Nice Région Gioffredo Storia
 
 
 
Les Alpes Maritimes selon Pierre Gioffredo. 1629-1692
 
Eléments pour une histoire transfrontalière de la région niçoise
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour citer: Michel Bottin, « Les Alpes Maritimes selon Pierre Gioffredo. 1629-1692. Eléments pour une histoire transfrontalière de la région niçoise », in Entre les Alpes et la mer / Zwischen den Alpen und dem Meer, Histoire des Alpes, Revue de l’Università della Svizzera italiana, Lugano, 2001/6, pp.55-71. 

 

 

         « Le ci-devant Comté de Nice, réuni à la République française formera provisoirement un 85e département sous la dénomination des Alpes-Maritimes ». C’est par ce décret de la Convention nationale du 4 février 1793 que l’appellation « Alpes-Maritimes » fait son entrée dans la terminologie administrative française aux côtés des Basses-Alpes et des Hautes-Alpes, départements créés en 1789. Le provisoire a duré et depuis deux siècles la création révolutionnaire a évolué : ses limites ont été modifiées à plusieurs reprises, d’abord du côté de la Ligurie puis vers la Provence. Historiquement et par l’effet de l’addition de ses formes successives, le département s’étend ainsi de Cannes à San Remo formant une région transfrontalière[1] aux contours changeants. Circonscription protéiforme le département des Alpes-Maritimes ne se laisse pas enfermer dans une définition unique.
         Faut-il aller plus loin dans cette complexité en éclairant les emplois antérieurs de l’expression ? A la différence des créations départementales de la période révolutionnaire et impériale, toutes dépourvues de références historiques, le département des Alpes-Maritimes a en effet deux « ancêtres » : la province romaine des Alpes Maritimae créée sous Auguste et qui eut pour capitale Cimiez puis Embrun d’une part, la région géographique « Alpes Maritimes », sans trait d’union[2] d’autre part. La première recouvre approximativement les trois départements français actuels des Alpes-Maritimes, des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes ; la région géographique, déjà définie par les géographes de l’Antiquité, englobe l’ensemble des circonscriptions précitées dans une région étendue de part et d’autre de l’actuelle frontière franco-italienne. C’est dans cette dernière forme, en fait la plus ancienne, que l’appellation Alpes Maritimes prend son sens le plus profond. Elle apparaît comme la matrice éponyme d’où proviennent les découpages administratifs successifs[3]. C’est de cette référence originelle dont il sera question ici[4].
         L’oeuvre de Pierre Gioffredo apporte sur cette matière d’utiles éléments de connaissance et provoque la réflexion[5]. Cet érudit niçois du XVIIe siècle, abbé commendataire de Saint-Pons de Nice, historiographe du duc de Savoie, précepteur du futur Victor-Amédée II, fait des Alpes Maritimes le cadre d’une monumentale histoire régionale, la Storia delle Alpi Marittime. L’ouvrage, publié en 1839 dans le cadre la très officielle collection des Monumenta  Historiae Patriae éditée à Turin à l’initiative de Charles-Albert, décrit les limites et retrace l’histoire d’une grande région étendue de part et d’autre des Alpes du sud, des sources de la Durance et du Pô au nord, à la plaine de Cannes vers l’Estérel au sud-ouest et à Savone au sud-est. L’œuvre comporte une vaste introduction de géographique historique, la Corografia, qui définit de façon approfondie cet espace régional. C’est dans cette partie de l’ouvrage que se développe l’essentiel de la réflexion de Gioffredo. On en appréciera assez l’intérêt et la qualité pour s’interroger sur son influence et sur le jugement de la postérité. L’édition très tardive de l’œuvre -180 ans plus tard !- rend l’approche pour le moins délicate. Disons simplement que l’érudit n’aurait pas été très satisfait du résultat. Aux contrariétés d’un tardif couronnement éditorial se serait ajoutée la déception d’être incompris voire travesti.
        
Le discours et la méthode
 
         La Storia de Gioffredo se développe de l’Antiquité à 1650 sur plus de 2.000 pages in folio. La démarche est rigoureuse, attachée aux sources ; le discours personnel s’efface derrière le monument des références. On imagine l’érudit au travail dans sa maison de campagne de Saint-Barthélemy, tout près de Nice[6], au milieu de sa bibliothèque de plusieurs centaines d’ouvrages et d’un cabinet d’antiquités de grande réputation[7]. C’est là, au milieu des champs d’oliviers, que sont nées la Storia et la Corografia. Un doute vient inévitablement à l’esprit. Et si cette description des Alpes Maritimes n’était qu’une pure construction intellectuelle ? La méthode d’exposition, celle d’un érudit du XVIIe siècle, permet d’écarter le doute : Gioffredo s’appuie d’abord sur l’autorité des Anciens et complète par les connaissances des Modernes. Mais est-ce bien là le reflet des réalités régionales de son temps ? Il faut le vérifier.
 
