Feodalité Coutumes féodales Richeri
 
 
 

Jus commune et coutumes féodales 

 dans les Etats de Savoie au XVIIIe siècle

d’après le Tractatus de Feudis de T.M. Richeri

 
 
                                                                              
 
 
Pour citer : Michel Bottin, « Jus commune et coutumes féodales dans les Etats de Savoie au XVIIIe siècle d’après le Tractatus de Feudis de T.M. Richeri, in Actes du colloque Pouvoirs et territoires dans les Etats de Savoie, Nice, décembre2007, n° I, contributions réunies par Marc Ortolani, Programme de recherches sur les institutions et le droit des anciens Etats de Savoie, P.R.I.D.A.E.S.,   Serre Editeur , Nice, 2010, pp. 449-463
 
 
 
La féodalité occupe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle une place essentielle dans le système politico-administratif des Etats de Savoie. Plus qu’en d’autres lieux le fief y apparaît comme un cadre ordinaire et stable de l’administration du territoire. Le seigneur féodal détient ainsi quelques pouvoirs de première importance au premier rang desquels il faut placer l’exercice de la justice de premier degré et la mise en œuvre d’un pouvoir règlementaire local. Ces pouvoirs s’exercent dans le cadre de la relation de fidélité nouée entre le prince et son vassal. L’administration seigneuriale est ainsi à côté de l’administration des officiers et des commissaires un des deux piliers sur lesquels repose l’Etat sabaudo-piémontais.
Les princes de la Maison de Savoie ont été tellement conscients de ce fondement féodal qu’ils ont depuis le Moyen Age pris de nombreuses mesures à la fois pour contrôler cette féodalité mais aussi pour l’associer au service de l’Etat. Ils trouveront sur leur route les résistances des grandes maisons seigneuriales et les réticences de quelques nobles souvent oublieux de leur serment de fidélité. Le sens de cette histoire est bien connu[1]. Les moyens juridiques employés pour assurer ce contrôle le sont peut-être moins.
Le contrôle de la féodalité est de la compétence des cours souveraines, sénats d’une part et chambres des comptes d’autre part. Les sénats interviennent de trois façons : ils surveillent le fonctionnement de la justice seigneuriale ; ils contrôlent à travers l’action de leurs parquets généraux l’activité règlementaire du seigneur ; ils jugent les procès survenus entre le seigneur et les personnes privées ou les communautés d’habitants. Les chambres des comptes, celle de Savoie -jusqu’à sa suppression en 1719[2]- et celle de Piémont, la Regia Camera de Conti, interviennent de  trois façons : elles gardent le dépôt des investitures ; elles font procéder à des enquêtes périodiques pour recenser les droits et  biens concédés[3] ; elles font respecter les modalités de la concession du Domaine portées par l’inféodation : étendue des droits et biens féodaux, conditions de transmission du fief et respect des obligations financières du seigneur. Les chambres des comptes, et plus particulièrement la Regia Camera de Conti de Turin[4], jouent donc un rôle majeur dans le contrôle de la féodalité[5]. Les sénats n’occupent qu’une place très secondaire.
Il revient ainsi à la Regia Camera de trancher les litiges portant sur l’étendue des droits domaniaux concédés[6]. Il ne s’agit pas seulement des droits et biens composant le fief ; il s’agit avant tout d’apprécier la conformité de la dévolution du fief dans le temps en fonction des règles de base du droit féodal, de la coutume du lieu et de l’investiture du fief concerné. Cette partie du contentieux de la domanialité féodale revêt une importance majeure. C’est par là qu’on peut freiner le processus d’appropriation et empêcher que le fief ne devienne un bien quasi patrimonial comme ce fut le cas en France où ce contentieux fut détourné par les parlements[7] et jugé de façon plus « civiliste » que « féodale », situation qui explique le caractère quasi allodial des fiefs français.
La question se pose différemment dans les Etats de Savoie. L’application des principes Libri Feudorum[8], comme c’est le cas dans l’ensemble de l’aire du jus commune, impose une approche différente du droit féodal. Le fief n’a pas vocation à être un bien patrimonial. Sa concession permet l’accomplissement d’un service. Il a vocation à être transmis dans une famille, si possible en primogéniture masculine et sans division. Le droit commun féodal parle de concession recte et propre. Les exceptions sont toujours possibles et l’investitures peut comporter des clauses plus ou moins marquées d’ impropriété, d’ impropriazione : admission des filles, constitution de dots et même aliénation pure et simple à des étrangers à la famille avec ou sans consentement du seigneur. Dans bien des lieux ces situations se sont accumulées et consolidées au cours des siècles au point que l’exception a pu parfois devenir la règle. Dans ce grand désordre subsiste tout de même un principe. C’est l’investiture qui est la loi du fief. On pourra toujours, à condition de s’en donner les moyens, rappeler à l’ordre un seigneur qui oublierait les règles de dévolution de son fief.
Cette présentation très élémentaire masque deux difficultés. La première tient à l’interprétation des clauses de l’investiture. Chaque souverain, chaque Etat procède, dans le respect des principes généraux du droit des fiefs, à des interprétations particulières façonnant ainsi un droit féodal propre. La seconde tient à l’interprétation que les seigneurs eux-mêmes font de ces mêmes clauses. Pour peu que l’investiture s’y prête, et que le souverain ne s’y oppose pas, ils la feront évoluer, succession après succession, vers une situation de plus en plus avantageuse, peut-être jusqu’aux confins de la patrimonialité. La situation peut concerner un fief, un groupe de fief et même une province entière. Ainsi naissent et prospèrent les coutumes féodales. Au regard du droit commun des fiefs elles n’ont rien d’illégitime. Elles sont tout simplement l’effet du consentement tacite du souverain. La consuetudo regionis n’est qu’une forme d’interprétation. Elle est une autre façon d’exprimer un droit propre.
Deux situations coexistent dans les Etats de Savoie : dans la plaine piémontaise dominent les concessions rectes et propres. Elles s’étendent jusqu’aux territoires milanais rattaché à la Maison de Savoie. Ailleurs le droit des fiefs est réglé par des coutumes favorables, à des degrés divers, aux plus larges possibilités de disposer et d’aliéner : Marquisat de Montferrat, Comté d’Asti, Marquisat de Ceva, Marquisat de Saluces, Duché d’Aoste, Comté du Canavese, Duché de Savoie et Comté de Nice. Les origines de ces coutumes impropres sont diverses. Certaines, comme celle de Savoie, ont été influencées par les pratiques françaises ; d’autres, comme celle du Montferrat, proviennent d’évolutions impropres du droit commun des fiefs. Ces applications coutumières se sont progressivement consolidées depuis le Moyen Age. Elles sont parfaitement reconnues au début du XVIIIe siècle.
La première forte réaction contre ce progressif recouvrement coutumier vint des Royales Constitutions de 1729 ; l’article 8 interdisait de concéder à l’avenir des fiefs autrement que d’une façon recte et propre. Les investitures antérieures présentant un caractère impropre doivent être interprétées de manière restrictive[9].
Rien ne permettait dans ces textes de contester la légitimité des coutumes. Un doute subsistait pourtant chez certains juges de la Regia Camera. Leur connaissance des archives et des investitures originelles leur montrait trop l’écart qui existait parfois entre les conditions restrictives de l’inféodation originelle et les larges possibilités offertes par la coutume. La contradiction ne pouvait être résolue qu’en s’appuyant d’abord sur l’investiture originelle[10]. Il y avait là une brèche. Le procureur général près la Regia Camera et les juges -les collatéraux- y pénétrèrent, élargissant le passage jusqu’à déstabiliser les situations coutumières les mieux établies. Le fondement immémorial de la coutume céda ainsi à plusieurs reprises face à la clarté des investitures tirées des archives le la Regia Camera.  
Cette confrontation trouve son expression dans les decisiones[11] de la Regia Camera au long du XVIIIe siècle. Il n’est pas question d’entrer sans guide dans ce monumental fonds d’archives. La jurisprudence concernant les coutumes n’en est qu’une infime partie et rechercher les arrêts qui en tracent les lignes de crête reviendrait à vouloir trouver une aiguille dans une meule de foin. L’entreprise eût été impossible sans le secours du Tractatus de Feudis de Thomaso Maurizio Richeri[12] édité en 1791[13].
L’auteur est surtout connu pour sa monumentale Universa civilis et criminalis jurisprudentia dans laquelle il coordonne le jus commune et le droit propre des Etats de Savoie[14]. Il apparaît dans cet exercice comme un talentueux commentateur des jurisprudences qui expriment ce droit propre. Sa démarche dans le Tractatus de Feudis est tout à fait semblable. Il coordonne ici le jus commune feudorum tel que l’exprime la compilation annexée au Corpus romain avec le droit féodal de la Maison de Savoie tant de nature législative que jurisprudentielle. On peut, en le suivant pas à pas, retrouver ces évolutions jurisprudentielles et même dégager, pour les besoins de la présente étude, les éléments de base de ce qu’on pourrait considérer comme les « grands arrêts de la jurisprudence féodale » en matière coutumière. C’est là un des axes majeurs de la politique féodale de la Maison de Savoie.
On distinguera ici, pour les besoins de cette étude, et sans trahir Richeri[15], deux situations d’ impropriétés féodales : les coutumes rattachées au droit féodal lombard d’une part, les coutumes rattachées au droit féodal français d’autre part. Leurs solutions peuvent parfois être très voisines. Mais au-delà de ces apparences il ressort qu’elles ne présentent pas les mêmes capacités de résistance face au droit commun des fiefs. C’est ce qu’exprime la jurisprudence de la Regia Camera.
 
