Misc Paul Isoart

 

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               Paul Isoart ( 1931-1913) et l’Histoire de Nice

 

 

 

Pour citer : Olivier Vernier et Michel Bottin, « Hommage au Professeur Paul Isoart (1931-2013), Vice-Président de l’Acadèmia Nissarda », in Nice Historique 2013, pp. 128-131.

           

 

            Paul Isoart est né à Nice le 20 janvier 1931 de parents originaires du Comté. Il y a grandi, non loin des Baumettes, dans un de ces quartiers qui étaient encore à l’époque un peu des villages. Une enfance niçoise marquée par la disparition prématurée de son père en 1940, pendant la guerre. Après le certificat d’études primaires, il poursuit ses études secondaires au Parc Impérial puis ses études supérieures à l’Institut d’études juridiques de Nice, alors desservi par les professeurs de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence. Il en sort en 1953 avec un DES de droit public et présente le concours de l’Ecole de la France d’Outre-Mer au moment même où celle-ci ferme la section « Indochine ». Il choisit alors de devenir magistrat et est nommé au Maroc en qualité de commissaire du gouvernement chérifien à Marrakech et à Rabat.

Appelé sous les drapeaux en 1956, il sert en qualité d’officier. Il travaille parallèlement à sa thèse sur « Le phénomène national vietnamien » sous la direction du Recteur Fabre. Il soutient en 1959 et est nommé la même année assistant de droit public à l’Institut d’études juridiques de Nice que dirige le Professeur Trotabas. Sa carrière universitaire prend corps : maître assistant en 1963 à la toute nouvelle Faculté de droit de Nice, agrégé de droit public en 1964, professeur en 1968, doyen de l’Institut du Droit de la Paix et du Développement en 1979.

             Paul Isoart s’affirme très vite comme un  maître du droit constitutionnel et du droit d’outre-mer. Il est l’auteur de plusieurs dizaines de publications, sur la décolonisation, sur la République, sur le gaullisme. Il est un des meilleurs spécialistes des évolutions post coloniales de l’ancienne Indochine.     Dans ces études l’histoire n’est jamais bien loin. Le Professeur Isoart y apparaît comme un historien exigeant, pleinement convaincu de la nécessité de s’appuyer sur l’histoire pour éclairer les questions juridiques. Le cours de Grands problèmes politiques contemporains qu’il enseigne à la Faculté porte la marque de cette nécessité de connaître le passé pour comprendre le présent. Qu’il s’agisse du conflit sino-soviétique, de la guerre du Viêt-Nam, ou du conflit israélo-palestinien, l’histoire est un passage obligé.  Le volume d’hommages que lui ont offert ses collègues en 1997 porte le témoignage de tout ce qu’il a apporté à sa discipline[1]. Ajoutons-y celui de l’étudiant, marqué par la forte personnalité de l’enseignant et par la qualité de ses cours. Le Professeur Isoart, ainsi qu’il le disait parfois, ne venait jamais faire cours « les mains dans les poches » ; tout était toujours préparé avec minutie.

            Dans sa longue liste de travaux, les études sur Nice éclairent une facette particulière du chercheur. La première est de 1987. Elle marque pour la recherche historique niçoise un événement. Un professeur renommé de droit public et de science politique se penche sur le passé de sa province. Faut-il s’en étonner ?  L’amour du pays natal, le goût de l’histoire  et une forte conscience d’appartenir à une histoire  -il était « soci » de l’Acadèmia Nissarda-  devaient tôt ou tard l’y conduire.

            Il ne manquait qu’une occasion. Elle survint lors d’un colloque organisé par le Centre d’histoire du droit autour du thème « Les Alpes-Maritimes. 1860-1914. Intégration et particularismes ». La période et le thème l’intéressaient. Les amicaux encouragements des Professeurs Maryse Carlin et Paul-Louis Malausséna firent le reste. Il en sortit une belle publication sur les lieux de mémoire de Nice française. Une aventure intellectuelle commençait. Elle se poursuivra pendant 26 ans !

 

            L’œuvre niçoise de Paul Isoart est riche d’une quinzaine de publications et de nombreuses préfaces, présentations et notes de lecture. C’est un honneur pour la revue Nice Historique d’avoir accueilli une grande partie de ces publications.

