Passer le Var à Saint-Martin
 
 
 
 
Passer le Var à Saint-Martin
 
ou les vicissitudes d’un service public mal réglé
XVIe-XIXe siècles
 
 
Michel Bottin
 
Pour citer : Michel Bottin, « Passer le Var à Saint-Martin, ou les vicissitudes d’un service public mal réglé. XVIe-XIXe siècles », in Provence Historique, fasc. 206, 2001, pp. 509-522.
 
 
Quatre ponts permettent de nos jours la traversée du Var de l'embouchure
à Plan-du-Var, avant que le fleuve ne s'encaisse dans des gorges infranchissables
: le pont du Var à Saint-Laurent, le pont de la Manda entre Gattières et Carros, le pont Charles-Albert face à La Roquette-sur-Var et le pont du Gabre de Bonson à Plan-du-Var. Construits au XIX' siècle, ces ponts ont été implantés sur des voies de communication empruntées depuis l'Antiquité.
 Celui de Saint-Laurent est situé sur la via Julia Augusta qui longe la côte de Vintimille à Antibes en passant par Cimiez.
Celui de La Manda se trouve un peu au nord du passage emprunté par une voie romaine secondaire, la voie de Vence, qui à partir de Cimiez se dirige vers Saint-Roman-de-Bellet et traverse le Var à Gattières.
 La troisième voie est une dérivation de la seconde, à la hauteur de Saint-Sauveur ; elle suit la rive gauche du Var jusqu'à Saint-Martin et de là se dirige soit vers Gilette puis Roquesteron soit vers Bonson en direction de Puget et Glandèves en contournant le Mont-Vial par Ascros.
 Le quatrième passage, celui du Gabre de Bonson est une variante de la troisième : elle part de Cimiez vers Tourrette et Levens, redescend vers Plan-du-Var et remonte directement vers Bonson et de là vers Ascros et Puget.
Ce sont ces deux derniers passages qui nous intéressent ici. Chacun présente un intérêt propre mais chacun est complémentaire de l'autre. En outre, chacun présente des qualités différentes. Celui de Gilette est situé à un endroit où le lit du fleuve s'est assez élargi pour faciliter l'aménagement d'un gué ; celui de Bonson est situé à l'endroit le lit du fleuve se resserre. Si un bon gué est difficile à y entretenir on peut, avec d’importants moyens financiers, construire un pont. Enfin, dans chacun des deux cas, il reste la solution du bac.
Etudier le passage du Var à Saint-Martin, ou plus exactement à la hauteur de l'ancienne communauté de La Roquette-Saint-Martin, face au Broc, Gilette et Bonson en rive droite, revient donc à suivre les tours et les détours de l'histoire de deux routes, celle de Bonson et celle de Gilette, voire trois avec Le Broc, et trois solutions, le gué, le bac, le pont.
Les solutions varient au fil des siècles. Elles s'entremêlent et se concurrencent au gré des caprices du fleuve, des possibilités techniques, des choix communaux et seigneuriaux, des interventions étatiques, civiles ou militaires, et des décisions judiciaires. Véritable nœud de problèmes techniques ct juridiques la question du passage du Var à Saint-Martin ne trouvera son épilogue qu'avec la construction du pont Charles-Albert au milieu du XIXe siècle.
Lorsqu'on porte un regard rétrospectif sur l'histoire du passage on ne peut guère considérer que le service public a correctement fonctionné ! Un pont solide, un bac bien entretenu, un gué réglementé, chacune de ces solutions eût à elle seule apporté une solution au problème. Cela n'a pas été le cas : le pont a fonctionné par intermittence ; le bac a connu des ruptures d'exploitation ; le gué n'a jamais été organisé. Le comble fut que les trois solutions furent souvent mises en œuvre en même temps ! Chacune fonctionna évidemment au détriment de l'autre.
 