Les coutumes de droit lombard
 
On trouve dans l’aire d’application du droit féodal lombard de nombreuses consolidations coutumières. Toutes ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Certaines sont plus acceptables que d’autres. La Regia Camera aborde donc les questions au cas par cas. Mais ces decisiones ne sont pas isolées. Chacune puise dans les arrêts précédents des éléments d’interprétation. On les présentera donc dans l’ordre chronologique.
 
Le Marquisat de Ceva
  L’interprétation restrictive de la Regia Camera porte en premier lieu sur la coutume féodale du Marquisat de Ceva. La question paraissait pourtant parfaitement claire.  Les fiefs de la province étaient aliénables. Cette coutume s’était développée sur la base de la concession originelle faite par l’empereur Otton du 20 mars 967 au marquis Aleramo[16]. Les termes de l’investiture étaient dépourvus d’ambiguïté : « Habeantque potestatem vendendi, commutandi, alienandi… »[17].
La Regia Camera, suivant en cela la decisio rapportée par le collatéral Perno du 30 janvier 1740, déclara pourtant ces fiefs « rectes et propres »[18]. Le magistrat y constatait que l’investiture primitive ne remontait pas à Aleramo[19] mais seulement au marquis Nano, c'est-à-dire au 22 octobre 1295[20]. Cette investiture était faite par la Commune d’Asti au profit de Nano et de ses enfants et autres successeurs « in rectum, nobile et gentile feudum pro se et filiis domini Nani Georgino et Guglielmo et aliis heredibus et successoribus tam masculis quam feminis », à quoi on ajoutait la restriction suivante : « Ut aliter alienari non possent feuda predicta praeterquam cum assensu praefati communis Astensis »[21]. La coutume était donc infondée.
Enfin, comme si cette restriction ne suffisait pas, la decisio faisait remarquer que cette concession de 1295 ne concernait pas seulement la marche de Ceva proprement dite mais tous les fiefs acquis par la suite par le marquis Nano et ses descendants, « villae et communitates, quae et quas acquireret ipse dominus Nanus et ejus filii… ». Tous sont marqués par ce caractère « recte et propre » même s’ils ne sont pas mentionnés dans la concession de Nano[22].
 
