Chronique patrimoniales des seigneurs de La Roquette

 

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Chronique patrimoniale des seigneurs de La Roquette
 
                                                 1652-1777
 

 

Pour citer : Michel Bottin, Chronique patrimoniale des seigneurs de La Roquette, Comté de Nice. 1652-1777, 1986, édité sur Michel-bottin.com, 2020.

 

L’étude qui suit a été rédigée en 1986. Elle poursuivait trois objectifs :

1 Approfondir mes recherches sur les évolutions du droit féodal à l’époque moderne en étudiant un fief directement concerné par les débats en cours sur la modernisation de la féodalité dans les Etats de Savoie au XVIIIe siècle. En l’espèce, le fief dont il est question ici, La Roquette dans le Comté de Nice, est-il aliénable à l’instar d’un bien ordinaire ? La question est cruciale pour les seigneurs de ce fief en raison d’un endettement bien supérieur à la valeur de leurs biens ordinaires, allodiaux si on préfère. Seule la vente du fief peut les tirer d’affaire. La question de droit sur la nature du fief éclaire les décisions patrimoniales de ces seigneurs.
J’avais auparavant déjà travaillé sur le droit féodal et sur le fief de La Roquette. Quatre études servaient de soubassement à la nouvelle recherche :

. « Controverse sur l’application aux fiefs niçois des principes des Libri Feudorum aux XVIIe-XVIIIe siècles », in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit des anciens pays de droit écrit, XI, 1980, pp. 99-112.

. « Les moulins de La Roquette-Saint-Martin au XVIIIe siècle », in Nice Historique, 1983, pp. 132-136.

. « Le fief de la Roquette-sur-Var (Comté de Nice) d’après le Consegnamento féodal de 1734 », in Hommage à Maurice Bordes, Les Belles Lettres, Paris, 1983, pp. 113-128.

. « Fief et noblesse dans le Comté de Nice, XVIe-XVIIIe siècle », in Recueil des mémoires et travaux de la Société d’Histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, XIII, 1985, pp. 153-165.

2   Développer une histoire à partir des seules sources judiciaires et administratives. On ne dispose pas ici des matériaux sur lesquels on s’appuie habituellement pour écrire une histoire seigneuriale : chroniques, livres de raison, généalogies, recueils d’actes... le tout soigneusement classé et conservé par quelques archivistes anonymes. Souvent la famille a gardé la mémoire, au besoin en l'épurant et en l'interprétant.
La présente histoire de seigneurs est sur ce plan une sorte d'anti histoire dont les personnages seraient des anti-héros : sa mémoire n'a été recueillie et conservée que par des juges et des notaires. Ils nous la li­vrent avec toute la froideur et l’objectivité du droit qu'on met en œuvre : quelques contrats de mariage, deux fidéicommis, des testaments, inventaires, transactions et plusieurs dossiers de procédure forment les sources de cette histoire. Il y a là de quoi combler un historien du droit.                              
3    Mais peu à peu un troisième objectif est apparu : éclairer l’histoire de La Roquette Saint-Martin, le territoire du fief concerné, au moyen d’un épisode particulièrement évocateur de son histoire seigneuriale.
Le croisement des sources finit en effet par raconter une histoire : une famille de notables niçois, les Bonfiglio[1], s'endette pour poursuivre son ascen­sion sociale ; elle obtient pour son descendant un titre seigneurial mais divers déboires l'empêchent de tirer socialement parti de la promotion. Les difficultés s’accumulent en même temps que les dettes s’accroissent. Vient alors le temps des successions difficiles, celles qu'on accepte sous bénéfice d'inventaire puis celles qu'on répudie.
Un procès de cinquante ans sert de fil conducteur à cette his­toire : une meute de créanciers, un fief à vendre, difficilement aliénable pour cause de primogéniture, un frère ainé absent... le tout sur fond de droit féodal. L'acte juridique le plus simple s'y développe, dure, se croise avec d'autres, formant une trame serrée d'informations. On entre ici dans le cœur d'un de ces procès interminables qui poursuivent une famille pendant plusieurs générations.
La justice observe, agit avec lenteur, évite manifestement de brus­quer les choses, dans une affaire finalement très délicate puisqu’elle mettait en cause un vassal du souverain. Quand on connaît la place du lien féodal et de l'hommage prêté au roi dans le royaume de Piémont-Sardaigne, encore au XVIIIe siècle[2], on comprend cette prudence : une affaire de fief qui pour­rait devenir une affaire d’Etat ; une déconfiture seigneuriale qui pourrait éclabousser la noblesse de la province[3]. La matière justifie toutes les prudences et toutes les transactions. Jusqu'au jour où il faut trancher, conserver ou vendre le fief, tout simplement parce qu'on n'a plus la force de tenir son rang à tout prix.
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L’étude est restée inédite en raison d’un format inadapté. Une publication eût nécessité des réductions et des simplifications qui eussent altéré la place des notes. Or il me paraissait important qu’on puisse retrouver, voire reconstituer et même vérifier le travail de recherche.
 Aucune mise à jour bibliographique et archivistique, n’a été effectuée pour cette édition.
Les intertitres sont nouveaux.

 

                                             En  Annexes:

 Généalogie sommaire des Bonfiglio et dévolution du fief de La Roquette

                                              
Ci-dessous
Les cinq mariages qui forment la trame de cette étude
Parce que cette histoire patrimoniale est aussi une histoire matrimoniale
Alexandre Laugieri épouse Françoise Victoire Barralis en 1674
La sœur d’Alexandre Laugieri, Anne Marie, épouse Pierre Antoine Bonfiglio en 1652
Leur fils Jean Paul Bonfiglio épouse Benoite Laugieri-Gioffredo en 1688
Leur premier fils, Pierre Alexandre Bonfiglio épouse Marie Madeleine Ricci en 1715
Leur deuxième fils, Antoine François Bonfiglio épouse Françoise Marie Blavet en 1721
Leur fils, Jean Ludovic Bonfiglio épouse Françoise Victoire Baudoin en 1759
         
Et les cinq dernières investitures du fief de la Roquette
Parce que cette histoire seigneuriale est aussi une histoire féodale
 Alexandre Laugieri investi du fief le 16 avril 1698
Jean Paul Bonfiglio investi du fief le 17 juillet 1717
Antoine François Bonfiglio investi du fief le 13 mars 1734
Jean Ludovic Bonfiglio investi du fief le 22 mars 1776
Joseph Vincent Lascaris investi du fief le 16 janvier 1778
 
M.B. Janvier 2020
 
 
 
Perché sur un piton rocheux le château de La Roquette semble monter la garde face au confluent du Var et de l'Estéron. Serrées autour du château les maisons forment rempart. En contrebas le village de Saint-Martin blotti dans un renfoncement de la vallée tire profit des activités de passage du fleuve et du flottage des bois. Alentour, des vignes et des oliviers à perte de vue et dans chaque vallon une multitude de jardinets soigneusement entretenus.
Le terroir de La Roquette-Saint-Martin n'est pas pauvre. C'est du moins l'avis de l’admi­nistration ; l'intendant de la province dans une enquête économique le présente au milieu du siècle presque comme un pays de cocagne, surtout si on le compare à d'autres lieux du Comté infiniment moins favorisés[4].
Les difficultés sont ailleurs : le Var trop impétueux, dont on ne parvient pas à détourner le cours et qui coule au ras des maisons de Saint-Martin, provoquant souvent d'énormes dégâts, et ces incessantes que­relles entre Roquettois et Saint-Martinois à propos de l'emplacement des moulins banaux[5], du salaire et du choix du maître d'école, de la nomi­nation du desservant de l'église de Saint-Martin ou encore de l'adminis­tration du mont de piété[6].
 A côté de tous ces problèmes les difficultés financières des Bonfiglio, seigneurs du lieu, sont secondaires : à La Roquette-Saint-Martin, il y a longtemps que le seigneur ne prend plus une part prépondérante à l'administra­tion communale. Mais on aimerait tout de même savoir comment cela finira. Le fief sera-t-il vendu pour payer les dettes ? Qui sera alors le nouveau sei­gneur ? Celui-ci fera-t-il jouer les clauses de rachat des droits féodaux vendus depuis longtemps à la communauté et à des particuliers ? Considéré sous cette angle le problème Bonfiglio concerne évidemment tout le monde.
                  Un cadet bien embarrassé
Jean Ludovic Bonfiglio, fils d’Antoine François, l’ancien seigneur de La Roquette décédé en 1768, serait bien embarrassé pour ré­pondre à toutes ces questions. Le fief ? Disons qu'il préfère ne plus en entendre parler. Il a refait sa vie autrement. Depuis son mariage le 26 février 1759 [7] il a quitté le château et s’est installé dans une mai­son du village, avec son épouse Françoise Victoire Baudoin native du lieu. Le fils du seigneur est devenu un simple notable rural.
Sans doute son père aurait-il souhaité mieux : une roturière, une petite dot de 1200 livres essentiellement en rentes et en créances diverses[8]. Le mariage ne fut d'ailleurs pas célébré à Nice, mais à La Roquette.
A Nice on a certainement parlé de mésalliance. A La Roquette et à Saint-Martin on pouvait considérer les choses autrement : Jean Ludovic participait à la vie du village[9] et cette union honorait la communauté toute entière Quelques mauvaises langues auraient même pu laisser entendre que si mésalliance il y avait c’était plutôt du côté Bonfiglio. Qu'on en juge]
          Un fief sans seigneur depuis la mort de son père Antoine François dans la nuit du 24 au 25 juillet 1768[10].
          Un frère aîné, Jean, qui a disparu depuis 1749 : il s'est engagé dans les armées du roi de France, à moins qu'il ne s'agisse de celles du roi d'Espagne -on ne sait exactement- à l'époque où les troupes franco-espagnoles occupaient le Comté. Personne ne sait où il ne se trouve ni même s'il est encore en vie[11]. Or le fief est grevé depuis 1715 d'une primogéniture, qui, si elle protège le fief contre tout risque de démembrement, interdit à Jean Ludovic de succéder à son père en l'absence du frère ainé[12].
Un patrimoine obéré de dettes, plus de trente mille livres, que les Bonfiglio ne parviennent pas à rembourser. Une bonne vingtaine de cré­anciers qui attend depuis plus de cinquante ans que le patrimoine Bonfiglio soit vendu[13]
 
