Présentation du thème
A la découverte du « jus commune feudorum »
Pourquoi le droit féodal ?
L’idée est née des contacts que j’avais au milieu des années 70 avec Maurice Bordes professeur d’histoire moderne à la Faculté des Lettres de Nice. Son excellente connaissance des institutions communales au XVIIIe siècle l’avait conduit à se pencher sur le rôle politique et administratif des seigneurs de fiefs. Manifestement il y avait là une forte réalité qui n’était guère prise en considération par la recherche. La « féodalité tardive », ainsi qu’il l’appelait, exerçait de véritables fonctions administratives.
Il venait de diriger la thèse de Michèle-Hélyett Siffre, La noblesse du Comté de Nice au siècle des Lumières, statut économique et attitudes collectives, Thèse d’histoire 3e cycle, Nice, 1976 et il lui apparaissait que la matière strictement féodale méritait une recherche spécifique. J’étais à l’époque maître assistant à la Faculté de droit. La rencontre se fit tout naturellement dans le cadre d’un DEA d’Histoire moderne et contemporaine avec comme objectif une ébauche de recherches sur la féodalité dans le Comté de Nice au XVIIIe siècle et un projet de thèse sur ce sujet. Les obligations professionnelles n’ont pas permis à la thèse d’aboutir.
Il en est resté les matériaux de recherche…et une découverte : le droit des fiefs niçois n’était peut-être pas aussi provençal qu’on le pensait. Il touchait aussi à un autre droit, celui des Libri Feudorum en usage ailleurs qu’en France et plus particulièrement en Italie. Et les applications de ce droit féodal répondaient aux mêmes contraintes d’élaboration que le jus commune civile. Il y avait le même rapport entre les textes de Justinien et le jus commune civile qu’entre les Libri Feudorum et le jus commune feudorum. La jurisprudence des docteurs puis celle des tribunaux avait procédé aux mêmes adaptations. Et au rapport entre le jus commune et les jura propria qu’on rencontre en matière civile correspondait un rapport de même nature entre jus commune feudorum et droits propres féodaux exprimés sous la forme de consuetudines ou de règles princières particulières.
Le droit féodal en vigueur dans les Etats de Savoie était ainsi très différent de celui appliqué en France. Les études qui suivent ont ainsi été l’occasion de comparer les deux systèmes. Sans chercher à entrer dans le cours des développements on dira que cette comparaison n’est pas à l’avantage de la France.
Les études qui suivent gravitent autour de cet axe. Avec des retours récurrents au « terrain féodal local », parfois pour régler une question de détail. Mais le droit féodal est d’abord une pratique.