Feodalité Bans champetres
Bans champêtres et droit féodal Entre jus commune feudale et applications sabaudo-piémontaises Pour citer : Michel Bottin, « Bans champêtres et droit féodal. Entre jus commune feudale et applications sabaudo-piémontaises », in Production de la norme environnementale et codification du droit rural dans l’Europe méridionale entre France et Italie. XVIIe-XXe siècles, contributions réunies par M. Ortolani, G. Callemein, A. Capella et O. Vernier, Vol. X du Programme de recherches sur les Institutions et le Droit des Anciens Etats de Savoie, P.R.I.D.A.E.S., Serre Editeur, Nice, 2019, pp. 3-12. La règlementation des activités agricoles connaît en France, au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, une forte progression. Cette tendance répond aux besoins d’un monde rural particulièrement dynamique tant au plan des techniques agricoles qu’à celui de la croissance démographique. Les communes ont largement participé à ce mouvement normatif, avant comme après la Révolution. L’orientation est continue. Elle suit le mouvement d’émancipation juridique des communautés d’habitants qui culmine avec la loi du 14 décembre 1789 et qui fait de la commune l’entité administrative de base. Cette mise en perspective, bien connue, est essentiellement communale. Elle tend à sous-estimer, voire à occulter, l’origine et la nature féodales de la majeure partie de ces règlementations rurales. Cette étude souhaite éclairer ces aspects féodaux. On peut naturellement penser que les traités et ouvrages pratiques de droit féodal exposent la matière. Force est pourtant de constater qu’il n’en est rien. Les seules questions qui intéressent le droit féodal français sont les banalités, les droits de chasse et de pêche et le triage des communaux . Les auteurs sont peu précis ; aucun d’entre eux ne conteste que le seigneur haut ou moyen justicier dispose du « droit de police » mais c’est en vain qu’on cherchera les applications agricoles dans ces ouvrages. Ce constat vaut d’ailleurs aussi pour le droit commun féodal, le jus commune feudale, en usage ailleurs en Europe. C’est en vain qu’on cherchera dans les nombreux traités de droit féodal commun, allemands ou italiens particulièrement, une rubrique consacrée aux règlementations agricoles et champêtres. Il apparaît ainsi clairement que ces règlements champêtres se situent au-dessous de la ligne de visibilité qu’offrent les traités de droit féodal. Ainsi, ce n’est qu’à travers les actes de la pratique et les règlementations villageoises ou urbaines qu’on peut appréhender ce phénomène normatif, en particulier dans le cadre de conflits avec le seigneur ou d’arbitrages faits par le seigneur pour résoudre un conflit communautaire. Parmi ces traités de droit féodal un ouvrage fait cependant exception, le Tractatus de feudis de Tommaso Maurizio Richeri, un juriste piémontais du jus commune tardif de la fin du XVIIIe siècle. L’ouvrage est intéressant pour deux raisons. D’abord parce qu’il a été publié en 1791-1792 et qu’il fait un exposé complet du droit commun féodal tardif ; Richeri expose ainsi certaines évolutions qui ne faisaient pas partie des préoccupations des auteurs antérieurs. La règlementation des activités champêtres en est un bon exemple. Il présente ces « bans champêtres », « banna campestria » en latin, en dix courts paragraphes éclairés à la lumière du droit féodal commun et des applications qui en sont faites dans les Etats de Savoie. C’est le second intérêt de l’ouvrage, celui de présenter un droit propre particulièrement significatif. En effet ce droit propre féodal, ce jus proprium feudale, que Richeri expose est celui d’un Etat présentant des caractéristiques féodales très affirmées. Le droit féodal y est fortement structuré et le système de fidélités qui l’irrigue est un piler de l’Etat. Ajoutons qu’il est progressivement modernisé au long des XVIIe et XVIIIe siècles, même en Savoie, province pourtant marquée par les pratiques féodo-patrimoniales françaises. Le Tractatus de Richeri présente l’avantage d’offrir une vue perspective sur ces transformations. Celles-ci sont le fruit des orientations réformistes du régime, particulièrement depuis le règne de Victor-Amédée II. La matière féodale a été règlementée, parfois sans complexe. Le contraste avec la France est d’ailleurs saisissant. Mais rien n’aurait pu aboutir sans le concours administratif, judiciaire et jurisprudentiel des cours majeures, La Regia camera de Conti de Turin d’une part, les sénats de Chambéry, Turin et Nice d’autre part. La première est gardienne des titres féodaux et juge naturel du lien féodal, et donc de la concession. Les seconds, cours souveraines