Le pont de Bonson
 
Du confluent de l'Estéron à la mer, il n'y a pas de pont sur le Var avant la Révolution. D'importantes difficultés techniques doivent en effet être surmontées ; on en soulignera deux : d'une part la largeur du lit qui impose la construction d'ouvrages longs de plusieurs centaines de mètres, d 'autre part le flottage, au printemps et à l'automne, de quantités énormes de bois capables de détruire les piliers des ponts les plus solides même en maçonnerie. Il faut sans cesse réparer. Ajoutons l’obstacle diplomatique ; le fleuve forme frontière jusqu'en 1860 entre la France et les États de Savoie. Toute entreprise suppose donc un effort commun ... que les parties ne sont jamais prêtes à faire. Les seules réalisations sont donc contemporaines de l'annexion du Comté de Nice par la République sous la Révolution et ont un intérêt militaire : c'est le cas du pont de Saint-Laurent, en bois, construit en 1792 et assez régulièrement entretenu et réparé pour avoir pu servir jusqu'en 1869[1]. C'est le cas aussi de celui construit entre Saint-Martin et Le Broc par les troupes de Kellerman en juin 1793. Remis à l'administration départementale en messidor an IV, il fut très endommagé par un flottage en frimaire an VI et cessa d'être entretenu[2].
La situation est totalement différente en amont du confluent de l'Estéron. D'abord parce que le fleuve ne marque plus la frontière ; les deux rives sont placées, pour la plus grande partie de la période qui nous intéresse ici sous la souveraineté de la Maison de Savoie. Ensuite parce que le resserrement du lit du fleuve permet en certains endroits la construction de ponts. On en trouve ainsi en amont des gorges de la Mescla, à partir de Malaussène et de Villars, plusieurs qui ont été régulièrement entretenus et réparés[3].
Il reste le cas du pont de Bonson. Le lieu est propice à l'établissement d'un tel ouvrage car, situé en aval des gorges de la Mescla, il permet une relation directe entre Nice, la Provence orientale et le Dauphiné. Les premières mentions de l'existence d'un pont remontent au XIVe siècle[4], mais tout porte à penser que de telles constructions ont pu être réalisées dans des temps plus anciens encore. L'histoire montre en effet que le pont de Bonson a été détruit et reconstruit à plusieurs reprises au cours des siècles ; le lieu n'offre en effet pas toutes les garanties de solidité car la largeur du lit du fleuve ne permet pas d'éviter la construction d'un piler intermédiaire. Le pont est donc très exposé aux coups de bélier des bois de flottage. Au milieu du XVe siècle il est ainsi question de construire un nouveau pont[5], sans résultat semble-t-il.
Il faut attendre 1675 pour qu'à la suite d'une demande et d'un engagement conjoint de 60 communautés du Comté on prenne conscience de l'importance d'une telle construction pour le commerce, particulièrement avec la Provence orientale[6]. Le Var coupait effectivement la province en deux pendant une partie de l'année. Il fallait, lorsque le fleuve était infranchissable à gué ou par bac, remonter vers Villars ou Puget, passer un pont, et, soit, rejoindre le chemin de la Vésubie par Utelle, soit redescendre vers Saint-Laurent. On devait donc dans ce cas transiter par le territoire français.
Il restait un dernier obstacle à affronter, la protestation du comte de Gilette possesseur du droit de tenir un bac sur le Var entre Gilette et La Roquette-Saint Martin[7]. Il en souffrirait un dommage considérable « rispetto a la barca che per bonta de reali padroni tengo nel terrirorio de Gilctta »[8] explique-t-il. Les arguments économiques l'emportèrent cependant[9]. Un pont muletier[10] fut donc construit et un chemin fut aménagé entre Saint-Martin et ce qui est aujourd’hui Plan-du-Var[11].
Ce pont n'est pas resté en service très longtemps. Antoine Durieu, ingénieur topographe du roi de Sardaigne signale ainsi lors d'un « plantement» de bornes en 1761 « l'ancien pont que l'on fit construire au temps passé et qui fut emporté par les eaux pour n'avoir pas été en bonne forme »[12] . Le docteur Fodéré, au cours de son voyage dans le département des Alpes-Maritimes en 1801 précise que ce pont « s'est écroulé » et qu'il « ne reste que des ruines ». Il ajoute que le passage est encore signalé sur la carte de Borgonio au premier tiers du XVIIIe siècle[13]. L'écroulement de l'ouvrage, vers 1730, ne fit pas que des malheureux. La nouvelle dut certainement satisfaire le comte de Gilette !
Le pont tarda à être reconstruit. Fodéré note les demandes pressantes des communautés : « Aussi est-ce un cri général de tout le 3e arrondissement, celui de Puget-Théniers, de rétablir le pont de Beausson ; la justice et l'humanité ne le réclament pas avec moins de force ; et certes en construisant ce pont et en y établissant un modique droit, les intérêts de cet arrondissement se trouveraient coïncider parfaitement avec ceux de la république ou de la compagnie qui en formerait l'entreprise »[14]. Ces demandes aboutirent en1827 avec la construction d'un pont muletier suspendu[15]. Celui-ci devait permettre le passage des charrettes et offrir toutes les garanties de solidité. Dans un arrêté du 16 juin 18271'intendant général Crotti précisait que le pont devait être protégé tant dans ses « palate » que ses «vanguardie» par un revêtement de madriers ayant 10 centimètres d'épaisseur, placé horizontalement et bien cloué et entretenu continuellement aux frais des marchands[16]. Les coups des bois de flottage eurent finalement raison de l’ouvrage en 1843. On notera tout de même que le pont de Bonson a fonctionné de1678 à environ1730 et de 1827 à 1843, soit pendant 70 ans avant que le pont Charles-Albert ne prenne le relai.
 
