Feodalité Fief et noblesse
 
 
 
 
 

Fief et noblesse dans le Comté de Nice

 XVIe-XVIIIe siècle 

 
 
Pour citer : Michel Bottin, « Fief et noblesse dans le Comté de Nice. XVIe-XVIIIe siècle », in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, XIII, 1985, pp. 153-165.
 
 
         L’ouverture et la relative facilité d’accès apparaissent comme les caractères les plus significatifs du groupe nobiliaire niçois : la noblesse niçoise des XVIIIe et XVIIIe siècles constitue en effet un groupe social dynamique qui s’élargit régulièrement par l’intégration de familles nouvelles[1].On a ainsi depuis longtemps mis en évidence l’importance quantitative de ce groupe.
A la fin du XVIIIe siècle, l’écrivain écossais Tobias Smollet, en séjour à Nice, avait été étonné par le nombre considérable de nobles que l’on rencontrait dans les rues de la ville et par la pauvreté de beaucoup d’entre eux. Sans doute convient-il de nuancer l’opinion de Smollet qui trop souvent eut pour Nice les yeux d’un touriste[2]. Pas plus pauvres qu’en d’autres endroits[3]. Et sans doute guère plus nombreux qu’ailleurs[4]. La population nobiliaire est en effet concentrée à Nice, capitale de la province : 146 familles pour une population d’environ 15.000 habitants au début du XVIIIe siècle ce qui donne une proportion d’environ 3%. Ce chiffre doit toutefois être rapporté à l’ensemble du Comté de Nice : 215 familles nobles pour une population inférieure à 70.000 habitants, soit une proportion d’à peu près 1,5%. Mais même ainsi corrigée celle-ci reste assez supérieure à celle de la France : entre 0,5 et 1% selon les auteurs[5].
         Cette importance quantitative du groupe nobiliaire niçois s’explique d’abord par les facilités coutumières de l’anoblissement par charges. L’Etat sabaudo-piémontais n’intervient pas, sauf en fin de période, et laisse de cette façon le groupe nobiliaire local définir lui-même très coutumièrement les conditions d’accès. Cela n’est pas sans conséquences importantes car seule la noblesse permet l’accès aux fiefs[6] ; ceux-ci sont en effet considérés par la Maison de Savoie comme des dignités trop importantes pour être accessibles aux non-nobles[7]. On perçoit sans difficulté les avantages d’une telle situation : le roturier niçois qui réussit à entrer dans le groupe nobiliaire local se voit du même coup ouvrir la possibilité d’accéder au fief et de devenir vassal direct du souverain, au même titre qu’un noble d’ancienne noblesse[8]. Sa noblesse, peut-être mal assurée, peut-être contestable au regard d’autres coutumes provinciales des Etats de Savoie, ne peut plus être suspectée. Ce sera encore plus net pour ses descendants. La présomption de noblesse dont bénéficient les seigneurs de fiefs a joué. Il a consolidé sa noblesse.
         Mais comment accéder au fief ? De façon très générale le droit féodal des Etats de Savoie considère défavorablement la patrimonialisation des fiefs : ceux-ci sont des fonctions trop élevées pour qu’on puisse en faire commerce et les considérer comme de vulgaires héritages. L’inféodation est une porte étroite et les possibilités de succession réduites en principe aux descendants directs par ordre de primogéniture. Mais, comme on le verra plus loin, les exceptions régionales ne manquent pas[9].
Le Comté de Nice est dans ce cas : la coutume féodale permet d’y traiter le fief comme n’importe quel bien, ou presque. Point n’est besoin pour le noble de passer par une très solennelle inféodation pour accéder au fief. Il peut y parvenir par la voie successorale, parfois de la façon la plus inattendue. Pour le noble niçois entrer dans une famille détenant un fief c’est ouvrir la possibilité, pour lui-même mais surtout pour ses descendants, de devenir vassaux du souverain à la suite d’une succession favorable.
         La coutume féodale renforce ainsi les effets de la coutume nobiliaire. Le particularisme est net et exemplaire. Il permet d’intéressantes comparaisons tant avec la Provence qu’avec la Savoie et le Piémont.
 
Les facilités coutumières de l’anoblissement par charges
 
         Les facilités de l’anoblissement par charges à Nice sont réelles ; elles découlent de l’application d’une coutume locale plus ouverte et moins précise qu’en d’autres lieux.
 