territoriales, sont les tuteurs des communautés d’habitants et les juges des affaires qui les opposent aux seigneurs. Les bans champêtres sont au cœur de cette problématique féodale. Comment protéger les droits des seigneurs tout en assurant une mise en œuvre favorable aux communautés d’habitants ? La concession des bans champêtres Tous les bans champêtres ne sont pas de nature féodale, de même que, par exemple, tous les moulins ne sont pas féodaux. La concession de droits et de biens par le souverain, à des particuliers ou à des communautés, peut parfaitement se faire en dehors de tout cadre féodal. Il n’en reste pas moins que du Moyen Age à l’époque moderne la concession en fief de droits et de biens est une pratique très générale. Les bans champêtres n’y font pas exception. Il convient d’abord d’éclairer le lien qui unit ces bans au fief et plus précisément à sa justice. On montrera ensuite qu’en pratique la justice et le droit de ban peuvent être dissociés. Les bans champêtres sont un accessoire de la justice La théorie des regalia est un élément essentiel du droit féodal. Elle trouve son origine dans le conflit qui a opposé au XIIe siècle l’empereur aux cités lombardes. En 1158 la Diète de Roncaglia a arbitré ce conflit en dressant la liste des droits susceptibles d’être détenus par les cités. Le cadre juridique mis en place distingue les regalia majora et les regalia minora. Les premiers, liés à la souveraineté, ne peuvent être concédés ; les seconds peuvent l’être. La constitution De regalibus publiée à cette occasion fixe ainsi les limites de ces concessions par le pouvoir impérial et la légitimité des droits revendiqués par les cités. La perspective n’est, à cette époque, pas féodale mais municipale. Elle va très vite le devenir avec l’intégration de la constitution De regalibus dans les Libri Feudorum. Les éditions du Corpus juris civilis mentionnent cette constitution jusqu’à l’époque moderne. La constitution De regalibus encadre dorénavant le droit féodal commun ; elle fixe les limites entre ce qu’il est possible de concéder en fief et ce qui ne l’est pas. Tous les biens et droits ne peuvent ainsi pas faire l’objet d’une concession féodale. Cela posait une difficulté pour la justice classée parmi les regalia majora. Mais très vite la doctrine féodale limitera ce caractère aux seules justices de dernier ressort. Ainsi est fondé le pouvoir judiciaire des seigneurs. Cette concession a des effets directs sur l’exercice de la justice proprement dite et des effets indirects sur ses « accessoires » : nommer des scribes, fixer des amendes, édicter des règlements, établir des peines et des contraventions, nommer des gardes champêtres, etc.. Il y a un lien de nature entre la justice et le pouvoir de ban ; les bans champêtres, tels que les identifie Richeri, ne sont qu’un aspect de ce pouvoir de règlementer. Pourtant la concession des droits de justice n’entraine pas automatiquement celle des droits de ban. Si cela était le cas, le droit commun féodal n’imposerait pas la mention explicite de ces droits dans l’acte d’investiture, seule loi du fief. Les bans champêtres peuvent être dissociés du fief Le droit commun féodal est dominé par la distinction entre fiefs « propres » et fiefs « impropres ». Les premiers sont concédés avec une série de clauses qui réduisent les possibilités de succession aux seuls descendants males et qui limitent la dispersion des droits concédés. Les seconds sont marqués par de multiples exceptions tant au plan de la dévolution que de l’exercice des droits. Sur le premier point certaines clauses d’investiture peuvent ainsi permettre la patrimonialisation du fief ; sur le second point la concession peut comporter de multiples dissociations : telle ou telle banalité, le droit de chasse et bien entendu le pouvoir de règlementer. Les bans champêtres peuvent donc être concédés à d’autres personnes, morales ou physiques, que le seigneur et ceci en dehors de tout cadre féodal. Mais il faut un titre ; la possession immémoriale ou une coutume particulière ne peuvent fonder l’exercice de ce droit. En outre le vassal ne peut céder ce droit sans autorisation du seigneur. Il en est de même pour la nomination des campiers ; il faut posséder un titre légitime. Ces possibilités de dissociation concernent bien évidemment surtout les cités et les communautés d’habitants. La situation est fréquente. En voici un exemple à partir des déclarations féodales faites en 1734 par les détenteurs de droits et biens féodaux dans le Comté de Nice. Ce recensement, ce consegnamento, fait apparaître l’importance de ces dissociations. La province compte 84 communautés d’habitants et autant