Ouvrage de Mario Riberi
 
 
 

 

Un post doctorat qui éclaire l’Histoire de Nice à l’époque sarde

A propos de l’ouvrage de Mario Riberi

 

 
 
Mario Riberi. Les députés niçois à la Chambre subalpine (1848-1860. Un itinéraire historique et juridique, ASPEAM, Serre Editeur, Nice, 2019.
 
Cet ouvrage éclaire une période peu connue de l’Histoire contemporaine de Nice, celle qui précède le Rattachement. Voici trois brèves approches pour entrer dans sa lecture : mon avant-propos présentant l’ouvrage ; le tableau des députés niçois ; un regard décalé sur les faiblesses de la représentation niçoise à la Chambre des députés de Turin.
 
On peut se procurer l’ouvrage de Mario Riberi au prix de 25 euros en suivant ce lien :
 
 
M.B. août 2020
 

Avant-propos de l’ouvrage

 
 
 
La période sarde de l’histoire de Nice, de 1814 à 1860, a pendant longtemps été délaissée par les historiens. Son intérêt paraissait limité comparé au mouvement de rattachement à la France qui irrigue toute l’histoire locale de la Révolution à 1860. Dans cette perspective cette période de 48 ans n’était qu’une parenthèse, un moment en marge des évolutions dominantes pendant lequel Nice s’était assoupie après les épreuves et les mutations de la Révolution et de l’Empire. Le titre que Paul Gonnet donnait en 1976 au chapitre qu’il consacrait à cette période dans l’Histoire de Nice et du pays niçois illustre cette marginalisation : « Nice capitale d’un monde clos ».
Depuis cette époque l’approche a bien changé. L’histoire de la période sarde a été profondément revisitée. Le colloque organisé en 1985 par le Centre d’Histoire du droit présidé par Maryse Carlin sur le thème Nice au XIXe siècle. Mutations institutionnelles et changements de souveraineté marque assurément un nouveau départ, tant en ce qui concerne le sujet traité que les participants : pour la première fois des chercheurs italiens, particulièrement turinois, étaient associés au projet. D’autres colloques suivront. Une nouvelle impulsion sera donnée en 2007 par le Programme de Recherches sur les Institutions et le Droit des Etats de Savoie (P.R.I.D.A.E.S.) dirigé par Gian Savino Pene Vidari et Marc Ortolani. Plus de dix colloques, dont huit édités, dans lesquels la période sarde est bien représentée. On soulignera aussi l’apport de Simonetta Tombaccini Villefranque à l’histoire de cette période, particulièrement à travers ses inventaires d’archives sur le Sénat, le Consulat de Mer et l’Intendance générale.
Cette mise en perspective éclaire le travail de Mario Riberi. Son ouvrage sur Les députés niçois à la Chambre subalpine (1848-1860. Un itinéraire historique et juridique s’inscrit dans cette continuité scientifique mais aussi institutionnelle : ce travail est en effet le résultat d’un projet porté par le Laboratoire ERMES de l’Université Côte d’Azur et le Département des sciences juridiques de l’Université de Turin. Ce projet a été développé par l’Auteur dans le cadre d’une bourse de recherche postdoctorale dirigée par le Professeur Ortolani en 2016.
L’histoire de ces députés n’était certes pas totalement inconnue ; plusieurs d’entre eux avaient fait l’objet d’études, particulièrement par Hervé Barelli et Olivier Vernier, et la question de l’abolition du port franc revenait en boucle dans les recherches menées sur la période. Mais Mario Riberi jette une lumière nouvelle sur ce travail législatif en replaçant ces députés dans le contexte parlementaire et politique de l’époque. Il approfondit l’analyse de leur travail législatif et nous aide à comprendre le fonctionnement du régime parlementaire établi en 1848 avec le Statuto constitutionnel de Charles-Albert. La troisième partie de son ouvrage qu’il consacre à trois députés qui lui paraissent particulièrement dignes d’intérêt, le journaliste Giovanni Battista Bottero, le général Garibaldi et l’avocat Giovanni De Foresta, en est une application intéressante. Elle peut encourager et soutenir des recherches sur les autres députés de la période.
L’approche de Mario Riberi dépasse en effet le cadre d’une histoire étroitement perçue à partir de Nice. C’est le grand apport de l’ouvrage. Son observation ne se fait pas seulement à partir de Nice mais aussi à partir de Turin. La perception n’est plus régionale mais étatique : analyse du système constitutionnel mis en place par le Statuto, présentation des tendances politiques, comparaison avec d’autres provinces, particulièrement la Savoie. Autant de renversements de perspectives qui permettent de mieux comprendre les difficultés affrontées par ces députés pour défendre le développement économique de la région niçoise ou tout simplement la place de Nice dans l’Etat. Il faut souhaiter que cette démarche inspire d’autres chercheurs pour d’autres périodes
Enfin, et ce n’est pas le moindre des intérêts de l’ouvrage, l’Auteur a choisi de commencer son étude par une histoire de la période sarde à partir de 1814. Sa manière turinoise de percevoir l’histoire locale renouvelle les problématiques et enrichit notre compréhension des débats locaux et généraux. Elle rééquilibre l’histoire politique de Nice au XIXe siècle.
Pour toutes ces raisons, la recherche postdoctorale de Mario Riberi ne pouvait rester seulement accessible à quelques cercles de chercheurs sous la forme de publications spécialisées. Cette recherche devait trouver un aboutissement dans une édition qui permette la plus large diffusion possible. C’est ce qu’a jugé le Bureau de l’ASPEAM en prenant l’initiative d’assurer le financement intégral de cette publication.
 
