Nice région Rouvier
 
 

 

Maurice Rouvier

 

Chef du Gouvernement, ministre des Finances … et président du Conseil général des Alpes-Maritimes de 1890 à 1911

 

Chronique d’une carrière politique départementale au service de la République

 
 
 
Pour citer : Michel Bottin, « Maurice Rouvier, chef du Gouvernement, ministre des Finances … et président du Conseil général des Alpes-Maritimes de 1890 à 1911. Chronique d’une carrière politique départementale au service de la République, in Les présidents du Conseil général des Alpes-Maritimes de 1861 à 1932. Pour une histoire du département, Nice Historique, juillet-décembre 2011, pp. 314-349.
 
 
Ministre du Commerce et des Colonies dans le cabinet Gambetta, ministre du Commerce dans le cabinet Ferry, ministre des Finances et président du Conseil en 1887, ministre des Finances dans les cabinets Tirard, Freycinet, Loubet et Ribot puis dans celui de Combes et enfin président du Conseil, ministre des Finances et des Affaires étrangères en 1905, Maurice Rouvier a été ministre pendant dix ans entre 1881 à 1905. Lorsqu’il ne l’était pas, il occupait le poste de président de la Commission du budget à la Chambre des députés ou au Sénat. Rouvier est assurément une des personnalités politiques les plus marquantes de la Troisième République avant la Grande Guerre[1]. Son action politique est connue. On se bornera ici à rappeler son indéfectible engagement en faveur de la République, sa réputation d’excellent gestionnaire des Finances publiques, son habileté à gérer les crises politiques … et aussi à surmonter les épreuves et les scandales.
La présente étude poursuit un autre but : éclairer l’action de l’homme d’Etat dans le département dont il est l’élu. Maurice Rouvier a en effet été député, puis sénateur, des Alpes-Maritimes de 1885 à sa mort en 1911, conseiller général du canton de Breil pendant 25 ans et président du Conseil général des Alpes-Maritimes de 1890 à 1911, soit pendant presque 22 ans. Sa carrière politique locale est exceptionnelle et, paradoxalement, très mal connue[2].
Maurice Rouvier est en effet une personnalité politique à part dans le département : il n’en est pas originaire, il vit à Paris et paraît bien trop occupé par ses obligations ministérielles pour suivre de près les affaires départementales. Il n’est pas perçu comme une personnalité véritablement locale. Ses collègues au Conseil général l’ont pourtant élu 21 fois, sans interruption, à la présidence de ce Conseil !  C’est un record de durée, loin devant les présidences de Flaminius Raiberti et de Jacques Médecin.
 
La défaite du député de Marseille
 
Maurice Rouvier est né à Aix-en-Provence dans une famille de petits commerçants provençaux établis à Marseille. Il fait ses études secondaires au Lycée Thiers puis suit les cours de l’école pratique commerciale qui au sein de ce lycée forme en deux ou trois ans les employés qualifiés dont le commerce marseillais a besoin. Après cette formation il obtient un emploi dans la maison de commerce et de banque Zarifi et Zafiropoulos spécialisée dans le commerce et le courtage des céréales.
Très tôt, Maurice Rouvier s’engage en politique dans le parti républicain et le combat anti-bonapartiste. Une initiation maçonnique scelle irréversiblement ce choix. Il se range aux côtés de Gambetta et en devient un des plus fidèles soutiens.
A la proclamation de la République il est nommé secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Mais la politique l’attire. Il se présente aux élections législatives de février 1871 mais échoue. Les élections complémentaires de juillet lui offrent une nouvelle opportunité[3]. Il est élu député et siège au sein du groupe de « Centre gauche »[4] en 1874 puis à celui de l’« Union républicaine ». Il fait partie de l’aile modérée de cette tendance qui réclame la réforme du Sénat dans un sens démocratique, la séparation progressive de l’Eglise et de l’Etat, la réforme de la magistrature, l’instruction primaire laïque et obligatoire, le service militaire égal pour tous, le scrutin de liste. Rouvier est réélu le 20 février 1876 comme député de la 3ème circonscription de Marseille. Il est reconduit le 14 octobre 1877, après la crise du 16 mai et la dissolution de la Chambre par Mac Mahon, et une nouvelle fois le 21 août 1881[5].
Pendant toute cette période Rouvier se fait remarquer pour ses interventions en faveur de la liberté du commerce et de la politique coloniale. Ses liens étroits avec Eugène Etienne, député d’Oran, véritable chef du « parti colonial »[6], placent Rouvier en position d’interlocuteur privilégié des gouvernements pour toutes ces matières. Il entre dans le « grand ministère » de Gambetta le 14 novembre 1881 et prend le portefeuille du Commerce et des Colonies. Il le garde jusqu’à la chute de Gambetta le 26 janvier 1882. De retour sur les bancs de l’Assemblée il joue un rôle majeur dans la mise au point des conventions de chemins de fer, défend de très nettes positions douanières libre-échangistes et accède à la présidence de la Commission du budget de la Chambre.
Son soutien au deuxième ministère Ferry, en place depuis le 21 février 1883, lui vaut de revenir au gouvernement à l’occasion d’un remaniement comme ministre des Colonies le 14 octobre 1884. Le ministère Ferry tombe le 30 mars 1885, suite au désastre de Lang-Son, face au vote hostile des radicaux et des conservateurs. Le président Grévy nomme Henri Brisson le 6 avril président du Conseil. Le nouveau chef du gouvernement a six mois pour préparer les élections législatives et assurer la reconduction de la majorité républicaine opportuniste.
Le 4 octobre 1885, le premier tour des élections législatives est très défavorable à la majorité républicaine en place. La poussée des royalistes est forte. Le résultat est d’autant plus négatif que les élections ont eu lieu au scrutin de liste, a priori moins favorable pour les notables conservateurs qu’un scrutin d’arrondissement. Dans les Bouches-du-Rhône la situation est encore plus difficile pour les candidats de l’Union républicaine car ce département fait partie de ceux où la poussée des radicaux est la plus forte. La liste de huit députés conduits par Rouvier est prise en tenaille.
La liste radicale menée par Paul Peytral arrive en tête. On y remarque la présence de Camille Pelletan et Clovis Hugues. Peytral obtient 40.051 voix, le huitième Boyer 30.328[7]. La liste a bénéficié du soutien des socialistes. Tous sont fermement hostiles à la politique opportuniste suivie par Gambetta puis par Ferry et, pour la plupart, ils sont prêts à rompre toute forme d’alliance parlementaire avec les opportunistes. Pelletan est d’ailleurs avec Clémenceau le promoteur de cette fermeture du parti radical[8]. Rouvier, seul député sortant de sa liste ; n’obtient que 25.437 voix. Ses colistiers sont loin. Enfin Le Mée, tête de liste des conservateurs, obtient 30.216 voix. Le huitième, Remacle, rassemble 28.555 voix, c’est-à-dire davantage que Rouvier.
Rouvier n’a pas de réserve de voix. Avec près de 100.000 votants pour 133.000 inscrits, le premier tour a été très disputé. Ses chances de succès pour le scrutin de ballotage prévu pour le 18 octobre sont presque nulles. A-t-il d’ailleurs les moyens de se maintenir ? Le succès des royalistes a provoqué la réaction des républicains. Il y a 268 ballotages. Partout on demande le « rétablissement de l’union et de la discipline »[9]. Les désistements s’organisent entre républicains et radicaux ou entre listes républicaines concurrentes. Rouvier n’a d’autre possibilité que l’effacement. Le 11 octobre suivi par ses colistiers, il retire sa candidature : « La discipline républicaine, autant que la situation créée par le résultat général des élections impose aux républicains le devoir d’oublier leurs discussions, de s’unir tous contre la tentative audacieuse de la coalition monarchique » explique-t-il[10]. Etait-ce la fin d’une carrière politique prometteuse ?  C’est mal connaître la combativité de Rouvier et la puissance de la machine électorale de l’Union républicaine. On ne laisse pas une personnalité politique comme Rouvier sur le bord du chemin.
 