La démarche d’un érudit
         L’objectif de Gioffredo est de définir de la façon la plus précise possible un espace que les Anciens ont déjà individualisé et nommé, les « Alpes Maritimes », et dont la signification s’est en grande partie perdue depuis l’Antiquité[8]. C’est l’objet principal de la Corografia, cadre dans lequel se développe la Storia. Ce cadre ne présente pourtant pas, à l’échelle des siècles, la moindre unité politique. Il y a de fait chez Gioffredo plusieurs histoires, mais elles ne sont pas simplement juxtaposées et enchevêtrées. Elles sont structurées autour d’un centre et d’une référence : il suffit de feuilleter l’index pour constater que le dixième des entrées est consacré à Nice, cité ou province. A ce point, il est légitime de se demander si la Storia n’est pas une histoire régionale de Nice. L’origine niçoise de l’auteur suffit-elle pour expliquer cette disproportion voire ce choix ?
         La Corografia est divisée en deux livres. Le premier aborde en vingt-trois chapitres les questions de géographie physique : d’abord les éléments de définition de l’espace, ensuite le problème de la séparation entre l’Italie et les Gaules qui traverse longitudinalement les Alpes Maritimes, enfin les descriptions internes, montagnes, fleuves, rivières, lacs, sources, forêts, côtes, îles, etc. Pour chaque question Gioffredo procède de la même manière : il présente d’abord les solutions, observations et opinions des Anciens, puis celles des Modernes. La méthode d’exploitation est érudite, fort peu démonstrative, mais finalement convaincante à mesure que s'accumulent et se croisent les données.
         En ce qui concerne les limites de l’espace tout d’abord. Au nord, la limite des Alpes Cottiennes et Maritimes lui paraît poser peu de difficultés. Appuyé sur ses références il écarte Briançon et la fixe à la source du Pô et de la Durance. D’ailleurs Embrun, métropole et ancienne capitale de la province romaine des Alpes-Maritimes, fait de toute évidence partie de cet ensemble. Les limites de la partie ouest de la région ne semblent pas soulever de problèmes majeurs : Senez, Digne, Castellane, Vence, Grasse faisaient comme Embrun partie des Alpes-Maritimes romaines. Seule Antibes présente un cas à part, étant rattachée à la Narbonnaise ainsi que le précise Pline. Mais le transfert du siège épiscopal à Grasse au XIIe siècle semble à Gioffredo suffisant pour la rattacher à la région des Alpes Maritimes. La solution lui paraît d’ailleurs correspondre à une définition respectant l’unité du massif alpin jusqu’à l’Estérel non compris. Les difficultés sont plus grandes à l’est : dans ce cas le massif ne présente plus la même unité. Il importe ici de savoir où finissent les Alpes et où commence l’Apennin. La question a déjà beaucoup préoccupé les Anciens. Appuyé sur son érudition, Gioffredo se fraie un chemin à travers les sources et fixe les limites de la région un peu avant Savone, à Vado.
         Ainsi procède Gioffredo. Il soumet la question des limites entre l’Italie et les Gaules à la même investigation érudite. Il tranche lorsqu’il le peut et évite de le faire lorsque l’opinion des Anciens est trop partagée. C’est le cas par exemple pour la division entre Italie et Gaules sur la zone littorale : pour Ptolémée, Strabon et Pline c’est la basse vallée du Var qui fait limite ; pour les Itinéraires, celui d’Antonin par exemple, c’est le Trophée d’Auguste à la Turbie[9].
         Le second livre est une étude de géographie humaine. Gioffredo commence par recenser et décrire les différents peuples des Alpes Maritimes puis s’attarde sur la province des Alpes Maritimae. Il lui consacre trois chapitres et souligne qu’elle n’a jamais été comprise dans l’Italia, celle des onze régions créées par Auguste. L’évolution du régime de cité y est par exemple très différente. Il y a donc dans les Alpes Maritimes deux sortes de cités : celles de la province des Alpes Maritimae , comme Cimiez, Vence, Digne ou Embrun, et celles de l’Italia augustéenne comme Albenga ou Vintimille. Il est clair que pour Gioffredo la limite entre les Gaules et l’Italie est moins une frontière qu’un trait d’union.
         On pénètre ici au cœur de la pensée de Gioffredo. La description des limites régionales forme l’élément le plus visible, mais pas le plus essentiel. C’est l’articulation interne Gaules-Italie, cette grande distinction léguée par les Anciens, qui permet de souligner sa profonde originalité. Placée entre deux mondes, le plus chargé d’histoire d’une part et le plus puissant de l’heure d’autre part, les Alpes Maritimes sont un trait d’union. Voilà ce que semble vouloir dire Gioffredo. Un siècle plus tard, un peu moins soucieux d’érudition et davantage de discours, on peut penser qu’il l’aurait écrit.