Le Montferrat
Les interventions suivantes de la Regia Camera concernent la coutume féodale du Montferrat, plus étendue et plus complexe. Celle-ci permet l’aliénation des fiefs non seulement aux agnats les plus éloignés mais aussi aux étrangers. Cette coutume est « notoria » précise Richeri. Elle est exprimée par de nombreux arrêts non seulement du Sénat de Casal mais aussi du Sénat de Turin[23] : elle a particulièrement été fixée par un senatus consultum du Sénat de Casal du 7 août 1659.  Elle concerne tous les fiefs « sive nova sive antiqua »[24], même fidéicommissés ou sous primogéniture[25]. Le consentement du prince est toutefois nécessaire ainsi que la présentation préalable aux agnats.
 Comment s’attaquer à un pareil bloc coutumier ? Il est vrai que le temps a passé et que le rattachement du Marquisat de Montferrat aux Etats de Savoie en 1706 a fragilisé la position coutumière. Celle-ci perd avec le transfert des compétences du Sénat de Casal au Sénat de Piémont en 1730[26] son meilleur défenseur. La Regia Camera peut alors développer sa politique sans obstacle.
L’attention de la Regia Camera se porte d’abord sur l’extension géographique de la coutume féodale du Montferrat. On ne peut, estime-t-elle, s’en tenir à une définition vague et extensive. Il convient d’être précis. Seules les concessions découlant de l’investiture originelle faite au marquis de Montferrat par l’empereur peuvent entrer dans cette coutume. Or on ne peut pas considérer que tous les fiefs de cette province ont été concédés par le marquis de Montferrat[27]. Il faut en exclure ceux qui ont été détachés autrefois de ce Marquisat et qui ont été rattachés aux provinces piémontaises originelles -« pristinis nostris provinciis »-. Il faut prouver que la coutume du Montferrat leur est applicable. Dans le cas contraire il faut les considérer à l’instar des fiefs piémontais. C’est ce que juge la Regia Camera en 1744 à partir d’une decisio de Mellarède relative au fief de Grossi[28].
Ceci posé, on peut aller plus loin et utiliser les ressources du droit commun des fiefs dans deux domaines, celui du droit de préemption des parents en cas de vente et celui de l’interprétation de l’investiture.
Sur le premier point Richeri fait remarquer que l’oblatio, qui doit préalablement être faite aux agnats en cas de vente ou de donation, doit respecter une stricte procédure. Ainsi le seigneur qui modifie l’ordre de succession en faisant donation du fief à un parent plus éloigné, et après oblation à l’ensemble des agnats, ne peut par ce moyen remettre en cause les droits des descendants du parent écarté[29]. Richeri appuie ce raisonnement sur le votum fiscalis du procureur général De Rossi du 31 décembre 1768[30] dans lequel celui-ci rappelle les conditions déjà fixées par une sententia de la Regia Camera en 1757 concernant le fief de Lerma dans le Haut-Montferrat[31].
Sur le second point il faut considérer que la coutume du Montferrat, qui donc déroge aux « prohibitioni communis feudorum juris », ne s’applique pas lorsque l’investiture comporte une interdiction explicite d’aliéner ou qu’on a tout simplement exclu d’appliquer la coutume[32]. Il faut donc nuancer et tenir compte de la volonté des contractants[33] et plus encore de toutes les mentions portées par l’investiture. On remarquera que cela peut dans certains cas profiter au seigneur : d’une part lorsque les clauses de son investiture sont plus avantageuses que la coutume ; d’autre part lorsque l’investiture ne comporte pas de limitations explicites d’aliéner : l’interprétation coutumière peut ainsi contribuer à élargir une investiture recte et propre ; celle-ci peut alors autoriser l’aliénation, mais aux seuls agnats, ou encore la succession des filles. La présence des mentions telles que « quidquid voluerint faciant » ou « quibus dederint » autorise l’aliénation même aux étrangers[34]. Enfin on ne peut considérer que les fiefs soumis à primogéniture ou simplement fidéicommissés puissent être aliénés, sauf intervention du prince[35].
 
Le Canavese
Les fiefs du Canavese, « regionis Canapiciensis », sont à leur tour placés sous le feu de la jurisprudence de la cour alors que jusqu’au milieu du XVIIIe siècle personne n’avait contesté la coutume féodale de la province. Une decisio du collatéral Corte vient en 1758 brouiller les certitudes. On ne peut regrouper tous les fiefs dans une seule catégorie et admettre qu’une coutume dérogatoire au droit commun féodal est applicable partout[36]. Seul le Comté de San Martino est clairement aliénable mais avec le consentement du prince et après l’offre aux agnats. Les femmes sont admises à la succession[37].
Les choses sont moins simples pour les fiefs de Valperga et de Castri Montis qui en ont été détachés. Cela peut aussi concerner d’autres fiefs. L’histoire du Canavese est en effet complexe. Les troubles qui ont accompagné les luttes entre Guelfes et Gibelins ont considérablement compliqué la situation[38]. Il faut, plus qu’ailleurs, s’en tenir aux investitures, même si elles sont complexes et mêlent clauses propres et impropres. La Regia Camera a indiqué l’orientation à suivre dans sa sentence du 19 août 1750 : en l’espèce le comte Gio Battista Valperga tenait son fief de façon recte et propre, « ad feudum rectum et proprium pro masculis ». Mais à défaut de mâles, les femmes succédaient, « in horum defectu pro feminis ». Et enfin le vassal pouvait aliéner : « ita tamen ut cuique vassallo possessori competat facultas eisdem alienandi et disponendi… »[39].
 
Le Comté d’Asti
Vient ensuite le tour des fiefs du Comté d’Asti. On s’accorde à considérer qu’ils sont aliénables avec le seul consentement du seigneur direct, même au préjudice des descendants et des agnats. La coutume est claire comme le reconnaît la jurisprudence de la Regia Camera à travers deux decisiones de 1722 et 1765[40]. Ceci posé il faut soulever deux questions.
La première concerne l’unité coutumière de la province. On ne peut pas, là encore, étendre cet avantage à tous les fiefs de la province. Il faut en excepter les fiefs dépendant de la Mense épiscopale d’Asti et concédés par les « imperatores romani »[41]. Le rapporteur Curti en a dressé la liste dans sa decisio du 29 mai 1784[42]. C’est discutable pour les autres.
La seconde concerne l’évolution récente de la jurisprudence relative à l’intervention du seigneur direct dans l’aliénation. Il n’est plus certain aujourd’hui que les fiefs d’Asti soient aliénables du seul consentement du seigneur direct, ce qui était admis autrefois. Il faut l’accord du prince. Richeri s’appuie sur une récente decisio de 1764[43]. Il semble même qu’avec la decisio de Curti de 1784 on puisse étendre cette position aux fiefs dépendant de la Mense épiscopale d’Asti[44]
 