En rattrapage dans les Alpes-Maritimes
 
La discipline républicaine empêchait Rouvier de poursuivre la campagne électorale à Marseille. Mais la loi électorale l’autorisait à se présenter ailleurs pour le second tour, scrutin de ballotage. Les opportunités étaient cependant rarissimes. Presque partout s’opposaient frontalement une liste républicaine -opportuniste ou radicale- et une liste de l’opposition conservatrice. Mais peut-être existait-il une solution plus simple. Pourquoi ne pas tenter sa chance pour le compte des Etablissements français de l’Inde ? Le premier tour avait lieu à Pondichéry le dimanche suivant 11 octobre. Rouvier, ancien ministre du Commerce et des Colonies, pensait avoir quelques mérites à faire valoir. Le résultat est sans appel. Le candidat sortant, Pierre-Alype, de la Gauche radicale, obtient 26.122 voix contre 9.736 à Rouvier[11]. La nouvelle parvient à Paris le 13 octobre[12].
Prévoyant, Rouvier avait entretemps cherché d’autres contacts pour le scrutin de ballotage du 18. Il s’était rapproché d’Emmanuel Arène, un très proche[13] collègue de l’Union républicaine, pour tenter d’obtenir une place sur la liste qu’il présentait en Corse[14]. Mais Arène avait obtenu un résultat très moyen au premier tour[15] et n’avait pas la possibilité de faire une place à Rouvier[16].
Il y avait aussi une possibilité dans les Alpes-Maritimes. Le premier tour y avait vu s’affronter deux listes républicaines. Il n’y avait pas d’opposition conservatrice. Les deux listes s’opposaient sur un programme républicain. L’une était soutenue par le « Comité central républicain des Alpes-Maritimes ». Elle ne comportait qu’un seul nom, celui d’Alfred Borriglione, député sortant d’Union républicaine, maire de Nice. L’autre liste était soutenue par le « Comité républicain départemental ». On y trouvait le Docteur Balestre, membre du Comité du Palmier créé par Ernest Lairolle pour combattre Borriglione[17], Raphaël Bischoffsheim, député sortant, et Eugène Gazagnaire, maire de Cannes. Seul Borriglione fut élu avec 20.999 voix. Les candidats de la liste Balestre n’atteignaient pas la majorité absolue : Balestre 18.842, Bischoffscheim 17.652 et Gazagnaire 17.341[18].
La poussée conservatrice du premier tour incita le comité central républicain des Alpes-Maritimes et l’Union républicaine à ne pas laisser le champ libre à la liste Balestre. Pourquoi ne pas s’y opposer en constituant une liste y accueillant Rouvier ? Borriglione député maire de Nice et le sénateur Edmond Chiris parrainaient l’opération.
A la fin de la semaine qui suit la défaite de Marseille, Le Petit Niçois annonce ainsi la candidature de Rouvier. C’est la surprise. L’Eclaireur est pris de court. Il entreprend de fourbir quelques armes pour soutenir les candidats de la liste Balestre. La candidature de Rouvier est « exotique », commente le quotidien[19]. « Il n’est pas digne de la part de M. Rouvier d’accepter le patronage de M. Borriglione ». Nice est en train « de se faire une réputation dans l’art d’accommoder les restes ». « Cet ex-ministre du commerce est en effet complètement discrédité à Paris et chacun se souvient de la vague de protestation et de blâmes que souleva -le lendemain de la chute du ministère Ferry- la pluie de décorations, qu’en guise de legs, il répandit impudemment sur tous les petits attachés de son cabinet »[20].
Et L’Eclaireur poursuivait : « M. Rouvier, quoique blackboulé à Marseille, n’en reste pas moins marseillais, sinon par amour, du moins par intérêt. Ce n’est pas à Nice que sont ses amis, ses véritables amis, les riches commerçants qui l’ont lancé et soutenu dans la vie publique à la condition qu’il se ferait au Parlement l’avocat de leurs affaires » (…) « Une fois réélu député il est évident que M. Rouvier resterait comme par le passé l’ami et l’avocat des Grecs millionnaires et des grandes Compagnies de Marseille. Or, chacun le sait, ceux-là ont des intérêts diamétralement opposés aux nôtres. Ils sont les ennemis acharnés de l’extension de tous les ports qui ne sont pas de Marseille. S’ils le pouvaient, ils annihileraient immédiatement tout le commerce maritime de notre littoral à leur profit ». Ce « serait le coup le plus funeste qui puisse être porté à notre commerce local déjà si malade »[21].
Le lendemain 14 octobre L’Eclaireur, sous la plume de Jules Michel, poursuit sur la question des chemins de fer : sur les lenteurs des travaux de la ligne Nice-Cuneo et surtout sur les choix faits pour la ligne Nice-Alpes en faveur de la voie étroite. Maurice Rouvier est responsable. Alors qu’il était « rapporteur de loi sur les nouvelles conventions avec les grandes compagnies de chemin de fer, (il) s’est prononcé contre les intérêts des Alpes-Maritimes en s’opposant de toutes ses forces au projet en question »[22]. « Il n’a pas su ou voulu nous obtenir la concession définitive de la ligne de Puget-Théniers »[23]. Rouvier n’est pas un bon candidat. D’ailleurs c’est à cause de la politique coloniale du gouvernement auquel il a appartenu que « notre brave 111e » s’est fait décimer » au Tonkin[24].
Mais la candidature Rouvier va bon train. Le 8 octobre les comités républicains de Grasse, Nice et Menton lui ont offert la candidature[25]. Le 9 ils se réunissent à Nice au Cirque, avec celui de Puget-Théniers, et décident de soutenir une liste Maurice Rouvier-Ernest Roure, le maire de Grasse[26]. Bischoffsheim de de son côté se désiste en faveur de Balestre et Gazagnaire.
Le soutien de Borriglione et la candidature de Roure donnaient du crédit à la candidature de Rouvier. Il restait à neutraliser les effets négatifs d’une candidature exotique. La profession de foi de Rouvier est très marquée par cette préoccupation. Candidat exotique certes, mais impartial : « Au lendemain de sa victoire du 4 octobre, explique-t-il, le Comité central a voulu donner à tous les bons citoyens le moyen d’effacer les discordes et les luttes récentes en se ralliant à la candidature d’un homme politique étranger aux querelles et aux rivalités qui trop longtemps ont divisé votre beau département ». Un candidat exotique certes, mais qui connaît bien le département. Rouvier explique qu’il y a fait « de fréquents séjours » et qu’il a rendu quelques services aux « intérêts locaux ». Tout cela lui permet de conclure : « beaucoup d’entre vous me connaissent ». Le programme suit. On y trouve en bonne place la construction des lignes ferroviaires de Coni et de Puget-Théniers et l’achèvement des ports[27].
          Le 18 octobre Rouvier est élu de justesse. Roure obtient 18.762 voix et Rouvier 18.739. Balestre le suit avec 18.635 voix -104 voix d’écart- et Gazagnaire 17.061[28].
 