         Et Nice dans tout cela ? Elle apparaît comme le point de départ de la réflexion de Gioffredo. Les Alpes Maritimes semblent articulées autour d’elle. L’esprit de localité a-t-il pris ici le dessus sur l’objectivité du savant ?
         La Corografia est sur bien des points le prolongement d’un ouvrage écrit une dizaine d’années auparavant, la Nicaea Civitas sacris monumentis illustrata, éditée en 1658 et rééditée en 1723. Celle-ci est l’œuvre de jeunesse dans laquelle on trouve tous les éléments qui seront développés plus tard. L’étude porte ici d’abord sur Nice et beaucoup plus accessoirement sur sa province et sur les Alpes Maritimes. Si on veut comprendre pourquoi Gioffredo fait de Nice le centre des Alpes Maritimes, c’est dans la Nicaea qu’il faut chercher la réponse[10].
         On porte de façon générale depuis longtemps un jugement restrictif sur la Nicaea. L’historien niçois Louis Durante, au temps de la Restauration, parlait d’un livre « écrit en latin, ouvrage moins historique qu’ecclésiastique, peu fait de nos jours pour inspirer un grand intérêt »[11]. Henri Sappia, le fondateur de la revue Nice Historique, a nuancé cette opinion tout en soulignant que la Nicaea, comme l’indique son titre, illustrait principalement l’histoire religieuse de Nice[12].
         Il faut sans doute procéder à une relecture de la Nicaea et considérer l’accumulation des données ecclésiastiques uniquement pour ce qu’elle est : une source incontournable de la connaissance historique. L’histoire religieuse fournit tout simplement les éléments de compréhension de l’histoire de Nice. La finalité de l’œuvre n’est pas de raconter l’histoire religieuse du lieu mais de construire cette histoire à partir de ces éléments. L’objectif de Gioffredo est clair, pour peu qu’on accepte de regarder au-delà de l’érudition littéraire, épigraphique et archéologique de l’auteur : il veut rapprocher dans une même histoire Nikaia la grecque et Cemenelum la romaine. Si le lien nous apparaît aujourd’hui évident, c’est à Gioffredo qu’on le doit. Au milieu du XVIIe siècle, il consolide ainsi dans un ouvrage imprimé et bien diffusé, la Nicaea Civitas, une réalité dont ses contemporains n’avaient pas encore conscience. Il a tiré parti de toutes les ressources de l’érudition pour procéder à cette jonction. Il fallait pour cela d’une part faire sortir Cimiez de l’oubli où la cité romaine se trouvait alors, c’est-à-dire confirmer à partir des traces archéologiques les témoignages des Anciens. Il fallait d’autre part rapprocher les deux sièges épiscopaux -celui de Nice et celui de Cimiez-, signe de l’existence de deux cités distinctes, et souligner l’importance de leur fusion sur celui de Nice en 466. Depuis la Nicaea, Nice et Cimiez forment au regard de l’histoire une même cité, une même civitas, originellement à la fois grecque et romaine.
         Comment apprécier, toujours à la lumière de l’érudition, l’importance de cette cité ? Il faut ici procéder à l’inventaire des traces de ce passé. C’est à ces richesses, c’est à dire à cette présence physique de l’Antiquité, qu’on mesure l’importance d’une cité. Il est évident qu’aucune autre cité des Alpes Maritimes, telles que l’auteur les conçoit, ne présente un tel ensemble. L’érudit accumule les données. On n’y trouvera pas de démonstration construite comme on le ferait aujourd’hui. C’est au lecteur de trouver les ressorts de la pensée de Gioffredo. Il y en a deux. Le premier, on vient de le voir, c’est celui de la double identité, la grecque et la romaine ; le second est celui de la double appartenance : Gioffredo prend en effet un soin particulier à analyser les opinions des Anciens présentant Nice, les unes en Italie, les autres en Gaule selon que la limite littorale entre les deux ensembles territoriaux est placée au Var ou au Trophée des Alpes à la Turbie[13]. Il semble se refuser à prendre parti. Il n’est qu’un érudit qui expose des données. Tant pis si la situation est ambiguë ![14] Mais cela cache une démonstration capitale : Nice est placée au lieu de jonction des deux ensembles, côté Italie pour les uns, côté Gaules pour les autres. Elle a ainsi vocation à être le point d’équilibre des Alpes Maritimes. Elle en est le centre à la fois historique et géographique.
         La Nicaea nous fait ainsi entrer au cœur de la pensée de Gioffredo. Nice est de Grèce et de Rome d’une part, des Gaules et d’Italie d’autre part. En termes de géographie historique c’est une situation unique !
 