de fiefs ; 18 communautés, ou fiefs, sont dépourvus de déclaration soit parce que ces communautés ne sont pas inféodées soit parce que le seigneur n’a pas déclaré. Sur les 66 déclarations, 22 ne mentionnent pas les bans champêtres dans la liste des droits concédés, et il est possible que ce soit souvent par oubli ou erreur de rédaction. Mais dans 44 cas on en fait mention. Parmi ces déclarations, 31 sont faites par des seigneurs et13 proviennent de communautés d’habitants. Parmi celles-ci cinq sont faites par des communauté seigneurs d’elles mêmes et huit par des communautés inféodées. Dans cette dernière situation c’est donc la communauté qui détient les bans et non le seigneur. La pratique des dissociations est donc bien réelle. Mais quelle réalité juridique recouvre-t-elle ? Richeri distingue deux situations susceptibles d’alimenter un contentieux de la concession auprès de la Regia Camera : -Premier cas : la communauté d’habitants peut établir des bans champêtres si ce droit est mentionné par l’investiture du vassal. Cette situation concerne par exemple une communauté qui exerce ces bans de manière immémoriale, sans titre donc, mais que l’on ne veut pas priver de ces droits à l’occasion d’une inféodation accordée à un seigneur -Second cas : la communauté d’habitants bénéficie d’une concession antérieure à l’inféodation et parfaitement identifiée. Il doit s’agir d’un titre, pas d’une possession immémoriale ou de preuves incidentes. Dans ce cas l’inféodation faite à un seigneur ne peut comporter les bans champêtres et on n’est pas tenu de mentionner la communauté. Ces deux situations autorisent ainsi un exercice autonome des bans champêtres par la communauté dans le cadre d’un fief. Pour apprécier complètement la place des communautés dans l’exercice de ces bans, il faut ajouter, mais Richeri n’en parle pas, deux situations : tous les cas où une communauté est elle-même seigneur d’une part ; et d’autre part toutes les situations où il n’y a pas de fief, pas de seigneur donc, et où la communauté possède les bans champêtres par une concession simple, non féodale. On le voit, la position des communautés dans et hors du système féodal est forte. Une accentuation des clauses d’« impropriation » en faveur des communautés d’habitants aurait pu contribuer à renforcer encore davantage ces positions. Mais tel n’est pas le choix fait par le pouvoir sabaudo-piémontais. Au XVIIIe siècle il apparaît de plus en plus anormal qu’un seigneur ne possède pas les bans champêtres. Aussi les Royales Constitutions de 1729 interdisent-elles que dans les concessions de fiefs « rectes et propres » les bans champêtres soient dissociés. C’est ce que l’on peut d’ailleurs constater par exemple dans le consegnamento de 1734 pour les deux premiers fiefs établis sur le territoire de la Ville de Nice au début de la même année, celui de La Madeleine inféodé au baron Gallea et celui de Mont-Gros (Saint-Albert) inféodé au baron Rainaldi. La nouvelle politique féodale semble bien favorable au retour de tous les bans champêtres dans leur giron féodal. La mise en œuvre des bans champêtres Le droit féodal repose sur une concession de droits. Ce principe fonde la liberté d’action du concessionnaire. Mais s’agit-il pour autant d’un exercice incontrôlé ? La liberté de gestion du concessionnaire Le concessionnaire, seigneur ou communauté d’habitant, est libre d’organiser, ou de ne pas organiser, les bans champêtres. Les résultats présentés ci-dessus à propos de l’opération de recensement des fiefs niçois laissent clairement entrevoir cette liberté : 22 seigneurs déclarants ne donnent aucune indication sur les bans champêtres. On pourrait penser qu’il revient aux communautés de les déclarer, mais après recoupements des données il apparaît que ce n’est pas le cas. Il existe donc un nombre non négligeable de fiefs dépourvus de bans champêtres. Officiellement en tout cas, parce qu’en pratique un modus vivendi a certainement été mis en place. Comment expliquer cette situation ? La faiblesse des revenus, c’est-à-dire le produit des amendes, explique très probablement le désintérêt de nombreux seigneurs. Les déclarations de revenus font état de recettes infimes, une ou deux livres par an ; nombreux sont les seigneurs qui signalent l’absence de tout revenu. Comment dans ces conditions nommer un campier et faire respecter les bans ? Inversement, le seigneur, à son initiative ou à celle de la communauté, peut décider d’établir des bans et des sanctions pour les contrevenants. Ici encore il a toute liberté d’action. Le droit féodal n’impose rien. Rien n’est prévu sur la procédure d’élaboration, la participation des habitants, le