Le patrimoine Bonfiglio
Le patrimoine Bonfiglio ? On en fait vite le tour : des droits sur les biens détenus, sans fondement estime Jean Ludovic, de deux vieilles tantes, sœurs de son père. Celui-ci a pourtant obtenu il y a une dizaine d'année une décision de justice favorable. Mais les tantes ont refusé d'ob­tempérer et multiplient les difficultés. L'affaire est assez compliquée pour risquer de durer encore longtemps. Sans doute faudra-t-il transiger, ne serait-ce que pour obtenir la meilleure partie de ce patrimoine, une belle maison de campagne avec dépendances, sur les hauteurs de Nice à Saint-Barthélemy. Le tout vaut bien 10.000 livres [14]. Mais rien n'est encore fait.
A cela s'ajoutent les droits sur la succession de sa mère, Fran­çoise Marie Blavet décédée en 1743[15]. Mais il faudrait pour cela que son frère ainé Jean, héritier universel, soit sans enfant. En attendant sa
 mère lui a seulement légué par testament 15 doubles de 15 lires par an[16]. Autant dire peu de choses.
Quant à la succession de son père, elle se limite au seul fief de La Roquette grevé, comme on l'a vu, d'une primogéniture et donc inven­dable. Il y a longtemps que les biens libres, c’est-à-dire non féodaux, y compris la maison familiale de Nice, rue de l'Abbaye, ont été vendus pour satisfaire les créanciers.
 
Le fief de La Roquette
 Ce qui reste constitue tout de même un assez beau patrimoine. En l'absence de son frère, Jean Ludovic en a été nommé curateur le 30 sep­tembre 1768[17] : un château, la haute juridiction et ses prérogatives annexes : droit de ban, droit de préemption sur les ventes d'immeubles sur tout le territoire du fief, droits sur les eaux, concession du passage du Var, monopole des moulins et des fours, quelques hectares de bonne terre, des cens, etc. Les attributs et prérogatives d'un seigneur féodal.
 La réalité est toutefois un peu différente ; plu­sieurs de ces droits et biens ont été au cours des deux derniers siècles sévèrement écornés par la Communauté et quelques notables du lieu : profi­tant des besoins d'argent des seigneurs, ils ont peu à peu racheté la bana­lité des moulins et des fours, une partie de la bandite, quelques cens et quelques belles pièces de terre. Tout cela s'ajoute à plusieurs droits trop archaïques pour être perçus en cette fin de XVIIIe siècle.
Certes, les droits et biens démembrés ont vocation à faire retour au fief : il suffit que le seigneur rachète. Encore faudrait-il en avoir les moyens : 10000 livres n'y suf­firaient sans doute pas. Pour l'instant en tant que curateur Jean Ludovic se contente de percevoir ce qui reste de ces revenus seigneuriaux : 500 livres par an sur un total de 1500 livres. A La Roquette-Saint-Martin il y a longtemps que le seigneur n'est plus maître de son patrimoine féodal[18].
Jean Ludovic pare au plus urgent
En fait Jean-Ludovic ne possède rien. Plus tard, si son frère est déclaré absent par le juge, il obtiendra peut-être la maison de Saint-Barthélemy et quelques droits sur la succession de sa mère, du moins ce qu'il en reste. Quant au fief, à quoi bon revendiquer la succession, même sous bénéfice d'inventaire.
On pouvait en effet estimer le fief à quelque trente mille livres ; il y avait de quoi payer les créanciers. Mais comme le fief était invendable pour cause de substitution fidéicommissaire, la fameuse primogéniture, Jean Ludovic serait tenu de rembourser les créanciers sur ses propres biens futurs, par exemple la maison de Saint- Barthélémy. C'est ce qui était déjà arrivé à son grand-père Jean Paul et à son père Antoine François qui avaient chacun à leur tour pourtant accepté la succession sous bénéfice d'inventaire. Mieux valait en l'état actuel des choses rester curateur.... à 500 livres par an!

Dans l'immédiat Jean Ludovic pare au plus urgent. Peu de temps après la mort de son père il a procédé à l'inventaire des biens qu'il esti­me correspondre à sa part de légitime, comme le lui permet la loi[19] : un peu de mobilier, un coffre, trois lits, quelques bancs, des ustensiles de cuisine, quelques petites pièces de terre, non sans insister sur les amélio­rations apportées par lui-même au cours des années précédentes, alors que déjà du vivant de son père il les exploitait pour son propre compte. On régulariserait tout cela au retour de son frère ainé... ou le jour où une décision de justice permettrait la vente du fief[20].Les alliances matrimoniales n'avaient fait que sanctionner1 cette impécuniosité.Déjà en 1743 une sœur de Jean Ludovic, Marie Catherine n'avait trouvé de meilleur parti qu'un nommé Ange Rainaud, avec une dot semble-t-il à peine congrue[21]. Une autre sœur, Marie Madeleine, avait épousé un notaire de l'Escarène Jean Baptiste Fulconis[22]. Enfin une troisième sœur Marie Thérèse ne trouvait pas à se marier et devait atten­dre 1770 et l'âge de 46 ans pour épouser Jean Ludovic André, veuf et "chirurgico" de son état, domicilié à La Roquette[23]. Jean Ludovic se trouva évidemment dans l'impossibilité de verser la moindre dot à sa sœur[24]. Il lui promettra encore en 1777 de lui verser 500 livres pour les droits qu'elle pourrait faire valoir à titre de dot congrue sur la succession de leur commun père[25].

      Endettement pour cause d'ascension sociale
          Cette dette était une vieille histoire. Elle ne résultait pas d’une gestion dispendieuse du patrimoine familial. Elle était plus honorable. Elle trouvait son origine dans les frais occasionnés par l’ascension sociale de la famille Bonfiglio.
 
Un grand mariage … à La Roquette
          La dette remontait effectivement en grande partie au siècle précédent lorsque son bisaïeul Pierre Antoine Bonfiglio1 avait épousé en 1652, à La Roquette, Anne Marie Laugieri, fille de Pierre Antoine, seigneur du lieu[26]. L'union était intéressante. Le père et le grand-père de Pierre Antoine Bonfiglio avaient occupé la charge de procureur fiscal général au Sénat de Nice, la cour souveraine de la province. La charge, assurément moins élevée que celle de sénateur, avait tout de même assuré la promotion de toute la famille. Conférait-elle la noblesse, même graduel­le ? Il est difficile de l'affirmer, mais à Nice tout ce qui touchait au Sénat était tellement valorisant qu'on peut penser que les Bonfiglio fai­saient peu à peu leur entrée dans la Noblesse niçoise. Encore une géné­ration et ce serait chose faite. Mais Pierre Antoine n'avait pu reprendre la charge suite à des réductions d'offices imposées par Turin. L'ascension sociale s'arrêterait donc là ? Ce mariage avec la Demoiselle de La Roquette était le bienvenu : il lui permettait de consolider une situation encore précaire[27].
De leur côté les Laugieri étaient en difficulté financière. Personne à Nice ne l'ignorait ; la dot versée par Anne Marie en témoignait : son père lui constituait en dot 1200 ducatons que, dans l'impossibilité de payer comptant, il s'engageait à verser dans les deux ans. Pour sûreté du paiement il établissait une hypothèque sur la maison familiale de Nice, rue de la Grand Place, face à l'église du Gésu. La dot, qui ne correspondait manifestement pas à ce qu'on pouvait attendre d'un seigneur de La Roquette, était complétée par tout ce qu'Anne Marie pourrait recevoir de la part de sa tante Madeleine épouse Martini, le tout étant considéré comme augment de dot. Bonfiglio de son côté versait 400 ducatons pour cause de noces[28]. Et on rappellera que le mariage fut célébré à La Roquette, et pas à Nice. Des noces campagnardes, un parti endetté. L’aventure nobiliaire des Bonfiglio commençait dans la discrétion.
 
Arrivée sur la scène matrimoniale de l’Abbé Gioffredo
Pierre Antoine Laugieri décéda en 1671[29]. Ses fils Honoré et Alexandre lui succédèrent. Le premier avait épousé Françoise de Giraud en 1656[30]; le second épousera en 1674 Fran­çoise Victoire Barralis[31]. Les années passant, il paraissait de plus en plus certain qu'aucun des deux frères n'aurait de descendance. Anne Marie qui venait d'avoir un fils, prénommé Jean Paul, pouvait espérer voir celui-ci devenir seigneur de La Roquette. Les affaires des Laugieri devenaient ainsi chaque jour un peu plus celles des Bonfiglio. On passa une convention en 1675 pour solder la dot[32]; Pierre Antoine Bonfiglio s'engageait à aider les deux frères Laugieri. Il remboursera par la suite directement plusieurs vieilles dettes des Laugieri, devenant progressivement leur plus gros créancier[33].
La position sociale des Bonfiglio se consolidait peu à peu. Il restait à trouver une consécration familiale. Le mariage de Jean Paul Bonfiglio, fils de Pierre Antoine et d’Anne Marie, avec Benoîte Laugieri, nièce de l'Abbé de Saint-Pons Pierre Gioffredo, marque cette reconnaissance sociale. Il eut lieu à Nice dans l’église Saint-Martin-Saint-Augustin le 25 avril 1688[34].
Ce fut certainement un grand mariage. L’Abbé fait partie à cette époque des personnes les plus influentes du Comté de Nice ; il occupe à Turin depuis plusieurs années des fonctions importantes :  historiographe du duc, précepteur du prince de Piémont -le futur Victor Amédée II-, bibliothécaire ducal et chevalier de l'Ordre des saints Maurice et Lazare[35]. Une dot de 300 doubles, effectivement versée, marquait l’importance de l’union. A quoi Jean Paul pouvait ajouter l'espoir de voir un jour son épouse hériter de la moitié du patrimoine de son célèbre oncle[36]. Huit enfants, trois garçons et cinq filles naîtront de ce mariage.
 