La villa du Cap-Ferrat
 
Maurice Rouvier a épousé en 1875 Marie-Noémie Cadiot, veuve d’Alphonse-Louis Constant[29]. Elle est alors âgée de 47 ans -14 de plus que son mari- et célèbre. Romancière, critique d’art, militante féministe, Marie-Noémie Cadiot est surtout connue pour ses sculptures. Elle a, à l’époque du Second-Empire, participé en particulier à l’exécution des bas-reliefs de la fontaine Saint-Michel et à la décoration du Louvre. Elle expose et écrit d’abord sous son nom de mariage Noémie Constant, puis sous le pseudonyme de Claude Vignon[30]. Les époux Rouvier habitent Paris à l’époque de leur mariage, à Passy, 152 rue de la Tour[31].
Attirée par le cadre du Cap-Ferrat, Marie-Noémie Cadiot a acheté le 10 janvier 1882 sous le nom de Claude Vignon, « rentière », « épouse de Monsieur le Ministre Rouvier », une propriété située au quartier Saint-Jean à Villefranche au lieu-dit Les Fossettes, comportant un terrain complanté d’oliviers et arbres fruitiers et une maison d’habitation[32]. Voici la description qu’en fait Henry Polday journaliste au Ruy Blas : Une « maison perdue dans le fouillis des arbres. L’architecture est des plus simples. Nul ornement. Cette maison est couverte de tuiles rouges et ornée de volets verts ; mais tout autour on y voit des bouquets de roses et des allées d’orangers »[33]. Mais pas la mer ! Marie-Noémie change d’avis et achète deux ans et demi plus tard, le 9 juin 1884, un terrain situé à quelques dizaines de mètres, « parcelle de terre inculte plantée de quelques pins et de deux oliviers » de 71 m², 47 centimètres² pour le prix de 800 francs précise l’acte d’achat[34]. Le terrain est situé quartier Buyo. Il donne sur l’anse de Fossette[35]. Claude Vignon y fait construire une maison.
Cette maison, poursuit Henry Polday « est une coquette, mais modeste propriété de campagne située dans un merveilleux paysage. C’est le pittoresque surtout qui en fait la valeur. A droite la presqu’île dénudée du Cap-Ferrat avec le sémaphore au sommet ; à gauche la presqu’île de Saint-Hospice où s’élèvent les pins de la propriété Quincenet, semblable à une vaste forêt qui s’avance dans la mer. Dans le fond du golfe, qu’encadrent au loin ces deux caps d’argent si différents, un petit promontoire tout verdoyant élevé de douze à quinze mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est là, au-dessus du rocher taillé à pic, que se dresse la villa Claude-Vignon, maison carrée construite à l’italienne, avec toits plats et balustrades, un rez-de-chaussée et un étage ». Un escalier « à rampe de sapin » descend jusqu’à la mer[36]. C’est là que Claude Vignon décèdera le 10 avril 1888. Son fils Louis, beau-fils de Maurice Rouvier et très proche collaborateur, en héritera[37]. C’est lui qui a offert à la Commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat la statue en bronze du « Pêcheur à l’épervier » qui se trouve sur le port. Il s’agit d’une copie de la statue en marbre commandée par l’Etat en 1876. Elle sera inaugurée par Maurice Rouvier alors qu’il était sénateur. Lorsque Rouvier dit bien connaître de département et y faire de fréquents séjours c’est à ces liens avec Villefranche, Beaulieu et Saint-Jean qu’il fait allusion. Il n’est pas tout à fait un étranger.
 