Fiefs impériaux, milanais, lombards et sardes
Enfin Richeri aborde rapidement quatre situations[45]. D’abord les fiefs des Langhe, « vulgo imperialia dicuntur ». Ils sont parvenus à la Maison de Savoie, certains suite à une cession de l’empereur Charles VI à Charles-Emmanuel III dans le cadre des discussions du Traité de Vienne du 3 octobre 1735, d’autres par achat ou par dédition. Il faut dans tous les cas se reporter aux investitures[46].
Les fiefs milanais parvenus à la Maison de Savoie sont réglés, comme tous les fiefs de cette région, par le droit commun des fiefs ; les femmes ne succèdent pas sauf « nominatim »[47].
La situation des fiefs de Lombardie est différente. Ils sont « impropria et alienabilia » avec le seul consentement du seigneur direct. On peut dire la même chose du Comté d’Alexandrie et du fief de Tajoli dont il est démembré[48].
Il reste à dire un mot des fiefs sardes. Ils sont sont « generatim recta et propria ». Les femmes ne sont admises à la succession que « nominatim » ou par investiture spéciale. Mais on doit noter qu’anciennement on s’en tenait dans le Royaume de Sardaigne seulement à une formulation générale. Richeri appuie sa brève présentation sur quatre decisiones du Conseil suprême de Sardaigne[49].
L’orientation générale de la jurisprudence concernant ces fiefs piémontais, et sardes, est double : elle limite la portée de la coutume par la prise en compte des clauses de l’investiture ; elle borne strictement le domaine d’application de la coutume en faisant systématiquement la chasse aux investitures originelles erronées.
 
Les coutumes de droit français
 
La Regia Camera ne pouvait pas développer contre les coutumes de droit français les moyens employés pour réduire les coutumes de droit lombard. Les unes et les autres n’étaient pas de même nature. Les premières étaient le produit d’une évolution coutumière autonome[50] ; les secondes ne dérivaient que d’applications « impropres » du jus commune feudorum. La conception coutumière du droit féodal français posait problème. Pouvait-on en particulier considérer que ce droit féodal de type français était applicable dans le royaume de Piémont-Sardaigne sans interprétation particulière, « nationale » en quelque sorte ? Assurément pas. Ainsi s’organise progressivement une interprétation « lombarde » de la question. Au XVIIIe siècle il paraît normal de considérer ces situations françaises comme « impropres ». La coutume perdait son autonomie et était rattachée à un droit commun comme une exception, une « impropriété », peut-être tout à fait légitime d’ailleurs. Telle est l’orientation générale. En pratique il fallait distinguer entre la coutume de Savoie et celle du Comté de Nice et surtout tenir compte de la localisation du fief concerné, selon qu’il était en deçà ou au-delà des monts.
 
Les avancées féodales « françaises » en deçà des monts
Fallait-il en effet accepter que ces coutumes transalpines, « françaises », puissent conserver leur force jusque dans les territoires cisalpins, le l’autre côté des Alpes, où ces provinces, Provence, Dauphiné et Savoie, s’étaient étendues au cours des siècles passés ? Ce qui était antérieurement acceptable ne l’était plus au XVIIIe siècle. Indirectement la summa divisio administrative des Etats de Savoie entre provinces « di quà dei monti » et « di là dei monti » va contribuer à façonner, tout au long de ce siècle, une frontière féodale simplifiée répartissant les fiefs de part et d’autre de la ligne de crête.
L’offensive jurisprudentielle se développe dans les années 1740. Elle repose principalement sur trois decisiones de Mellarède[51].
La première concerne le Marquisat de Saluces. On considérait traditionnellement les fiefs de cette province comme « impropres », certains estimant qu’ils suivaient la coutume du Dauphiné, d’autres la coutume du Montferrat[52]. Rien toutefois ne permettait de prouver que cette coutume locale était contraire aux « communes longobardorum usus ». Il était donc difficile de la rattacher à une origine féodale française. C’est ce que tranche la « suprema rationalium curia », la Regia Camera, avec une decisio de1741 rapportée par Mellarède à propos du fief d’Ostana. On suit dans cette province le droit commun féodal[53]. Les fiefs n’y sont aliénables que dans la mesure où l’investiture le permet.
La deuxième decisio concerne le Val de Stura. On pouvait rattacher les fiefs de ces contreforts alpins aux fiefs niçois et donc provençaux, c’est à dire à une consolidation féodale de droit français. Deux decisiones à propos du fief de Demonte tranchent la question. La première decisio, rendue par Mellarède en 1745, considère que le fief est aliénable parce que provenant d’une concession originelle des comtes de Provence[54]. La seconde, rendue l’année suivante par Celebrino, fonde l’aliénabilité sur la nature « impropre » de l’investiture[55]. Observation essentielle, dans un cas comme dans l’autre on ne s’appuyait pas sur la coutume niçoise pour justifier le caractère aliénable du fief concerné !
La troisième decisio concerne le Duché d’Aoste. On a longtemps considéré, explique Richeri, que les fiefs de la Vallée d’Aoste étaient régis par une coutume proche de celle en usage en France parce que la vallée faisait autrefois partie du royaume de Bourgogne et qu’elle fut donnée par l’empereur Conrad le Salique à Philibert I de Savoie en récompense de son aide. Cela n’a plus lieu d’être aujourd’hui, « hodie », au vu de la jurisprudence tracée par une decisio de 1745 rapportée par Mellarède à propos du fief de Sarre[56]. Ces fiefs sont régis par le droit lombard, « seu scriptis feudorum consuetudinis ». Plusieurs arrêts vont en ce sens[57] : les fiefs y sont « rectes et propres » sauf si une clause spéciale est prévue[58]. Toutefois les fiefs peuvent faire l’objet en faveur des filles d’une constitution de dot à défaut de biens allodiaux, « encore qu’elles venissent à prendre des roturiers » précise le Coutumier d’Aoste[59]. La jurisprudence n’en considère pas pour autant que cette possibilité déroge au caractère « recte et propre » au point de leur permettre de succéder[60].
 