La barque du Var
 
Faute de pont il faut donc passer à gué ou par bac. Il existe au long des siècles plusieurs gués, pratiquement un en face de chaque village : Bonson, Gilette, Le Broc, Gattières, La Gaude, Saint-Laurent. Ils sont de commodité très inégale. En fait seul celui de Saint-Laurent est réglementé et aménagé, jusqu'à la construction du pont militaire en 1792 du moins[17]. Il s'agit en effet d'un passage important sur la route de Nice à Antibes. Des voitures l'empruntent. Il faut les guider à travers le lit du fleuve et franchir non seulement le gros bras du Var mais aussi deux ou trois bras secondaires. L'opération, souvent périlleuse, est assurée par une compagnie de « gueyeurs » soumise à un cahier des charges très précis, fixant le prix, le balisage du gué, les conditions d'entretien. On trouve parfois un bac sur le gros Var, mais son utilité est réduite car il ne résout pas le problème des bras secondaires. Le passage du Var à Saint-Laurent avant 1792 est donc avant tout un gué[18].
L'autre point de passage réglementé est celui de Saint-Martin. Les premières mentions d'un passage organisé remontent au début du XIIIe siècle avec la donation par Isnard de Montbrun aux Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem du passage du Var au lieu nommé Bonport ad mestam Esteronis''[19].
Le droit passa par la suite aux seigneurs de Gilette. Le bac, ou plus exactement le droit d'établir un bac à cet endroit, leur est concédé depuis le moyen âge[20]. C'est un des éléments du fief. Véritable service public concédé, le bac doit être exploité dans le respect de la réglementation prévue : tarif, continuité du service, entretien régulier, etc. Le seigneur de Gilette peut loccasion demander à la municipalité de La Roquette-Saint Martin de fournir la main d'œuvre nécessaire pour remettre l'embarcadère en état ou pour mettre la barque à l'abri en cas de crue annoncée. En contrepartie les habitants de La Roquette-Saint-Martin étaient exemptés du péage, tout comme ceux de Gilette.
Au début du XIXe siècle, l’installation comprenait une « barque » capable de porter charges et mulets, amarrée par un câble à chaque rive. Celles-ci étaient aménagées-en embarcadères. Le coût était élevé. Son exploitant en 1800 déclarait avoir déboursé près de 2 000 francs pour la rétablir. Le passage était payant : 1 sou pour les personnes, 2 sous pour les mulets. Il était gratuit pour les habitants de Gilette et, on l'a vu, pour ceux de La Roquette-Saint-Martin[21]. Pour les autres, la somme, peu élevée, était de nature à dissuader tout passage à gué, même en période de basses eaux.
Le seigneur de Gilette faisait exploiter le service au moyen d'une ferme. La durée des baux était de six ans et le prix annuel de l'affermage était à la fin du XVIIIe siècle de 450 livres. La somme correspond à une moyenne journalière minimale d'une trentaine de passages payants.
La construction du pont de Bonson a affecté pendant plusieurs dizaines d'années l'exploitation du bac. Ainsi en 1734 le comte Antoine François Caïs déclare-t-il au commissaire enquêteur des droits féodaux ne percevoir qu'un revenu net de 30 livres et ne trouver personne pour louer la barque[22]. La concurrence semble même avoir été assez forte pour faire cesser toute exploitation : en 1756, les ingénieurs topographes Catu et Durieu signalent « qu'il y a dix ans qu'on a ôté ladite barque, ce qui est d'un grand préjudice aux voyageurs »[23].
Cette concession fut durablement contestée, surtout avant la construction du pont de Bonson et après sa destruction, tant par le seigneur que par la communauté de Bonson. Pendant une longue période chacun a eu son bac. Les patentes du 9 août 1653 accordent ainsi au seigneur de Gilette le droit de tenir une barque à condition qu'elle soit distante d'au moins un demi mille de celle de Bonson[24]. Le conflit a persisté. L'affaire sera réglée en 1785 par la Regia Camera de Conti de Turin au profit du seigneur de Gilette. Les habitants de Bonson se voyaient toutefois reconnaître la gratuité du passage[25].
Le seigneur de la Roquette conteste lui aussi. Il prétend posséder tous les droits sur les eaux du Var de Levens à Aspremont : dérivation des eaux, exploitation des moulins, passage du fleuve, etc. Les premières mentions de ce droit de passage remontent à la concession faite en 1290 par Charles d'Anjou à Pascalino Litti, seigneur de La Roquette, du droit d'établir un bac face à Bonson et de percevoir un péage[26]. Ce droit est au cours des siècles suivants régulièrement mentionné dans les inféodations des seigneurs du lieu sans qu'il soit fait mention d'une localisation précise[27]. En 1734 Antoine François Bonfiglio, vassal du lieu, déclare ainsi posséder tous les droits sur les eaux du Var dont le droit de passage. Il précise toutefois que ce droit est sans revenu car le seigneur de Gilette a installé une barque « sans titre »[28]. On constatera que dans le cadre de la même opération de recensement des droits féodaux par le souverain, le comte CaÏs de Gilette déclare payer au Fisc un canon annuel d'un écu d'or pour exercer ce droit[29], ce que ne fait pas son voisin ! La revendication du seigneur de La Roquette est donc de pure forme. Elle montre que les deux vassaux n'ont pas le même intérêt à entretenir le passage : pour celui de Gilette c'est une nécessité pour se rendre à Nice dans de bonnes conditions ; pour celui de La Roquette c'est simplement un droit qui rapporte peu et qui nécessite un investissement important. On comprend que les vassaux du lieu aux XVIIe et XVIlle siècles, les Laugeri puis les Bonfiglio, très désargentés[30], n'aient pas cherché à mettre en œuvre leur revendication.