La bataille cantonale de Breil
 
Rouvier avait été élu à la députation au scrutin de liste. Dépourvu d’ancrage électoral local, sa position restait fragile. Il était d’une certaine façon en dehors de la politique départementale. Le renouvellement de la moitié des conseillers généraux fixée au dimanche 1er août 1886 lui offrait une possibilité de s’enraciner dans le département.
Il lui fallait, pour se présenter, accomplir une formalité préalable car il n’était pas propriétaire dans le département. Le 22 janvier 1886 il achète à Gaston Court de Fontmichel un terrain de 500 m² situé à Mandelieu pour le prix de 300 F. Rouvier est présent[38].
Il restait à trouver un canton où l’élection n’était pas jouée d’avance. Conseillé par Borriglione et Jean-Baptiste Faraut, notaire à Puget-Théniers, Rouvier fait le choix du canton de Puget-Théniers. Le sortant est le docteur Alexandre Baréty, un notable local bien établi. Rouvier fait le déplacement de Puget accompagné de ses colistiers à la députation Roure et Borriglione. La délégation est imposante, les trois députés du département dont un ancien ministre et président en exercice de la Commission du budget à la Chambre. Rien n’y fait. L’accueil annoncé n’est manifestement pas celui qu’on attendait. Le comité républicain local a manqué son affaire. Rouvier se retire[39].
Le décès, fin juillet, d’Auguste Cachiardy de Montfleury conseiller général du canton de Breil[40], offre une opportunité inespérée. Pas d’héritier politique désigné et trois semaines de campagne, l’élection étant prévue pour le dimanche 22 août. Rouvier a en outre quelques raisons d’espérer une victoire. Il a fait à Breil un bon résultat lors de l’élection législative du 18 octobre de l’année précédente[41]. La campagne électorale est acharnée. Toutes les parties en présence ont compris l’enjeu majeur de l’élection. Une victoire donnerait à Rouvier la légitimité départementale qui lui fait défaut.
L’adversaire de Rouvier est Jean Baptiste Rostagni, un « enfant de Breil », pharmacien à Nice et juge au tribunal de commerce. Dans son programme Rostagni précise qu’ « uniquement préoccupé du canton de Breil », il ne se trouvera «  pas sollicité par des intérêts contraires ». Il promet de veiller particulièrement à la construction « des voies ferrées qui doivent après leur exécution transfigurer complètement notre pays » ; d’œuvrer pour l’achèvement des routes qui desservent le canton ; de veiller aux questions forestières et douanières[42].
La ligne Nice-Coni devient un enjeu majeur de la campagne. Sa construction était prévue dès 1879 dans le plan Freycinet mais le projet a disparu en 1883 lors de la conclusion des conventions par lesquelles les grandes compagnies de chemin de fer devaient construire ces lignes dans un délai déterminé . « Qui a rédigé ces conventions ? » demande L’Eclaireur. « MM. Raynal et Rouvier. On a lancé tout de suite après le projet d’un réseau complémentaire de 600 km sans que Rouvier s’intéresse au département »[43]. Ce qui est peut-être normal puisqu’à l’époque il n’était pas député des Alpes-Maritimes.
Rouvier se montre d’ailleurs très prudent sur la question. Il est bien placé pour connaître le dossier !  Les études sur la ligne Nice-Coni ont été arrêtées en 1881 sur ordre de l’Etat-major, le temps qu’on mette en place les sécurités nécessaires. La construction en 1882 du puissante fort du Barbonnet sur les hauteurs de Sospel règle la question. Les études reprennent[44]. Ce n’est donc pas pour des raisons militaires que le projet a été abandonné.
La bataille électorale dépasse très vite le cadre cantonal. Elle devient le catalyseur de toutes les divisions départementales. Rostagni, qui a l’appui du préfet Catusse, en très mauvais termes avec Borriglione[45], finit par incarner l’opposition aux républicains opportunistes. Catusse intervient même directement dans la campagne. Par exemple à propos de la route Breil-Vintimille que l’Italie souhaite voir se réaliser entièrement, surtout depuis le percement du tunnel routier de Tende en 1882. L’autorité militaire française a multiplié les objections jusqu’en 1883 puis, après avoir pris toutes les garanties militaires, a fini par lever ses interdictions[46]. Le 13 août 1886 le préfet Catusse peut informer le Conseil d’arrondissement de Nice que la rectification de la route nationale dans la traversée de Breil vient d’être approuvée par l’administration. Rouvier lui, n’a, à aucun moment, montré qu’il connaissait le dossier[47].
Rouvier ne s’attendait pas à devoir mener une campagne aussi difficile. La place était libre et il n’a fait, dit-il, que répondre aux « nombreux républicains du canton » qui lui « ont offert la candidature ». Il a accepté cette candidature « à un moment où, aucune autre n’étant posée, aucune compétition n’était à prévoir ». Depuis les choses ont changé. Et ce qu’il supporte le plus mal est d’être traité d’  « étranger ». « Un Français se présentant devant des élections françaises ne peut pas être un étranger ». Son programme : amélioration du régime forestier, simplification des formalités douanières, achèvement des routes, création des lignes ferrées, développement de l’instruction populaire[48].
La campagne est rugueuse. A Saorge, le 18 août, le maire s’oppose à la présence des musiciens qui ont accompagné Rouvier[49]. A Breil, le maire se dit prêt à retirer l’assistance de la commune aux partisans de Rouvier. Barberis, le garde forestier du lieu, menace. Bottone, le maire de Fontan, se sert directement de la protection préfectorale pour mener la campagne. La « corruption électorale s’étale au grand jour » s’offusque Le Petit Niçois[50].
Du côté de Rouvier, les comités républicains s’activent. Ils sont menés par le populaire Docteur Davéo de Saorge, « médecin des pauvres » ainsi que le qualifie Le Journal de Grasse[51] ». Borriglione appuie son collègue à la Chambre des députés de tout son poids. La tâche est difficile parce que Borriglione est conseiller général du canton voisin de Sospel et que, sur plusieurs questions essentielles, les intérêts des deux cantons sont radicalement opposés. Et pour bien montrer que c’est toute l’Union républicaine qui est derrière Rouvier, Ernest Roure, député-maire de Grasse, fait le voyage de Breil l’avant-veille du scrutin pour apporter l’appui du comité républicain de son arrondissement[52] contre le « représentant de la coalition réactionnaire et séparatiste »[53].
Dans le camp adverse on mobilise également. La veille du scrutin Eugène Gazagnaire, maire de Cannes, le Docteur Balestre, premier adjoint du maire de Nice et Ernest Lairolle, conseiller municipal de Nice,  ont fait le déplacement de Breil[54].
Rouvier est élu par 679 voix contre 449 à Rostagni. Le résultat est très partagé à Breil et à Fontan mais Saorge a fait la différence grâce au Docteur Davéo et au comité républicain du lieu[55].
 