Pratiques niçoises
         Le premier aspect de l’élargissement concerne le doctorat. Aux cas habituels d’anoblissement par charges ou par fonctions, offices de justice ou de finances, fonctions militaires ou municipales, s’ajoute en effet la possibilité d’accéder à la noblesse par la laurea[10]. Il s’agit d’abord bien entendu du doctorat en droit mais au XVIIIe siècle le privilège semble aussi jouer pour le doctorat en médecine[11]. Le doctorat en droit conduit tout naturellement à l’avocature, situation très recherchée qui permet l’accès aux fonctions judiciaires et administratives. Il y a là une grande différence avec la France où la simple licence suffit pour devenir avocat. Dans les Etats de Savoie l’avocature apparaît ainsi comme un moyen puissant d’ascension sociale[12].
         La situation est dans le cas niçois d’autant plus intéressante qu’on trouve à Nice depuis 1639 un collège de docteurs comprenant tout le cursus des études. On imagine sans peine combien cela a pu faciliter les études des enfants de la bonne bourgeoisie niçoise et en fin de compte leur entrée dans la noblesse, même si le collège semble surtout fréquenté par des nobles[13].
         Le second aspect de l’élargissement concerne le caractère transmissible de cette noblesse par charge. Si on s’en tient aux généralités on constate que dans certains cas cette noblesse personnelle n’est pas transmissible et que dans d’autres elle est transmissible au premier ou au second degré après que le père et le grand père aient tour à tour occupé une telle charge anoblissante. Les solutions sont extrêmement diverses. En France elles sont, au moins pour le XVIIIe siècle, à peu près stabilisées[14].
         Il en va autrement à Nice ; il est parfois très difficile de préciser si telle charge anoblissante confère une noblesse personnelle ou transmissible et dans ce cas à quelles conditions[15]. C’est par exemple le cas du doctorat qui semble ne conférer qu’une noblesse personnelle jusqu’au début du XVIIIe siècle, graduelle après deux degrés, comme en Avignon, par la suite. Ainsi le fils et petit-fils d’un docteur était noble sans avoir besoin de la laurea. C’est aussi le cas de certaines charges de justice en particulier, qui confèrent une noblesse personnelle de façon tout à fait certaine mais qui profitent à leurs descendants par une extension coutumière. Rien de tout cela n’ayant fait l’objet d’une quelconque fixation, la coutume locale reflète l’idée que les nobles se font des différentes charges, de leur valeur et de leur place dans la hiérarchie de l’administration de la justice ou de l’armée. Les voies d’accès peuvent ainsi se rétrécir ou s’élargir en fonction des préjugés et des ambitions.
 
Réactions turinoises
         L’imprécision ne doit pas étonner. Il en va de même dans l’ensemble des Etats de Savoie[16], à la réserve près que dans certaines provinces comme la Savoie, pays d’imposition personnelle, il pouvait y avoir un intérêt fiscal direct à limiter les cas d’anoblissement par charges, surtout héréditaires. Dans ces cas l’administration tend à limiter l’anoblissement aux charges les plus élevées, comme celle de premier président du Sénat, mais accepte qu’on puisse consolider par le fief une noblesse personnelle[17].
         Là où l’intérêt fiscal est moins évident, c’est le cas du Comté de Nice pays de taille réelle, l’administration a peu de raisons d’intervenir. Ainsi peut se développer une coutume nobiliaire favorable. Aucune opération de réformation n’est venue troubler cette évolution. La situation tranche avec celle de la Provence voisine[18]. Cela suffit à expliquer l’imprécision.
         Il reste que l’accès à la noblesse n’est pas sans conséquence, même en pays de taille réelle : le Fisc ne perçoit pas les droits d’anoblissement correspondants et l’équilibre du groupe nobiliaire peut se trouver altéré par une entrée massive d’anoblis par charges. L’accès au fief, privilège nobiliaire par excellence, souligne cette difficulté. Un anobli par charges peut-il accéder au fief au même titre qu’un anobli par lettre ou qu’un noble de race et dans l’affirmative quelles sont les charges ou fonctions qui le permettent ? Telle est la question qui se posait régulièrement à la Regia Camera de Conti de Turin -la juridiction souveraine compétente en matière féodale- lorsqu’elle était amenée à vérifier la noblesse de l’impétrant.
         Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’incertitude règne encore en matière d’anoblissement par charge au début du XVIIIème siècle. On en jugera  à travers l’avis de cette commission -congresso- réunie à Turin le 20 juin 1738 pour donner son opinion sur les personnes pouvant être considérées comme nobles[19].
         Ce Congresso  ne soulevait que peu de problèmes à propos de la noblesse de sang et de la noblesse par privilège du prince mais insistait longuement sur la noblesse « per uffizio di dignita ». Non sans hésitations et imprécisions la commission parvenait à dresser une liste de charges anoblissantes.
         Puis, se prononçant sur la transmission de cette noblesse aux descendants, la commission estimait qu’il fallait distinguer les offices les plus importants, qui permettaient aux enfants de devenir nobles à condition de vivre noblement, des autres, qui demandaient dix ans de service pour anoblir et deux générations de service dans la même charge pour anoblir le petit-fils.
La laurea n’était pas mentionnée au nombre des charges anoblissantes. Mieux même le Congresso critiquait le souverain pour la publication le 21 février 1735 d’une patente déclarant docteurs et capitaines, ainsi que leurs descendants, capables d’acquérir des fiefs et donc les reconnaissant implicitement nobles ! La commission notait qu’une telle mesure ne pouvait être qu’exceptionnelle et destinée en temps de crise à favoriser la vente des fiefs au profit de la Couronne.
         Le Congresso terminait en conseillant au souverain de préciser à l’administration des Finances les règles à suivre pour savoir qui avait le droit d’acheter un fief. Prudente, la commission jugeait inutile la publication d’un tel document ! On comprend en effet qu’il aurait pu mettre en émoi une bonne partie de la noblesse des Etats de Savoie.
         Vu de Nice,  le parere de la commission, s’il avait été publié, aurait paru bien éloigné des réalités locales. Quant à la patente précitée de février 1735[20] elle ne pouvait apporter, du moins en ce qui concerne la laurea, qu’une confirmation à une pratique déjà ancienne ; il y avait déjà longtemps qu’à Nice des docteurs achetaient des fiefs, même s’il n’apparaît pas nettement qu’avant cette époque leurs descendants non docteurs  aient pu le faire. La patente de 1735 le leur permettait en tout cas officiellement.
 