Tout change après 1776. Le nouveau seigneur de La Roquette, le puissant marquis Lascaris de Castellar, ministre d'Etat, vice-roi de Sardaigne, familier du roi Victor-Amédée III, entreprend à grands frais une reconstitution des droits du fief[31]. Parmi ceux-ci la barque du Var. Il installe donc un bac …  sans pour autant que son collègue de Gilette cesse son exploitation. La concurrence a semble-t-il été vive. En témoigne cette remontrance fiscale émanant du Sénat de Nice au sujet du dommage causé « a la barca dei signore conte Lascaris » par un particulier du lieu. La corde d'une valeur de plusieurs centaines de livres a été coupée. L'enquête est confiée au baïle de Gilette le délit ayant été commis sur le territoire de cette communauté[32].
La guerre qui s'installe dans le comté de Nice à partir du mois de septembre 1792 achève de désorganiser le passage. La barque est brûlée par les soldats français[33], sans doute au moment de la contre-offensive sarde de l'automne 1793. En outre la construction du pont entre Saint-Martin et Le Broc par Kellerman en juin 1793 réduit considérablement l'utilité du bac. La barque n'est pas remplacée pendant sept ans.
En 1800 il est à nouveau question du bac. Deux particuliers de Saint-Martin, rétablissent le bac à leurs frais avec la seule autorisation du maire de La Roquette-Saint Martin. Ils augmentent le tarif. Roubaud, le maire, s'en plaint au préfet dans une lettre de germinal an IX, d'une part parce qu'ils font payer tout le monde, d'autre part parce que le tarif varie dans des proportions considérables. Les intéressés s'en défendent en précisant que leur investissement rend service à tous et qu'ils font passer les militaires gratis. D'ailleurs le maire exagère leur revenu. Après deux années d'exploitation. Ils n'ont perçu que 300 francs[34]· L'entreprise n'est effectivement pas rentable. Il semble bien qu'on ait pris l'habitude depuis plusieurs années de traverser à gué et le service public, mal restauré et mal réglé, n'est pas capable d'attirer assez de voyageurs. L'exploitation tourna court.
Il faut attendre 1804 et la réaction du préfet des Alpes-Maritimes, Dubouchage, à la suite d'une noyade pour qu'une réglementation précise et stricte soit mise en place. Le cahier des charges réglait les modalités d'adjudication et précisait les conditions d'exploitation sans rien laisser à l’initiative du fermier : caractéristiques de la barque, charge autorisée, entretien, tarifs, capacité des employés, responsabilité du fermier, etc.[35]. Le passage devait être « desservi par un grand bac ayant de longueur sept mètres et demi, de largeur deux mètres, garni d'un arbre, un timon avec sa serrure et tenu par un tour de bois avec deux grosses cordes une dite le capo et l'autre la maillette, garni en outre de diverses petites planches qui forment l'entrée du bac, et actionné par deux mariniers lorsque le torrent est gros, par un seul marinier lorsque le torrent est calme »[36]. L'exploitation ne soulève alors plus de difficulté. Il semble qu'on ait, pour l'essentiel, dissuadé la plus grande partie des intéressés de passer à gué. L'exploitation paraît même assez rentable pour que Sébastien Gazagnaire, adjudicataire en 1807, ait remplacé à ses frais, avec promesse d 'indemnisation, le bac emporté par une crue le 15 mai 1810[37].
À la Restauration le comte Caïs retrouve ses droits sur le bac à la suite d'un jugement de la Regia Camera du 12 avril 1816[38]. L'opération a soulevé d'autant moins de difficultés qu'entre-temps les Lascaris ont cédé ou abandonné à des particuliers tous leurs droits sur le territoire de leur ancien fief de La Roquette et qu’aucun de ces particuliers ne songe à revendiquer les droits de l’ancien seigneur. L'exploitation se poursuit sur les bases définies en 1804. Le bac est adjugé pour 6 ans à Jacques Faraut pour 450 livres par an. Le tarif est donc inchan, malgré la protestation de Giausseran, syndic de La Roquette-Saint-Martin qui estime que l'inflation ne justifie pas qu'on ait, sous l'Empire, doublé le tarif appliqué aux bêtes de bât[39].
La reconstruction du pont de Bonson en 1827 et l'amélioration du chemin conduisant de Saint-Martin à ce pont, modifient une nouvelle fois radicalement l'exploitation du bac. La barque n'est plus indispensable. On le voit bien en 1839 lorsqu'une crue emporte l'installation. On tarde à rétablir le bac. Maïssa, le syndic de Gilette, s'en plaint à l'intendant général en juillet 1841. L'affaire remonte jusqu'à la secrétairerie d'Etat aux Affaires internes qui demande qu'on agisse auprès du procurateur du comte Caïs afin qu'il rétablisse la barque dès les premiers jours de septembre[40]. Les réparations sont finalement effectuées. Mais pour Maïssa c'est insuffisant ; il demande que le service soit rétabli tel qu'il était avant la construction du pont de Bonson, c'est-à-dire de jour et de nuit. Or, explique-t-il, les carabiniers de Saint-Martin font fermer le bac le soir venu. A son avis Gilette ne serait pas autant défavorisée si on n'avait pas transféré en 1822 la brigade de carabiniers de Gilette à Saint-Martin[41]. L'histoire du bac touchait à sa fin ; déjà très concurrencé par le pont de Bonson, il deviendra totalement inutile en 1852 avec la mise en service du pont Charles-Albert"[42].
 