Le tombeur du général Boulanger
 
De retour à Paris après cette difficile campagne électorale, Rouvier se trouve plongé dans l’effervescence politique créée par les surenchères patriotiques du général Boulanger, ministre de la Guerre. Le 21 avril 1887 un incident de frontière avec l’Allemagne, l’affaire Schnæbelé, tourne à l’affaire diplomatique majeure. Les bruits de guerre se multiplient.
Rouvier apprend la nouvelle alors qu’il est à Nice depuis le 18 avril pour participer à la première session du Conseil général. Celle-ci se termine le 21. Rouvier ne retourne pas toutefois pas immédiatement à Paris. Il se rend à Breil pour inaugurer le cercle républicain du lieu. Sur la route il s’arrête à Menton pour y visiter les ruines du tremblement de terre du 23 février précédent. Il est reçu par le maire Laurenti et plusieurs conseillers municipaux. Tard dans la soirée, il part pour Breil et loge chez Philippe Rey. Le lendemain dimanche il se rend à Saorge où il est accueilli par le Docteur Davéo, maire. Celui-ci lui demande de faire son possible pour que l’Etat rachète la forêt du Cairos. Rouvier explique que l’administration forestière ne pratique pas volontiers ce genre d’opération. Par contre elle pourrait donner l’autorisation de faire une large coupe. Il se rend ensuite à Fontan. Quelques notables l’accueillent mais la municipalité est absente. Et enfin retour à Breil pour l’inauguration officielle du Cercle républicain. Ici également pas d’autorités municipales. Un banquet a lieu à La Giandola, Hôtel des Etrangers. On retourne en cortège à Breil pour inaugurer la salle du Cercle. Son président aborde les questions frontalières, insiste sur la rigueur des contrôles douaniers qui handicapent l’économie locale et fait le point de la mise en état de la route Breil-Vintimille. Rouvier ne répond pas directement. Il proclame avec insistance son attachement aux principes du libre-échange. Il critique les mesures protectionnistes qui ne cessent de se multiplier, particulièrement celles concernant l’importation de céréales.  Mais l’essentiel de son discours est un éloge des principes républicains « qui élèvent les paysans aux plus hautes charges de l’Etat ». Il promet de revenir au mois d’août[56]. Il ne pourra pas tenir sa promesse[57].
Rouvier retourne à Paris. En deux semaines la situation du cabinet Goblet est devenue très difficile. Une partie de la gauche a fait défection et réclame le départ de Boulanger. Rouvier en fait partie. Il livre bataille à Goblet à partir de son poste de président de la Commission du budget. Il réclame davantage d’économies. La question, mise aux voix de la Chambre, place Goblet en minorité. Rouvier est alors appelé à former le nouveau gouvernement. Celui-ci est constitué le 30 mai. Sans Boulanger évidement. Rouvier y détient également le portefeuille des Finances[58].
Rouvier doit affronter une situation diplomatique délicate, conséquence directe de l’attitude de Boulanger lorsqu’il était ministre de la Guerre.  Le 20 février 1887 l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie ont renouvelé la triple Alliance conclue en 1882 pour cinq ans La dégradation rapide des relations avec l’Italie ne peut laisser indifférent le député des Alpes-Maritimes, conseiller général d’un canton-frontière. Mais en matière commerciale le processus de dénonciation du traité de commerce avec l’Italie signé en 1881 est déjà très engagé. Les milieux protectionnistes français haussent le ton. L’Italie réplique. Rouvier, le libre-échangiste, ne peut que tenter de calmer le jeu[59]. On peut croire que son petit canton, à l’autre bout de la France, sur la frontière italienne, a souvent occupé ses pensées. La profession de foi antiprotectionniste faite aux Breillois au mois d’avril était, maintenant qu’il était à la tête du gouvernement, bien difficile à tenir !
Les conséquences de cette tension diplomatique sont également militaires. Le cabinet Goblet a chargé le général Ferron sous-chef d’Etat-major au ministère de la Guerre d’étudier le renforcement de tous les points faibles de la frontière franco-italienne, particulièrement dans les Alpes-Maritimes[60]. Le décret du 28 mars 1887 fait ainsi de Nice un des 21 groupes de défense entre lesquels sont réparties les places fortes de métropole et d’Algérie[61]. Rouvier, une fois à la direction des affaires, va peser de tout son poids pour accentuer cette orientation et faire profiter les Alpes-Maritimes du plan de renforcement militaire. Il nomme Ferron à la Guerre. Celui-ci fait du 26 septembre au 3 octobre une tournée très remarquée dans toutes les casernes et fortifications du département, promettant des aménagements et l’établissement de nouvelles garnisons[62]. Il promet aussi la construction pour Nice-Coni d’une « ligne stratégique à voie étroite »[63]. Précisons que lors de son passage à Breil, Ferron ne fait aucune promesse alors que l’établissement d’une garnison permanente avait été un souci constant de Cachiardi de Montfleury[64]. Ajoutons dans le même ordre d’idées que Ferron ne se déplace pas à Grasse et qu’il rencontre Ernest Roure à Nice, juste avant son départ, sans rien promettre de précis[65].
S’agissait-il d’une opération électorale menée par le ministre de la Guerre pour le compte de son chef de gouvernement ? Sans doute pas. Mais l’année suivante, les garnisons promises n’étant toujours pas en place, une bonne partie de la presse qualifiera la visite du général Ferron de « tournée électorale »[66].
A Paris les difficultés deviennent sérieuses pour le cabinet Rouvier. Le 7 octobre 1787 la presse dévoile que Daniel Wilson, le gendre du président de la République Jules Grévy, distribue des décorations à des hommes d’affaires en échange de leur participation financière à ses entreprises. Le président de la République est mis en cause. Rouvier tente de le défendre. En vain. Le 2 décembre 1887 un vote du Parlement pousse Grévy à partir. Rouvier démissionne le 4 décembre. Sadi Carnot succède à Grévy et Tirard à Rouvier.
 