La promotion nobiliaire de Jean Paul Bonfiglio
L'avenir était assuré. Alexandre Laugieri testa en 1702 en faveur de son neveu Jean Paul, établissant par le même acte une primogéniture qui mettait le fief à l'abri de toute division et imposait à Jean Paul de le transmettre sans distraction à son fils ainé Pierre Alexandre qui devait lui-même le transmettre à son fils ainé et ainsi de suite[37].
Alexandre Laugieri décéda le 7 mai 1715. Jean Paul s'empressa d'accepter la succession. Il demandait toutefois le bénéfice d'inventaire[38] parce qu'en fait il n'était pas très sûr de bien connaître la situation financière de son oncle. Mais l'opération ne pouvait être mauvaise ; le fief était de grande valeur. Et surtout Jean Paul accédait à la noblesse héréditaire puisqu’il devenait seigneur de fief et que le droit féodal en vigueur dans les Etats de Savoie liait la noblesse et le fief. Il consolidait ainsi une noblesse personnelle pas très assurée, comme on l’a vu, au moyen d’une noblesse héréditaire qui rejaillissait sur toute sa famille[39].
Cette situation permettait ainsi à Jean Paul de faire son entrée dans la meilleure société niçoise en obtenant pour son fils ainé Pierre Alexandre la main de Marie Madeleine Ricci, fille du fortuné Pierre Ricci, coseigneur de Châteauneuf, troisième née d'une famille de douze enfants qui connaîtront pour la plupart la réussite sociale[40]. Le mariage fut célébré avec solennité le 17 novembre 1715 dans la cathédrale Sainte-Réparate. Financièrement on pouvait l'évaluer ainsi : une dot de 800 doubles avec trousseau et bibliothèque[41]...  et un beau-père, Pierre Ricci, désormais partie prenante dans la succession de La Roquette : un de ses petits-enfants serait peut-être un jour seigneur de La Roquette.
   Les surprises de la succession Laugieri
En fait depuis le 4 février 1715[42] les choses n'étaient plus aussi simples. Ce jour-là, Alexandre Laugieri avait changé d'avis. Malade, un peu trop délaissé par Jean Paul son neveu et héritier présomptif, le seigneur de La Roquette avait accédé aux sollicitations de son épouse Françoise Barralis. Que deviendrait-elle après la mort de son époux ? Elle n'ignorait bien évidemment pas que celui-ci lui avait légué dans son testament de 1702 l'usufruit de tous ses biens ; mais qui lui restituerait sa dot ? Elle ne pouvait compter sur Jean Paul. Elle avait déjà eu l'occa­sion de constater par le passé, alors que son époux était malade, qu'il n'était guère prêt à lui faire beaucoup de faveurs. En outre Jean Paul contesterait certainement le montant de cette dot : elle avait été cons­tituée par contrat du 20 septembre 1706 à partir de divers remboursements effectués par elle pour le compte de son mari ; en tout 950 doubles d'or d'Italie. Une somme considérable ! Un contrat signé après 32 ans de mariage. Non, décidément Jean Paul ne restituerait jamais une telle somme.
Le traquenard successoral de la Dame Barralis
Par contre elle avait un neveu, Barthélémy, fils de son frère Joseph Constant époux de Marguerite Borriglione, coseigneur de Peillon[43]. Barthélémy, docteur en droit, avocat, était promis à un bel avenir ; il semblait en outre prêt à rembourser la dot de sa tante. Il suffisait que le seigneur de La Roquette fasse un geste. Et c'est ainsi qu'avec son époux la Dame de La Roquette manigança contre Jean Paul un véritable tra­quenard successoral.
Le 4 février 1715 Alexandre Laugieri faisait donation pour cause de mort à Barthé­lémy de la moitié du fief. Celui-ci s'engageait à payer la dot de sa tante, qui en outre bénéficiait d'un usufruit. Jean Paul Bonfiglio avait la possi­bilité de racheter cette part pour 500 doubles et de son côté Barthélémy pouvait racheter la part de Jean Paul, au cas où celui-ci déciderait de vendre, de préférence à tout autre acheteur, à 5 sous moins[44]. Pour com­pléter le dispositif, la Dame de La Roquette testait le 1er juillet 1715 en faveur de son neveu Barthélémy[45]. Rien ne laisse penser que Jean Paul Bonfiglio ait été mis au courant de ces modifications qui réduisaient considérablement la portée du testament de 1702.
Le testament d’Alexandre Laugieri

Le seigneur de La Roquette mourut le 7 mai 1715 en début d'après-midi au château ; sa veuve s'empressa d'adresser au Sénat l'attestation de décès, signée du curé du lieu Deorestis, afin qu'on puisse procéder à l'ouverture du testament de son défunt époux : l'opération se déroula le même jour dans la salle de conférences de la Cour : le testament était daté du 27 juillet 1702. Alexandre Laugieri s'expliquait, tant à propos de la primogéniture en faveur de Jean Paul que de l'usufruit en faveur de sa femme : il éprou­vait le soin de faire ce testament surtout pour protéger son épouse contre les manœuvres de son neveu et pour la remercier du dévouement dont elle avait fait preuve pendant une récente maladie ; il lui léguait l'usufruit de tous ses biens, son lit de damas avec toutes ses garnitures, couvertures de soie, tentures damassées et tous les bijoux, perles, argenterie, meubles et effets qui se trouveront au jour de sa mort dans sa maison de Nice ainsi que la moitié de ce qui se trouvera à La Roquette. L'usufruit était protégé : au cas où Jean Paul déciderait d'évincer sa tante il devrait lui verser une rente annuelle de 100 ducatons.

Ces protections mises en place, Alexandre Laugieri fixait les droits de son neveu : Jean Paul était institué héritier universel mais l’en­semble du patrimoine était grevé de la fameuse substitution fidéicommissaire. Recommandant son âme à Dieu, le vieux seigneur demandait à son épouse et à défaut à son héritier, de faire dire, dans l'é­glise de La Roquette, 600 messes à son intention. Jean Paul devait en outre dans les cinq ans suivant son décès, faire aménager une chapelle dans l'église paroissiale et la décorer d'un tableau représentant Saint Antoine de Padoue, Saint Bruno et Saint François d'Assise[46].

Pour Jean Paul, les ennuis commençaient : un patrimoine très difficilement aliénable, surtout dans sa partie féodale, une meute de cré­anciers attendant la liquidation de la succession Laugieri, un concurrent direct sur le fief en la personne du neveu de sa tante Barthélémy Barralis et une tante nantie d'un solide usufruit. Ce flot de mauvaises nouvelles n'entraina cependant pas la rupture des fiançailles entre Pierre Alexandre et Marie Madeleine Ricci. On attendrait le décès de la Dame de La Roquette ; au besoin on rachèterait son usufruit comme d'ailleurs on comptait bien racheter la part de Barthélémy. Avec Ricci, tout cela devenait possible. Effectivement, en faisant cette donation le 4 février 1715 en faveur de Barthélémy, les époux Laugieri ne se doutaient pas que Jean Paul, grâce au riche mariage de son fils, aurait les moyens de contester la part de Barthélémy et de la racheter.

La douteuse constitution de dot de la Dame de La Roquette
C'est ainsi que les choses vont se passer. La Dame de La Roquette décède le 29 jan­vier 1717[47]. Sans perdre de temps Barthélémy, bien placé au Sénat où il exerce les fonctions de substitut, obtient de la Cour l'envoi en pos­session du château et de ses dépendances. Mais Bonfiglio père et fils sont déjà sur place[48]. Barthélémy renouvelle sa démarche le lendemain. En vain. L'affaire est portée devant le Sénat, puis à Turin devant la Regia Camera de conti; l'imbroglio testament-donation est cependant tel que Barthélémy et Jean Paul comprennent qu'ils vont au-devant d'un procès interminable. Par l'en­tremise d'amis communs une transaction est mise au point : Barralis renonce à la donation du 4 février 1715 et réclame ce qui lui est dû en contrepartie, soit 500 doubles, plus ce qui lui est dû en tant qu'héritier de sa tante, soit 950 doubles au titre de la restitution de dot sans compter quelques legs, les effets, les bijoux et l'argenterie[49].
La somme est considérable. Bonfiglio se doutait que Barralis pla­cerait ses exigences très haut, mais pas à ce point-là. Quelques vérifications s’imposaient, surtout à propos de la dot. Ce contrat tardif de 1706 et cette forte somme lui avaient toujours parus suspects.
Dès la mort de son oncle il avait ainsi engagé une petite enquête qui l'avait conduit à Nice, rue de la Barillerie, près du monastère de la Visitation, chez la veuve du procureur Vincent Gioffredo, un cousin de sa femme Benoite. Après quelques démarches auprès de l'office du Tabellion on obtint l'autori­sation de procéder à une recherche dans les archives de la veuve du procu­reur. Et c'est ainsi que le 5 février 1716 on découvrit dans un coffre de bois blanc, parmi d'autres papiers, un contrat de mariage non insinué, passé entre la Dame Barralis et le seigneur de La Roquette à l'époque de leur mariage. Ce fut …Pierre Ricci, notaire et secrétaire de l'office du Tabellion, qui fut dépêché pour retirer le contrat[50]. Décidément, les appuis familiaux de Jean Paul ne manquaient pas d’efficacité.
Le contrat retrouvé comportait une constitution de dot plus modeste et plus conforme à la fortune de la famille de Françoise Victoire Barralis : 2000 ducatons légués par testament par son père défunt, Jean François, plus 400 ducatons légués par sa mère Dame Lucrèce Achiardi. Françoise renonçait à tous ses droits sur les successions de ses père et mère. La dot s’élevait donc réellement à 2400 ducatons, soit environ 300 doubles ; on était loin des 950 dou­bles du contrat de 1706, d'autant que ces 2400 ducatons n'étaient pas ver­sés en espèce mais sous forme d'un capital dont la nouvelle épouse ne per­cevrait que le revenu annuel[51].
Forts de cette découverte Bonfiglio père et fils font alors baisser les prétentions de Barthélémy Barralis. Le 22 mai 1717 une conven­tion est signée entre Bonfiglio et Barralis : elle met un point final à l'affaire : Bonfiglio restitue la dot de sa tante sur la base et sous la forme de ce qui a été effectivement constitué, c'est-à-dire qu'il se borne à restituer les cens versés par les débiteurs de ce capital. S'agissant ensuite de la part de fief comprise dans la donation du 4 février 1715 et revendiquée par Bonfiglio, plus les legs faits à sa veuve par le défunt seigneur de La Roquette, les deux parties s'accordent sur une somme de 500 doubles, 400 doubles provenant du produit de la vente faite à Ricci de la maison Laugieri de Nice sise rue de la Grand Place, les 100 doubles restant devant être payés par les Bonfiglio dans les 5 ans. Enfin Barthélémy héritait de tous les effets de sa tante dont, en particulier, un collier de perles, un topaze, un anneau de diamant, le grand miroir qui se trouve dans le salon de la maison de Nice, l'argenterie et autres objets de valeur[52].
Jean Paul Bonfiglio pouvait penser en avoir terminé. Il était enfin et sans contestation seigneur de La Roquette. Le 17 juillet 1717 il obtenait l'investiture du fief[53].
Le mauvais sort s'en mêle
Le destin en décida autrement. Pierre Alexandre mourut peu de temps après. Ce décès imprévisible posait le problème redoutable de la restitution de la belle dot de Marie Madeleine Ricci déjà engloutie dans la succession Laugieri[54]. Ricci s'ajoutait ainsi à la déjà longue liste des créanciers.
 