Les possibilités successorales offertes par la coutume féodale
 
         Le fief, même non titré[21], est une dignité trop importante pour ne pas être recherché patiemment par toute famille noble. Leur nombre n’est toutefois pas suffisant pour les satisfaire toutes[22]. Certes, depuis la fin du XVIIe siècle l’Etat sabaudo-piémontais multiplie les créations de fiefs et favorise ainsi l’accès à cette fonction à de nombreux nobles de fraîche date, anoblis par lettres ou par charges[23]. Mais l’ouverture reste tout de même étroite et totalement dépendante du choix du souverain. L’achat d’un fief nouvellement créé est-il donc le seul espoir de ces familles nobles ? Certainement pas puisqu’elles ont toujours la possibilité d’acheter directement à un seigneur vendeur ou de bénéficier d’une donation ou encore, et surtout, d’hériter. Mais le droit féodal piémontais est restrictif en cette matière et à la différence du doit féodal français n’admet pas toujours de telles opérations. Il importe dès lors de définir à quelles conditions un fief peut faire l’objet de tels actes juridiques.
 
Le droit féodal vu par la Regia Camera de Conti de Turin
         La Regia Camera de Conti de Turin, considère en effet que les règles régissant la dévolution des fiefs sont celles des Libri feudorum[24] : les possibilités d’aliénation, de donation et de succession sont commandées par les clauses de l’investiture primordiale, véritable et seule loi du fief. Ces clauses peuvent être très favorables aux seigneurs qui peuvent aliéner à volonté comme s’il s’agissait d’un bien allodial ; elles peuvent à l’inverse être très défavorables en interdisant la dévolution aux femmes et aux collatéraux, en limitant à l’extrême les possibilités d’aliénation, etc. Dans ces cas ce sont les droits de  la Couronne qui sont protégés : tôt ou tard ce fief fera retour au Domaine et il sera alors procédé à une  nouvelle inféodation ... encore un peu plus limitative en matière de patrimonialisation. Tel est le sens général de l’évolution à partir du XVIe siècle : on compte de moins en moins de concessions dites « impropres » et de plus en plus de concessions « rectes et propres »[25]. La Regia Camera y veille.
         Il subsiste toutefois en Piémont et surtout dans certaines provinces périphériques des fiefs totalement transmissibles et aliénables : c’est le cas, entre autres, des fiefs niçois inféodés avant le début du XVIIIème siècle. A Nice on estime qu’ils suivent la coutume provençale qui considère ces fiefs comme totalement transmissibles et aliénables à l’égal des autres biens. Vue de Turin la situation paraît exorbitante ; les procureurs généraux près la Regia Camera réclament avec constance l’application des principes des Libri feudorum et des règles piémontaises[26]. Les magistrats de la Regia Camera  résistent cependant pour plusieurs cas particuliers, dont Nice, et jusqu’au milieu du XVIIIe siècle admettent cette coutume provençale très favorable aux droits des seigneurs. Ils n’accèdent aux propositions du procureur général qu’à la fin du siècle ; mais en pratique le changement était-il considérable ? Le nombre important d’inféodations anciennes comportant des clauses d’investiture très favorables au bénéficiaire du fief préservait le caractère patrimonial d’une bonne moitié des fiefs de la province[27]. Les seigneurs de ces fiefs, dits « anciens », retrouvaient par l’investiture ce qu’ils perdaient par la neutralisation de la coutume.
 
Les avantages des fiefs « impropres »
         Tous ces fiefs, dits « impropres », peuvent, à la différence des fiefs « rectes et propres », faire l’objet de multiples opérations : vente, donation, succession, constitution de dot ... portant aussi bien sur la totalité du fief que sur une partie. Dans le cas des investitures les plus favorables ils peuvent sans difficultés être divisés. Chaque part deviendra un nouveau fief avec toutes les dignités s’y rapportant. Deux chiffres montrent l’importance du phénomène dans le Comté de Nice : en 1734 on compte 37 fiefs anciens totalement ou presque totalement aliénables ou transmissibles ; parmi ceux-ci, 26 ne sont pas divisés et 11 sont partagés entre 76 coseigneurs. Ce qui donne un total de 102 fiefs ou parts de fiefs[28]. Soit autant d’occasions de devenir par achat, succession ou autre, seigneur, c’est à dire vassal du souverain et détenteur d’une dignité nobiliaire publique transmissible.
         Les ventes de fiefs sont toutefois rares : on ne peut pas dire qu’il y a dans le Comté de Nice un marché du fief ancien. Les familles font leur possible pour conserver le fief ou la part de fief dans leur patrimoine, comme son plus beau fleuron. Par contre l’influence des successions sur la circulation interfamiliale de ces fiefs apparaît plus considérable : il n’est pas rare qu’une famille noble non possessionnée accède au fief en alliant un de ses fils à une héritière de fief. Il n’est pas rare non plus qu’en l’absence de descendants directs le fief échoie à une branche collatérale qui accède ainsi, peut-être sans jamais avoir songé à une telle promotion, à cette dignité.
         Dans tous les cas de telles alliances, porteuses de possibilités de succession au fief, sont considérées comme d’importantes promotions. Elles font accéder le noble, peut-être anobli de fraîche date, peut-être en cours d’anoblissement, peut-être de vielle noblesse un peu passée, à une dignité transmissible. Le fief consolide la noblesse ; il l’affirme et permet par exemple à un anobli par charge niçois, considéré comme noble sans sa province, d’être également considéré comme noble dans l’ensemble des Etats de Savoie. Sans restriction.
 