  Le réalisme d’un observateur
         La démarche géographique de Gioffredo semble a priori marquée par un fort manque de réalisme. Cette impression repose d’une part sur notre difficulté à reconnaître quelque autorité que ce soit aux auteurs anciens, d’autre part sur une quasi incapacité à concevoir les Alpes autrement que comme un obstacle. Mais cette approche est-elle objective ?
         L’œuvre de Gioffredo doit être replacée dans son contexte, celui du XVIIe siècle. Si l’autorité des Anciens est ainsi invoquée c’est parce qu’elle porte en elle une connaissance fondamentale dont on peut, des siècles plus tard, encore tirer profit pour comprendre la réalité. Cette relation est l’essence même de l’érudition classique. Il importe donc de savoir ce qu’est cette réalité. Quelle perception de cet espace Gioffredo et ses contemporains ont-ils ? Les Alpes Maritimes forment-elles une entité ou bien s’agit-il d’un espace fragmenté ? Deux réalités éclairent la question : l’état des frontières d’une part, les voies de communication d’autre part.
         L’image qu’offre de nos jours la frontière franco-italienne est marquée par la conception moderne des frontières dites « naturelles », c’est-à-dire d’une séparation fixée à la ligne de partage des eaux. Cette frontière est récente. Pour les parties les plus anciennes il faut remonter au traité d’Utrecht en 1713 qui fixe la frontière entre la France et les Etats de Savoie « à la crête des eaux pendantes », de la Haute-Tinée à la Maurienne. Le duc de Savoie cédait la vallée de l’Ubaye, le roi de France abandonnait l’avancée française en Piémont vers Suse et Pignerol[15].
         Au milieu du XVIIe siècle, lorsque Gioffredo compose son œuvre historique, aucune frontière politique ne partage longitudinalement, même sur un court segment, le massif alpin. Le principe antique de distinction Gaules-Italie n’a encore donné naissance à aucun système frontalier de séparation. Les Alpes sont ainsi placées sous la souveraineté de deux Etats, le duché de Savoie au nord et au sud, le royaume de France au centre en Dauphiné. Chaque souverain est « portier ».
         Les divisions politiques du massif, en ce qui concerne les Alpes Maritimes, ne sont donc absolument pas commandées par le critère de séparation Gaules-Italie aux plus hauts sommets. Elles sont construites à partir d’autres impératifs. En ce qui concerne la frontière franco-savoyarde, de l’embouchure du Var à la Vallée de l’Ubaye, on doit souligner son caractère très artificiel et totalement perméable : elle est le résultat du processus de « dédition » des communautés de la région niçoise au comte de Savoie en 1388 et n’est guidée par aucune préoccupation d’ordre géographique. Les relations inter frontalières sont d’ailleurs restées très fortes jusqu’au XVIIIe siècle. On notera que les premiers postes douaniers français ne sont établis que dans le dernier quart du XVIIe siècle et que du côté niçois il n’existe pratiquement pas de droits de douane ou assimilés.
         En ce qui concerne la frontière entre les Etats de Savoie et la République de Gênes deux remarques s’imposent. La ligne de partage des eaux forme la séparation entre les deux Etats le long de l’arc alpin finissant puis de l’Apennin ligure. Mais d’une part cette frontière est très perméable et surtout on trouve dans cette partie de la Ligurie de très nombreux territoires placés sous la souveraineté de la Maison de Savoie, principalement la principauté d’Oneglia. Cette situation fait du duc de Savoie un souverain ligure à part entière. En évitant de placer les préoccupations frontalières au premier plan Gioffredo traduit une forte réalité.
         Mais cet espace, politiquement très morcelé, correspond-il à une entité géographique réelle ? Hachées par de profondes vallées, barrées en tous sens par des montagnes difficilement franchissables, les Alpes Maritimes de Gioffredo ne sont qu’une mosaïque de terroirs cloisonnés. Aucun réseau de communications ne relie l’ensemble. Les voies romaines elles-mêmes ne sont plus praticables que sur de courts tronçons.
         Tout change lorsqu’on met l’accent sur l’importance de la route maritime longeant la côte. Elle est, de Savone à Cannes, l’axe autour duquel s’articulent les voies de communications terrestres, à partir d’un port vers l’intérieur : d’Antibes vers Grasse et la Haute-Provence, de Nice vers la haute vallée du Var et Barcelonnette, de Nice encore vers le Piémont via Tende, d’Oneglia, Loano ou Albenga vers le Piémont. Ces passages favorisent ainsi, plus particulièrement, via les ports savoisiens de Loano et d’Oneglia, une communication facile et rapide vers le Piémont par des cols inférieurs à 1.000 mètres. Bien souvent la route la plus pratique pour aller de Nice à Turin n’est pas celle du col de Tende mais celle du col de Nava par la route maritime via Oneglia[16]. Nice occupe ainsi dans ce système au milieu du XVIIe siècle une position centrale. Elle se trouve à la jonction de deux zones d’influences commerciales, d’importance très inégales d’ailleurs : la provençale, pauvre en ports importants et vite bornée par les espacesinhabités de l’Estérel et des Maures ; la ligure, jalonnée de nombreux ports et beaucoup plus riche et peuplée. Il est clair que le commerce niçois de cette période penche du côté ligure. Cette tendance est renforcée par les liens politiques et administratifs unissant Nice à cette partie de la riviera . Une active politique de rattachements territoriaux menée par les ducs de Savoie depuis le dernier tiers du XVIe siècle a étendu l’influence de Nice sur la Ligurie occidentale. Ces territoires, sont placés sous la juridiction du Sénat de Nice et sont administrés par l’intendant général qui réside à Nice. Ils se trouvent donc dans la mouvance administrative niçoise.
         Tels sont, sommairement présentés, quelques-uns des éléments qui structurent la représentation de l’espace chez un contemporain du XVIIe siècle. Il ne faut pas s’étonner de ce que Gioffredo ne cherche pas à le préciser. C’est la réalité de son temps et il n’a aucune raison de disserter sur des questions pour lui totalement inactuelles.
         L’approche de Gioffredo est ainsi très certainement représentative de l’opinion, niçoise en particulier. Il n’est pas l’inventeur solitaire d’un concept totalement nouveau ni le découvreur érudit de ces Alpes Maritimes oubliées depuis l’Antiquité. Il prolonge et perfectionne une réflexion déjà entreprise par d’autres, tel Antoine Fighiera, auteur d’une Historie naturali e morali della Città e del Contado di Nizza dal principio del Mondo sino all’anno 1638, un ouvrage manuscrit qu’on trouve d’ailleurs en bonne place dans la bibliothèque de Gioffredo[17]. C’est la côte, par-delà les cloisonnements frontaliers -et ils sont nombreux, France, Savoie, Monaco, Gênes !- qui structure l’espace. Ces Alpes n’étaient pas seulement maritimes parce qu’elles plongeaient dans la mer, mais surtout parce que c’était la route maritime qui en assurait la desserte principale.
 