Le passage à gué
 
Il reste la question du gué. Au plan administratif il n'y a pas de gué face à Saint-Martin, en ce sens qu'il n'y a aucune réglementation du passage, comme cela est le cas à Saint-Laurent avant 1792. Un gué organisé concurrencerait trop la barque. Rien n'interdit toutefois à un particulier de tenter le passage à gué même si c'est dangereux. On remarquera qu'il risque sa vie pour un sou. Quant aux habitants du lieu ils n'ont aucune raison de ne pas emprunter le bac puisqu'il est gratuit. On ne tente donc le passage à gué que lorsque le bac n'est pas en service, c'est-à-dire dans les périodes il n'est pas en exploitation, et lorsque la barque a été mise à l'abri pour cause de crue. Le voyageur a alors le choix, soit de faire un détour par la montagne pour traverser à Villars, soit après 1792 de passer par Saint-Laurent sur le pont de bois. A moins qu'il ne soit très pressé et prêt à braver le courant. Il doit alors s'assurer les services de deux ou trois « gueyeurs », deux pour porter et un pour guider.
 Le Docteur Fodéré décrit dans le compte-rendu de son voyage fait dans le département des Alpes-Maritimes en 1801 - en plein mois de novembre[43] ! -les risques de l'entreprise: « On est obligé, et cela n'est même pas toujours possible, de se faire gaïer sur les épaules des habitants de Saint-Martin, qui sont au nombre de 30 environ, occupés par profession à gaïer la rivière toutes les fois qu'elle est trop étendue; profession nuisible à ceux qui s'en occupent et qui ne vivent pas longtemps et souvent funeste aux voyageurs dont il est rare qu'il ne périsse pas quelqu'un chaque année, sans compter la perte des bêtes de somme qui est encore plus fréquente. En outre comme il n'y a aucun prix déterminé pour le passage, mais qu'il est proportionné aux dangers vrais ou supposés que les gayeurs y trouvent, les extorsions qu'ils font aux voyageurs sont considérables ; en général on peut compter sur 5 à 6 francs par individu et j'ai moi-même payé cette somme car ils sont trois pour porter un homme »[44]. On remarquera que le prix payé est proche du tarif appliqué à Saint-Laurent avant 1792 : 30 sols par « gayeur» du 1er octobre à fin mai et 20 sols du 1er juin à fin septembre[45], soit au cas où on emploierait les services de trois passeurs, respectivement 4 livres 10 sous et 3 livres.
La gêne occasionnée au commerce est évidemment considérable. Fodéré estime qu'il faut « gaïer la rivière » pendant au moins trois mois par an. « Aussi, conclut-il, est-ce un cri général de tout le troisième arrondissement de rétablir le pont de Bonson »[46].
Un accident survenu au mois de prairial de l'an XII conduisit les autorités à prendre davantage conscience que traverser le Var à gué était une aventure. Un certain Jean-Baptiste Brandi venant de Nice et allant à Puget-Théniers avec deux mulets et un âne voulut traverser le Var à gué avec l'aide de deux passeurs. Le courant emporta hommes et bêtes. Les passeurs, plus aguerris, furent saufs ; Brandi fut retrouvé noyé au-dessous du Broc. Des témoins virent les « gayeurs » et le muletier hésiter au milieu du fleuve[47]. Manifestement le passage était risqué, surtout avec seulement deux passeurs pour un pareil équipage.
L'affaire fit grand bruit du côté de Puget-Théniers. La mort du muletier reçut l'écho qu'il fallait pour dénoncer les carences du passage. Le sous-préfet Jean-Dominique Blanqui se fit le porte-parole de la population du lieu auprès du préfet Dubouchage dans une lettre du 20 prairial : il y dénonce les abus qui « règnent dans la profession de gayeurs », tous liés « au défaut de police ».  Des « hommes sans expérience, des enfants même » se mêlent de cette activité. Il est même arrivé, explique le sous-préfet « que des pauvres voyageurs ont été déposés entre deux bras de la rivière et là comme dans une forêt on les a forcés à payer des sommes exorbitantes pour avancer ou reculer ». Comme pour s'excuser de ne présenter aucune preuve de ce qu'il avancait, le sous-préfet ajoutait qu'il était d'autant plus difficile de poursuivre ce genre de crime « qu'il n'y a jamais de témoin en pareille position »[48].
Les traces de plaintes, avant comme après la Révolution, sont en effet inexistantes[49] ce qui ne prouve évidemment pas que de telles pratiques n'aient pas existé. D'ailleurs on imagine mal la plainte d'un voyageur détroussé ou rançonné rester sans suite, avant 1792 du moins. Sans doute la situation depuis 1792 avait bien changé. Fodéré dans son Voyage aux Alpes-Maritimes, publié en 1821, porte sur l'évolution n de ce type de criminaliun jugement propre à éclairer la question : celle-ci était faible « soit par une longue habitude de tranquillité, soit par la vigilance et la sécurité des lois qui punissaient de mort le voleur comme l'assassin, à tel point qu'en 1790 on pouvait voyager partout sans avoir à craindre la moindre insulte »[50]. Le tableau qu'il trace ensuite des raisons qui ont fait exploser la criminalité est éclairant : la guerre ct son cortège de règlements de comptes, les inconstances de l'administration et de la justice, la désorganisation de la police, ont fini par transformer les lieux les plus hospitaliers en embuscades[51]. L'absence de bac puis sa mauvaise organisation ont pu ainsi encourager des pratiques inacceptables. Quoi qu'il en soit, dans l'affaire Brandi aucune poursuite judiciaire ne fut engagée contre les passeurs.
Dubouchage réagit vivement. S'il ne pouvait empêcher les voyageurs pressés de passer à gué en période de fortes eaux, il pouvait au moins réglementer plus strictement le bac de façon à assurer une meilleure continuité du service, limitant ainsi les risques d'accident. C'est ce règlement qui entra en vigueur, moins de deux mois après l'incident, au début de l1804 et qui assura, comme on l'a vu, le fonctionnement régulier du bac pendant une quarantaine d’années, jusqula construction du pont Charles Albert[52].
 