L’ensemble présente une grande et belle homogénéité. La réflexion de Paul Isoart se développe au grè des occasions, colloques, commémorations, journées d’études : sur la dédition de 1388, sur le Maréchal Masséna, sur Garibaldi, sur la Grande Guerre, etc. Touche après touche une œuvre se construit. Son fil rouge est l’attachement de Nice à la France. Paul Isoart recherche les fondements de cette relation, scrute ses formes d’expression, analyse les mécanismes juridiques et en souligne les temps forts. Le Professeur Isoart revisite ainsi  quelques grands thèmes de l’histoire de Nice à la lumière de la plus féconde analyse juridique et aussi sans jamais sous-estimer la dimension passionnelle de cette relation. Le titre qu’il donne à sa contribution à l’ouvrage de Jean-Paul Potron, Nice, cent ans  est particulièrement évocateur, « Cent ans d’histoire politique. Nice et la France, histoire d’une passion ».

            Cet attachement, explique-t-il, est progressif et il ne prend sa véritable dimension que par l’acceptation de la République. D’où la nécessité d’étudier les manifestations et les signes qui le consolident : les commémorations du 14 juillet, les festivités autour du centenaire de l’annexion de 1792, l’inauguration de la statue de Gambetta, le ralliement de Borriglione, le maire de Nice, à la République, la reconnaissance de Masséna comme héros niçois de la Patrie française et surtout la guerre de 14-18. L’attachement trouve ici sa manifestation la plus charnelle et la plus féconde, celle « des semailles sanglantes ». La grande étude qu’il consacre aux monuments aux morts du Comté de Nice et du Mentonnais en est une parfaite illustration. Ainsi se construit le patriotisme des Niçois. 

            Mais le chemin n’est pas facile. Les contradictions ne manquent pas : les excès de l’administration révolutionnaire sous la Convention ont provoqué l’insurrection des Barbets ; le séparatisme a, en 1870, bien failli emporter Nice vers d’autres horizons ; l’influence  du garibaldisme a fait perdre quelques repères patriotiques majeurs ; la querelle sur l’identité de la langue niçoise a troublé  profondément les esprits dans l’Entre-deux guerres ; l’occupation italienne en 1943 a ravivé les tendances irrédentistes ; les calculs diplomatiques des Alliés en 1944-1945 ont bien failli empêcher le rattachement de Tende et La Brique à la Nation française. C’est dans ces épreuves que l’attachement s’est consolidé. Le ralliement de Borriglione, le séparatiste, aux valeurs de la République est ainsi beaucoup plus qu’une péripétie politique. Il dissout les résistances à la France, les plus récentes comme celle remontant à la Révolution. Le titre de l’étude est significatif : « Borriglione, le barbet rallié ». Mais c’est sans doute l’affaire du XVe Corps qui permet de vérifier cet attachement avec le plus de certitude. La France a paru rejeter Nice à l’occasion d’une odieuse accusation de lâcheté portée contre les unités du XVe Corps qui auraient abandonné le combat lors de l’offensive dans les Vosges en août 1914. Or discréditer le XVe Corps c’était s’attaquer à ses unités « niçoises », aux chasseurs alpins en particulier. Paul Isoart reprend le dossier, argumente et accumule les justifications. Non les Niçois n’ont pas trahi. L’immense monument aux morts creusé dans la colline du Château porte le témoignage du sacrifice des Niçois. Son inauguration solennelle par le Maréchal Foch en 1928 lave Nice de toute accusation.

 

            Le plébiscite de 1860 n’est qu’un moment de cette histoire. Il n’est pas un accident. Il s’inscrit dans une histoire passée et l’histoire qui suit en fait pousser tous les fruits. Mais alors pourquoi avoir autant attendu pour que Nice et la France se rencontrent ? C’est cette question que pose indirectement Paul Isoart en 2010 dans son étude sur « Le destin de Nice ». L’Auteur part à la recherche des occasions manquées et des blocages qui ont conduit Nice vers une autre histoire.  Nice a fait d’autres choix, contre sa vocation française. L’attachement a pris une forme contractuelle, par exemple avec la dédition de 1388 à la Maison de Savoie. Il est donc toujours susceptible d’être remis en question.  Cet attachement contractuel a perduré pendant cinq siècles et ainsi empêché l’éclosion d’un véritable sentiment d’adhésion.