La promotion nobiliaire par  le fief
 l’exemple des seigneurs de La Roquette
 
         Le fief de La Roquette offre aux XVe et XVIIIe siècles deux exemples de telles promotions par alliance.
 
La succession des Lascaris
         Le plus ancien n’est pas le moins significatif : il montre comment un fief détenu par une très ancienne famille féodale passe par alliance à une famille noble, peut-être ancienne, mais dont la dignité au moment de l’alliance ne semble pas dépasser la laurea.
         Le fief de La Roquette était depuis 1446 dans la famille des Lascaris, des comtes de Vintimille -descendants par Eudoxie Lascaris de Théodore Lascaris empereur d’Orient au XIIIe siècle- en la personne de Charles Lascaris coseigneur de La Brigue. Celui-ci était devenu seigneur de La Roquette et du fief voisin de Bonson par son mariage avec Jeannette Litti. Ce patrimoine féodal se transmit dans la famille Lascaris jusqu’au XVIème siècle. Au milieu du XVIe siècle, Pierre Lascaris épouse Anne de Beuil fille de René Grimaldi baron de Beuil, s’alliant ainsi avec la plus puissante famille de la province[29]. Celle-ci solidement implantée dans le haut-pays niçois dominait depuis plus de deux siècles la politique locale et posait difficulté sur difficulté au souverain savoyard du fait de ses relations ambigües avec le royaume de France. Plus d’une fois, les barons de Beuil, dont le père d’Anne, facilitèrent la politique des rois de France contre les intérêts de leur propre souverain[30].
         De l’union de Pierre Lascaris et Anne Grimaldi naquirent trois filles : Angélique morte nubile, Julie et Honorine. Julie et Honorine héritèrent chacune d’une moitié du patrimoine féodal : Julie eut La Roquette et une moitié de La Brigue ; Honorine eut Bonson et l’autre moitié de La Brigue. Julie Lascaris fut investie du fief de La Roquette le 24 octobre 1575[31]. Elle épouse alors Jacques Fabri coseigneur de Gorbio, un seigneur assez puissant et estimé pour que le duc Emmanuel Philibert accepte de lui inféoder la haute justice du fief de La Roquette, insigne honneur à une époque où ce type de concession n’est pas encore très répandu[32]. Fabri décède peu de temps après. Julie épouse alors en secondes noces Marc Laugieri, docteur en droit, fils de Louis lui-même docteur en droit, à qui elle apporte en dot le fief de La Roquette[33]. De son côté sa sœur Honorine épouse le frère de Marc, Jean Baptiste, à qui elle apporte en dot le fief de Bonson[34]. Marc Laugieri sera assesseur de la Ville de Nice en 1600 et 1601 et premier consul -noble- en 1607[35]. Jean Baptiste de son côté ne possède pas le doctorat et ne semble remplir aucune charge administrative, judiciaire ou autre importante[36]. La transformation est nette : on est passé de la noblesse féodale la plus caractéristique à une noblesse, peut-être ancienne mais rehaussée à l’époque de l’alliance par la seule possession du doctorat. Pour les Laugieri c’était sinon une consolidation de noblesse, du moins une promotion par le fief.
 
La succession des Laugieri
         Le second exemple nous conduit au milieu du XVIIe siècle avec le mariage en 1652 d’Anne Marie Laugieri, sœur d’Alexandre seigneur de La Roquette et petite-fille de Marc, avec Pierre Antoine Bonfiglio[37].
         Bonfiglio est issu d’une famille d’officiers de justice ; son grand-père et son père ont tour à tour exercé la charge de procureur fiscal auprès du Sénat de Nice, la cour souveraine du lieu[38]. Le procureur  fiscal, sous les ordres de l’avocat fiscal général était plus particulièrement chargé de promouvoir les droits de la Couronne et du Fisc dans tous les procès[39]. La fonction n’était sans doute pas de première importance et venait indubitablement bien après celle de président ou de sénateur. Mais la place qu’occupe la cour souveraine dans une petite capitale provinciale comme Nice confère à une bonne partie de ses officiers un rang élevé dans la hiérarchie sociale. Tel était le cas pour les Bonfiglio. Mais en 1652, lorsque Pierre Antoine Bonfiglio épouse la demoiselle de La Roquette, son père est déjà mort et le fils ne remplit aucune fonction de justice. De toute évidence il y a là un signe d’échec qui au demeurant ne doit pas étonner : les limitations apportées à la vénalité ne permettent pas dans les Etats de Savoie d’assurer d’une génération à l’autre la transmission de la charge[40].
         Quoiqu’il en soit, l’importance des fonctions remplies par son grand-père et par son père permettent de penser que le petit-fils, Pierre Antoine, bénéficie d’une noblesse graduelle. L’ouverture de la coutume niçoise en matière d’anoblissement par charge constitue une présomption assez nette pour écarter le doute. Si cela n’était pas le cas, le doute s’efface avec son fils Jean Paul. Celui-ci, est qualifié de « molto illustre » - qualificatif réservé aux nobles- dans les actes juridiques passés antérieurement à la succession de son oncle maternel Alexandre[41] et alors qu’il n’est pas encore seigneur du lieu.
         Il est en fait difficile de savoir si la noblesse des Bonfiglio vient de leurs fonctions ou de la perspective de succession au fief de La Roquette. Alexandre Laugieri n’a pas d’enfants et il est clair pour tout le monde que son neveu Jean Paul doit lui succéder, d’où peut-être cette apparence de noblesse dont bénéficie Jean Paul. Alexandre teste en sa faveur en 1702 avec droit de primogéniture masculine au bénéfice de ses descendants Bonfiglio[42]. Le descendant d’un anobli par charges parvient ainsi à consolider une noblesse -très mal assurée- par un héritage féodal. Cette succession permet en outre, alors que ni lui ni son père n’ont exercé de charges judiciaires, administratives ou autres, de remplir par le fief, une fonction chargée d’honneurs.
 