Les fiefs niçois
Reste le cas des fiefs situés de l’autre côté des Alpes, ceux du Comté de Nice et ceux de la Savoie. Leur caractère patrimonial paraît parfaitement établi. La Regia Camera ne le conteste pas et son parquet général suit cette position, au moins jusqu’aux années 1760.
Considérons d’abord les fiefs niçois parce que leur nature patrimoniale paraît un peu moins solide que celle des fiefs de Savoie. On peut au premier abord considérer que le Comté de Nice étant une partie de la Provence ses fiefs suivent le régime juridique des fiefs provençaux et qu’ils sont donc tenus comme des biens allodiaux à l’instar de ce qui se pratique en France. Mais on peut tout autant considérer que l’acte de dédition de 1388 a coupé ce lien provençal. Cette question est abordée par les decisiones de Mellarède et de Celebrino à propos du fief de Demonte. Pour trancher cette question il faut savoir si le rattachement de 1388 fut réalisé de façon « aeque principalis » ou bien « accessoria »[61]. Dans le premier cas la province niçoise serait comprise dans la « regio Cismontanae » et ses fiefs suivraient le régime piémontais ; dans le second la coutume provençale s’appliquerait. Pour Celebrino les fiefs niçois sont « rectes et propres » sauf clauses contraires[62]. Pour Mellarède la coutume provençale s’applique, sinon à tous les fiefs, du moins à ceux qui ont été concédés par les comtes de Provence.
La controverse était sans portée effective, puisque la jurisprudence Demonte ne concernait pas directement le Comté de Nice. Elle pouvait pourtant à terme ébranler la coutume niçoise applicable aux fiefs « anciens », c'est-à-dire inféodés antérieurement aux Royales Constitutions de 1729. Ceux-ci étaient-ils aliénables en raison d’une coutume provençale globale ou bien en raison de leur origine politique provençale ou bien encore seulement dans la mesure où l’investiture le permettait ? La Regia Camera, collatéraux et parquet général, s’en tint jusqu’aux années 1760, à la première analyse.
 Mais la critique de la position traditionnelle faisait son chemin. Le parquet général près la Regia Camera commença alors à réfléchir sur le cas des fiefs « anciens ». Son procureur général, De Rossi de Tonengo, réagit en 1773 en affirmant que seule l’investiture, interprétée selon la volonté du concédant, réglait la dévolution du fief. Il divisait ainsi les fiefs niçois en cinq classes[63]. La première, celle des concessions provençales était totalement « impropre » et la situation bénéficiait par présomption aux fiefs dont on avait perdu l’investiture primitive. La coutume « provençale » se réduisait à cette situation. Les fiefs de la deuxième classe, inféodés par les princes de Savoie aux XIVe et XVe siècles, l’étaient également puisque les souverains de l’époque n’avaient pas voulu appliquer aux fiefs niçois les restrictions de l’édit « Quia in plerisque » du duc Philibert II du 1er décembre 1503 applicables en Piémont et imposant une interprétation restrictive de la clause « pro se heredibus et successoribus quibuscumque ». On pouvait sans difficulté accepter l’application coutumière de cette clause. Chacune des trois autres classes regroupait une catégorie de fiefs selon les clauses d’investiture[64].
C’est cette jurisprudence qui fut appliquée au fief de Sainte-Marguerite, près de Puget-Théniers : on ne pouvait pas automatiquement accorder à la clause « pro se heredibus et successoribus quibuscumque » une interprétation étendue, et donc différente de celle adoptée en Piémont. Il fallait remonter l’histoire et examiner l’intention des souverains, provençaux ou savoyards, qui avaient procédé à l’inféodation initiale[65]. Dans la mesure où une coutume particulière se dégage de leur politique féodale on pouvait l’appliquer. La coutume, catégorielle et non globale, sert à éclairer l’investiture. Elle ne peut se transformer en coutume générale et étouffer l’investiture.
 
Les fiefs savoyards
La Savoie se trouve dans une situation différente. La coutume féodale y présente de très fortes caractéristiques patrimoniales. Elle ne fait même pas de distinction entre les différentes catégories de fiefs. Ainsi même ceux qui sont rectes et propres peuvent être aliénés[66]. La jurisprudence de la Regia Camera s’inscrit dans la continuité des principes autrefois dégagés tant par la Chambre des Comptes de Chambéry que par le Parlement de Savoie : ainsi que le souligne la Président Fabre, les fiefs de Savoie ne sont pas d’une nature différente de celle des fiefs français[67]. On notera toutefois une différence essentielle avec la situation française : les principes des Libri Feudorum sont applicables en Savoie[68]. Cela signifierait-il que les dispositions coutumières doivent être interprétées de façon stricte, à la lumière du droit commun des fiefs ? Les nobles savoyards n’osaient l’imaginer.
Pourtant peu à peu le doute s’installe à mesure que progresse la politique anti féodale de Victor-Amédée II : suppression de la Chambre des Comptes de Savoie, publication des Royales Constitutions de 1729 qui distinguent fiefs anciens et fiefs nouveaux, tentatives de mise en ordre des droits féodaux par la Regia Camera de Turin. Les oppositions nobiliaires se multiplient alors. Face aux nombreux recours le pouvoir finit par transiger[69]. L’édit du 5 août 1752 reconnaît ainsi, « conformément à la coutume » que les fiefs de Savoie sont « aliénables tant par contracts que par disposition de dernière volonté et transmissibles à toutes sortes d’héritiers, mâles ou femmes »[70]. Ces fiefs sont divisibles[71] et le consentement du prince n’est pas nécessaire pour les aliéner. Seul l’acquéreur doit obtenir l’assentiment du souverain[72]. Enfin, un droit de rachat était réservé à perpétuité au Domaine. Il était prévu par d’anciens édits et confirmé par « des arrêts de nos magistrats de delà des monts »[73].
Une aussi claire reconnaissance semblait devoir mettre un terme aux incertitudes. L’article 5 de cet édit introduisait toutefois une exception susceptible de relancer le débat à propos des investitures antérieures à 1729. Cet article visait les cas où « les investitures ou autres titres sont conçus en termes limitatifs, ou de successeurs mâles, ou de descendants, d’une manière à démontrer que la vocation auxdits fiefs est restreinte à ce genre de personnes »[74]. Ces fiefs ne sont pas divisibles ; leur aliénation doit en outre faire l’objet d’une autorisation du prince et d’une offre préalable aux agnats[75]. Autrement dit la coutume devait dans ces cas s’effacer devant l’investiture.
Il ne semble pas que ces restrictions aient été mises en œuvre par la Regia Camera. Richeri en tout cas ne donne pas de jurisprudence directe. Ce qui ne l’empêche pas de se pencher sur la portée possible de ces restrictions. Il s’appuie pour cela sur une decisio du 6 décembre 1758, rapporteur Corte, relative au fief de Baldissero d’Alba. Cet arrêt traite de la portée des clauses d’investiture dans le cadre d’une coutume patrimoniale[76]. Cette jurisprudence ouvre, c’est ce que démontre Richeri, la possibilité de rechercher parmi les fiefs savoyards ceux dont les investitures comportent des restrictions.
Richeri voit une première application de cette approche dans la nouvelle politique du parquet général près la Regia Camera à partir des années 1770[77] à propos de la répartition des fiefs niçois en plusieurs classes. Pourquoi ne pas élargir à la Savoie ? L’application de cette doctrine dans cette province était toutefois difficile. Mais peut-être pas impossible dans un contexte politique favorable. La question n’était en tout cas pas à l’ordre du jour. Dans l’immédiat la Regia Camera est entièrement occupée à mettre en œuvre l’édit d’affranchissement des fiefs de Savoie de 1771, une opération lourde et délicate qui devait aboutir au rachat des droits féodaux de la province[78]. Ceci suffit sans doute à expliquer qu’aucune jurisprudence n’ait suivi sur cette question au cours de la vingtaine d’années qui précède l’abolition de la féodalité par les Français.
 