La leçon et l’oubli
 
        La Storia n’a pas connu la fortune des grandes œuvres d’histoire provinciale qu’on peut trouver ailleurs. Gioffredo ne saurait ainsi, sur le plan de l’influence, être comparé à Bouche pour la Provence ou à Vic et Vaissète pour le Languedoc. La Storia est restée trop longtemps inconnue du public. Son influence ne peut ainsi être appréciée qu’à partir de 1839. Mais comment un contemporain de Charles-Albert découvre-t-il une œuvre écrite pour être lue par les contemporains de Victor-Amédée II ? Le résultat ne sera pas celui que Gioffredo aurait pu attendre. D’abord parce que son histoire régionale a été réduite à une simple histoire identitaire de Nice. Ensuite parce que le processus de durcissement frontalier est tellement avancé en 1839 qu’il devient vain de vouloir représenter un espace au mépris des cloisonnements politiques.
 
Les effets de l’approche identitaire
         Pendant plus de cent cinquante ans on n’a connu l’histoire de Nice qu’à travers la Nicaea Civitas et quelques manuscrits de Gioffredo, de Fighiéra ou de Scaliero. A une époque où se multiplient un peu partout les histoires urbaines et provinciales le retard est réel. La publication de la Storia fut donc un événement. Comment fut-elle découverte lors de sa parution ? Fut-elle lue comme une histoire régionale ou bien comme une histoire de Nice ? La réponse est dépourvue d’ambiguïtés : les Niçois en quête d’identité historique en feront…une histoire de Nice.
         Il est effet évident que Gioffredo n’intéresse guère les historiens locaux que pour ce qu’il apporte à leur histoire. C’est vrai pour Nice mais c’est aussi vrai pour Vintimille, Oneglia ou Savone que pour Grasse, Antibes ou Digne. L’index de la Storia, très complet -148 pages- et particulièrement bien conçu, autorise la lecture sélective et fait de Gioffredo la source de plusieurs histoires locales.
         En ce qui concerne Nice ce mouvement identitaire s’amorce dans les années 1830 avec l’Histoire de Nice de Louis Durante publiée en 1823. L’auteur se plaint dans sa préface de l’absence d’histoire de Nice. La Nicaea Civitas ne remplit pas cette fonction. Il a heureusement pu consulter, avec beaucoup de difficultés précise-t-il, un des manuscrits de la Storia : « L’ouvrage n’a pas été imprimé et pour comble de disgrâce ce précieux manuscrit, dont il existe fort peu de copies s’étant morcelé entre plusieurs mains, languit incomplet dans l’obscurité de quelques bibliothèques particulières, sans aucun fruit public, sans même pouvoir obtenir la faculté de le consulter ». L’ouvrage, précise-t-il n’existe en entier qu’à Turin[18]. C’est dire l’importance de la publication de la Storia en 1839. Elle aurait pu élargir l’histoire de Nice au-delà des limites du Comté. C’est l’inverse qui s’est produit. Durante ici encore en porte témoignage. Dans sa Chorographie du Comté de Nice publiée en 1847 il évite de définir les Alpes Maritimes et ne s’intéresse qu’au Comté. Il ne fait même pas référence à la Corografia. Le pli est donné. Désormais l’histoire de Nice sera celle de « son » Comté, c’est à dire celle de l’espace correspondant à la province traditionnelle à l’exclusion de toute extension[19] et Nice ne sera jamais perçue autrement que comme la capitale de cette province.
         L’attitude est explicable. L’abondance des entrées Nice ou Comté de Nice dans l’index peut effectivement laisser penser que Gioffredo a écrit une histoire de Nice. Les éditeurs de la Storia en ont eu clairement conscience. Dans la préface ils expliquent sans détour que « la storia tende a convergere nella sola città di Nizza Marittima »[20]. C’est à elle, comme capitale et comme centre, que se rapportent tous les événements. C’était aussi certainement le sentiment de Gioffredo lui-même et on peut penser qu’il aurait été déçu de voir Nice ramenée au simple rang de capitale de province.
         Il y a donc deux façons de lire Gioffredo, celle de l’histoire locale, urbaine ou provinciale, et celle de l’histoire régionale. Henri Sappia[21], infatigable restaurateur de l’histoire de Nice au début du XXe siècle a souligné cette ambiguïté et remis la Storia à sa place, celle d’une histoire régionale. Gioffredo écrit une autre histoire. Lucide et critique, Sappia considère même que Durante et ses successeurs se sont complètement trompés : ils « ont pensé suivre ses traces sans s’apercevoir que le but de notre grand historien était absolument différent de celui qu’ils se proposaient d’atteindre » [22] affirme-t-il.
         L’autorité d’un pareil jugement aurait dû provoquer une réaction et conduire les historiens niçois vers une histoire régionale de Nice. Il n’en a rien été. Pour les auteurs et pour le public, l’Abbé est devenu le père d’une histoire de Nice, non pas d’une histoire de la cité capitale des Alpes Maritimes mais capitale de son seul Comté. On ne compte plus les auteurs contemporains qui présentent Gioffredo sous cette approche réductionniste. Il est rarissime qu’on le présente autrement[23]. Un autre éclairage était-il possible ? Sappia lui-même n’aurait pu dans le contexte politique difficile des relations franco-italiennes de son temps aborder des questions concernant des territoires italiens. La démarche aurait pu paraître trop italophile et fort peu patriotique. Par contre on remarquera que la revue Nice Historique n’a pas hésité jusque dans les années 1920 à publier des articles concernant la partie provençale de l’espace régional niçois. Ce n’est que dans l’Entre-deux-guerres que la revue s’est limitée à l’étude du seul Comté[24]. Dans un contexte politique différent Nice historique, et les historiens locaux, auraient peut-être écrit l’histoire de Nice à la façon de Gioffredo !
 