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         Le rapport entre fief et noblesse apparaît dans l’ensemble des Etats de la Maison de Savoie comme remarquablement étroit. On ne soulignera jamais assez la différence avec le Royaume de France.
         Dans le cas du Comté de Nice ce rapport fief-noblesse est plus complexe mais aussi parfois plus riche de conséquences sociales et politiques.
         Au plan social, la rencontre du particularisme féodal et du particularisme nobiliaire -tous deux on l’a vu plus favorables qu’ailleurs- décuplent les possibilités de promotion. Peu à peu toutes les stratégies des familles nobles sont orientées en fonction de ces possibilités successorales d’accès au fief. Les nobles à titre personnel ou à l’ancienneté mal assurée sont assurément les premiers intéressés.
         Ainsi, à la différence des fiefs « rectes et propres » très largement répandus dans les Etas de la Maison de Savoie, le fief « ancien » niçois peut devenir le pivot d’une politique familiale intéressant tous les collatéraux même ordinaires. Il est un bien de famille concernant l’ensemble d’un lignage et susceptible d’en assure la promotion nobiliaire.
         Au plan politique, la situation locale permet de s’intégrer dans la noblesse féodale -la meilleure- de façon progressive et définitive. Le contrôle de l’administration est infiniment moins direct et moins strict que dans le cas d’une inféodation après achat à la Couronne et surtout le seigneur n’a pas à supporter toutes les contraintes inhérentes aux fiefs « rectes et propres » : successibilité limitée, aliénation interdite, etc. Dans un Etat aussi centralisé que l’est l’Etat sabaudo-piémontais à partir de Victor-Amédée II, c’est un privilège rare ... et combattu. On comprend que les juristes de la Maison de Savoie aient utilisé toutes les ressources du droit féodal pour réduire l’ouverture coutumière niçoise[43].
         Le Comté de Nice, marche de Provence sous la souveraineté de la Maison de Savoie apparaît ainsi comme une zone de confrontation où se mêlent pratiques provençales -et françaises- et interventions piémontaises. L’effet est assurément complexe mais le particularisme niçois sert de révélateur. Il permet de mettre en évidence les positions de la Maison de Savoie en matière de féodalité et de les comparer avec la situation française. La comparaison est enrichissante : pilier privilégié de l’Etat pour la Maison de Savoie, encombrante séquelle d’une époque révolue pour la Royauté française ; dépendance et soumission d’un côté, indépendance de l’autre ; fonction contre patrimoine, etc. On n’en finirait pas d’énumérer les antinomies. Le particularisme niçois en empruntant à l’un et l’autre système n’en fait que mieux ressortir les spécificités de chacun.
 
 
 
 


[1] Sur la noblesse niçoise, Michèle-Helyett Siffre, La noblesse du Comté de Nice au siècle des Lumières, Thèse 3e cycle Lettres, Nice, 1976 et la synthèse de Maurice Bordes, « La noblesse niçoise au XVIIIe siècle », in L’information historique, 1983, pp. 236-240.

[2] « Nice abonde en noblesse, marquis, comtes, barons. Parmi ceux-ci trois ou quatre familles sont vraiment respectables ; les autres sont novi homines, issues de la bourgeoisie, qui ont mis de côté quelque argent par des occupations variées et qui ont acheté leur titre de noblesse. L’un descend d’un avocat, l’autre d’un apothicaire, un troisième d’un marchand de vin au détail, un quatrième d’un marchand d’anchois et on me dit qu’il y a actuellement à Villefranche un comte dont le père vendait des macaronis dans les rues [...]. En Savoie, il y a six cent familles nobles : la plupart d’entre-elles n’ont pas plus de cent couronnes par an pour entretenir leur dignité. Dans les montagnes du Piémont et même dans ce Comté de Nice, il y a quelques représentants de très anciennes nobles familles qui sont réduits à la condition de paysan ; mais ils conservent l’ancien prestige de leurs maisons et se vantent de la noblesse de leur sang qui coule dans leurs veines », Tobias Smolett, Lettres de Nice sur Nice. 1763-1765, traduction F. Pilatte, Nice, 1919, Lettre XVII du 2 juillet 1764.

[3] Siffre, La noblesse, op. cit., aborde cette controverse pp. 43-48.

[4] Siffre, La noblesse, op. cit., p. 38 et les comparaisons présentées par Bordes, « La noblesse », op. cit., p. 237.

[5] Le calcul n’est pas facile et prête à la controverse : au chiffre « fort » avancé par certains contemporains du XVIIIe siècle (400.000, femmes et enfants compris) , repris par des auteurs  modernes (Roland Mousnier, Les institutions de la France sous la Monarchie absolue, 2 vol., 1974, au T. 1, p. 121), contesté et réduit par d’autres à 300.000 (cf. Goubert, L’Ancien Régime, 1, La société, 1969, p. 138) on peut opposer une évaluation basse de 120.000 personnes, soit 0,5% de la population (cf . Guy Chaussinand-Nogaret, La noblesse au XVIIIe siècle, Ed. Complexe, 1984). La proportion niçoise est semblable à celle du Piémont : 3.000 familles, soit 15.000 personnes pour environ un million d’habitants (Stuart J. Woolf, Studi sullà nobiltà piemontese nell’epoca dell’assolutismo, Academia delle sScienze, Torino, 1963, p. 11.