Les difficultés financières de Jean Paul Bonfiglio
Antoine François, le second fils de Jean Paul était cependant prêt à prendre la relève. Lui aussi comme son frère avait obtenu la "laurea" et était devenu avocat[55]. Il épousa à l'âge de 26 ans, le 6 juillet 1721, Françoise Marie Blavet fille de feu le vassal Barthélémy Blavet[56] cosei­gneur de La Brigue, ancien gouverneur de La Turbie (où Françoise Marie est d'ailleurs née) puis du Mont-Alban[57]. L'épouse se constituait en dot tous les biens qu'elle pourrait obtenir sur l'héritage paternel plus une maison, constituée en dot par sa mère, Jeanne Marie Audiberti, toujours vivante, sise à Nice rue de la Roaccia, d'une valeur d'environ 200 livres[58], plus les intérêts d'un capital de 100 livres versés par sa mère. En 1730 cette dot sera évaluée à 3000 livres[59]. On était loin de la dot de Marie Madeleine Ricci !
La dégradation de la position sociale des Bonfiglio est en cours. Deux ans plus tard, en 1723, le troisième fils de Jean Paul, Jean André épouse Lucrèce Blavet, une sœur de Françoise Marie Blavet[60], veuve en premières noces de l'avocat Victor Maurice De Orestis depuis 3 ans [61]. Une fille et deux garçons étaient nés de ce premier mariage[62]. Lucrèce Marie était âgée de 34 ans, Jean André de 20 ans. Le 16 mai 1724 naissait un garçon que l'on prénomma Antoine François[63]. Jean Paul et Benoîte Bonfiglio avaient donné leur accord à ce qui n’était manifestement pas un grand mariage. Ils faisaient en outre donation de 400 doubles à Jean André pour cause de noces ; ces doubles devaient être pris sur les biens présents et futurs des donateurs. Dans l'immédiat rien n'était versé[64].
Entretemps deux filles de Jean Paul s'étaient mariées : l'une Marie Camille[65] avec Jean Baptiste Martini de Bendejun, coseigneur de Châteauneuf[66], l'autre, Marie Thérèse[67] avec un nommé André Cotta[68].
Mais Jean Paul n'était pas au bout de ses peines. Il lui restait trois filles à marier, les trois cadettes : Lucrèce née en 1699, Anne Marie née en 1701 et Sinforosa née en 1706[69]. Or les difficultés matérielles ne facilitaient pas la recherche des meilleurs partis.
 
La liquidation des successions Laugieri et Bonfiglio
En 1727 le Sénat fit enfin procéder à la liquidation des successions Laugieri et Bonfiglio. On avait séparé en deux masses distinctes les deux séries de dettes : du côté Laugieri, l'essentiel des créances appartenait aux Bonfiglio ; on a vu comment ceux-ci avaient aidé les Laugieri avant le décès d'Alexandre. Mais il restait quelques vieilles dettes contractées par Alexandre ; Jean Paul en tant qu'héritier devait, s'en acquitter[70].
Du côté Bonfiglio, l'endettement accumulé de 1684 à 1723, d'abord pour aider les Laugieri, ensuite pour prendre possession du fief, était infiniment plus important : 35 doubles aux Pères Jésuites de Nice, 200 écus d'or à l'Hôpital Saint Roch, 500 livres aux Pères de Saint François de Paule, 10 louis d'or à Françoise De Orestis, 33 doubles au baron Honoré Grimaldi, 300 doubles à l'épouse de Jean Paul, Benoite, pour sûreté de sa dot, 100 ducatons à Virginie de Magistris, sœur de Benoite, pour une vieille histoire d'héritage, 8800 livres à Ricci pour la dot non restituée de Marie Madeleine...25 articles..... plus de 30000 livres[71].
Jean Paul mourut l'année suivante[72], intestat, laissant à Antoine François la charge d'une difficile succession. Il avait avant de mourir tout de même tenu à accomplir le vœu d'Alexandre Laugieri ; la chapelle latérale de l'église paroissiale avait été aménagée et était depuis peu ornée d’un beau tableau représentant Saint Antoine de Padoue, Saint Bruno, Saint François d'Assise et les âmes du Purgatoire. Jean Paul y trouva certainement un sujet de méditation sur la vanité des biens de ce monde.
 
     Les apports de la succession de l'Abbé Gioffredo
Jean Paul laissait une veuve, Benoite Laugieri-Gioffredo, et trois filles à marier. Il y avait longtemps que la dot de son épouse, 300 doubles d'or d'Italie, effectivement versée à l'époque du mariage en 1688[73] avait été absorbée par les affaires Laugieri-Bonfiglio. Benoite avait, comme son époux, tout fait pour voir un jour son fils ainé devenir seigneur de La Roquette. Mais de la façon dont évoluait la situation, il devenait urgent de protéger son propre patrimoine.
 
Les calculs de l’Abbé
Benoite avait hérité en 1709 de sa mère Jacqueline Gioffredo un assez beau patrimoine[74].Celui-ci lui venait de son frère l'Abbé Giof­fredo qui avait laissé à ses deux sœurs, Virginie et Jacqueline, la plus grande partie de ses biens. L’Abbé avait réglé sa succession par testament le 28 janvier 1686.
A Virginie, épouse du « proveditore » -intendant- des forts François Adrech, il laissait une maison rue Savetière, une partie de sa propriété de Saint Barthélémy -celle où était édifiée une chapelle dédiée à Saint Maurice-, une créance de deux cents doubles plus quelques petits cens.
A Jacqueline, épouse de l'avocat Laugieri -sans lien de parenté avec les seigneurs de La Roquette- il laissait une maison contiguë à la précédente mais donnant du côté de la rue de la Roaccia, une cave sous la maison de la rue Savetière, le restant de la propriété de Saint-Barthélemy avec la maison de campagne, une vigne au quartier de La Lanterne et un cens correspondant à un capital de 1500 ducatons. Chaque part des deux sœurs faisait l'objet d'une substitu­tion fidéicommissaire au profit de leurs fils ainés respectifs. Si une des deux sœurs n'avait pas d'enfants, sa part irait à l'ainé de sa sœur. En l'absence d'enfants mâles de l'un et l'autre côté, la succession de l'Abbé échoirait aux enfants du procureur Vincent Gioffrefo et à défaut, à ceux de Gaspard Gioffredo, tous deux ses parents. Si toute ligne masculine était éteinte la substitution opérerait alors en faveur de la cathédrale de Nice[75].
Le testament est remarquablement misogyne. En fait lorsqu'on y regarde de plus près il est tout entier tourné en faveur de Vincent et Gas­pard Gioffredo. L'Abbé sait parfaitement qu'il y a fort peu de chances pour que l'une ou l'autre part aille aux descendants de ses sœurs. En 1686 Jacqueline Laugieri n'a que trois filles et Virginie Adrech une fille et un garçon, Jean François Adrech, prêtre, futur prieur de Villefranche, à qui d'ailleurs l'abbé léguait l'usufruit de sa bibliothèque et de son cabinet d'antiquités[76]. ,La dernière disposition de l'Abbé éclaire d'ailleurs son intention : au cas où Jacqueline n'aurait pas d'enfant mâle il suffisait qu'une de ses trois filles épouse, avec la dispense de l'Eglise, Vincent ou Gaspard Gioffredo ; la substitution profiterait aux enfants nés de ce mariage. Traduisons : Jacqueline n’a que des filles et il y a peu de chances pour qu’elle puisse avoir d'autres enfants. Si elle veut que la part d’héritage aille à ses enfants elle a tout intérêt à favoriser l'union d'une de ses filles avec l'un ou l'autre cousin.
 