Les effets du durcissement frontalier
         Lire la Storia et la Corografia en 1839 -et après !- est ainsi une tâche presque insurmontable ; aux problèmes identitaires niçois s’ajoutent les nouvelles conditions politiques : si l’espace défini par Gioffredo pouvait correspondre à une réalité à son époque, il ne signifie plus rien pour les contemporains du XIXe siècle. La consolidation des ensembles étatiques a fait son œuvre. L’enfermement des espaces politiques dans des frontières-barrières rend incompréhensible toute autre forme de représentation. L’œuvre, sitôt éditée, est devenue un fossile.
         L’œuvre de Gioffredo s’inscrit, comme on l’a vu, dans le cadre d’un espace qui n’est pas défini à partir de données politiques préexistantes. L’historien emprunte une démarche inverse : il définit d’abord le cadre géographique, physique et humain, présenté comme une entité homogène, et il en retrace l’évolution historique. Les divisions politiques de cet espace ne sont que des structurations plus ou moins durables de cet ensemble. Bouche à la même époque, ne procède pas autrement avec son Histoire de la Provence publiée en 1664. Il n’hésite par exemple pas à dresser la liste des « peuples des Alpes Maritimes qui sont en Provence » bien qu’ils se trouvent en bonne partie sous domination du duc de Savoie[25].
         Mais peut-être le cadre géographique ainsi défini n’est-il que l’espace dans lequel une entité politique a vocation à s’inscrire. La géographie légitime la politique. Les historiens français de ce siècle qui ont décrit la France sur les contours de la Gaule n’ont pas procédé autrement. Mezeray par exemple fonde la France sur un espace prédéfini par la géographie : « La monarchie française serait venue au point souhaitable de sa grandeur, si elle avait eu pour bornes les Alpes, les Pyrénées et le Rhin. Cette pièce de terre semble être ainsi taillée pour être le siège du plus heureux et du plus solide empire du monde si la prudence avait pu l’étendre jusqu’aux limites que la nature lui a posées »[26].
          On se trouve ici en pleine phase de consolidation historique, nationale avec Mezeray, provinciale avec Bouche. Pourquoi Gioffredo, dont toute la carrière est marquée par une grande fidélité envers son duc, aurait-il raisonné autrement ? Peut-être Gioffredo développe-t-il à propos des Alpes Maritimes une telle démonstration en faveur de son souverain le duc de Savoie ? Ce n’est qu’une hypothèse que rien ne confirme dans la mesure où Gioffredo n’a pu lui-même procéder à la mise au point finale. Si la Storia et la Corografia avaient été éditées à la fin du XVIIe siècle on peut penser qu’on y aurait trouvé une dédicace au duc de Savoie ainsi qu’une carte qui aurait mis en évidence les fortes positions du duc dans cet espace. Il aurait fait apparaître la vocation de son souverain à dominer cet ensemble, moins d’ailleurs contre la France, alliée et trop puissante, que contre la République de Gênes. L’Abbé était après tout historiographe du duc. Il aurait été parfaitement dans son rôle.
         On doit alors se demander pourquoi un si utile manuscrit n’a pas été imprimé plus tôt. Le souverain qui avait désiré pouvoir l’acquérir ne put le faire qu’en …1773. D’inextricables problèmes de succession en avaient rendu la vente impossible jusque-là. Et pourquoi ne pas l’avoir fait après cette date ? Souhaitait-on éviter de froisser les voisins génois et surtout français à une époque où la Maison de Savoie pratique une prudente politique ? Il reste enfin qu’on pourra toujours s’interroger sur les raisons qui ont conduit le pouvoir sarde a éditer l’œuvre de Gioffredo dans la très officielle collection des Monumenta  Historiae Patriae edita jussu regis Caroli Alberti. Pourquoi en 1839 ? Pourquoi pas plus tôt ? On n’ouvrira pas ici ce débat, celui de l’histoire de la Storia et surtout de la Corografia. Il réserve trop de surprises[27].
         Après les bouleversements majeurs qui marquent la période révolutionnaire et impériale, la Storia pouvait-elle encore jouer son rôle de matrice régionale ? Le rattachement de la République de Gênes est un élément qui permet de le penser. Nice devient chef-lieu d’une région -d’une « division » dans la terminologie administrative sarde- s’étendant à la Ligurie occidentale jusqu’à Oneglia. De 1814 à 1860 Nice est ainsi capitale de province et capitale de région[28]. Cela aurait pu inciter les historiens niçois à conjuguer histoire identitaire et histoire régionale. On a vu quelle fut leur attitude à cette époque. L’histoire de Nice ne s’est pas étendue à la Ligurie.
         A l’inverse les éléments négatifs ont été déterminants. Si à l’ouest de la ligne de crête, les Alpes Maritimes font totalement partie du royaume de Sardaigne, à l’est la situation est toute autre. Seul le Comté de Nice est sous la souveraineté de la Maison de Savoie. L’espace est irrémédiablement et profondément coupé en deux par une frontière-barrière en grande partie fixée à la ligne de partage des eaux, du Dauphiné à la Haute-Tinée. On comprend que les éditeurs n’aient pas trouvé utile d’insérer une carte ! Elle eût été révélatrice des divisions politiques. D’ailleurs à l’époque où l’Etat-nation triomphant marque ses frontières d’un trait accentué, qui aurait pu songer à représenter une telle région transfrontalière… alors même qu’on éprouve encore aujourd’hui des difficultés à le faire ?!
         Ce n’est donc pas l’histoire identitaire qui est responsable de cette occultation de l’espace régional défini par Gioffredo. La raison est ailleurs. Inexorablement la frontière à la crête, portée par la logique des limites naturelles de l’Etat-Nation, est devenue la référence exclusive. Comment dès lors prétendre retracer le passé d’une région partagée entre deux espaces séparés par une sorte d’ordre politique naturel. L’édition de 1839 venait trop tard, à une époque où déjà cette logique de séparation, ici celle de la frontière franco-italienne, était déjà en mouvement.
 