principe d’une révision. Aucun texte d’ailleurs ne règle la forme de ces bans champêtres. Ils sont le plus souvent mêlés à d’autres dispositions : activités de la vie quotidienne, mœurs, fêtes, port d’armes, modification contractuelle des procédures judiciaires, administration de la communauté, élection des agents, etc.. Et enfin liberté de fixer des peines. Cette liberté seigneuriale, originelle, a toutefois rapidement trouvé ses limites. Les communautés ont réagi. Les arrangements et les arbitrages sont devenus de plus en plus nombreux à partir du XVe siècle et les seigneurs ont souvent vu un intérêt à s’éloigner de ces soucis de gestion. Le droit féodal a dû s’adapter à ces nouvelles réalités et suivre les interventions de la puissance publique. L’intervention de l’Etat L’intervention de l’Etat dans ces matières féodales est tardive. Elle tient, on l’a vu, à la montée en puissance des communautés d’habitants. Elle tient aussi à la volonté de réformer l’application des droits féodaux. L’intervention porte essentiellement sur le contrôle des peines imposées par les seigneurs en cas de contravention aux bans champêtres et sur les solutions juridictionnelles. Deux solutions doivent être distinguées. D’abord celle de la voie camérale, celle de la Regia Camera. Elle est éclairée par un ordre de Charles-Emmanuel I du 10 juillet 1621. Celui-ci fait état de nombreuses difficultés survenues entre les seigneurs et les communautés à propos de l’application des « bandi campestri » et de leurs suites judiciaires devant les justices locales et même devant le Sénat de Turin. Le « Patrimonial », c’est-à-dire le parquet général de la Regia Camera, a dénoncé ces situations. Le duc ordonne que toutes les affaires en cours soient portées devant la Regia Camera sans que la cour souveraine du lieu, ici le Sénat de Turin, puisse intervenir. La compétence des sénats, la solution alternative, a en effet tardé à s’affirmer même si Richeri dans son Tractatus laisse penser le contraire à propos des contestations concernant les bans champêtres d’Aspremont dans le Comté de Nice. L’affaire n’est pas anecdotique dans la mesure où il s’agit d’un fief réputé pour ses prélèvements féodaux considérables. On le sait depuis l’enquête de l’intendant Mellarède au début du XVIIIe siècle ; ce fief est une exception parmi les fiefs de la province, un conservatoire d’archaïsmes entretenu par des seigneurs particulièrement autoritaires. Les conflits avec la communauté sont récurrents. Une convention signée le 21 juillet 1521 a passagèrement pacifié les relations mais le conflit va rapidement reprendre à propos de l’interprétation de plusieurs clauses. Les parties avaient prévu de s’en remettre au Sénat de Turin. C’est ce qui fut fait. Richeri rapporte cette affaire d’Aspremont d’après ce qu’en dit Gaspare Antonio Tesauro, sénateur à Turin puis à Nice dans les années qui suivent la création du Sénat de Nice en 1614. Il est l’auteur de Questiones forenses réputées éditées en 1621 et rééditées en 1672. Tesauro y expose plusieurs affaires niçoises qu’il a eu l’occasion de bien connaitre, dont celle d’Aspremont. Il aborde à cette occasion, avec un point de vue de sénateur, la question des bans en général : le vassal peut-il faire des bans ? Le vassal peut-il règlementer contre les lois du Prince ? Peut-il imposer des peines selon sa volonté, etc. . Richeri reprend dans son Tractatus de Feudis -plus d’un siècle plus tard !- l’argumentation de Tesauro sur la possibilité de faire des bans et d’édicter des peines à condition qu’elles soient modérées, à l’exclusion de la confiscation des biens et des peines corporelles, qu’elles ne soient pas contre le jus commune ou le droit statutaire ni contre les lois du prince. Richeri ajoute que les interdictions portées dans ces bans ne peuvent être générales, ce qui n’est possible que pour la chasse et la pêche comme cela est prévu par les Royales Constitutions. La mise en perspective de Richeri est tout à fait favorable aux différents sénats du royaume. Il faut toutefois se garder de faire remonter aussi loin dans le XVIIe siècle une telle capacité d’intervention sénatoriale, comme le fait Richeri. On peut très certainement noter une progression de l’intervention des sénats en matière de bans champêtres mais cela ne s’est pas fait sans difficultés. La résistance de la Regia Camera, juge naturel du lien féodal, a été forte. La haute juridiction turinoise a sans doute eu un peu de mal à admettre qu’on distingue -pour parler de façon actuelle- un contentieux de la concession qui lui reviendrait et un contentieux de l’application qui serait allé à chacun des sénats. C’est en tout cas la situation