Benoite, héritière Gioffredo, aide son mari et son fils
Deux ans plus tard, le 25 avril 1688, à l'occasion du mariage de Benoîte avec Jean Paul Bonfiglio l'Abbé se ravisait et corrigeait le testament par un codicille. Le mariage de Benoite avec le futur -peut-être- seigneur de La Roquette méritait quelques attentions. Il célébra lui-même la messe de mariage à Nice en l'église Saint-Augustin, constitua à sa nièce une dot de 300 doubles et rectifia le fidéicommis en sa faveur, à charge de le transmettre à son fils ainé. C'est du moins de cette façon que le Sénat interprétera le codicille[77].
Gioffredo mourut le 11 novembre 1692 à l'âge de 62 ans. Ses deux sœurs lui succédèrent, chacune dans leur part. Jacqueline décéda en 1709[78]. La substitution opéra alors tous ses effets en faveur de Benoite... à un mo­ment où son époux Jean Paul avait le plus grand besoin d'argent : la dot de 300 doubles y fut donc employée, de même que plusieurs biens meubles, bijoux, argenterie ou autres. Dans la collocation des créanciers en 1727 on trouve ainsi au profit de Benoite une somme de 418 ducatons qualifiés de "stradotali », outre la dot mentionnée ci-avant ; ces dettes étaient placées respectivement en quinzième et quatrième rang. C’est dans ces difficultés que mourut Jean Paul Bonfiglio en 1728.
Face à tout cela, Benoite faisait son possible pour protéger ses intérêts et ceux de ses enfants[79]. Sa dot lui fut ainsi partiellement remboursée dès 1729 sur une partie du produit de la vente de la maison de famille des Bonfiglio, rue de l'Abbaye, achetée par les Pères jésuites en 1723[80]. Une partie de cet argent fut d'ailleurs aussitôt employée pour aider son fils Antoine François, le nouveau seigneur. En 1729 elle lui cédait ainsi 2000 lires, celui-ci s'engageant à lui verser 5 % d'inté­rêts[81].
Mais la vente de la maison Bonfiglio n'a pas suffi à satisfaire la longue liste des créanciers. Antoine François doit faire flèche de tout bois ; il emprunte à sa mère, on l'a vu, rembourse en argent ce qu'il peut, constitue une rente de 156 livres par an à Ricci sur la belle campagne du Clot à La Roquette (capital de 3900 livres), emploie la dot de son épouse Françoise Blavet, toujours pour rembourser Ricci (3000 livres)[82].
 
Puis décide de protéger ses filles au mépris du fideicommis
 Un véritable tonneau des danaïdes que cette succession ! Benoite a compris qu'après sa mort son patrimoine y serait englouti. Elle décide alors de mettre à l'abri du besoin ses trois filles non mariées, Lucrèce, Anne Marie et Sinforosa[83]. Le 5 août 1734 elle teste en leur faveur... au mépris du fidéicommis de l’Abbé Gioffredo[84]. Benoite décède en 1743[85]. Les trois cadettes, respectivement âgées de 44, 42 et 37 ans, s'installent à Saint-Barthélemy.
Les réactions ne tardent pas. Les premiers à se manifester sont les enfants de Jean André, Antoine François et Dominique François. Leur mère Lucrèce Blavet est morte en 1742 ; leur père a disparu depuis plusieurs années. Ils re­vendiquent la donation pour cause de noces de 400 doubles faite par Jean Paul et Benoite en faveur de leur père en 1723. Les trois sœurs refusent, perdent un procès devant le Sénat, puis finissent, en 1750 par s'arranger avec les deux neveux : elles ne paient pas la donation de 400 doubles (pourquoi la succession de Benoite aurait-elle supporté seule cette donation ?) mais restituent une somme correspondant à leur part de légitime (2408 livres ) prise sur le produit de la vente de la maison de la rue de la Roaccia et versent en outre à chaque neveu 503 livres pris sur le produit de la vente de la vigne de La Lanterne[86].
La seconde réaction est évidemment celle d'Antoine François qui perd le bénéfice du fidéicommis et voit ses sœurs disperser la succession Gioffredo en vendant la maison de Nice et la vigne de La Lanterne. Une première décision de justice en 1745 lui interdit de troubler la possession de ses sœurs et conteste ses droits sur le fidéicommis. Antoine François fait appel. Les années passent et en 1756 il obtient enfin gain de cause : ses droits sur la primogéniture Gioffredo sont enfin reconnus ainsi que sur les fruits à compter du jour de la demande[87].
Mais les sœurs résistent ; entretemps Lucrèce est morte, après avoir institué héritières ses deux sœurs[88]. Il faut discuter et transiger sur le montant des restitutions à opérer puisque leur occupation est déclarée sans fondement : elles contestent la restitution des déductions légales et accidentelles effectuées sur le patrimoine depuis 1692 ainsi que les dots prélevées au profit des nièces Gioffredo; elles contestent aussi la restitution de la moitié des dépenses funéraires de l'Abbé, de la moitié des legs portés dans le testament de Gioffredo qui doivent être présumés payés, la légitime versée aux neveux, fils de Jean André... Bref, les frais avaient été si considéra­bles qu'il ne fallait pas s'étonner qu'il n'y ait plus ni bijoux, ni argen­terie et qu'il ne reste plus que le fonds de Saint-Barthélemy. Suprême moyen de défense des deux sœurs survivantes : elles invoquaient le bénéfice de la quarte trébellianique au profit du grevé de substitution. Peut-être par ce moyen pourraient-elles demeurer à Saint-Barthélemy. On le leur refusa au motif que toute diminution du fidéicommis avait été prohibée dans le testament de 1'Abbé.
Antoine François rejeta le tout ; il n'acceptait de prendre en considération, que les dépenses effectuées par les sœurs pour entretenir les biens occupés, comme par exemple les importants frais occasionnés par le va et vient de soldatesque entre 1743 et 1749 lors de l'occupation franco- espagnole du Comté[89] durant la guerre de Succession d’Autriche.
 
La dispersion de la bibliothèque et du cabinet d’antiquités de l’Abbé
Le fidéicommis mis en place par 1'Abbé Gioffredo était réduit à presque rien.  D’ailleurs même la partie la mieux protégée, le cabinet d'antiquités et la bibliothèque, avaient été dispersée ! L'un et l'autre ne manquaient pas d'intérêt : curiosités historiques, pièces rares, près de six cents ouvrages. L'érudit Abbé de Saint-Pons était assez conscient de la valeur de ses collections pour en confier l'usufruit et la garde à son neveu Jean François Adrech, curé de Villefranche, à charge de les restituer intactes à ses deux sœurs, Virginie et Jacqueline, au titre du fidéicommis.
Mais la collection était trop belle et trop connue. Sa réputation s’étendait jusqu’à Turin : dès le mois d’avril 1698 les curiosités et antiquités, plus quelques livres, étaient transportés à Turin sur ordre du roi[90]. Jean François Adrech, ne conserva que la bibliothèque, quelque six cents volumes, dont le manuscrit en trois volumes de la célèbre Storia delle Alpi Marittime[91] et quelques antiquités. Scrupuleusement il restitua la moitié de la bibliothèque et de la collection restante à chacune des deux héritières sœurs de l'Abbé, après avoir mis de côté le manuscrit de la  Storia[92]. Qu'étaient devenus ces ouvrages ?
Jean François Adrech précisait en 1710, qu'il lui en manquait déjà une partie restée dans la maison de campagne de l'Abbé à Saint Barthélémy[93]. Le reste a été partagé. Benoite a pris sa part et l'a cédée à Antoine François... qui trouva là un bon moyen de preuve pour réclamer les ouvrages restés à Saint Barthélémy et disparus depuis.
 
Les secours de Françoise Blavet
La Dame de La Roquette, Françoise Marie Blavet, épouse d’Antoine François, était décédée entretemps. Elle avait dans la limite de ses possibilités, plus réduites que celles de sa belle-mère Benoite, fait de son mieux pour réduire la pression des créanciers : sa dot de 3000 livres y avait évidemment été employée ; son époux Antoine François lui avait constitué en contrepartie une rente de 150 livres assignée sur la pro­priété du Clot à La Roquette[94].
Par la suite elle avait obtenu de sa mère Jeanne Marie Audiberti, une terre située à la Vallière toujours à La Roquette-Saint-Martin d'une valeur de 3700 livres. Cette campagne avait par la suite été cédée pour satisfaire divers créanciers ; dans son testament du 24 avril 1745 Dame Blavet se disait ainsi "collocata" sur la succession Bonfiglio pour la valeur de ce bien. Elle léguait cette créance à ses trois filles, Marie Thérèse, Marie Benoite et Marie Catherine épouse Rainaud à charge pour cette dernière de faire dire plusieurs messes par an en l'église paroissiale pour les âmes du Purgatoire jusqu'à concurrence de la valeur d'un rub d'huile. Son époux et son fils Jean Ludovic recevaient pour leur part une pension annu­elle de 15 doubles de 15 livres chacun ... ce qui laisse penser que la Dame de La Roquette disposait encore de quelques biens. Son fils ainé était institué héritier universel et par "affection " pour son époux elle lui léguait l'usufruit de tous ses biens, afin qu'il les emploie à l'entretien de leurs enfants selon leur grade et dignité[95].
Antoine Français ne tarda pas à se remarier. Le 20 février 1746 il épousait Angèle Vachieri fille de feu Jacques André Vachieri cosei­gneur de Châteauneuf. Le mariage fut célébré dans l'intimité à Saint-Blaise[96]... loin de Nice et ailleurs qu'à La Roquette. On jugea dans l'immédiat inutile de procéder à un contrat de mariage. Ce n'est que deux ans plus tard qu'une dot était constituée à partir de sommes déjà versées par Angèle au profit de son époux et employées à rembourser des créanciers. Le tout pouvait monter à 2000 L[97].
       Fief à vendre
Jean Ludovic se trouvait donc le 25 juillet 1768 à la mort de son père dans une situa­tion peu ordinaire : un frère ainé absent, une succession grevée de deux substitutions et une masse de dettes à rembourser. On comprend son empressement à prélever sa part de légitime et son hésitation à accepter la succession[98]. L'absence de son frère ainé arrangeait en fait bien les choses : aucune décision définitive ne pourrait être prise tant que cette absence ne serait pas déclarée. Nommé curateur le 30 septembre 1768[99] il avait la possibilité de prendre un peu de recul tout en administrant la succession.  
C'est en cette qualité de curateur qu'il cite devant le Sénat ses deux tantes ainsi que les occupants des biens fidéicommissés de La Lanterne et de la rue de la Roaccia, distraits de la substitution fidéicommissaire établie par l’Abbé Gioffredo[100]. Jean Ludovic semble alors se satisfaire de cette situation de curateur. Réclamer la déchéance des droits de son frère ainé et accepter, même sous bénéfice d'inventaire l'ensemble de la succession ? L'entreprise est risquée : d'un côté l'espoir de récupérer la propriété de Saint-Barthélemy ; de l'autre l'obligation de continuer à rembourser les créanciers du "concorso". Le fief étant toujours invendable, ce qui serait restitué par les tantes risquait fort d'y être totalement employé.
 
