de chasseurs sont partis et les villes ont urbanisé les quartiers militaires. Il ne reste guère que les fortifications, aussi puissantes que discrètes ; mais l’imagination s’accommode mal de leurs profils enterrés. Expliquer que ce département fut, il y a un siècle, un des lieux les plus militarisés de France ne sera jamais simple.
         Il faudra toujours en revenir au point de départ -le Traité de 1860-, disserter sur la fonction stratégique des « territoires de chasse » du roi d’Italie, expliquer que le Massif de l’Authion n’est pas facilement défendable, parler « couverture » ou « rideaux défensifs » ... bref, faire, avec beaucoup de présomption, un cours de stratégie. Le prix à payer en quelque sorte pour comprendre que l’armée ait fait autant d’efforts pour militariser une frontière qui, apparemment, ne le nécessitait pas ; le passage obligé pour mesurer à sa juste valeur l’omniprésence militaire dans le département et ses conséquences sur la rapide intégration de la partie rattachée en 1860.
 
 
 
 


[1] Archives départementales des Alpes-Maritimes, 24179, délibération du Conseil municipal de Villefranche du 15 juillet 1875.

[2] Avant 1860, Nice était en matière militaire chef-lieu d’une des sept « divisions » du royaume de Piémont-Sardaigne (Turin, Gênes, Alexandrie, Savone, Novare, Nice, et Cagliari) avec à sa tête un commandant général. Cette division, s’étendait au Comté de Nice et à la Ligurie occidentale. La place de Villefranche, port de guerre, était la plus importante de cette division. Villefranche était en matière navale le chef-lieu d’une des trois circonscriptions de la marine de guerre sarde avec Cagliari et Gênes. Le commandant général résidait à Gênes. Sur les déclassements administratifs qui suivent le Rattachement de 1860 à la France, cf. Michel Bottin, « De la capitale administrative au chef-lieu de département : les mutations administratives de l’espace régional niçois. 1814-1860 », in Nice au XIXe siècle. Mutations institutionnelles et changements de souveraineté », Centre d’Histoire du droit, Nice, 1985, pp. 7-35.

[3] Arch. dép. des A-M, 24179, délibération du Conseil municipal de Villefranche du 15 juillet 1875.

[4] Ibidem.

[5] Arch. dép. des A-M, 24179, Lettre du préfet au ministre de l’Intérieur, 21 juillet 1875.

[6] Arch. dép. des A-M, 24179, lettre du 3 août 1875 au préfet.

[7] Arch. dép. des A-M, série M, difficultés entre civils et militaires, 1861-1862.

[8] Rapport du commissaire spécial des chemins de fer au préfet du 20 juillet 1875, Arch. dép. des A-M, 24179.

[9] Arch. dép. des A-M, 24179, lettre du 21 juillet 1875.

[10] Lettre du préfet au maire de Villefranche du 6 août 1875, Arch. dép. des A-M, 24179.

[11] Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du 4 août 1875, Arch. dép. des A-M, 24179.

[12] Sur les conceptions et l’œuvre du général Séré de Rivières, cf. Max Bled, « Essai sur les défenses du Comté de Nice de Séré de Rivières (1883) à Maginot (1936) », communication au Colloque Guerres et fortifications, 4èmes Journées d’Histoire de l’espace provençal, Mouans-Sartoux, 1987.

[13] Commandant Bxxx, Les troupes alpines en Italie et en France, Charles Lavauzelle, Paris, 1900, pp. 11-13.

[14] M. Perrin, Topographie et défense des Alpes françaises, 2 vol., Périgueux, 1894, p. 598.

[15] Commandant Bxxx, op. cit., p. 52.

[16] Victor Ardoin-Dumazet, Voyage en France, 55e série, La Provence maritime, Berger-Levrault, Paris, 1909, pp. 368 sq. L’auteur est un bon connaisseur des questions militaires. Il a publié entre autres, chez Berger-Levrault, L’armée et la flotte en 1893, 1894 et 1895, Au régiment-En escadre, ou encore La défense de la Corse. Son opinion sur les défenses niçoises n’en est que plus intéressante. Voir aussi note 49.