Les obsèques de Madame Rouvier
 
Le 9 avril 1888 Maurice Rouvier est présent à Nice pour l’ouverture de la première session du Conseil général. Il ne peut y assister « l’état de santé de son épouse s’étant aggravé »[67]. Celle-ci décède le lendemain dans sa maison du Cap-Ferrat. Ses obsèques prennent le surlendemain un caractère très officiel. Les maisons de Saint-Jean portent des crêpes noirs en signe de deuil. Un cortège, en présence des autorités locales et des enfants des écoles accompagne la défunte jusqu’à la sortie du village.  La famille se rend alors jusqu’à Nice où a lieu, Place Cassini, une deuxième cérémonie en présence du gouverneur militaire de Nice, le général de Coatpont, du préfet Henry, de tous les directeurs des administrations de l’Etat, des deux collègues de Rouvier à la Chambre, Borriglione et Roure, des deux sénateurs du département, Renault et Chiris, et de nombreuses délégations d’associations et de syndicats. Chacun a pu constater l’absence de toute délégation de la Ville de Nice.  On doit noter parmi les couronnes celles d’E. Zafiropoulos et de P. Zafir, les anciens employeurs marseillais de Rouvier. Un nouveau cortège se forme alors pour accompagner le corbillard jusqu’à la gare[68]. Les obsèques se poursuivront à Paris avec accueil au domicile des Rouvier, obsèques à Saint-Honoré-d’Eylau et inhumation au Père-Lachaise.
Deux mois plus tard, c’est un Rouvier « fatigué » qui participe à Paris au banquet de la « Société amicale des Alpes-Maritimes » que préside le Docteur Théophile David, un médecin parisien renommé natif de Saint-Léger près de Puget-Théniers. La réunion rassemble au Grand café américain près de l’Opéra, une centaine de personnes toutes liées au département. Borriglione et Soleau, le maire d’Antibes, sont présents. Le thème est la commémoration du 28e anniversaire de l’annexion du Comté de Nice à la France. Dans son discours Rouvier avoue être mal placé pour parler. Cela aurait dû être à un « annexé » à la France de le faire. Mais Borriglione a insisté pour qu’il fasse le discours, lui, « un annexé au département ». Rouvier assure qu’il n’oubliera jamais qu’au cœur de sa carrière politique il y a trouvé « un pays d’adoption ». « Si j’ai dirigé, dit-il, le gouvernement de la France, si j’ai à un moment donné eu l’honneur de me trouver à la tête de ce pays, si j’ai essayé de constituer un grand parti national, c’est à vous Messieurs que je le dois ». « Un instant à la tête des destinées de mon pays, j’ai travaillé au progrès de la Patrie en pensant qu’il en rejaillirait quelque chose sur le département qui m’a fait un pareil accueil »[69].
 