***
 
 
         Relire Gioffredo. La mutation des frontières étatiques rend aujourd’hui l’entreprise possible. La frontière devenant moins un obstacle qu’un contact on peut mieux comprendre que les Alpes Maritimes étaient véritablement une marche-frontière entre les Gaules et l’Italie. La légitimité de cet espace, desservie par les ruptures frontalières de l’époque contemporaine, resurgit à travers l’œuvre monumentale de Gioffredo. Trois siècles plus tard, à l’heure de la coopération frontalière et de la création des eurorégions[29], la solution historique retrouve toute son actualité.
 
 
 
 
 


[1] Maria Pia Rota, « Le département des Alpes-Maritimes : un antesignano delle regioni transfrontaliere ? », in Loano 1795. Tra francia e Italia dall’Ancien Régime ai tempi nuovi, Istituto internazionale di studi liguri, Bordighera, 1998, pp.147-164.

[2] Cette étude reprend et élargit une question abordée dans le cadre d’un colloque organisé à Nice en avril 1999 par le Centre d’Histoire du droit de l’Université de Nice-Sophia Antipolis : « Les Alpes-Maritimes sans frontières. Les leçons oubliées de Pierre Gioffredo », in Du Comté de Nice aux Alpes-Maritimes. Les représentations d’un espace politique et culturel dans l’histoire, préface P.L. Malausséna, textes rassemblés par O.Vernier, Editions Serre, Nice, 2000, pp.13-22.

[3] On remarquera que les Français n’utilisent pas l’expression Alpes-Maritimes en dehors de sa signification départementale.

[4] Comme le précise P.L.Malausséna dans la préface de l’ouvrage Du Comté de Nice aux Alpes-Maritimes. Les représentations d’un espace politique et culturel dans l’histoire, op.cit. note 2, l’emploi du trait d’union dans l’expression Alpes-Maritimes permet d’individualiser l’institution. S’agissant ici de la région géographique, on l’écrira donc sans trait d’union.

[5] Pour une biographie de Gioffredo, Cf. Denis Andreis, « L’Abbé Pierre Gioffredo, l’homme et son œuvre », in Recherches régionales. Côte d’azur et contrées limitrophes, 1984, n°3-4, pp. 171-179.

[6] Archives départementales des Alpes-Maritimes, C. 496, transaction du 12 mai 1772  entre les héritiers de Gioffredo après une longue série de problèmes successoraux. La bibliothèque se trouvait dans cette maison à l’époque de la succession de l’Abbé.

[7]  La collection d’antiquités a été envoyée à Turin sur ordre du roi Victor-Amédée II dès le mois d’avril 1698. Archives départementales des Alpes-Maritimes, C, 496.

[8] L’expression Alpes Maritimes ne correspond plus à une entité définie chez les géographes de la Renaissance explique Paola Sereno, « Per una storia della Corografia delle Alpi Marittime di Pietro Gioffredo », in La scoperta delle Alpe Marittime, Cuneo, 1984, p.43 et note 46. L’auteur voit dans l’œuvre de Gioffredo  « un tentativo di ricodificazione della denominazione ».

[9] Pour une mise au point récente de cette question, Pascal Arnaud, « Varus finis Italiae. Réflexions sur les limites occidentales du territoire d’Albintimilium et la frontière de l’Italie impériale », in D’Albintimilium à la prud’homie des pêcheurs mentonnais, Société d’art et d’histoire du Mentonnais, Menton, 2000, p. 5-20.