Conclusions
 
On peut tenter de tirer quelques leçons de ces trois histoires croisées, celle du pont, celle du bac, celle du gué. Turin n'a assurément pas pris la mesure de la situation. Construire un pont solide au Gabre de Bonson eût été la solution de bon sens. L'entreprise aurait nécessité un engagement financier de l'Etat et une impulsion administrative permettant à la province et aux communautés concernées de soutenir l'opération. C'est ainsi en tout cas qu'on procédera dans les années 1840 pour la construction du pont Charles-Albert[53]". Jusque-là les blocages, tant locaux que turinois, l'auront emporté[54].
L'incapacité des communautés d’habitants à parler d'une même voix est évidemment une première explication. La concurrence entre Gilette et Bonson, entre la route de l'Estéron vers la Provence intérieure et celle de Puget vers la Haute-Provence, en est la meilleure illustration. Ajoutons à cela que la construction d'un pont n'aurait pas fait l'affaire de toutes les communautés desservies par la route centrale du Comté passant par Utelle et Levens vers Nice. Or c'est autour de cet axe Nice-Utelle par Levens que grandit le projet, réalisé sous la Restauration, de construire une route carrossable desservant le centre de la province. Turin déjà très engagé dans la réalisation de la route de Tende n'avait pas l'intention d'ouvrir un nouveau chantier dans une zone frontalière dont on percevait mal les potentialités économiques.
L'attitude des feudataires concernés éclaire un autre aspect de la question. L'histoire du passage du Var à Saint-Martin montre clairement qu'en l'absence de pont, il revenait à l'exploitant du bac d'assurer le fonctionnement du service public. Les obstacles n'ont pas manqué. Le bac a été sévèrement concurrencé. Souvent par le pont ; parfois par un autre bac mis en œuvre par le seigneur voisin; toujours par le gué. Le service public a ainsi été soumis à de multiples dysfonctionnements. Il est vrai que l'analyse porte sur plusieurs siècles et que l'on passe sous silence les longues périodes au cours desquelles il fonctionna normalement. On ne manquera toutefois pas de souligner le caractère essentiellement conservateur des préoccupations de ces seigneurs ; on a pu voir ainsi le comte Caïs multiplier les démarches nécessaires pour faire avorter un projet de construction de pont. Faut-il parler de blocage féodal ? Turin en tout cas n'a pas vraiment cherché à surmonter la difficulté et ces vassaux, pour la plupart domiciliés dans la capitale piémontaise et familiers des allées du pouvoir, ne semblent pas avoir été beaucoup préoccupés par l'amélioration de la route. On pourra toujours, par exemple, se demander ce qu'auraient pu être les sultats de l'intervention d'un très haut personnage comme le marquis de La Roquette Joseph Vincent Lascaris de Castellar en faveur de la construction d'un pont. Peuttre inexistants, réflexion faite, car les esprits ntaient pas encore prêts à Turin pour s'engager dans l'aménagement de voies de communication dans l'ouest de la province, le long de la frontière avec la France. Lorsqu'on mesure la résistance de ltat-major de l'armée pour ce type d'innovation jusque dans les années 1830[55], on ne peut guère reprocher à ces seigneurs, comme aux autres autorités locales d'ailleurs, d'avoir manqué d'ambition. 


[1] Edmond Raynaud, « Notice historiques sur le passage du Var », in Nice Historique, 1908. Cf. pp. 262 et 347. L'étude concerne principalement Saint-Laurent.

[2] Archives départementales des Alpes-Maritimes, Consulat et Empire, S 49 et Léo Imbert, « Les communications dans les Alpes-Maritimes au début du XIX' siècle », in Nice Historique, 1936, pp. 99-126, à la page 117.

[3] Colette Bourrier Reynaud, « Il faut réparer le pont de Sainte-Pétronille », in Mémoires de l'Institut de préhistoire et d'archéologie des Alpes-Maritimes, 1984, pp .87-93. Cf. également Luc Thévenon, « Traverser le Var ... à pied sec ! », in Sourgentin, n°87, 1987, pp. 14- 19.

[4] Dans un acte de Georges de Marle, sénéchal de Provence, du 18 novembre 1388 qui confirme certains privilèges de la communauté du Broc : A pilla pontis constructa in Vari predicti flumine, loco vocato apud sanctum Salvatorem de Bonsono ». Léo Imbert, " Les communications dans les Alpes-Maritimes au début du XIX' siècle », op. cit.,. , p. 117.

[5] Dans un acte du Roi René du 17 novembre 1442 (Archives du Broc); on trouve dans les Archives municipales de Nice, AA 94, en 1453 mention d'un projet de construction. Bibliothèque de Cessole, Musée Masséna, Fonds Léo Imbert, carton l.

[6] Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado di Nizza, Fiume Varo, Mazzo l, L 98. Motivi per quali se deve conceder la fabrica del ponte alle communita del Contado di Nizza supplicanti sovr’ il fiume Varo.

[7] Sur ces titres, cf. Michel Bourrier, Gilette. Les oliviers de la République, Editions Serre, 1986, Nice, p. 65 : concession par patentes de Victor Amédée du 24 mai 1635 ; confirmées par Madame Christine le  24 mai 1635 ; contestées par la Communauté de Bonson en vertu d’un privilège du 5 août 1560 de tenir une barque sur le var privativement au comte de Gilette ; droit accordé au comte Lascaris puis vendu à la communauté ; possession confirmée par sentence du 16 décembre 1648 au comte de Gilette ; remise en cause par les patentes du 9 août 1653 qui accordent au seigneur de Gilette le droit de tenir une barque à condition qu’elle soit distante d’au moins un demi mille de celle de Bonson. Michel Bourrier cite ici l’enquête de l’intendant Mellarède de 1702 ; il mentionne également l’opinion de Durante, Chorographie du Comté de Nice, Turin, 1847, p. 320, qui fait état de « jalousies de voisinage et d’orgueilleuses rivalités […] avec les comtes de Bausson ; elles furent la source de funestes calamités pour les deux populations ». Pour le Decisio du Sénat de Nice opposant le comte Orsieri de Gilette à la Communauté de Bonson, in causa comitis Gilletae Honorati Orsiry contra Communita Baussoni de jure portisandi sub flumine publico, Archives départementales des Alpes-Maritimes, B 114, f° 153-159 (1648).

[8] Observations du comte de Gilette contre le projet de construction d’un pont à Bonson, 1670, Archivio di Stato di Torino, Sezione riunite, Ponti e strade, Prima archivazione, mazzo 1, L 2 ; cité par Léo Imbert dans ses papiers, Bibliothèque de Cessole, Musée Masséna, Nice, Fonds Léo Imbert, carton 1.

[9] Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado di Nizza, Fiume Varo, Mazzo l, L 98, Motivi …, op.cit., On soulignait particulièrement son utilité pour le commerce des draps et laines des vallées d’Annot et de Colmars.

[10] Pont appuyé sur trois points principaux, ibidem.