Conclusion : vers un doit féodal unifié
La Regia Camera de Conti de Turin a utilisé avec efficacité le puissant levier du droit commun féodal pour déstabiliser quelques situations patrimoniales parfaitement établies. Sa démarche n’est pas fondamentalement nouvelle. Ce qui change au XVIIIe siècle c’est la vigueur avec laquelle elle met en œuvre des principes remontant au Moyen Age. Mais il est clair que sa position est confortée par les rénovations apportées par les Royales Constitutions de 1729 et de 1770. Celles-ci ont déchargé le vieux droit commun féodal des constructions jurisprudentielles, tant celles des docteurs que celles des tribunaux, accumulées depuis des siècles[79]. Richeri exprime parfaitement tout au long de son Tractatus de Feudis cette modernisation juridique interdisant les citations de docteurs. On serait tenté d’y voir une sorte de retour aux sources du droit féodal tout à fait conforme aux aspirations de l’époque, une affirmation des principes de base des principes des Libri Feudorum libérant la féodalité de cette contradiction fondamentale que constitue l’appropriation d’une partie du domaine concédé.
Cette approche est peut-être incomplète. Elle ne permet pas de voir l’autre face de cette construction. Le droit commun que généralise cette jurisprudence dans l’ensemble de l’Etat sabaudo-piémontais n’est pas seulement une sorte de régénération juridique. La démarche s’inscrit dans la construction d’un droit féodal nouveau, sinon national, tout au moins patriote. Les coutumes exprimaient des droits propres à chaque province. La nouvelle jurisprudence construit un droit propre d’un genre nouveau, celui de l’Etat. Elle se développe de deux façons : d’abord en filtrant et en recyclant des jurisprudences anciennes, étrangères ou non, propres à servir les intérêts de l’Etat ; ensuite en combinant la législation royale avec cette jurisprudence.
L’évolution du droit féodal au XVIIIe siècle n’est ainsi guère différente de celle du droit civil. On y retrouve un processus de modernisation et de « patriotisation » du droit tout à fait semblable à celui que développe à la même époque la jurisprudence des sénats en matière civile[80]: le jus commune feudorum s’épure ; les jura propria se fondent dans un nouveau jus patrium.
 
 


[1] Stuart J. Woolf, Studi sulla Nobilità piemontese nell’epoca dell’Assolutismo, Academia delle Scienze,Torino, 1963 ; Jean Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, Maloine, Paris, 1978, p. 189 sq. ; Il Piemonte sabaudo. Stato e territori in età moderna, coll., UTET, Torino, 1994, pp.  396 sq.

[2] Carlo Dionisotti, Storia della magistratura piemontese, 2 vol., Roux e Favale, Torino,  1881, p. 217.

[3] Sur ces reconnaissances -« consegnamenti »- féodales, F.A. Duboin, Raccolta delle leggi, editi, patenti…della Real Casa di Savoia, 26, vol., Torino, 1818-1860, au vol. 26, pp. 342 sq. Sur la pratique médiévale en Savoie, Guido Castelnuovo, « Omaggio, feudo e signoria in terra sabauda (metà’200-fine’400) », in Poteri signorili e feudali nelle campagne dell’Italia tra Tre e Quattrocento, Reti Medievali Rivista, V, 2004-1, University Press, Firenze, 2005, p. 3. Sur la technique d’une de ces opérations au XVIIIe siècle, Michel Bottin, « Le fief de la Roquette-sur-Var (Comté de Nice) d’après le consegnamento féodal de 1734 », in Hommage à Maurice Bordes, Les Belles Lettres, Paris, 1984, pp. 113-128.

[4] En Sardaigne ce rôle est dévolu au Conseil Suprême.

[5] Michel Bottin, « La Regia Camera de Conti de Turin et la rénovation féodale dans les Etats de la Maison de Savoie au XVIIIe siècle », in I Senati sabaudo fra antico regime e Restaurazione, a cura di Gian Savino Pene Vidari, Giappichelli, Torino, 2001, pp. 181-196.

[6] Sur les compétence générales, Dionisotti, Storia della magistratura piemontese,  op.cit., T1, p. 320.

[7] Le contrôle administratif, fiscal et juridictionnel des droits féodaux appartient en France aux bureaux des Finances avec appel aux parlements, Dictionnaire raisonné des domaines et des droits domaniaux, 2 vol., Rouen, 1763, V° « Domaine » et « Bureaux des Finances ».

