La noblesse niçoise au XIXe siècle
Eléments pour une histoire politique
La défaite de Sedan et la chute de l’Empire en 1870 devaient permettre à ces sentiments d’apparaître au grand jour : encouragée par les positions monarchistes du préfet Villeneuve-Bargemont[22], une partie de la noblesse niçoise s’engage sur la voie séparatiste : le préfet nomme en 1871 Joseph Elisi de Saint Albert -ancien magistrat ayant abandonné sa carrière en 1860- président de la Commission municipale de Nice ; Charles Laurenti-Robaudi, ancien député de Nice au Parlement subalpin, député de Palerme en1860, de retour à Nice y anime un comité ; de son côté le comte Gilletta prend la tête d’un comité démocratique garibaldien ; enfin Henri Renaud de Falicon, ancien ministre de la Guerre sarde, est élu commandant de la Garde nationale de Nice[23]. La liste n’est certainement pas exhaustive.
[1] Arno J. Mayeur, La persistance de l’ancien régime. L’Europe de 1848 à la grande guerre, Flammarion, Paris, 1983 ; Les noblesses européennes au XIXe siècle, Actes du colloque de Rome, Ed. Università di Milano et Ecole française de Rome, 1988 ; David Higgs, Nobles titrés et aristocrates en France après la Révolution. 1800-1870, Ed. Liana Levi, Paris, 1990.
[2] Adeline Daumard, « Noblesse et aristocratie en France au XIXe siècle », in Les noblesses européennes, op. cit., pp. 81-104 et André-Jean Tudescq, « L’élargissement de la noblesse en France dans la première moitié du XIXe siècle », in Les noblesses européennes, op. cit., pp. 121-135.
[3] Michel Bottin, « Controverse sur l’application aux fiefs niçois des principes des Libri Feudorum aux XVIIe-XVIIIe siècles », in Recueil de mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, XI, 1980, pp. 99-112 et « Fief et noblesse dans le Comté de Nice, XVIe-XVIIIe siècle », in Recueil de mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, XIII, 1985, pp. 153-165.
[4] Walter Barberis, « La nobilità militare sabauda fra corti e accademie scientifiche. Politica e cultura in Piemonte fra Sette e Ottocento », in Les noblesses européennes, op. cit., pp. 559-576 ; S. Loriga, Soldats : un laboratoire disciplinaire, l’armée piémontaise au XVIIIe siècle, Paris, 1991. Pour une comparaison avec la situation française, William Serman, « La noblesse dans l’armée française au XIXe siècle. 1814-1890 » , in Les noblesses, op. cit., pp. 551-558.
[5] Les renseignements biographiques qui illustrent cette étude sont, pour la plupart, extraits de Jules De Orestis, La noblesse niçoise, op. cit. On n’a pas jugé utile de reprendre cette référence pour chaque mention. Il suffit de se reporter à l’index des noms présenté en fin d’ouvrage par De Orestis.
[6] Sur la noblesse sabaudo-piémontaise « società militare », Barberis, op. cit., p. 561.
[7] Michèle H. Siffre, « La noblesse niçoise et la Révolution française », in Annales de la Faculté des Lettres de Nice, n° 19, 1973.
[8] Paul Gonnet dans Histoire de Nice, direction Maurice Bordes, Privat, Toulouse, 1976, p. 262.
[9] Ibidem, p. 263.
[10] Ibidem, p. 262.
[11] Les Niçois dans l’histoire, dir. Michel Derlange, Privat, Toulouse, 1988, p. 280.
[12] Olivier Vernier, « Nice et la représentation parlementaire de son Comté à Turin. 1848-1860 », in Recherches régionales Côte d’Azur et contrées limitrophes, 1990, p. 75.
[13] La noblesse niçoise établie en Italie après 1860 mériterait d’être étudiée au plan de ses fonctions dans l’Etat, des alliances et de son activité auprès des organismes de vérification des titres nobiliaires. L’étude de De Orestis, op. cit., note 14, ne permet pas de faire cette étude ; elle n’a d’autre objet que de faire un point précis sur la noblesse niçoise. Elle a plus une fonction utilitaire qu’érudite. Dans une Italie marquée par un pluralisme nobiliaire originel, ces démarches « régionales » étaient indispensables pour obtenir du roi reconnaissances de titres et promotions nobiliaires. Sur la Consulta araldica del regno, organisme central de cette politique, Giorgio Rumi, « La politica nobiliare del Regno d’Italia. 1861-1946 », in Les noblesses européennes, op. cit., pp. 577-593 et Anthony L. Cardoza, « The enduring power of Aristocracy : ennoblement in liberal Italy. 1861-1914 », in Noblesses, op. cit., pp. 595-605.
[14] Jules De Orestis di Castelnuovo, La noblesse niçoise. Notes historiques sur soixante familles, suivi de La noblesse niçoise. Chronologie, Nice, 1912, réimpression Laffitte reprints, Marseille, 1976.
[15] A titre de comparaison, et en rappelant que les chiffres ci-dessus concernent la période 1860-1900, l’armée italienne (marine mise à part) compte en 1909, 47 tenenti generali et 98 maggiori generali soit au total 145 officiers généraux, Annuario militare del regno d’Italia, 1909, vol. 1
[16] Ange Joseph De Gubernatis, orientaliste renommé.