[11] Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado di Nizza, Fiume Varo, Mazzo l, L 30. Carte dressée par l’ingénieur Guibert « per il ponte che si deve accomodare da necessità », 20 juillet 1678. Michel Bottin, « Les jardins du Var », in Bulletin du canton de Levens, n° 3, juin 1995, pp.8-9.

[12] Michel Bourrier, Gilette, op.cit., p. 110.

[13] François-Emmanuel Fodéré, Histoire, géographie physique […] ou statistique faite sous la direction du général Châteauneuf-Randon, Nice le 15 pluviôse an IX, manuscrit, Archives départementales des Alpes-Maritimes, T 39, f° 16. Chateauneuf-Randon est préfet du 13 frimaire an X au 26 ventôse an XI. Sur Fodéré, cf. Imbert, « Notes sur le séjour de Fodéré à Nice », in Nice Historique, 1935, p. 33-39 et « Fodéré et le Voyage statistique aux Alpes-Maritimes », in Nice

Historique, 1935, p. 68-76 ; Ernest Hildesheimer, « Un médecin au temps de Bonaparte. Fodéré et son voyage », in Nice Historique, 1969, p. 103-118. L'enquête fait suite à une initiative de Neufchâteau, ministre du Directoire ; le voyage commence en octobre 1801 par Lucéram et se termine à Nice le 28 novembre 1801. Fodéré a publié à Paris en 1821 en 2 volumes un ouvrage tiré de ses notes, Voyage aux Alpes-Maritimes ou histoire naturelle, agraire, civile et médicale du Comté de Nice et pays limitrophes. On peut noter entre le Voyage et la Statistique d'importantes différences. Sur le Var par exemple, une page dans le premier, dix dans la seconde. Comparaison dans C. G. Collet et Fr. Roques, « Confrontation entre le manuscrit de la Statistique des Alpes-Maritimes (1803) et le Voyage aux Alpes-Maritimes (1821) de Fodéré., in Actes du 90e Congrès des Sociétés savantes, Nice, T 3,1965, pp. 101-107.

[14] Statistique, op.cit., f° 17.

[15] Désiré Niel, La viabilité de la vallée du Var, Nice, 1853, p.23.

[16] Cité par E. Raynaud, « Notice historique », op.cit., p.347.

[17] J. A. Garidelli, « Le gué de Saint-Laurent et son hospice », in Nice Historique, 1930, p. 173.

[18] Sur le fonctionnement du gué de Saint-Laurent, Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado, Fiume varo, Mazzo 6, L 2.

[19] Donations du 6 mars 1209 et du 24 février 1210, Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado di Nizza, Fiume Varo, Mazzo l, L 1.

[20] Voir la note 7 pour la controverse entre Gilette et Bonson.

[21] Edmond Raynaud, « Notice historique sur le passage du Var », op.cit., pp. 262      et 347.

[22] Archives départementales des Alpes-Maritimes, série C, 2 et 3, déclaration n° 28.

[23] Information donnée aux ingénieurs « par Pierre Missonier de Saint-Martin qui fut le dernier qui a servi ladite barque », Notes annexées à la carte du Var de Bonson à la mer dressée « sur les instructions du Président Mellarède », (1759), Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado, Fiume Varo, Mazzo 5, L 6. Au n°142.

[24] Cf. note 7.

[25] 25. Déclaration des biens et droits féodaux du comte Gaëtan de Gubernatis, 25 juillet 1734, Archives départementales des A-M, série C 2 et 3, déclaration n° 23. Voir également cette lettre de Colmar, maire de Bonson, du 18 décembre 1810, Archives départementales des A-M, S 90 : « Comme cette commune se propose de demander la réintégration de ses droits qu'elle avait eu depuis 1783 jusqu'en l’an 3 époque le gouvernement s'était mis en lieu et place du ci-devant comte Caiys au moyen d'une transaction passée devant notaire en l'an 1785, il fut convenu que cette commune de Bonson cédait tous les droits qu'elle avait sur le bac placé sur le Var au ci-devant comte Caiys et moyennant cette condition le ci-devant comte Caiys promit et s'obligea de laisser passer tous les habitants de cette commune » ; les adjudicataires font à cette époque-payer les habitants de Bonson.

[26] Louis Durante, Chorographie du Comté de Nice, Turin, 1847, p. 347.

[27] Bibliothèque de Cessole, Musée Masséna, Nice, manuscrit n°70, pièces concernant les fiefs de La Roquette et Bonson.

[28] Michel Bottin, « Le fief de La Roquette-sur-Var d'après le consegnamento féodal de1734, in Hommages à Maurice Bordes, Paris, 1983, p.1I7.

[29] Ibidem. La déclaration du comte Caïs porte évidement sur le fief de Gilette.

[30] Pierre-Robert Garino, La Roquette-Saint-Martin, Editions Serre, Nice, 1994, p. 51.

[31] Michel Bottin, « Les ambitions seigneuriales d’un ministre. Joseph-Vincent Lascaris de Castellar, marquis de La Roquette », in Actes du colloque de Menton, octobre 1997, Le Comté de Vintimille et la Famille comtale, dir. Rolland Ghersi, Société d’art et d’histoire du Mentonnais, Menton, 1998, p. 29.

[32] Archives départementales des Alpes-Maritimes, B 33, f° 22, 9 mai 1787.

[33] Il y avait 10 soldats en poste au « passage de la barque du Var » au printemps 1794 (100 à Gilette, 30 à Bonson, 50 à Saint-Martin, 150 à La Roquette, 300 à Levens, etc.), Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado, Mazzo 3 ad, L 13. Le document classé en 1792 est en fait postérieur.