Rouvier député de Grasse
 
L’élection cantonale de Breil en 1886 était une élection partielle. Le siège de Breil venait donc au renouvellement en 1889. Autant l’élection cantonale de 1886 avait été disputée autant celle de 1889 est sans problème. Rouvier est seul candidat. Il est élu le 28 juillet 1889 avec 725 voix[70], davantage qu’en 1886 où l’électorat avait été très mobilisé. Les électeurs ont certainement été flattés de voter pour un membre du gouvernement. Les bulletins de vote portaient la mention « Ministre des Finances », poste que Rouvier occupe dans le cabinet Tirard depuis le 22 février 1889 et qu’il conservera jusqu’au 28 novembre 1892. Il est même probable que Rouvier n’a pas fait campagne. La presse, surtout Le Petit Niçois, aurait mentionné son passage.
Il vient par contre à Nice pour la seconde session du Conseil général mais il est absent le 19 août pour l’ouverture de la session, étant retenu à Paris par le banquet des maires. Il est présent pour la séance suivante le 21 août[71]. La session est marquée par deux événements : d’une part la présentation de la loi du 29 juillet 1889 portant déclaration d’utilité publique et concession définitive à la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France des voies de Grasse à Nice et de Nice à Digne[72] ; d’autre part la demande de la Ville de Nice pour obtenir une diminution de son contingent pour la contribution mobilière-personnelle. La demande est rejetée après deux tours de scrutin, contre l’avis du président du Conseil général Joseph Durandy[73]. La séance a été difficile pour Durandy, interpellé une fois de plus sur sa « nationalité italienne »[74]. Cette session tendue laisse apparaître que les conseillers sont déjà en campagne pour les élections législatives du 22 septembre. Elle se termine le 24 août.
Rouvier arrivait de Paris avec une priorité en tête, être réélu à la députation. Et rien n’était joué. Même pour un ministre des Finances. Le mode de scrutin a changé.  Le scrutin d’arrondissement remplace le scrutin de liste. Rouvier doit donc trouver un arrondissement. Et les places sont rares. Mais il bénéficie d’un atout. L’épisode boulangiste a effrayé les républicains. Le succès triomphal du général Boulanger à Paris le 27 janvier 1887 a fait planer le spectre du césarisme pendant quelques semaines. L’indécision du général a fait sombrer l’entreprise. Rouvier, qui a pris position sans ambiguïté contre le général, en est sorti renforcé. Il saura faire valoir cette position.
 Le scrutin d’arrondissement a aiguisé les appétits. Quatre sièges sont à pourvoir : 1ère Nice, 2ème Nice (Nice-campagne), Puget-Théniers et Grasse.  Pour Rouvier le choix est vite fait. Seule la circonscription de Grasse peut lui être favorable. En tant que député sortant il lui parait normal d’y être le seul candidat républicain. Mais Gazagnaire réagit. Il demande la réunion en congrès de tous les délégués républicains de l’arrondissement de Grasse le plus rapidement possible. Rouvier n’apprend la manœuvre qu’à la fin de la session du Conseil général. Il est amer. Il pensait être le candidat naturel et il doit batailler pour s’imposer[75].
Ce Congrès se réunit à Grasse le lundi 26 août. Il rassemble 104 délégués sur 126. A la Tribune Léon Chiris sénateur, Hibert vice-président du Conseil général et Geofroy président du Conseil d’arrondissement. Chiris fait voter une question préjudicielle imposant au perdant de se retirer. Gazagnaire se présente comme « républicain progressiste » et fait valoir ses réalisations locales. Rouvier déplore que les républicains partent désunis contre « la coalition césarienne ». Il assure qu’il saura mieux traiter que son adversaire l’antagonisme qui sépare Grasse et Cannes. Il se défend d’être un étranger puisqu’il est provençal. Et surtout il expose son bilan politique : il a accepté le ministère en mai 1887 parce que personne « n’osait prendre le pouvoir sans Boulanger ». « Je fis rentrer ce soldat dans le rang » tonne-t-il. « Ah Messieurs, s’il avait été ministre à cette époque, croyez-vous que nous pourrions librement discuter à cette heure ! ». Et son gouvernement a ainsi pu mener une autre politique que celle de Goblet. « Le cabinet que j’ai eu l’honneur de présider à fait autre chose. Le ministère Goblet tombait parce qu’il ne pouvait trouver 30 millions d’économies à réaliser. J’ai eu le portefeuille des Finances et j’ai réalisé cent millions d’économies » ; « Si je n’ai pas participé au cabinet Floquet, c’est parce que je ne l’ai pas voulu. Ce cabinet avait la révision dans son programme ». « A la chute du cabinet Floquet j’ai accepté le portefeuille des Finances dans le cabinet que préside mon éminent ami M. Tirard ». « Il s’agissait de tenir tête au césarisme qui menaçait la République ». Enfin, quelques mots sur le département ; il dit avoir fait beaucoup pour le vote de deux lois : l’indemnisation des victimes du tremblement de terre, « dont la générosité n’a échappé à personne », et le vote de la loi sur les chemins de fer. Rouvier sort vainqueur du scrutin avec 72 voix contre 31 à Gazagnaire[76].
Pour L’Eclaireur ce vote est une « farce électorale » dont l’impresario est le préfet Henry. « La candidature officielle triomphe sur toute la ligne »[77]. Et le 28 août L’Eclaireur attaque le bilan départemental de Rouvier : il n’est pour rien dans la loi d’indemnisation des victimes du tremblement de terre ; il n’a rien fait pour que Nice obtienne une ligne de vapeurs avec l’Algérie ; il n’a rien fait pour l’obtention d’une ligne de chemin de fer « à voie normale qui permit aux produits de la Belgique et du nord de la France d’arriver plus rapidement vers notre port que vers celui de Marseille ». Il a favorisé « les intérêts de Marseille auxquels nous avons été sacrifiés »[78].
Le Congrès de Grasse apparaît ainsi comme le premier résultat de la politique de « conciliation » à laquelle œuvre le préfet Henry pour éviter toute division du camp républicain. Tous les préfets ont ainsi reçu des instructions pour opposer des « candidats officiels » aux candidats « boulangistes ou réactionnaires »[79].
Cette politique de conciliation a d’ailleurs déjà produit des résultats. Elle est à l’origine de la démission de Joseph Durandy de sa présidence et de son mandat de conseiller général de Guillaumes le 29 août[80]. Durandy a compris qu’il n’aurait plus de majorité au Conseil général. Le vote négatif sur la diminution de la contribution personnelle de Nice a sonné comme un avertissement. La défaite de son allié Gazagnaire au Congrès de Grasse lui a définitivement ouvert les yeux.
Rouvier peut être satisfait de la manœuvre. L’élection de la circonscription grassoise est jouée d’avance. Même s’il trouve en face de lui un nommé Paulet, un ancien collaborateur qui serait en possession « d’une serviette bourrée de documents contre l’opportunisme en général et M. Rouvier en particulier ». Mais les deux hommes n’ont jamais l’occasion de s’affronter dans les réunions électorales et Paulet s’en est tenu à de vagues critiques teintées de boulangisme sur la classe politique. Pour L’Eclaireur cette candidature est destinée à faire de Rouvier le candidat anti-boulangiste par excellence. Pour faire plus vrai, il paraitrait même qu’on embauche les « Turcos »[81] de Borriglione pour faire la claque contre le boulangisme[82]. Dans de telles conditions comment faire campagne contre Rouvier sans faire le jeu du boulangisme ! A ce jeu, autant Le Petit Niçois est à l’aise, autant L’Eclaireur est gêné. Ses consignes de vote du dimanche 22 septembre en témoignent : pour la 1ère Nice : ni Bischoffsheim, « compromis candidat préfectoral », ni Ricci « candidat insuffisant », ni Raiberti « candidat boulangiste », abstention ou vote nul ; pour l’arrondissement de Grasse, ni Rouvier « candidat imposé. Protecteur de Marseille », ni Paulet « boulangiste-rouviériste », abstention ou vote blanc[83]. Rouvier obtient 9.440 voix et Paulet seulement 2.878[84].
 