[17] Les achats de terrain effectués par la direction du Génie de Toulon, puis à partir de 1889 par celle de Nice permettent de mesurer le déroulement des opérations de fortification. Grâce aux plans annexés aux actes de vente il est possible de connaître à un moment précis l’avancement des travaux. Arch. dép. des A-M, 24181 (Antibes-Breil), 24182 (Colomars-Eze), 24183 (Falicon-Moulinet), 24184 (Nice-Sospel), 24184 (La Tour-La Turbie), 24186 (Utelle-Villefranche), 24187 à 24193 (divers, routes et chemins stratégiques). C’est sur l’analyse de ces liasses que s’appuie le développement ci-dessus.

[18] Les renseignements concernant les unités stationnées dans les Alpes-Maritimes sont extraits de l’Annuaire du département des Alpes-Maritimes. Cette source donne une idée d’ensemble mais ne tient pas compte des mouvements intervenus en cours d’année. Pour plus de précisions il faut se reporter aux « avis de passage et de mouvements de troupes », Arch. dép. des A-M, 24222. On n’a pas jugé utile de reprendre par la suite les références tirées de cet Annuaire.

[19] Ardoin-Dumazet, Voyage en France, 1909, op. cit., p. 323.

[20] Cf., Perrin, Topographie et défense, op. cit.,  pp. 581-584.

[21] Ardoin-Dumazet, Voyage en France, 12e série, Les Alpes de Provence, 1898, p. 328.

[22] Les répertoires de droit, législation et jurisprudence de la fin du XIXe siècle et du début du XXe fournissent l’essentiel de la matière règlementaire : Répertoire de législation..., Dalloz, 1869 ; Répertoire de droit administratif, Béquet, 1882 ; Répertoire..., Dalloz, 1893 ; Répertoire..., Carpentier, 1913.

[23] Perrin, Topographie et défense, op. cit.,  p. 598.

[24] Arch. dép. des A-M, 24196 à 24199.

[25] Arch. dép. des A-M, 24195.

[26] Ernest Hildesheimer, Introduction à l’inventaire de la série S des Archives départementales des Alpes-Maritimes, Cannes, 1959, p. XXV.

[27] Les élus emploient souvent l’argument militaire pour faire avancer un projet. Exemple la ligne Nice-Coni : outre l’avantage économique, « il est aujourd’hui démontré que l’Etat a besoin d’un chemin de fer stratégique pour concentrer à un moment donné du côté de la frontière les positions de nos lignes militaires », Conseil général des A-M, séance du 6 avril 1891.

[28] Hildesheimer, op. cit., p. XIII.

[29] Exemples dans Arch. dép. des A-M, 24206.

[30] Commandant Bxxx, op. cit., p. 13 et Henry Duhamel, Au pays des alpins, Grenoble, 1899, p. 12, (12e, 13e et 14e bataillons pour le XIVe Corps, 7e et 24e bataillons pour le XVe Corps).

[31] Lettre du 27 juillet 1882, Arch. dép. des A-M, 24179.

[32] Lettre du maire au ministre de la Guerre du 9 septembre 1882, Arch. dép. des A-M, 24179.

[33] Lettre du 25 septembre 1882, Arch. dép. des A-M, 24179.

[34] Délibération du Conseil municipal de Breil, Arch. dép. des A-M, 24179.

[35] Lettre du sous-préfet au préfet du 15 juin 1882 ; id. du 4 septembre 1883, Arch. dép. des A-M, 24179.

[36] Délibération du Conseil municipal d’Antibes du 11 mars 1883, Arch. dép. des A-M, 24179.

[37] C’est la base de l’argumentation antiboise. Cf. par exemple, délibération du Conseil municipal du 5 septembre 1886, Arch. dép. des A-M, 24203.

[38] Réponse du ministre de la Guerre, 12 décembre 1883.