qui prévaudra au XVIIIe siècle. A cette époque l’intervention des sénats en matière de bans champêtres est tout à fait nette tant au plan contentieux qu’au plan administratif. Les sénats apparaissent comme les régulateurs et les juges de l’application des bans champêtres. La Regia Camera n’apparaît plus que comme le juge de la concession. Il reste à éclairer la fonction administrative des sénats. Une rapide présentation des interventions du Sénat de Nice en cette matière laisse apparaître l’importance des enregistrements de bans à partir du règne de Victor-Amédée II . Ils portent non seulement sur le contenu des règlements mais aussi sur le fondement des droits. Le bureau de l’avocat fiscal général demande la preuve de la concession au moindre doute. En ce qui concerne les peines, le parquet général de la cour « impose systématiquement un plafond au montant des amendes ». L’efficacité sénatoriale n’est plus douteuse. Encore mal assuré au début du XVIIIe siècle, le pouvoir des sénats monte en puissance au cours du siècle. Les archives du Sénat de Nice permettent ainsi d’identifier trois vagues d’interventions : une première dans les années1739-1745, une deuxième dans les années 1750 et une troisième dans les années 1770-80. C’est à cette époque que les Royales Constitutions de 1770 imposent aux vassaux d’obtenir « l’approbation du sénat » pour toute règlementation des bans champêtres. Conclusion Cette présentation féodale des bans champêtres dans les Etats de Savoie illustre la volonté du pouvoir politique turinois de maîtriser un domaine potentiellement générateur de difficultés entre les seigneurs et la communauté d’habitants. Les contraventions et les peines édictées en constituent la pierre d’achoppement. Il n’est pas question de laisser le seigneur ou la communauté décider sans contrôle Mais un deuxième objectif transparaît dans cette mise en ordre. Les seigneurs y occupent une place centrale. La mise en œuvre des bans champêtres doit se faire de préférence dans un cadre féodal « recte et propre » qui tend à limiter les dissociations et qui écarte donc les communautés, du moins celles qui ne sont pas seigneurs d’elles-mêmes. Il revient au vassal, au seigneur inféodé, de prendre ses responsabilités. C’est ce mouvement que décrit Richeri. Il s’agit d’un processus de modernisation du droit féodal, déjà étudié par ailleurs, qui accroît en même temps les prérogatives seigneuriales et le contrôle exercé par le pouvoir souverain. Tommaso Maurizio Richeri, 1733-1797. Son œuvre principale, fondamentale pour la connaissance du jus commune tardif, est l’ Universa civilis et criminalis iurisprudentia iuxta seriem institutionum ex naturali et romano iure deprompta, ecc. 12 vol., 1774-1782. Michel Bottin, « Jus commune et coutumes féodales dans les Etats de Savoie au XVIIIe siècle d’après le Tractatus de feudis de T.M. Richeri », in Actes du colloque Pouvoirs et territoires dans les Etats de Savoie, Nice, décembre 2007, n° I, contributions réunies par Marc Ortolani, Programme de recherches sur les institutions et le droit des anciens Etats de Savoie, P.R.I.D.A.E.S., Serre Editeur, Nice, 2010, pp. 449-463. Michel Bottin, « La Regia Camera de Conti de Turin et la rénovation féodale dans les Etats de la Maison de Savoie au XVIIIe siècle », in I Senati sabaudi fra antico regime e Restaurazione, a cura di Gian Savino Pene Vidari, programme « Etats de Savoie » du 121e Congrès du CTHS, Nice, 1996, Giappichelli, Torino, 2001, pp. 181-196. Le droit féodal français ignore cette distinction. Michel Bottin, « Fief et noblesse dans le Comté de Nice, XVIe-XVIIIe siècle », in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, XIII, 1985, pp. 153-165. Michel Bottin, « Le fief de la Roquette-sur-Var (Comté de Nice) d’après le consegnamento féodal de 1734 », in Hommage à Maurice Bordes, Les Belles Lettres, Paris, 1983, pp. 113-128. Ce Consegnamento féodal de 1734 est consultable aux Archives des Alpes-Maritimes, série C, registres 2 et 3, mentionnés ci-après T. 1 et T.2. Michel Bottin, « Torretas de Chiabaudi. Seigneurs et pouvoir seigneurial à Tourrette (XIe-XVIIe siècle », in Nice Historique, Tourrette-Levens et son château, 2007, n° 3 et 4, pp. 215-233. Michel Bottin, « Les inventaires des droits et biens féodaux dans les Etats de Savoie. XVIIe-XVIIIe siècles », in Actes du colloque de Cuneo, octobre 2011, n° V, Propriété individuelle et collective dans les Etats de Savoie, contributions réunies par Marc Ortolani, Programme de recherches sur les institutions et le droit des anciens Etats de Savoie, P.R.I.D.A.E.S., Serre Editeur, Nice, 2012, pp. 13-22.
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