            Cette conception contractuelle n’a toutefois pas que des effets négatifs. C’est dans ce cadre juridique que s’est forgée l’identité territoriale de Nice et c’est dans ce cadre territorial que va pouvoir de développer le sentiment d’adhésion. Il faut ici revenir aux études de Paul Isoart sur les liens qui unissent Nice à la Provence. Le Comté de Nice est sans doute une terre provençale mais son rattachement à la France ne doit rien à ses liens avec la Provence. « Les Niçois entendaient venir à la France comme fils d’une province à part » explique-t-il. Cette attitude permettait d’écarter toute médiatisation de l’adhésion à la France. L’identité niçoise servait de support au rattachement direct et donnait à l’attachement d’adhésion un caractère exclusif et particulièrement fort.

            Tel est le legs de Paul Isoart à l’histoire de Nice. Il porte la richesse d’une histoire intérieure éclairée par la connaissance scientifique. Il doit autant au « soci », Vice-Président de l’Acadèmia Nissarda depuis 1996, qu’au Professeur de droit public et de science politique.

 

          Bibliographie niçoise du Professeur Paul Isoart

 

« La rectification de la frontière et les relations franco-italiennes (1945-1946) », Nice Historique, octobre-décembre 1987, 1947, Le rattachement de Tende et La Brigue, pp. 115-129.

 

« Nice française : manifestations populaires et lieux de mémoire (1860-1914) », Actes du colloque de Nice, 1987, Les Alpes-Maritimes 1860-1914. Intégration et particularismes, Editions Serre, Nice, 1988, pp. 157-187.

 

« Nice et la guerre de 1914-1918. Semailles sanglantes et lieux de mémoire », Nice Historique, octobre-décembre 1988, Nice et la guerre de 1914-1918, pp. 135-154 et Cahiers de l’Association nationale du Souvenir de la bataille de Verdun, n°18, 1991.

 

Avec Paul-Louis Malausséna, « 1789 ou 1792 ? », Présentation de Nice Historique, avril-juin 1989, 1789,  p. 45.

 

« De la fête à la guerre. Le 14 juillet dans la presse républicaine niçoise (1880-1919) », Nice Historique, avril-juin 1989, 1789, pp. 65-73.

 

Avec Jacques Basso, « Nice, la Provence et la France dans l’historiographie et le discours politique (1860-1940) », Actes du colloque de Nice, 1988, 1388. La dédition de Nice à la Savoie, Publications de la Sorbonne, 1990 et Nice Historique, 1990, n°1, Nice au moyen âge,  pp. 35-43.

 

« Roger Aubenas », Nice Historique, 1990, n°1, Nice au moyen âge, p. 34.

 

Avec Paul-Louis Malausséna, « L’Acadèmia Nissarda et l’identité niçoise 1904-1944 », actes du colloque de Nice, 1991, Cahiers de la Méditerranée, décembre 1991, pp. 191-218 et Nice-Historique, 1991, n°3, pp. 103-119.

 

Avec Paul-Louis Malausséna, « 1792-1992, « Bicentenaire d’une rencontre, Nice et la République française », Présentation de Nice Historique 1992, n° 3 et 4, Le Comté de Nice et la Révolution, pp. 113-114.

 

« L’abbé Grégoire et Nice », Nice Historique, 1994, n° 3 et 4, Le Comté de Nice et la Révolution, pp. 197-205.

           

La frontière des Alpes-Maritimes de 1860 à nos jours : ruptures et contacts, Actes du colloque de Nice, janvier 1990, « Préface », Nice, Editions Serre, 1992, pp. 7-9.

 

« Un espace de liberté », Présentation de Nice Historique, 1993, n°1-2, La Promenade des Anglais, p. 2.

 

« Marie Bashkirtseff, républicaine convertie », Nice Historique, 1995, n°3-4-5, Marie Bashkirtseff et Nice, pp.  143-149.

 

« Images de la Haute-Roya », Présentation de Nice Historique, 1997, n°2, p. 57.

 

« Hommage à René-Jean Dupuy. L’adieu à l’Ami », Nice Historique, 1997, n°3, pp. 168-170.