[17] Les fonctions ecclésiastiques sont quasi inexistantes dans les notices de De Orestis. On peut raisonnablement penser que l’accès à de hautes fonctions aurait été mentionné. De Orestis signale ainsi en bonne place Eugène Spitalieri de Cessole, abbé mitré de l’Abbaye de Saint-Pons avant 1860. Faut-il en déduire que la noblesse, niçoise dans notre cas, piémontaise plus généralement, dédaigne, voire rejette ces fonctions ? Certains aspects de l’anticléricalisme sarde peuvent le laisser penser. L’opposition au pape dans le contexte de l’unité italienne n’a pu que le renforcer. Des éléments dans Paul-Louis Malausséna, « Les congrégations religieuses du Comté de Nice et la loi d’incamération de 1855 », in Nice au XIXe siècle. Mutations institutionnelles et changements de souveraineté, Université de Nice-Centre d’Histoire du droit, 1985, pp. 121-134.
[18] Alziary de Malaussène à Nice, Cagnoli à Saint-Martin-Vésubie, Cachiardi de Montfleury à Breil, Gilletta de Saint -Joseph à Levens.
[19] Un décompte à partir du registre des Niçois ayant opté en 1860 pour la nationalité sarde, Archives communales de Nice, 3 H (B) 4, est impossible à réaliser. Le registre, qui compte 888 noms, ne mentionne que les personnes originaires du Comté de Nice ; on n’y trouve que cinq nobles (Philippe Corporandy d’Auvare, Annibal et Louis Gilletta de Saint Joseph, Henri Verani-Masin de Châteauneuf et le comte Caïs de Pierlas) tous nés à Nice ou dans la province. Il est évident que ceux qui ont choisi l’option sarde en 1860 n’ont pas eu à manifester ce choix de cette façon, soit parce que nés ailleurs, soit parce que déjà domiciliés hors de la province. Sur le droit d’option, Olivier Vernier, « Nationalité et changement de souveraineté à Nice en 1860 : du droit d’option aux naturalisations », in Nice au XIXe siècle, op. cit., pp. 283-300.
[20] Dominique Foussard et Georges Barbier, Baroque niçois et monégasque, Picard, Paris, 1988, p. 52.
[21] Joseph Albert Bovis, Il libro d’oro Nizzardo, manuscrit, 1907, Archives du Musée Masséna, Bibliothèque de Cessole, fonds n° 65, recense dans son étude 170 familles nobles éteintes ou vivantes, dont 69 encore représentées en 1907 se répartissant ainsi entre France et Italie : « 30 sono cittadini francesi et 39 citadini italiani ». Le recensement de Bovis est toutefois incomplet (De Orestis en compte 200) et trop large ; il prend par exemple en considération les anoblissements réalisés par le Saint-Siège ou la République de San Marin, ce qui tend à surévaluer la position d’un patriciat niçois resté sur place, en attente d’anoblissement par la Maison de Savoie. Enfin Bovis ne tient pas compte des familles partagées entre France et Italie. En appliquant ces correctifs et en minorant sensiblement, d’une dizaine de noms, le nombre de familles ayant opté pour la France, on approche le résultat obtenu à partir des renseignements professionnels fournis par De Orestis.
[22] Anecdotique ... mais significatif ! le 4 janvier 1874 en la cathédrale Sainte-Réparate, l’évêque de Nice, Monseigneur Sola, bénit l’union de Mademoiselle de Villeneuve-Bargemont, fille du préfet avec Monsieur de Maistre, fils du comte Rodolphe autrefois commandant-gouverneur de la division de Nice ... et réputé pour ses options conservatrices et autoritaires, Olivier Vernier, « Les préfets de la république. 1871-1914 », in Les Alpes-Maritimes. Intégration et particularismes, Ed. Serre, Nice, 1988, p. 66.
[23] De Orestis, op. cit., et Gonnet, op. cit., p. 328.
[24] Le cas de Flaminius Raiberti est exemplaire. Paul-Louis Malausséna, « Le discours d’un parlementaire niçois, Flaminius Raiberti. De l’identité locale à l’identité nationale » in, Les Alpes-Maritimes, op. cit., pp. 37-48.
[25] Olivier Vernier, « Historiographie et nostalgie : FERT, la revue des Italiens de souche savoyarde et niçoise. 1910-1966 », in Mélanges Paul Gonnet, Université de Nice, 1989, pp. 273-279.
[26] Sur la tradition politique localiste niçoise, Jacques Basso, Les élections législatives dans le département des Alpes-Maritimes de 1860 à 1940. Eléments de sociologie électorale, LGDJ, Paris, 1968.
[27] L’absence de toute participation nobiliaire niçoise dans les associations de Niçois à Paris, telle Le Mesclun, après la Grande Guerre est tout à fait significative . Cette situation tranche avec celle des autres provinces françaises, telle la Savoie, pour prendre un exemple comparable à celui de Nice. Cf. dans le présent ouvrage édité par les Cahiers de la Méditerranée 1991, l’étude de Olivier Vernier sur « Le régionalisme niçois à Paris au XIXe siècle ».