Professeur Michel Bottin
Président de l’ASPEAM
 

Les 20 députés de la province de Nice 1848-1860

 
Collège de Nice 1
Benoît Bunico : avocat, libéral. Ière, IIe, IIIe, IVe législature. Vice-président de la Chambre au cours de la IIe et IIIe législature, démissionnaire de son mandat en 1853.
Giovanni Battista Bottero : docteur en médecine, journaliste et fondateur à Turin de la Gazzetta del Popolo, libéral. Ve, VIe, VIIe législature.
Giovanni De Foresta : avocat, libéral. IVe et Ve législature. Ministre de la Grâce, de la Justice et des Cultes (7 juillet 1851-26 février 1852, 4 mai 1855-19 juillet 1859) ; nommé sénateur en 1855.
Jules Avigdor : banquier, consul de Prusse à Nice. Ve législature, élection invalidée.
Giuseppe Garibaldi : le général « Héros des Deux Mondes », socialiste. VIe, VIIe législature.
 
Collège de Nice 2
Dominique Galli : avocat, libéral. Ière, IIe, IIIe, IVe législature.
Charles Laurenti Roubaudi : colonel et commandant de la Garde nationale de Nice, conservateur. Ve, VIe, VIIe législature.
 
Collège de Puget-Théniers
Barthélemy Léotardi : avocat, libéral. Ière, IIe, IIIe, IVe législature.
Faustin Rocci : magistrat, libéral. Ve législature, démission.
Alexandre Corporandy d’Auvare : général, conservateur. Ve législature.
Désiré Niel : abbé, conservateur. VIe, VIIe législature.
 
Collège de Sospel
Jean-Baptiste Barralis : avocat, libéral. Ière, IIe, IIIe législature.
Louis Piccon : avocat, libéral. IVe législature.
Maurice D’Alberti de La Brigue : officier du génie militaire, conservateur. IVe, Ve, VIe législature.
Henri Cordero de Montezemolo : marquis, conservateur. VIe et VIIe législature.
 
Collège d’Utelle
Octave Thaon de Revel : marquis, comte et publiciste, conservateur. Ière, IIIe, IVe, Ve, VIe législature ; pendant la Ière législature, devient ministre des Finances.
Modesto Scoffier : professeur, libéral. IIe, IIIe législature.
Théodore de Rossi de Santarosa : comte, intendant, libéral. IVe législature.
Benoît Brunati : ingénieur. IVe, Ve législature.
Adrien Barralis : notaire, libéral. VIe législature.
 
Le Statuto établissait un système bicaméral, une Chambre des députés et un Sénat. Voici les trois sénateurs Niçois :
Giuseppe Albini, amiral, nommé en 1848.
Carlo Bartolomeo Bermondi, magistrat, nommé en 1850.
Giovanni De Foresta, ancien député, ancien ministre, nommé en1855.
 

Gênes et la mise en question des privilèges de Nice

 
La province de Nice est donc représentée par cinq députés par législature. On estime généralement qu’elle est sous représentée dans une Chambre qui en compte près de 250, soit un cinquantième. Alors que la proportion est d’un quarantième pour la population, soit100 000 habitants pour 4 millions.
On peut faire la même analyse pour le Sénat ; trois sénateurs niçois dans une assemblée d’une centaine de personnes.
Ceci dit, la présence d’un ou deux députés de plus n’aurait pas changé les choses. Les députés de Nice étaient en quelque sorte noyés dans une telle assemblée. La représentation des intérêts de Nice ne pouvait être efficace. Il est clair que les Niçois pouvaient regretter les anciennes pratiques de promotion qui reposaient sur les réseaux niçois à Turin.
Mais le véritable problème est ailleurs. La faiblesse de la représentation ne tenait pas seulement au nombre, elle tenait aussi au changement opéré dans la composition des Etats de Savoie. Depuis le Congrès de Vienne la République de Gênes en faisait maintenant partie !! Cela signifiait que Nice n’était plus le seul débouché maritime du royaume. Sa situation privilégiée n’était ainsi plus justifiée. Les Génois ne cesseront de demander l’abolition de ces avantages, à commencer par ceux liés à la franchise portuaire. Et au sein de la Chambre turinoise les Génois étaient incomparablement plus influents que les Niçois.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 -