 

« Cent ans d’histoire politique. Nice et la France, histoire d’une passion », 1860-1960. Nice cent ans, par Jean-Paul Potron, Editions Giletta, Nice, 1997, pp. 16-29.

 

Avec Paul-Louis Malausséna, Présentation de Nice Historique, 1999, n°4, Souvenirs de la Grande Guerre, p. 193.

    

« Veilleurs de pierre, mémoire des vivants. Les monuments aux morts du comté de Nice et du Mentonnais », Nice Historique, 1999, n°4, Souvenirs de la Grande Guerre, pp. 195-243.

 

« 11 novembre 1942 : L'armée italienne occupe le Comté de Nice », Nice Historique, 2002, n°4, Les années de guerre. 1940-1945, pp. 207-219.

 

Notes de lecture dans Nice Historique, 2002, n°4, Les années de guerre. 1940-1945, pp. 240-241: J-L Paniccacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945, un département dans la tourmente, Nice, Editions Serre, 1989, 2e édition 1992. S. Klarsfeld, Nice, Caserne Auvare. La rafle des Juifs étrangers par la police de Vichy le 26 août 1942 et Nice, Hôtel Excelsior. Les rafles des Juifs par la Gestapo à partir du 8 septembre 1943, Edités par l’Association des Fils et Filles de déportés juifs de France, 1e édition 1993, 2e édition 1998.

 

« Borriglione, le barbet rallié », Nice Historique, 2003, n°1, Alfred Borriglione, Maire de Nice. L’Exposition internationale,  pp. 10-13.

 

« L'autre Histoire ! », Nice Historique, 2004, n°2, Les années de guerre 1939-1945, pp. 126-137.

 

Avec Paul-Louis Malausséna, « L'Acadèmia Nissarda. 1904, cent ans déjà ! », Nice Historique, 2004, n°4, Chroniques niçoises. Centenaire de l’Acadèmia Nissarda, 149-161.

 

« Sportifs et élus à Nice sous la IIIe République », Présentation de Nice Historique, 2007, n°1, Le sport à Nice, pp. 2-3.

 

« Un projet ambitieux … L'Exposition internationale des Sports », Nice Historique, 2007, n°1, Le sport à Nice, pp. 70-75.

 

« 1807 - 2007, à propos d'une commémoration », Présentation de Nice Historique, 2007, n°2, Garibaldi et Nice, pp. 90-95.

 

« Garibaldi, mythe et réalité », Nice Historique, 2007, n°2, Garibaldi et Nice, pp. 161-183.

 

« De la cérémonie mémorielle à l’oubli de L'Histoire », Présentation de Nice Historique, 2008, n°2, Masséna, Maréchal d’Empire, pp. 98-99.

 

« André Masséna, Niçois et maréchal d’Empire », Nice Historique, 2008, n°2, Masséna, Maréchal d’Empire, pp. 101-125.

 

« Jean-Marie Le Clézio, prix Nobel de Littérature 2008 », Nice Historique, 2008, n°4, L’Estéron, terre frontière. A la découverte d’un patrimoine artistique et culturel, p. 392.

 

Note de lecture dans Nice Historique, 2008, n°4, L’Estéron, terre frontière. A la découverte d’un patrimoine artistique et culturel, p. 390-391 : Un officier du XVe Corps. Carnets de route et lettres de guerre de Marcel Rostin (1914-1916), présentés et annotés par Olivier Gaget, C’est-à-dire Editions, 2008.

 

« A propos de 1860, réflexions sur le destin de Nice », Nice Historique, 2010, n°1-2-3, L’année 1860. Chroniques de l’annexion, pp. 7-37.

 

Note de lecture dans Nice Historique, 2011, n°1, Le Mont-Boron. L’urbanisation d’une colline niçoise : J-L. Panicacci, L’occupation italienne, Sud-Est de la France, juin 1940-septembre 1943, PU Rennes, 2010, pp. 71-74.

 

Note de lecture dans Nice Historique, 2012, n°4, Le quartier anglais de la Croix-de-Marbre : J-L. Panicacci, En territoire occupé. Italiens et Allemands à Nice. 1942-1943, Editions Vendémiaire, Paris, 2012, pp.372-375.

 

 

 

 



[1] Mélanges en l’honneur du Doyen Paul Isoart, Editions A. Pedone, Paris, 1996.

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