[8] Michel Bottin, « Coutume féodale et jus commune. La dévolution des fiefs en Provence et dans le Comté de Nice. XIVe–XVIIIe siècles », in Le droit par-dessus les frontières- Il diritto sopra le frontiere, "Atti" delle Journées internationales d’Histoire du droit de Turin, mai 2001, Jovene, Napoli, 2003, pp. 175-215.

[9] F.A. Duboin, Raccolta delle leggi, editi, patenti, op.cit., vol. 9,  p. 512 art. 1 et pour les Royales Constitutions de 1770, p 519, art.1.

[10] « Hinc, de caussarum feudalium definitione quaeritur, in primis investiturae tenor inspiciendus est, Decisio 10 jul. 1736, ref. Bonaudo, Devolutionis feudi Fabularum, in causa » procureur général contre vassal Gonterio, Tomaso Maurizio Richeri, Tractatus de Feudis, T1,  § 7, Torino, 1791.

[11] Michel Bottin, « Les decisiones du Sénat de Nice. Eléments pour une histoire de la jurisprudence niçoise. XVIIe-XIXe siècles », in Le Comté de Nice de la Savoie à l’Europe, coord. Giaume et Magail, Editions Serre, Nice, 2006, pp. 261-273 ; « Notes sur la pratique de la motivation des décisions de justice en jus commune », Etudes d’histoire du droit privé en souvenir de Maryse Carlin, coord. Olivier Vernier, Editions de La Mémoire du Droit, Paris, 2008.

[12] G. Valla, « Un giurista dell’ultimo diritto comune. Ricerche su Tommaso Maurizio Richeri (1733-1797) », in Rivista di storia del diritto italiano, 1982, pp. 117-182.

[13] 2 tomes, 403 et 384 p., Taurini, Ex Typographia Regia, 1791-1792.

[14] Gian Savino Pene Vidari, Aspetti di storia giuridica piementese, Giappichelli Editore, Torino, 1994, p.138.

[15] Richeri ne fait pas cette distinction. Pour lui le droit lombard est le vrai droit féodal. Côté français on ignore le droit commun des fiefs. Voir par exemple Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence…, 17 vol., 1784-1785, art. « Fief ». On peut y voir l’influence d’auteurs tels que Montesquieu ou Dubos particulièrement ignorants sur cette question. Les auteurs plus anciens, tels Cujas ou Dumoulin, ont une approche plus ouverte de la question. Bottin, « Coutume féodale et jus commune. La dévolution des fiefs en Provence et dans le Comté de Nice. XIVe–XVIIIe siècles »,  op. cit.

[16] Comme l’indique la decisio du 30 janvier 1740, rapporteur Perno, « Rectudinis feudi Scagnelli Marchinatus Ceva in caussa Octavii Regis contra patrem et filiam Galliardi », Richeri, De Feudis, op.cit., § 2171. 

[17] § 2172. Les paragraphes renvoient au Tractatus de Feudis.

[18] § 2174.

[19] R. Merlone, Gli Aleramici. Una dinastia dalle strutture pubbliche ai nuovi orientamenti territoriali (secoli IX-XI), Torino, 1995.

[20] § 2174.  

[21] § 2176.   

[22] § 2182. « Feuda…veluti Lezegni, Ormeae, Priolae, Monbasilii, Castrinovi et Perli. Decisio Perno », op.cit.  

[23] § 1097.     

[24] § 1097.

[25] § 1101. Decisio du 25 septembre 1730, rapporteur Bentio, Super feudo Lenici in caussa Comitum de Provanis et Marchion. Falletti a Barolio cum interventu Procurat. General, n°23 .

[26] Alberto Lupano, « Le Sénat de Casal», in I Senati sabaudo fra antico regime e Restaurazione, a cura di Gian Savino Pene Vidari, Giappichelli, Torino, 2001, pp. 133-150.

[27] Decisio du 19 septembre 1744, rapporteur Mellarède, in caussa Comit. Grossi Armani contra Universita. Grossi, n°14. § 1154. 

[28] § 1155.  

[29] § 1234.    

[30] § 1131. 

[31] § 1134.   Sententia Regiae Camerae du 29  novembre 1757 de feudo Lermae in caussa Regii Patrimonii contra Marchion.Spinolam.

[32] § 1157 et § 1158.  Avec une référence à la decisio de Mellarède de 1745 relative au fief d’Ostana dans le Marquisat de Saluces, cf. supra. 

[33] § 1159. Decisio du 10 juillet 1736, rapporteur Bonaudo, Devolutionis feudi Fabularum inter procurator. general. et Vassalum Genterium.               

[34] §. 1162.

[35] §. 1163 sq.    

[36] § 2201. Decisio du 6 décembre 1758, rapporteur Corte, in caussa Comit. Baldisserii a Sancto Martino contra Comitiss. Pensam a Marsalia, n°7, où on indique que le fief de Barbania est compris dans les fiefs de San Martino et donc aliénable et transmissible aux femmes.

[37] § 2201. Decisio du 9 mai 1697, rapporteur Malherba, in caussa Comit. a S. Martino contra Comit. et Equit. Caroccio.

[38] § 2202.

[39] § 2205.

[40] § 2162. Decisio du 30 janvier 1722, rapporteur Avenato, in caussa Comitis. Peyranae a Gattinara contro Comites Alpherios a Malliano, n° 37 ; Decisio du 15 juin 1765, rapporteur Falletti Montifacuti, ac Sancto Martino alienabilitatis in caussa Comit. Ignatii Mariae Ponte a Lombriasco contra Comit. Carolum Benedictum Gromis a Trana, n°18.

[41] § 2162.

[42] « Castra Malliani, Cisternae, Baldisseris, Paucaepaleae, Sanctae Victoriae, Montis acuti, Sancti Stephani, Bastitae, Piperanii, Forficis, Baennae, Mirabelli, Bovisii, Cossambrati, Deplaya, Demorotio, Montemagno », Curti rapporteur, Decisio du 29 mai 1784, in caussa Comitissarum sororum Falletti, Comitatum Radicati, Universitatis Paucapaleae et mensa episcopalis astiensis, n° 1 in notis.