[6] En France l’acquisition d’un fief par un roturier est possible mais ne confère pas la noblesse. La règle s’affirme progressivement à partir du XIIIe siècle avec la publication des ordonnances sur les francs-fiefs et est définitivement fixée par l’ordonnance de Blois de 1579 dans son article 258 : « Les roturiers et non nobles achetant fiefs nobles ne seront pour ces anoblis ni mis au rang et degré des nobles de quelque revenu et valeur que soient les fiefs par eux acquis », A. Esmein, Histoire du droit français, Sirey, Paris, 1925, p. 224.

[7] Jean Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, Maloine, Paris, 1978, souligne p. 43 l’importance des obligations féodo-vassaliques dans l’Etat sabaudo-piémontais au XVIIIe siècle. Le seigneur féodal est le vassal du souverain. Chaque fois qu’il le peut celui-ci rappelle l’existence de ce lien de fidélité. Ainsi lors de l’accession au trône d’un nouveau souverain le serment de fidélité est renouvelé. Nicolas, La Savoie, op. cit., p. 43, note 134, cite l’exemple de l’avènement de Charles-Emmanuel III en 1730 : tous les nobles féodaux furent invités à se déplacer à Turin pour la cérémonie ; le roi touchait chaque seigneur sur l’épaule. Nicolas, La Savoie, op. cit., p. 43, note 133, commente ainsi cette pratique : « La persistance des formes archaïques de l’hommage vassalique répondait au principe politique de la Maison de Savoie dont l’autorité selon ses propres historiographes ou légistes n’était nullement fondée sur le droit divin mais bien sur la loi féodale ».

[8] A propos du Piémont, noter, qu’à la différence de la France, il n’y a ni distinction, ni hostilité marquée entre noblesse d’épée et noblesse de robe. Mieux même, la fusion entre ancienne et nouvelle noblesse, si délicate ailleurs, semble poser peu de difficultés, même dans le cas d’entrée massive de nouveaux feudataires comme ce fut le cas en 1722, Woolf, Studi sulla nobiltà, op. cit., p. 137. A propos de la Savoie l’opposition paraît plus marquée. Nicolas, La Savoie, op. cit., p. 32 met en lumière les différents moyens utilisés par la noblesse ancienne du duché pour éviter l’infiltration d’éléments nouveaux à l’occasion des inféodations de la fin du XVIIe siècle. L’auteur pale même de « conspiration des nobles savoyards ». Rien de tel pour le Comté de Nice lors de ces mêmes inféodations. A propos de la France en général et du problème de l’ouverture ou de la fermeture de la noblesse au XVIIIe siècle, cf. la critique des positions traditionnelles de l’historiographie, très favorable à la fermeture, dans Chaussinand-Nogaret, La noblesse, op. cit., pp. 45 sq.

[9] Les dérogations non plus ! Sur l’ensemble de la question Michel Bottin, « Controverse sur l’application aux fiefs niçois des principes des Libri Feudorum aux XVIIe-XVIIIe siècles », in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, XI, 1980, pp. 99-112. Sur les dérogations patrimoniales -impropriazione- en faveur des fiefs nouveaux, cf. ibidem, note 8.

[10] Sur la laurea, Siffre, La noblesse, op. cit., p. 458 (Annexe 1 au sujet de la noblesse doctorale en Avignon). Noter que cette forme d’anoblissement par charge est inconnue en Provence aux XVIIe-XVIIIe siècles, cf. François-Paul Blanc, « Un traité de droit nobiliaire au XVIIe siècle. Alexandre de Belleguise et le statut juridique de la noblesse provençale », in Mélanges Roger Aubenas, Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, IX, 1974, pp. 33-65. Le traité de Belleguise n’aborde pas le problème mais en revanche considère que la fonction de capitaine remplie par l’aïeul et le père anoblit sous certaines conditions leur postérité. Cf. également François Bluche et Pierre Durye, « L’anoblissement par charges avant 1789 », in Les cahiers nobles, 23, 24, 1962.

[11] Siffre, La noblesse, op. cit., p. 20, cite le cas d’un docteur en médecine, Pierre Roissard, qui achète en 1770 le fief de Bellet près de Nice sans anoblissement par lettre, donc sur la base de sa seule laurea.

[12] Michèle-Helyett Siffre, « De la bourgeoisie à la noblesse en passant par l’avocature. Histoire d’une famille de notaires et procureurs niçois sous l’Ancien Régime : les Dani », in Nice Historique, 1975, pp. 41-53.

[13] Siffre, La noblesse, op. cit., p. 22.