[34] Lettres de Roubaut maire, de germinal an IX, et de Tombarel et Fouques, de vendémiaire an X, Archives départementales des Alpes-Maritimes, série S 90. Fodéré, Statistique, op. cit., précise que « le bac est aujourd’hui propriété nationale et affermé pour la rente annuelle de 590 francs ».

[35] En 34 articles. La charge maximum autorisée est de 25 personnes y compris les mariniers, plus deux chevaux, mulets ou vaches. « En poids, le bac ne pourra être chargé qu'autant qu' il faudra pour qu'il reste un mètre en hauteur du bac au-dessus de l'eau », art. 23.

[36] Ibidem, art.22.

[37] Lettre de Gazagnaire au préfet par laquelle il demande le remboursement des frais, 17 décembre 1810, Archives départementales des A-M, Consulat et Empire, S 90.

[38] Archives départementales des A-M, Fonds sarde, 411, I. Avis de la concession faite par la Regia Camera au comte Cais de Gilette, habitant Turin, de la « propriété » de la barque du Var.

[39] Archives départementales des A-M, Fonds sarde, 411, I, Lettre du syndic de La Roquette-Saint-Martin Giausseran à l'intendant néral. Avant 17921e tarif était d'un sou pour les personnes comme pour les bêtes de bât.

[40] Archives départementales des A-M, Fonds sarde, 411, I, lettre de la secrétairerie d'Etat du 3 août 1841.

[41] Archives départementales des A-M, Fonds sarde, 411, I, lettres de Maïssa du 31 juillet1841 et du 12 février 1842.

[42] Michel Bottin, « De la digue sarde à la RN 202. La vallée du Var, voie de communication », in Un espace à percevoir, les Alpes d’Azur, T. 1, La communication, voies et moyens, coord. Colette Bourrier-Reynaud, Syndicat intercommunal touristique des Alpes d’Azur (sitalpa), La Documentation française, Paris,1995, pp. 41-50. Et Pierre-Robert Garino, La Roquette-saint-Martin, op. cit., pp. 264-266.

[43] Cf. infra

[44] Statistique, op. it., p.17.

[45] Voir par exemple le contrat reproduit p.28 dans le catalogue de l'exposition réalisée par les Archives municipales de Nice, La conquête de ['ouest. Nice du Var au Magnan, 1991.

[46] Statistique, op. cit., p.17.

[47] Déposition des témoins devant le maire de Gilette. Archives départementales des A-M, Consulat et Empire, S 82.

[48] Lettre de Blanqui à Dubouchage du 20 prairial an XII « et 1er du règne de Napoléon », Archives des Alpes-Maritimes, Consulat et empire, S 82.

[49] Addendum juin 2019 : Les inventaires exhaustifs des archives du Sénat de Nice -sous-série 02 FS (Sénat de Nice 1814-1860) et sous-série 1 B (Sénat de Nice Ancien Régime) ont été respectivement réalisés par Simonetta Villefranque en 2002 et 2008, après la rédaction de cette étude donc. On n’y trouve qu’une seule affaire concernant le passage du Var à Saint-Martin : janvier 1766, plainte du baile de La Roquette à l’encontre des passeurs du Var accusés de se déshabiller en présence des voyageurs, de faire du tapage dans les tavernes et de pratiquer des prix plus élevés s’étant regroupés en société, Arch. dép. des A-M, 01 B 0575.

Sur cette société, François Zucca note dans un petit mémoire historique sur Saint-Martin réalisé en 1921 dans le cadre de ses études à l’Ecole normale de Nice (Papiers de la Famille Zucca) que les passeurs avaient formé une confrérie sous le patronage de « saint Jean l’Hospitalier ». L’auteur note quelques aspects de leur travail quotidien : sonder les gués, planter des pieux, caler les pierres et les fascines. Ce mémoire fait aussi mention du mythique « Li Barca » dernier passeur. François Zucca note p. 11 qu’il est décédé en août 1921 et qu’il faisait passer le Var en barque. Les dates concordent puisque le bac a fonctionné jusqu’à la mise en service du pont Charles-Albert au début des années 1850.

[50] Fodéré, Voyage, op.cit., T. 2, pp. 508-510.

[51] Ibidem. Viviane Eleuche-Santini, Délinquance et criminalité dans le Comté de Nice et ses dépendances au XVIIIe siècle, Thèse Lettres, 3e cycle, Aix-en-Provence, 1979, p. 419, a procédé à une pesée globale de la criminalité dans la province : 3051 condamnés en 57 ans soit 0,59 pour mille contre 37 pour mille en 1976 ! Elle conclut ainsi ; « Les voyageurs du XVIIIe siècle avaient finalement bien noté cette vie relativement paisible du Comté ».

[52] Cf. infra. L’affaire a beaucoup alimenté la critique des passeurs. En les qualifiant de « negaïre », noyeurs, les usagers de la vallée du Var, soulignaient la dangerosité du passage et la nécessité urgente d’aménager une route vers Puget-Théniers.

[53] Michel Bottin, « De la digue sarde à la RN 202 : la vallée du Var voie de communication », op. cit.

[54] Sur les changements politiques de la période, Olivier Vernier, « Nice ct la représentation parlementaire de son Comté.1848-1860 », in Recherches régionales, 1990, n°2 et Hervé Barelli, « Les premières élections législatives dans la province de Nice. 1848-1860 », in Nice Historique, 1997, pp.15-31.

[55] Ltat-major s'est ainsi opposé jusque dans les années 1830 à tout projet de percement des gorges à la hauteur de la Mescla. Léo Imbert, « Les communications dans l'ancien Comté de Nice sous la Restauration sarde », in Nice Historique, 1954.

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