[43] § 2167.  Decisio du 13 septembre 1764, rapporteur Calcino, in caussa Comit. De Caretto contra Vassalum Fresia.

[44] § 2170.

[45] Certaines situations ne sont pas abordées par Richeri. Par exemple les fiefs des territoires ligures placés sous la domination de la Maison de Savoie comme la Principauté d’Oneglia.

[46] § 2193 à § 2199.

[47] § 2190 et § 2191.

[48] § 2192. Decisio du 7 avril 1742, rapporteur Perno, in caussa Marchio. de Spinolis contra  Marchion. de Auria, n°154.

[49] 1746, 1754, 1758 et 1781. § 2200.

[50] Sur le processus de formation de cette coutume féodale, Gérard Giordanengo, « Coutume et droit féodal en France. XIIe-milieu XVe siècles », in La coutume. Recueil de la Société Jean Bodin, 52, Europe occidentale médiévale et moderne, Bruxelles, 1990, pp. 219-225. Réimpression anastatique dans Gérard Giordanengo, Féodalité et droits savants dans le Midi médiéval, Variorum, Hampshire GB, Brookfield USA, 1992.

[51] Pierre-Louis Mellarède deviendra premier président du Sénat de Nice et président chef du Consulat de Mer de Nice de 1749 à 1764. Il est le fils de Pierre Mellarède intendant général de Nice de 1699 à 1702, puis ministre d’Etat. Jean-Paul Baréty, Le Sénat de Nice. Une cour souveraine sous l’Ancien Régime. 1614-1796, Thèse droit Nice, 2005, p. 313.

[52] § 2186 et  § 2187.

[53] § 2188. Decisio du 22 juin 1741, rapporteur Mellarède, vindicationis  Ostana feudi salutiensis in caussa Caroli Thomae Salutii castellarii et Paesanae comitis actoris et Francsci Ugnatii Leonis Beynaschi comitis, n°13.

[54] § 1204. Decisio du 17 mars 1745, rapporteur Mellarède, Libera dispositionis et hereditariae qualitatis feudi Demontis in caussa Bianco contra Canubium, en introduction.

[55] § 1205.   Decisio du 19 août 1746, rapporteur Celebrino, feudi Demontis in caussa Bianco contra Canubio.

[56] § 1190.   Decisio du 18 mai 1745, rapporteur Mellarède, Augustani feudi Sarrae in causa Procurator. General. et augusti contra Comitis Rapetam Solarii, en introduction.

[57] § 1192. Decisio du 23 janvier 1696, rapporteur Avenato, Augustanae feudorum inter Patrimonial. General., Marchion. et ejus primogenitum de Balestrino et De Chaland, n° 73.
Decisio du 28 juin 1736, rapporteur Bianchis, in caussa De Challans contra Comit. Biancum, n° 9.
Decisio du 18 mai 1745, rapporteur Mellarède, Augustani feudi Sarrae in causa Procurator. General. et augusti contra Comitis Rapetam Solarii, n° 3.
Decisio du 13 septembre 1769, rapporteur Platzaert, Augustanae successionis et secundagenitura in feudo Armavilla in causa Challand, en introduction.     

[58] § 1195. Decisio du 13 septembre 1769, rapporteur Platzaert, Augustanae successionis, op. cit., n°13.     

[59] § 1197.

[60] § 1200. Decisiones,  Avenato, op.cit. n°73 ; Bianchis, op.cit., n°9 ; Platzaert, op.cit.

[61] id. n°48.

[62] § 1205. Decisio du 19 août 1746, rapporteur Celebrino, Feudi Demontis in caussa Bianco contra Canubium, n° 43 sq. 

[63] Michel Bottin, « Controverse sur l’application aux fiefs niçois des principes des Libri Feudorum aux XVIIe-XVIIIe siècles », in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, XI, 1980, pp. 99-112.

[64] § 1213 à §1216

[65] § 1091.

[66] § 1041. Decisio Mellarède du  18 mai 1745 à propos du fief de Sarre, op.cit.

[67] § 1040. 

[68] « His addatur, sciptas feudorum consuetudines (c’est à dire les Libri Feudorum) in Sabaudia vigere ».  § 1043.

[69] « Les doutes excités sur la nature des fiefs de Savoie relevant du domaine immédiat de notre couronne, à l’occasion de divers recours de vassaux de ce Duché, nous déterminèrent dès leur naissance d’en ordonner un sérieux examen » … « Notre intention étant donc de garantir les fiefs de Savoie de toutes atteintes qu’ils auraient pu recevoir par la disposition générale de nos Constitutions qui ne sauraient se rapporter à la nature singulière d’iceux… »,  Edit du roi concernant la nature et l’aliénation des fiefs de Savoie, 5 août 1752, F.A. Duboin, Raccolta delle leggi, editi, patenti, op.cit., vol. 9, p. 516.

[70] Art. 1.

[71] Art. 2.

[72] Art. 4.

[73] Art. 3.

[74] Art. 5.

[75] Art. 6.

[76] § 1081. Decisio Corte, Successionis feudi Baldisseri, in causa Comitis Baldisseri a Sancto Martino, op.cit.

[77] Jusque-là le parquet général est favorable aux coutumes patrimoniales. C’est en particulier le cas du niçois Jean-François Maistre procureur général en poste dans les années 1750, Bottin, « Coutume féodale et jus commune. La dévolution des fiefs en Provence et dans le Comté de Nice. XIVe–XVIIIe siècles », op. cit.,p. 208.

[78] Jean Nicolas, « La fin du régime féodal en Savoie. 1771-1792 », in L’abolition de la « féodalité » dans le monde occidental, Paris, CNRS, 1971.

[79] Isidoro Soffietti- Carlo Montanari, Il diritto negli Stati Sabaudi: le fonti (secoli XV-XIX), Giappichelli ed., Torino, 2001.

[80] Gian Savino Pene Vidari, « Legislazione e giurisprudenza nel diritto sabaudo », in Il diritto patrio tra diritto commune e codificazione (secoli XVI-XIX) a cura di Italo Birocchi e Antonello Mattone, Ius Nostrum, Viella, 2006, pp. 201-215.

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