[14] Il n’est toutefois pas question de parler pour la France de droit nobiliaire national. On ne peut étudier les conditions de l’anoblissement par charges qu’à travers les différentes situations provinciales. Elles peuvent être très différentes et restent très mouvantes jusqu’au XVIIe siècle. Sur « les beaux jours de l’anoblissement taisible » au XVIe siècle, cf. Georges Huppert, Bourgeois et gentilshommes. La réussite sociale en France au XVIe siècle, Paris, pp. 17 sq. La grande recherche de « faux nobles » entreprise par Louis XIV à partir de 1665 dans le cadre des réformations de noblesse fixe les possibilités d’anoblissement ; mais la jurisprudence de l’anoblissement par charges subit encore des évolutions pendant tout le XVIIIe siècle, cf. François-Paul Blanc, L’anoblissement par lettres en Provence à l’époque des réformations. 1639-1670, Thèse droit, Aix-en-Provence, 1971.

[15] La nécessité d’une mise au point n’a pas paru indispensable. Le consensus entre nobles, anoblis et aspirants à la noblesse était sans doute assez net pour écarter tout besoin de rédaction ; l’absence d’intervention étatique a fait le reste.

[16] Enrico Genta, Senato e senatori di Piemonte nel secolo XVIII, Torino, 1983, souligne p. 90 note 7 l’ouverture de la noblesse piémontaise : « Si pùo affermare che la struttura della classe nobiliare piemontese si sia dimostrata elastica, in quanto la nobilità e risultata dotata di notevole capacità di assorbire familie nuove e de inserirle nel proprio costume e modello di valori e di vita ».

[17] C’est l’opinion de Nicolas, La Savoie, op. cit., pp. 20-21, qui s’appuie avant tout sur les prétentions de l’administration. Ce n’est pas le point de vue des Savoyards ! Ceux-ci considèrent que l’anoblissement par charges joue au bénéfice des sénateurs du Sénat de Savoie et des maîtres auditeurs à la Chambre des comptes de Savoie au premier degré. Ce privilège tranche évidemment avec la situation des autres cours souveraines des Etats de Savoie qui ne conféraient qu’une noblesse de second degré. On comprend les réticences de Turin. En faveur de l’anoblissement direct et parfait, cf. Henri Arminjon, De la noblesse des sénateurs au souverain Sénat de Savoie et des maîtres auditeurs à la Chambre des comptes, Annecy, 1979.

[18] Sur les réformations provençales, François-Paul Blanc, « Note sur la noblesse personnelle à travers les réformations de la noblesse provençale. 1666-1718 », in Annales de la Faculté de droit, Aix, n° 58, 1972, pp. 27-32.

[19] « Parere del Congresso circa gli ordini di persone che possono considerarsi per nobili e capaci di aquistare feudi », 20 juillet 1738, Felice Amato Duboin, Raccolta per ordine di materie delle leggi, editti, patenti [...] della Real Casa di Savoia, 27 vol., 1818-1860, au vol. 26, pp. 450-454.

[20] Duboin, Raccolta, op.cit., vol. 26, p. 449 ; « Regie patenti che dichiarano capaci d’aquistar feudi gli ufficiali col solo grado di capitano e i semplici laureati ed i loro descendenti », 21 février 1735. En pratique, l’analyse des habilitations à posséder des fiefs montre que le souverain tenait compte du mode de vie -« vita more nobilium »-, de la possession d’armoiries et de l’usage continu du qualificatif de nobile dans les actes publics, Enrico Genta, « Le abilitazioni a posedere feudi negli Stati Sabaudi nel sec. XVIII », in Studi in onore del Prof. Galzzini, II, Pub . Facoltà di Giurisprudenza dell’Università di Parma, 49/2, Milano, 1981, pp. 196 sq.

[21] Sur la distinction entre fief titré/fief non titré et ses conséquences juridiques, cf., Blanc, L’anoblissement par lettres en Provence, op. cit., p. 637.

[22] Genta, Senato, op. cit., p. 91, souligne à propos du Piémont cette difficulté pour le noble d’accéder au fief et au titre qui lui est attaché. Faute de pouvoir y parvenir une grande partie de la noblesse doit reporter ses ambitions sur les ordres chevaleresques comme Malte et surtout l’Ordre des Saints Maurice et Lazare.

[23] Les ventes de fiefs démembrés du domaine ducal se multiplient après 1680, cf. Nicolas, La Savoie, op.cit., p. 32 et pour Nice, Paul Canestrier, « L’inféodation des communautés du Comté de Nice à la fin du XVIIe siècle », in Nice Historique, 1944, pp. 91-101. Ces ventes se poursuivent pendant tout le règne de Victor-Amédée II et se doublent d’une offensive anti nobiliaire : ainsi en 1720, 172 fiefs piémontais sont réduits et réunis au Domaine - la célèbre « avocazione dei feudi »- à la suite d’une vérification générale des titres puis revendus à de nouveaux nobles -« la nobiltà dell’22 »-, Nicolas, La Savoie, op. cit., p. 595.

[24] Sur l’ensemble de cette question, Bottin, « Controverse », op. cit.

[25] Woolf, La nobiltà, op. cit., p. 150 , souligne les difficultés de Charles-Emmanuel II pour réunir tous les fiefs piémontais « in un tipobase, il feudo retto e proprio, inalienabile e di discendenza maschile ».

[26] Il y a des exceptions, tel Jean François Maistre, procureur général au milieu du XVIIIe siècle qui défendait avec vigueur en 1755 la thèse coutumière. Il est vrai que Maistre était niçois, Bottin, « Controverse », op. cit.

[27] Bottin, « Controverse », op. cit.

[28] Calculé d’après le recensement -consegnamento- des biens et droits féodaux de 1734, Archives départementales des Alpes-Maritimes, C 2 et 3. Sur ce recensement cf. « Le fief de la Roquette-sur-Var (Comté de Nice) d’après le consegnamento féodal de 1734 »,  in Hommage à Maurice Bordes, Les Belles Lettres, Paris, 1983, pp. 113-128.