Jean Ludovic devient enfin propriétaire
Mais cette solution n’était pas durable. Deux ans après, Jean Ludovic choisissait de devenir maître des deux patrimoines : l’ensemble féodal d’une part, le fidéicommis Gioffredo d’autre part. Ainsi le 16 juin 1770, s’appuyant sur une disposition des Royales Constitutions relative à l'absence des vassaux sans permission du souverain pendant, plus de deux ans, il obtient la déchéance des droits de Jean Paul à son profit[101]. Il devient seigneur de La Roquette.
S’agissant du fidéicommis Gioffredo, Jean Ludovic reprend le procès engagé contre ses tantes par son père, demande l'application stricte de la sentence du Sénat du 7 septembre 1756. Les deux sœurs en demandent la révision mais la Cour rejette une nouvelle fois toutes les déductions réclamées. Jean Ludovic hésite à faire appliquer la décision : les deux tantes sont dans l’indigence ; il choisit la voie de la transaction.
Le 12 mai 1772, Anne Marie et Sinforosa renoncent à toute pour­suite fondée sur la quarte trébellianique ou les frais d'entretien : tout cela est considéré comme couvert par la perception des fruits, la vente des meubles, bijoux, argenterie, curiosités et autres antiquités du cabinet de l'Abbé Gioffredo et la perception d'un cens annuel, sur un capital de 150 livres assigné sur la part de Jacqueline et dû par un nommé Charles Trabaut[102].
En contrepartie Jean Ludovic laisse ses tantes jouir du fonds de Saint-Barthélemy, maison et dépendances, produits du jardin, pourvu que cela soit à leur seul usage. Il se réserve cependant le jardinet et dans la "casa civile", trois chambres à l'étage, avec terrasse, et au rez-de-chaussée une pièce avec droit de passage. Si une des tantes venait à décéder la survivante paierait 100 livres par an au neveu[103].
Enfin à propos de la vigne de La Lanterne et de la maison de la rue de la Roaccia occupées sans titre respectivement par Marie Todone et Joseph Béranger, Jean Ludovic obtient un arrangement sur la base d'un remboursement direct à divers créanciers du "concorso"[104].
La transaction rétablissait, non sans pertes et altérations diverses, les droits afférents au fidéicommis de l'Abbé... mais Jean Ludo­vic était redevenu solvable et les créanciers Bonfiglio attendaient toujours.
        
Le débat sur l’aliénabilité du fief de La Roquette
         Depuis plusieurs années le passif successoral s'était stabilisé autour de 25000 livres. Antoine François puis Jean Ludovic avaient continué à rembourser au gré des occasions. Pour les créanciers, l'opération n'était pas aussi mauvaise qu'on pourrait le penser. Le Sénat avait fixé les intérêts à 3, 4 ou 5 % selon les cas[105]. Ces bons placements expliquaient la patience de la plupart d'entre eux. La situation pouvait s'éterniser. Depuis des années les intérêts, plus de mille livres par an en moyenne, absorbaient la plus grande partie des remboursements. Jean Ludovic ne pouvait poursuivre dans la même voie que celle suivie par son père. C'était au problème du remboursement du capital qu'il fallait s'attaquer. Il fallait impérativement vendre le fief.
La question n’était pas nouvelle et la réponse toujours la même : impossible à cause de la primogéniture et du titre de vassal qui y était attaché et d'abord -question préalable- le fief était-il réellement aliénable au regard des pratiques féodales des Etats de la Maison de Savoie ?
A Nice on répondait sans hésitation par l'affirmative. Comment un fief aussi ancien que celui de La Roquette ne serait-il pas aliénable sans restriction ? La coutume féodale provençale était applicable aux fiefs anciens niçois ; elle permettait, les plus larges facilités tant en matière de succession que d'aliénation. Antoine François n'en doutait pas : à l'occasion du recensement général des droits et biens féodaux de 1734, il n’avait pas hésité à déclarer que son fief était totalement "improprio ed hereditario" [106], c'est-à-dire qu'il pouvait faire l'objet des mêmes transactions qu’un bien ordinaire.
A Turin, on ne l’entendait pas tout à fait ainsi. Depuis le début du siècle, la Regia Camera se montrait de plus en plus restrictive en cette matière, refusant de considérer un fief, même d’inféodation ancienne, comme toujours aliénable. Il fallait obtenir une position officielle sur celui de La Roquette. La question préoccupait déjà Antoine François. Il avait finalement obtenu le 27 août 1753 une sentence de la Regia Camera de Turin se fondant sur l’application à la province niçoise de la coutume provençale favorable à l’aliénabilité[107].
 
La nouvelle jurisprudence de la Regia Camera de conti de Turin
Mais depuis cette époque, la position des magistrats turinois avait évolué. La Regia Camera doutait de plus en plus qu’on puisse appliquer aux fiefs niçois une coutume provençale. On ne pouvait fonder l’aliénabilité des fiefs niçois sur une telle justification … trop défavorable au Domaine et contraire à sa jurisprudence générale qui était de n’apprécier l’aliénabilité qu’au regard des clauses de l’investiture originelle, seule loi du fief. Qu’on prouve, document à l’appui, que cela est le cas de La Roquette, et elle ne verrait aucun empêchement à sa vente.
Telle était, brossée à grands traits la démarche suivie par De Rossi le procureur général près la Regia Camera. Elle ne concernait pas que La Roquette mais aussi tous les fiefs dits « anciens » de la province. De Rossi avait abordé la question de la patrimonialité des fiefs niçois en 1769 à partir du fief de Châteauneuf : comment et pourquoi ce fief avait-il pu faire l’objet d’autant de transactions depuis le moyen âge, jusqu'à être partagé entre 48 co­seigneurs ?
  Son enquête fut par la suite étendue à 1'ensemble des fiefs de la province. Le procureur général classa alors les fiefs niçois en neuf catégories en fonction des clauses d'investiture originelle et de l'époque de conces­sion. Le rapport fut rendu public en mars 1770. La Roquette faisait partie de la seconde catégorie, qui avec la première catégorie, comprenait les fiefs inféodés par les comtes de Provence avant 1388, sous des clauses très larges de succession et d'aliénation du type "pro se, successoribus, heredibus ad habendum et tennendum perpetuo placuerit faciendum". C'était la situation la plus favorable. Nul doute que Jean Ludovic Bonfiglio apprit la nouvelle avec soulagement.
 
La promotion du fief de La Roquette
La Cour approuva la position de son procureur général et en fit la base de sa jurisprudence à propos des fiefs niçois. Pour le seigneur de La Roquette c'était là une excellente nouvelle : le fief n'était plus considéré comme aliénable parce qu'il était « ancien » mais parce que les clauses de l'investiture originelle le définissaient comme tel. C'était là une situation infiniment plus rare. Les deux premières catégories ne comptaient en effet que 13 fiefs ou parts de fief, sur plus d'une centaine. La doctrine de De Rossi permettait en effet de considérer que de nombreux fiefs « anciens » n’étaient pas librement aliénables[108]. Pour le Domaine, qui pourrait à l'a­venir faire jouer les clauses de retour automatique à la Couronne, par exemple en l'absence d'héritier direct, c'était une excellente opération. Pour La Roquette c'était le coup de pouce décisif : ce type de fief était plus rare, donc plus recherché... et donc plus cher.
Tous les nobles des Etats de Savoie en quête de fief savaient dé­sormais qu'il y avait dans les environs de Nice un fief à vendre. Peu impor­tait que plusieurs droits et biens aient été démembrés. Seules comptaient les possibilités offertes au vassal par les clauses de l’investiture : le droit de racheter les éléments démembrés, la possibilité de le traiter comme un bien ordinaire, d'en vendre une partie et de le diviser en cas de pluralité d'héritiers.
La valeur du fief en fut accrue, dépassant largement le capital correspondant au rendement réel des droits et biens féodaux, jusqu’à atteindre 40000 livres. A ce prix-là tout pouvait s'arranger. Le produit de la vente du fief suffirait amplement à satisfaire les créanciers. Il en resterait. Peut-être même serait-il alors possible de transférer la primogéniture sur un autre fief, moins important ? Les cousins intéressés au fidéicommis y trou­veraient leur compte et ne verraient alors aucun inconvénient à l'aliénation.
 Une telle opération n'avait de chance de réussir que si elle était minutieusement préparée. Il fallait tout d'abord trouver un acheteur unique, prêt à rembourser immédiatement les créanciers et à fournir un complément sous forme de fief. Il fallait ensuite simplifier les formalités, éviter les com­plications d'une vente judiciaire aux enchères qui risquait d'aboutir à un partage du fief et à un prix inférieur, et surtout simplifier la procédure de recherche de tous les cousins appelables à la primogéniture, y compris l’éventuelle descendance de Jean,1'absent.
Autant dire que 1'intervention royale était nécessaire et que l'opération devait obtenir l'assentiment de la Regia Camera de Turin et du Sénat de Nice.
 