[10] La Nicaea Civitas a fait l’objet d’une traduction dans Nice Historique …de 1905 à 1936. Commencée  par Sappia elle a été poursuivie par l’Abbé Rance-Bourrey. Elle se présente sous la forme de courts extraits.

[11] Louis Durante, Histoire de Nice, Turin, 1823, préface, p. X.

[12] Nice Historique, 1900, p.7

[13] La question, chargée d’arrières pensées politiques, a fait l’objet de nombreuses polémiques. Voir la mise au point de Pascal Arnaud, « Varus finis Italiae…. », op. cit. Le Var, à son embouchure, fait bien limite entre l’Italia et la Narbonnaise aux premiers siècles de l’Empire. Le problème se pose évidemment dans des termes différents lorsque la province des Alpes Maritimae est étendue jusqu’à la côte au IVe siècle et englobe Nikaia. Gioffredo n’entre pas dans ces distinctions. Il se borne à constater qu’au temps de Rome les deux opinions sont possibles

[14] Henri Costamagna a noté cette ambiguïté, « Identité et spécificité de la région niçoise à l’époque moderne », in Cahiers de la Méditerranée, n°43, 1991, p.13.

[15] Sur ces questions Cf. Michel Bottin, « Les frontières politiques de l’arc alpin », in G.F. Dumont, ed., L’arc alpin, Economica, Paris, 1998, pp.79-92.

[16] Michel Bottin, « Genèse d’un espace administratif régional », in Recherches régionales. Côte d’azur et contrées limitrophes, 1992, n°1, pp.3-12.

[17] L’inventaire de la bibliothèque a été publié par Ch.A. Fighiera, « La Bibliothèque de l’Abbé Pierre Gioffredo », in Nice Historique, 1971, pp.57-62. Sur cette représentation de l’espace par Antoine Fighiéra, Archives départementales des Alpes-Maritimes, Città e Contado di Nizza, Mazzo 3, L 3.

[18] Durante dans son Histoire de Nice publiée en 1823 commence ainsi sa préface : « La Ville de Nice occupe un rang distingué dans l’histoire de l’Europe ; placée au pied des Alpes Maritimes élevées par la nature pour servir de barrière entre la France et l’Italie… ». Gioffredo n’aurait pas renié cette présentation même si elle semble annoncer, en ce début du XIXe siècle, la future séparation frontalière de 1860. Mais Durante prend très vite position. La frontière au Var ne fait aucun doute :Ptolémée, Strabon, Pline ont été suivis par une foule de géographes modernes « de sorte que toute controverse à ce sujet serait aujourd’hui insoutenable », Histoire, op.cit., p.27.

[19] Sur les formes et variations du Comté de Nice, Hervé Barelli, « Le Comté de Nice. Dénomination d’un espace symbolique », in Du Comté de Nice aux Alpes-Maritimes. Les représentations d’un espace politique et culturel dans l’histoire, op.cit.

[20] L’Abbé Gazzera à la page VI de la préface de l’édition en 6 volumes.

[21] Olivier Vernier, « Henri Sappia, l’ inventeur de Nice Historique », in Nice Historique, 1998, pp. 11-23.

[22] Les historiens de Nice, Durante, Toselli, et autres « ont pensé suivre ses traces sans s’apercevoir que le but de notre grand historient était absolument différent de celui qu’ils se proposaient d’atteindre », Nice historique, 1900, p.7.

[23] Voir la notice de Ch.A. Fighiéra, « Pierre Gioffredo », in Michel Derlange (ed.), Les Niçois dans l’histoire, Ed. Privat, Toulouse, 1988. A contrario Hervé Barelli et Roger Rocca, Histoire de l’identité niçoise, Editions Serre, Nice, 1995, p.70, où la Storia est présentée comme la « première histoire du Comté de Nice ».

[24] Marc Ortolani, « Les frontières de Nice historique. Une géographie du Comté », in Nice Historique, 1998, pp.79-87.

[25] Bouche, La chorographie et l’histoire de la Provence, Aix, 1664, 2 vol. p.104. Ailleurs, p.14, à propos des montagnes de Provence, il précise que « néanmoins à cette province appartiennent les Alpes, anciennement dites maritimes ».

[26] Michel Bottin, « La frontière de l’Etat. Approche historique et juridique », in Sciences de la Société, n° 37, février 1996, pp. 15-26.

[27] Paola Sereno, « Per una storia della Corografia delle Alpi Marittime di Pietro Gioffredo », in La scoperta delle Alpe Marittime, op. cit, pp.37-57, soulève dans son étude de nombreuses questions sur ce point.

[28] Michel Bottin, « Nice, de la capitale administrative au chef lieu de département : les mutations administratives de l’espace régional niçois. 1814-1860 , in Nice au XIXe siècle. Mutations institutionnelles et changements de souveraineté, Centre d’histoire du droit de l’Université de Nice, Nice, 1885, pp. 7-35.

[29] Sciences de la Société, n° 37, février 1996, op. cit. Le volume rassemble les contributions au colloque organisé par le CEMAFI et l’ERMES, laboratoires de l’Université de Nice Sophia Antipolis, sur le thème Territoires frontaliers. Discontinuité et cohésion, op.cit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 -