[39] Commandant Bxxx, op. cit., met l’accent sur le possibilités de mobilisation rapide des réservistes italiens. C’est également le point de vue de la presse locale, cf. Le phare du littoral du 20 juin 1888, L’Avenir Commercial de Nice du 24 juin 1888, Le Petit Niçois du 25 juin 1888, Le Mentonnais du 23 juin 1888.

[40] Arch. dép. des A-M, 24179.

[41] Cf. les journaux cités note 39.

[42] Revue de presse, ibidem.

[43] Duhamel, Au pays des alpins, op. cit.

[44] Source des indications concernant les effectifs : les répertoires précités, celui de Béquet en particulier, et les « avis de passage et de mouvement des troupes », Arch. dép. des A-M, 24222.

[45] Le Petit Niçois, du 9 au 22 novembre 1893.

[46] Perrin, Topographie et défense, op. cit., p. 774.

[47] Dans une lettre adressée au préfet le 16 juin 1888 le directeur de l’Administration départementale et communale au Ministère de l’Intérieur conteste le calcul des Grassois, Arch. dép. des A-M, 24179.

[48] Transition difficile à Nice en 1887-1889 où l’armée tente d’obtenir différents locaux pour installer des « magasins de troupe ». Le général Coatpont, gouverneur de Nice, demande ainsi au préfet de faire diligence pour que les services judiciaires qui occupent les anciennes prisons du port et de l’ancien Sénat libèrent d’urgence ces locaux. Lettre du 26 octobre 1887, Arch. dép. des A-M, 24203. La caserne de Riquier-Saint-Jean-d’Angély est livrée le 15 avril 1888 pour le 159e régiment d’Infanterie régional, Le Petit Niçois du 18 avril 1888.

[49] Duhamel, Au pays des alpins, op. cit.  in fine. L’auteur consacre la quasi-totalité de son livre aux sept autres groupes ! Il traite en moins de trois pages, illustrations comprises, les cinq groupes des Alpes-Maritimes. Dans le même ordre d’idées, Ardoin-Dumazet dans sa collection Voyage en France, n’hésite pas à sous-titrer son volume n° 10 consacré aux Alpes du Léman à la Durance, « Nos chasseurs alpins ». Le titre aurait assurément mieux convenu aux Alpes-Maritimes. Cette tendance à minorer la place des cinq groupes alpins des A-M est constante dans l’historiographie des Diables bleus beaucoup plus orientée à valoriser les bataillons des Alpes du nord. Un exemple récent, Jean Pochard, « Les chasseurs alpins en Savoie », in L’Histoire en Savoie, n° 57, mars 1980. Ajoutons enfin que la place des Alpes-Maritimes dans le dispositif général des groupes alpins est encore plus importante si on considère que sur sept bataillons d’alpins territoriaux, du lac Léman à la mer, trois sont dans les Alpes-Maritimes (Nice, Villefranche et Grasse). C’est Duhamel, Au pays des alpins, op. cit. lui-même qui donne, involontairement, ce renseignement.

[50] Cf. supra note 17. Ardoin-Dumazet, Voyage en France, ed. de 1898, note l’existence d’une « caserne d’été » à Saint-Etienne-de-Tinée.

[51] Arch. dép. des A-M, 24222.

[52] Duhamel, Au pays des alpins, op. cit. p. 25.

[53] Recensements dans les Alpes-Maritimes, Arch. dép. des A-M, 24222.

[54] Béquet, Répertoire, op. cit., p. 115.

[55] Ibidem.

[56] Duhamel, Au pays des alpins, op. cit., p. 30.

[57] Ardoin-Dumazer, Voyage, op. cit., ed 1898, p. 342.

[58] Duhamel, Au pays des alpins, op. cit., p. 129.

[59] Le Petit Niçois du 11 novembre 1893.

[60] Ibidem.

[61] Duhamel, Au pays des alpins, op. cit.p. 129. Le Chanoine Etienne Galléan, Comment vivaient les familles dans la Haute-Tinée il y a cent ans, Nice, p. 70, précise que ce camp était occupé par une compagnie de Barcelonnette.

[62] Des exemples dans Galléan, op. cit., p. 74.

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