Un nouveau seigneur
          Joseph Vincent Lascaris, fils du ministre d'Etat Jules César, comte et coseigneur de Castellar, ministre des Affaires étrangères de Charles Emmanuel III[109] s'intéressa à la question. Le fief de La Roquette présentait à ses yeux deux avantages très appréciables. D'abord il était assez ancien pour ne pas porter atteinte à la réputation d'une famille aussi chargée d'histoire que l'était celle des Lascaris ; un fief de création récente ne lui aurait sûrement pas convenu. Second avantage, le fief en question avait appartenu aux Lascaris jusqu'au XVIe siècle[110]. Il était tentant de renouer avec l'antique histoire de la famille en rachetant ce qui fut autrefois un des plus beaux fleurons de son patri­moine. Il ne pouvait laisser passer une telle occasion et le roi ne lui refuserait certainement pas son appui.
L'affaire se présentait donc au mieux, d'autant plus que Lascaris possédait une partie du fief des Ferres en Provence[111] sur laquelle il était possible de transférer la primogéniture. L'accord se fit avec Jean Ludovic Bonfiglio au prix de 42000 livres : 24000 livres pour payer les créanciers, le solde correspondant à la part du fief des Ferres.
Il restait à procéder aux différentes opérations. Jean Ludovic fut investi (enfin !) le 22 mars 1776. Il pouvait alors demander les autorisations nécessaires à la vente et aux dérogations. Le 6 décembre 1776 le roi les accordait[112]. Quelques difficultés de dernière heure survinrent alors, tant à propos des créanciers que des appelables à la primogéniture, puis le 6 septembre 1777 le Sénat était chargé, sous l'autorité de la Regia Camera des opérations de vente. Le 5 décembre 1777 le fief de La Roquette était érigé en marquisat et le 18 janvier 1778 Lascaris était investi du fief avec titre de marquis [113]. De son côté Jean Ludovic devenait coseigneur des Ferres avec titre de baron. Il le restera jusqu'en 1789[114].
 
Pour la suite
Joseph Vincent Lascaris de Castellar marquis de La Roquette
1777-1792
 
Michel Bottin, « Les ambitions seigneuriales d’un ministre. Joseph-Vincent Lascaris de Castellar, marquis de La Roquette », in Actes du colloque de Menton, octobre 1997, Le Comté de Vintimille et la Famille comtale, Société d’art et d’histoire du Mentonnais, Menton, 1998, pp. 27-30.
 
 
 

[2] Jean Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, Paris, Maloine, 1978, p. 43 et note 106.
[3] Sur la noblesse niçoise et le droit féodal en usage dans la province : Michèle-Hélyett Siffre, La Noblesse du Comté de Nice au Siècle des Lumières, Thèse 3e cycle, Lettres, Nice, 1976 ; « Histoire d'une famille de notaires et procureurs niçois sous l'Ancien Régime : les Dani », in Nice-Historique 1975, pp. 41-53 ; Maurice Bordes, « La noblesse niçoise au XVIIIe siècle », in L'information historique, 1983, pp.236-240 ; Michel Bottin, « Fief et Noblesse dans le Comté de Nice, XVIe-XVIIIe siècles », in Recueil de mémoires et travaux de la Société d’Histoire du Droit des anciens pays de droit écrit, n° 13, 1985, pp. 153-165.
[4] Enquête de l'intendant général Joanini (1754) dans Ernest Hildesheimer, « Aspects de la vallée du Var : la Roquette-Saint-Martin », in Nice Histo­rique 1967, p. 37.
[5] Michel Bottin, « Les moulins de La Roquette-Saint-Martin au XVIIIe siècle », in Nice Historique,1983, pp.132-136.
[6] Arch. dép. des A-M, La Roquette-Saint-Martin. 0. L1. 30 juin 1786.
[7] En l'église de La Roquette. Françoise est la fille d'Alexandre Baudoin, originaire du lieu. Arch. paroissiales, La Roquette.
[8] Arch. dép. des A-M, C. 999, f° 379, 4 mars 1759.
[9] Jean Ludovic est ainsi témoin à l'occasion d'une bonne quinzaine de mariages entre 1749 et 1759, Arch. par. La Roquette.
[10] Décédé à Nice à l'âge de "circa" 73 ans. Enterré dans le cimetière de Saint-Martin-Saint-Augustin, Arch. par. Saint-Martin-Saint-Augustin, et C 1000, 13 août 1768.
[11] Né à Nice le 9 mai 1722, Arch. par. Sainte-Réparate au 10 mai. Est resté dans le Comté jusqu'en 1749 sans se marier. C 496. f° 106.

[12] Testament d'Alexandre Laugieri, 27 juillet 1702, B. 299*

[13] Collocation ("Concorso") de 1727, B. 191, f° 145 sq.

[14] Transaction du 12 mai 1772. C 496. f° 103 sq. Cette propriété provenait de l'Abbé Gioffredo. Celui-ci, alors qu'il était à Turin, exerçant les fonc­tions de bibliothécaire ducal et de précepteur du prince de Piémont, la célébrait ainsi dans une de ses petites pièces en vers latins : « Je possè­de un petit terrain aux extrémités de la campagne de Nice non loin de ton église, Ô saint Barthélémy. Le printemps y règne sans cesse. Le soleil y est modéré. L'air est pur. Le sol cultivé a un aspect délicieux. Tandis que loin de là je suis attaché à la cour de Son Altesse, j'envie cependant le bonheur de vivre dans ma propriété que j'aime », Ch.- Alexandre Fighiera, « Les abbés de Saint-Pons de Nice », in Nice Historique 1970, p.27.

[15] Cf. note n° 95.

[16] Testament du 24 avril 1745. Substitution vulgaire en faveur de Jean Ludovic au cas où Jean Paul n'aurait pas d'enfants. Arch. dép. des A-M, C 397, f° 17

[17] Arch. dép. des A-M, B 54, f° 116.

[18] Michel Bottin, « Le fief de la Roquette-sur-Var (Comté de Nice) d’après le Consegnamento féodal de 1734 », in Hommage à Maurice Bordes, Les Belles Lettres, Paris, 1983, pp. 113-128.

[19] Royales Constitutions, Livre 15, titre 5, paragraphe 2.

[20] Arch. dép. des A-M, C 1000, au 13 août 1768.

[21] Mariage célébré à La Roquette le 3 nov. 1743.  Arch. Par. La Roquette. Son père semble avoir eu quelques difficultés pour lui constituer une dot convenable : le 7 septembre il vend à Raibaudi le droit de dériver les eaux du Var (C 998. f° 61) et le 9 novembre il cède à des tenanciers 3 livres de services correspondant à un capital de 90 livres (C 998. f° 73).

[22] Arch. dép. des A-M, B. 54, f°7.

[23] 27 février 1779. Arch. Par. La Roquette

[24] Elle se constitue en dot son propre patrimoine, c'est-à-dire ce qu'elle pourra obtenir sur les successions de ses père et mère. Arch. dép. des A-M, C. 1000, f° 283.

[25] Arch. dép. des A-M, Arch. dép. des A-M, C. 1001. f° 223-224.

[26] Le mariage a eu lieu à La Roquette le 20 août 1652. Arch. par. La Roquette.

[27] Sur 1'ascension sociale des Bonfiglio de La Roquette, Michel Bottin, « Fief et noblesse », op. cit., p. 163

[28] Arch. dép. des A-M, C. 227. f° 315-322. La dot de 1200 ducatons ne sera d'ailleurs pas versée dans les délais prescrits. Dans une convention du 9 juillet 1675 Alexandre et Honoré Laugieri céderont pour paiement de cette dot une vigne à Saint-Barthélemy. C. 260. f° 916.

[29]Arch. dép. des A-M, C. 997. F°316.

[30] Honoré Laugieri décède avant 1682. Cf. inventaire et succession au profit de son frère Alexandre,19 déc. 1682. C. 243, f° 1032.
L'oncle d'Honoré (prénommé également Honoré) avait été Abbé de Saint-Pons. Il avait résigné en faveur de son neveu mais l'abbaye avait été conférée en commende au prince Eugène Maurice de Savoie... Il épousa alors Françoi­se de Giraud. Ch. A., Fighiera, « Les abbés de Saint-Pons de Nice », op. cit.,13.

[31] Arch. dép. des A-M, C. 997. f° 245

[32] Arch. dép. des A-M, C. 227. f°315. 9 juillet 1675.

[33] Sentence du Sénat relative à la collocation des créanciers Laugieri du 21 juin 1727. Arch. dép. des A-M, B. 191. f° 150 et 151.
Son fils Jean Paul poursuivra dans la même voie
[34] Arch. Par. Saint-Augustin, et Arch. dép. des A-M, C. 239, f° 4.

[35] Ch.- Alexandre Fighiera, « Les abbés de Saint-Pons de Nice », in Nice Historique 1970, pp. 24 sq.

[36] Contrat de mariage, 25 avril 1688. Arch. dép. des A-M, C 239* f° 4.

[37] Testament du 27 juillet 1702. Arch. dép. des A-M, B 299. f° 490.

[38] Le 9 novembre 1716. Arch. dép. des A-M, C 284. f° 595.

[39] Sur cette promotion nobiliaire par fief, Cf. Michel Bottin, « Fief et Noblesse dans le Comté de Nice, XVIe-XVIIIe siècles », in Recueil de mémoires et travaux de la Société d’Histoire du Droit des anciens pays de droit écrit, n° 13, 1985, pp. 153-165. L’union Laugieri- Bonfiglio est étudiée pp. 163-164.

[40] Sur la famille Ricci, voir les notes de Georges Blondeau, Arch. dép. des A-M. 3 J.

[41] Contrat du 11 août 1715. Cf. Arch. dép. des A-M, C. 286. f° 331. Jean Paul nommait Alexandre au fidéicommis.

[42] Donation d'Alexandre Laugieri à Barthélémy Barralis. 4 février 1715. Arch. dép. des A-M, C.997. f° 589 sq.

[43] Voir en Annexes  une généalogie sommaire Barralis.

[44] Donation d'Alexandre Laugieri à Barthélémy Barralis. 4 février 1715. Arch. dép. des A-M, C.997. f° 589 sq.