[29]   Table chronologique de la succession du fief de La Roquette annexée au « Parere del procuratore generale Conte De Rossi di Tonengo intorno la natura de feudi del Contado di Nizza », 26 mars 1770, Archives départementales des Alpes-Maritimes, Fonds Città e Contado di Nizza, Mazzo 13/1, L 4.

[30] A. L. Sardou, Les Grimaldi de Beuil. Histoire d’une puissante famille féodale de l’ancien comté de Nice. 1315-1621, Nice-Paris, 1881, pp. 27-30.

[31] Bibliothèque de Cessole, Musée Masséna, Nice, Manuscrit n° 70, acte n° 5. Cf. aussi Charles Alexandre Fighiéra, « Les abbés de Saint-Pons de Nice », in Nice Historique, 1970 ; p. 16.

[32] 20 juillet 1576. Bibliothèque de Cessole, Musée Masséna, Nice, Manuscrit n° 70, acte n° 6.

[33] Arch. dép. des Alpes-Maritimes, C 121 (registres de l’insinuation ; les actes sont retranscrits intégralement) et Fighiéra, « Les abbés », op. cit., p. 16.

[34] Table du Fief de La Roquette, op. cit., Arch. dép. des Alpes-Maritimes, Fonds Città e Contado di Nizza, Mazzo 13/1, L 4.

[35] Fighiéra, « Les abbés », op. cit., p. 17.

[36] Arch. dép. des Alpes-Maritimes, C 996, f° 161. Dans ce cas la promotion est nette : un fils de docteur, non docteur lui-même accède au fief par le mariage. Noter qu’il est impossible de remonter aussi loin dans le XVIe siècle à partir des registres de l’insinuation. L’ancienneté de la noblesse des Laugieri n’est évidemment pas à exclure ; ce qui compte ici c’est que la famille Laugieri est en recherche de fief.

[37] Arch. dép. des Alpes-Maritimes, C 227, f° 315 sq. La dot est d’importance moyenne (1.200 ducatons). Il était prévu qu’elle soit payée en argent ; elle sera réglée en biens immobiliers, Arch. dép. des Alpes-Maritimes, C 227, f° 315 à 322 et C 260, f° 919.

[38] Arch. dép. des Alpes-Maritimes, B 295, f° 85.

[39] Carlo Dionisotti, Storia della magistratura piemontese, 2 vol., Torino, 1881, au T. 1, p. 309.

[40] La transmission de charges par voie patrimoniale (hérédité et vénalité) reste très limitée dans les Etats de la Maison de Savoie, du moins pour le XVIIIe siècle. Il arrive que la pratique soit tolérée en période de difficultés -c’est le cas à la fin du XVIIe siècle- mais les concessions sont toujours provisoires, Duboin, Raccolta, op. cit., vol. 3, pp. 1-9 et Michel Bottin, « Le Consulat de mer de Nice », in Cahiers de la Méditerranée, 1979, p. 57. Nicolas, La Savoie, op. cit., p. 241 insiste sur l’importance du phénomène à partir du règne de Charles Emmanuel I ; Woolf, La nobilità, op. cit., p. 159 met l’accent sur le caractère accidentel et l’extension de la vénalité aux seules charges peu importantes.

[41] Arch. dép. des Alpes-Maritimes, C 997, f° 363 (10 janvier 1701). La question du possible anoblissement par charges des Bonfiglio peut être éclairée par le parere du Congresso de 1738, cf. supra.  Cet avis propose de ne considérer comme anoblis par l’exercice de leur charge judiciaire que les présidents, sénateurs, collatéraux de la Chambre des comptes, avocats généraux, procureurs généraux, avocats fiscaux généraux, avocats des pauvres et maitres auditeurs de la Chambre des comptes bénéficiant de la dignité de sénateur. Les procureurs fiscaux généraux ne sont pas cités, de même que les procureurs des pauvres ; une partie des magistrats du parquet est donc exclue de la liste des charges anoblissantes. On notera que ce texte n’est qu’un avis et que Turin a parfois par le passé largement étendu les possibilités d’anoblissement par charges, cf. infra la patente du 21 février 1735.

[42] Arch. dép. des Alpes-Maritimes, B 229, f° 460 ; Arch. dép. des Alpes-Maritimes, C 227, f° 315 et C 239, f° 4.

[43] Noter que l’offensive étatique fut nettement plus sévère en Savoie en raison essentiellement de l’exemption fiscale des nobles et de droits féodaux élevés. Cf. Jean Nicolas, « La fin du régime seigneurial en Savoie. 1771-1792 », in L’abolition de la « féodalité » dans le monde occidental, Colloque CNRS, 1971, T. 1, pp. 29 sq. Les problèmes étaient assurément moins cruciaux dans le Comté de Nice. On peut également préciser que les relations avec Turin sont en général moins conflictuelles dans le cas du Comté de Nice que dans celui de la Savoie : cela résulte essentiellement du rôle joué par les deux cours souveraines savoyardes, Sénat et Chambre des comptes, dans la défense des privilèges. Le problème se pose en des termes différents à Nice ; d’une part parce que le Sénat, de création récente, y manifeste moins de velléités d’opposition et d’autre part parce que la région niçoise fait partie du ressort de la Chambre des comptes de Turin.

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