[45] Testament du 1er juillet 1715. Françoise Barralis demande à être enterrée à La Roquette, procède à différents legs dont 100 ducatons au mont de piété du lieu, 100 livres à la "luminaria" de l'église, 5 ducatons par an au prieur de La Roquette, 100 livres à sa servante et demande que son héritier fasse dire 600 messes pour le repos de son âme. C 997. f° 596.
Un premier testament, au profit de son frère, Joseph Constant Barralis, avait été fait le 10 juin 1703. Arch. dép. des A-M, C 997. f° 419.

[46] Testament du 27 juillet 1702. Arch. dép. des A-M, B. 299. f° 460 sq.

[47] Arch. dép. des A-M, C. 286. f° 332.

[48] Arch. dép. des A-M, C. 286. f° 333.

[49] Arch. dép. des A-M, C. 286. f° 332. Sur cet arrangement, Cf. la déclaration de Jean Paul en faveur de son fils Pierre Alexandre du 14 mai 1717. C.286 f° 330-331 et la convention Barralis-Bonfiglio du 22 mai 1717. C.286. f° 332-337.

[50]Arch. dép. des A-M, C. 283. f° 238.

[51]Arch. dép. des A-M, C. 283. f° 239-240.

[52] Vente à Ricci et convention Barralis-Bonfiglio Arch. dép. des A-M, 0.286. 1° 332-340.

[53] Table de succession au fief de La Roquette, Arch. dép. A-M, Citta e Contado, Mazzo 13/1. L 4 (1770).

[54] Collocation des créanciers (21 juin 1727) au n° 24 du passif Bonfiglio. B. 191. Sur la base d'un intérêt à 5 %, la dette s'élevait en 1730 à 12000 livres. Bonfiglio propose un arrangement le 27 mai 1730 : Antoine François cède à Ricci le montant de la dot de sa femme Françoise Blavet (3000 livres) plus un cens assigné sur un fonds situé à La Roquette (le Cluot, Berenghier, Ginestière) d'une valeur de 156 livres (capital 3900 livres). Une rente de 150 livres (capital 3000 livres) est également assignée sur ce fond au profit de son épouse comme contrepartie de la dot cédée à Ricci. Ce fond est de nature féodale ; Joseph François Ricci, fils de Pierre, le déclare donc dans le recensement féodal de 1734. Arch. dép. des A-M, C. 335. f° 60 et C.3 ("Consegnamento" féodal de 1734) f° 19.
Il restait un peu plus de 5000 livres. 23 ans plus tard par l'effet des intérêts accumulés on en était revenu à 12000 livres (C. 427. f° 445). Des remboursements partiels seront effectués ; en 1778 Lascaris, acheteur du fief, versera à Ricci au titre de la succession Bonfiglio 15000 livres (B.23 f° 5,16 janvier 1778).
[55] Arch. dép. des A-M, B. 54. f° 115.
[56] Mariage à Sainte-Réparate, Arch. par. de Sainte-Réparate.
[57]Arch. dép. des A-M, C. 293. f° 948 et C. 397. f° 17.
[58] Contrat du 24 mai 1721. Arch. dép. des A-M, C 293. f° 948.
[60] Cf. Registre des sépultures, Arch. par. Saint-Martin-Saint-Augustin au 30 juillet 1742.

 
[61]Jeanne Marie, Jean Joseph et Dominique François. Arch. dép. des A-M, C. 414.

 

 
[63] Cf. Arch. Par. Sainte-Réparate au 24 mai. Un second fils, Dominique François Baptiste naîtra le 2 octobre 172 Arch. dép. des A-M, 9, ibidem au 8 octobre.
 

 
[64] Donation du 16 octobre 1723. Arch. dép. des A-M, C. 301. f° 436. Pour obtenir le versement de cette somme, Antoine François intentera un procès, en son nom, et en celui de son frère Dominique François, aux trois tantes, sœurs de leur père et héritières de Benoite. C. 414. f° 328.  
 

Lucrèce Marie décédera le 30 juillet 1742 à 53 ans (Arch. par., Saint- Augustin) après avoir institué Dominique François Deorestis (du premier lit) héritier universel. La succession est plus que réduite : 5 L de légitime à chacun des autres enfants et aucun leg aux œuvres "attesa la tenuita di sua eredita". Testament du 31 mars 1742. C. 388. f° 80.

 

 

[65] Née le 13 novembre 1689, Arch. par Sainte- Réparate au 15 novembre.

 

 

Arch. dép. des A-M, [66] C. 356. f° 77.

 

 

[67] Née le 31 janvier 1698, Arch. Par. Sainte-Réparate au 1er février.

 

 

[68]Arch. dép. des A-M, C. 356. f° 77.

 

 

[69] Sainte-Réparate, respectivement au 1er juillet 1699, 24 novembre 1701 et 28 août 1706.

 

[70] "Concorso" du 21 juin 1727. Arch. dép. des A-M, B. 191. f° 145-153 et fixation des intérêts, 1° 212-215-
Cette collocation fait suite à deux autres "concorsi" : l'un pour régler le passif de la succession Laugieri (18 novembre 1716) l'autre pour régler celui de la succession Bonfiglio (8 janvier 1720 Arch. dép. des A-M,).  C. 331, f° 171.
[71] « Concorso » 1727 précité.
[73] C. 239. F°4.
[74] Généalogie sommaire des Gioffredo. Cf. Annexes
[75] Testament du 28 janvier 1686. Arch. dép. des A-M, C., 235 f°455 sq.
[77] Arch. dép. des A-M, C. 496. f°109.
[78] Arch. dép. des A-M, C. 496. f°104.
[79] "Concorso" 1727. Arch. dép. des A-M, B. 191. f° 151-152.
[80] "Concorso" 1727. Arch. dép. des A-M, B. 191. f° 151-152.
[81] Contrat du 6 octobre 1729. Arch. dép. des A-M, C. 331. f° 161.

[82] Cf. Note 54.

 

[83] Cf. annexe. Annexes

 

 

[84] Testament du 5 août 1734. Arch. dép. des A-M, C. 356. f° 77.

 

 

[85] Arch. dép. des A-M, C. 496. f° 104.

 

 

[86] Transaction du 26 août 1750. Arch. dép. des A-M, C. 414, f° 328-531.

 

 

[87]Arch. dép. des A-M, C. 493. f ° 103.

 

 

[88] Testament des sœurs Bonfiglio, Lucrèce, Anne Marie et Sinforosa, 26 Juin 1755. Arch. dép. des A-M, C. 433. f° 520.

 

 

[89] Transaction du 12 mai 1772. Arch. dép. des A-M, C. 496. f° 106-111.

 

 
[90] Arch. dép. des A-M, C. 496, f ° 109.

 

 

[92] C. 496, f ° 109.

 

 

[93] Ch. A. Fighiera, « La bibliothèque de l'Abbé Pierre Gioffredo », op.cit., p. 58.

 

[94] Cf. note 54.

[95] Testament du 24 avril 1745. Arch. dép. des A-M, C. 397* f° 17. La Dame de la Roquette léguait en outre 100 livres à l'église de La Roquette pour faire dire des messes après sa mort, et demandait à être enterrée selon le lieu de sa mort soit à Nice en l'église Saint-Augustin, dans le caveau des familles Bonfiglio et Grimaldi devant l'autel de Saint Thomas de Villeneuve soit en l'église de La Roquette dans le caveau des seigneurs du lieu.
[96] Ch. Alexandre Fighiera, Saint-Blaise. Notes d’histoire, Nice, 1973, p. 172.
[97] Constitution de dot du 29 oct. 1748. Arch. dép. des A-M, C. 406. f° 109.
[98] Hérédité "ricusate" le 30 juillet. Arch. dép. des A-M, C. 496, f° 104.
[99]Arch. dép. des A-M, C. 453. f °135.
[100]Arch. dép. des A-M, C. 496. f° 105.
[101] Arch. dép. des A-M, C. 496. f ° 106.
[102] Transaction du 12 mai 1772. Arch. dép. des A-M, C. 496. f° 111.
[103] Arch. dép. des A-M, C. 496. f° 111.
[104] Ibidem.
[105] Arch. dép. des A-M, B. 191. f° 212-214.
[106] Arch. dép. des A-M, C. 3 Consegnamento de 1734, f° 489.
[107] Sur la question, Michel Bottin, « Controverse sur l'application aux fiefs niçois des principes des "Libri Feudorum" (XVIIe-XVIIIe siècles) », in Recueil de mémoires et travaux de la Société d’Histoire du Droit des anciens pays de droit écrit, n° 11, 1980, pp. 99-112.
[108] Bottin, « Controverse … », op.cit., pp. 105 sq.
[109] Orestis di Castelnuovo, La noblesse niçoise, op. cit., pp.103 sq. et Jean Baptiste Toselli, Biographie niçoise ancienne et moderne, Nice, 1860 au T. 2, pp. 21-24.                                             
[110] Table de succession du fief de La Roquette, Arch. dép. A-M. Citta e Contado, Mazzo 13/1. L 4. (1770).
[111] Le village des Ferres fait partie des communautés rattachées à la France en 1760.
[112] Arch. dép. des A-M, B. 54. f° 115-120. 
[113]Arch. dép. des A-M,  B. 23. f° 2-7.
[114] Outre Jean Ludovic Bonfiglio, devenu "Bonfils", les coseigneurs des Ferres étaient Joseph François Ricci (frère de Marie Madeleine, veuve de Pierre Alexandre Bonfiglio) à qui succéda son fils Pierre Marie en 1782 et Augustin Alziary "avocat et procureur au siège de Grasse". Arch. dép. A-M., E. Les Ferres. Encadastrement des biens ci-devant privilégiés, 1790.
La fille de Jean Ludovic, Antonia Marie, épouse Barlet obtiendra de 1'Administration sarde que son fils Antoine puisse porter le titre de baron, sans prédicat. De Orestis, La Noblesse ... op. cit., p. 46.
Généalogie Barlet en Annexes
 
 
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