La présidence du Conseil général
 
Rouvier est devenu l’homme fort du département. Il est élu à la fois à Breil, dans le Comté de Nice, et dans l’arrondissement de Grasse. Il est, évidemment, de tous les élus celui dont le républicanisme est le plus affirmé. Il est celui qui a terrassé le Général Boulanger. Mais songe-t-il pour autant à une vraie carrière politique locale ? En a-t-il d’ailleurs besoin ? Dans l’immédiat il est à l’abri des contingences électorales. Il se permet même d’être absent lors de la session d’avril 1890 du Conseil général. Des « affaires familiales » le retiennent à Paris »[85]. Le Petit Niçois précise qu’il « est retenu par le mariage de son beau-fils »[86], c’est-à-dire de Louis Vignon. Mais dix jours plus tard il fait le déplacement de Nice, en tant que ministre des Finances, pour accompagner le président de la république Sadi Carnot en visite officielle. C’est Hibert, vice-président du Conseil général[87] qui, en l’absence de Durandy démissionnaire, fait la présentation de ses collègues[88].
Nul doute que chacun pense à l’élection du futur président au mois d’août. Pourquoi ne pas y placer Rouvier ? Le préfet, qui a besoin d’un président influent et conciliant pour prendre la suite de Durandy, le presse. Quelques collègues le lui demandent. Pourquoi ne pas accepter ? La fonction n’est pas accaparante : deux sessions de trois ou quatre jours par an, le préfet fait tout. Il les prépare et en exécute les décisions. Il y a même un avantage. Le président, du fait de sa fonction, n’a pas à rapporter les projets, ni à faire partie d’une commission, ni à effectuer un travail de secrétariat. Rouvier qui assiste depuis trois ans aux sessions sans jamais intervenir[89] doit se dire que c’est peut-être le poste qui lui convient !
Rouvier est ainsi élu président du Conseil général des Alpes-Maritimes le 19 août 1890 avec 19 voix contre une à Aimé Martin et quatre abstentions[90]. Dans son discours, Rouvier assure qu’il aurait désiré « qu’un de vous, plus familier avec les intérêts locaux, fût appelé au siège que j’occupe ». Il voit dans son élection une « adhésion » au gouvernement : « Messieurs il m’est doux de penser que ce n’est pas seulement le conseiller général du canton de Breil que vous avez appelé à ce fauteuil, mais encore et surtout le ministre de la République »[91].
L’Eclaireur s’étrangle, persifle sur les « services immenses » rendus par le ministre au département, et sous le coup de la colère perd toute mesure en affirmant que « depuis quatre ans, M. Rouvier n’a assisté que deux fois aux séances du Conseil général »[92]. Ce qui est inexact. Sur les sept sessions de la période printemps1887-printemps 1890 on compte trois absences et un retard d’un jour. Il est vrai que Rouvier ne se manifeste guère dans ces réunions. Il a pu passer inaperçu. Vu sous cet angle on peut comprendre la contre-vérité de L’Eclaireur.
Rouvier est bien entendu conscient de ses absences et de son éloignement des affaires locales. Il a manifestement des difficultés à suivre les dossiers. Mais pour montrer qu’il peut servir à quelque chose, il prend la parole le 21 août 1890 pour donner lecture de la réponse faite par son collègue le ministre des Travaux publics[93] à un vœu du Conseil général. Il est question des trains partant de Cannes à 6 h 11 du soir. Les trains ont été supprimés pendant la saison d’été, comme l’année passée. Il n’y a pas eu d’objection répond le ministre « mais en présence de votre réclamation je fais instruire d’urgence et examinerai personnellement s’il est possible de donner satisfaction »[94]. La scène se répète le 23 août : le président de séance Hibert donne lecture d’une dépêche du ministre des Travaux publics sur le rétablissement des trains 271 et 272 de la ligne Grasse-Cannes. Rouvier lui a télégraphié. Le ministre précise qu’il invite immédiatement « le service de contrôle à insister auprès de la Compagnie pour le rétablissement des trains[95]. Rouvier, lui, n’est déjà plus là. Il « est parti la veille par le train de minuit »[96]. On notera que le ministre en question est son excellent ami Yves Guyot.
Rouvier préside la session d’avril 1891. L’Eclaireur, sous la plume de Léon Garibaldi, s’attend à une intervention de Rouvier à propos du tarif général des douanes « œuvre exclusive de M. Méline et de ses amis ». Chacun connaît les positions de Rouvier en faveur de la liberté du commerce. Le Conseil général devrait faire un vœu. Il aurait « un grand retentissement au dehors précisément parce qu’il est présidé par un membre du gouvernement. Nous ne doutons pas des sentiments antiprotectionnistes de M. Rouvier »[97]. Léon Garibaldi peut toujours rêver. Rouvier se garde bien de prendre des positions politiques dans l’enceinte de l’assemblée départementale. Sauf à l’occasion pour dire du bien de tel ou tel collègue ministre … ou de lui-même. Ou pour vanter les vertus de la République.
Rouvier est réélu le 17 août 1891 avec 19 voix contre une à Roure et cinq abstentions[98]. Le dernier jour de la session, le samedi 22 août, Rouvier est absent. On notera qu’Arthur Malausséna y présente un long rapport sur les chemins de fer où il dénonce « la dérive militaire des projets »[99].  Ceci explique-t-il cela ?
De retour à Paris il se prépare son mariage avec Marguerite Pommereuil, une « jeune veuve fort jolie »[100]. Le mariage est célébré le 17 septembre 1891. Le couple s’installe à Neuilly dans une villa, 8 rue Windsor. Il ne semble pas que la nouvelle Madame Rouvier ait établi des liens avec la Côte d’Azur[101]. Elle est en tout cas à Nice le 2 octobre pour accompagner son mari à l’occasion des festivités qui entourent l’inauguration de la statue de Garibaldi. Rouvier, ministre des Finances, y est le délégué du Gouvernement. Le couple loge à la Préfecture entouré de tous les honneurs[102]. Et Rouvier retourne à ses activités ministérielles. Jusqu’à la session suivante du Conseil général.
En fait le 25 avril 1892, à l’ouverture de la première session, Rouvier est absent. Le préfet donne lecture de la dépêche que le ministre lui a adressée. « Sur l’avis formel des médecins qui craignant une rechute à mon retour, je serai contraint renoncer à présider le Conseil général. Sentiments dévoués »[103]. Et le 22 août il est tout de même réélu par 23 voix et deux bulletins blancs[104]. La confiance de ses collègues est intacte.
 
Rouvier et l’autonomie des budgets départementaux
 
Cette étude n’aborde pas l’action politique de Rouvier au plan national. Elle s’emploie au contraire à isoler du mieux possible son action politique locale. Les deux se rejoignent parfois, en particulier lors des consultations électorales. Mais pas seulement. On ne peut à ce titre passer sous silence l’œuvre politique de Rouvier en matière de finances locales. Notons en premier lieu que Rouvier fait partie des républicains opportunistes qui prônent une décentralisation administrative modérée. Notons ensuite qu’en matière de Finances publiques Rouvier est un ardent défenseur des principes classiques d’unité, d’universalité et de spécialité. Il a ainsi combattu la multiplication des budgets extraordinaires accusés de gêner la clarté et la rigueur budgétaires. Rouvier jette les bases de cette clarification dans la loi de Finances du 26 décembre 1890[105]. Le budget extraordinaire est supprimé et les budgets annexes, celui des téléphones par exemple, commencent à faire retour au budget de l’Etat. Sauf un. Celui des dépenses et recettes locales, départementales, compté « pour ordre » dans le budget de l’Etat. Rouvier critique cette solution.
Cette intégration des dépenses et recettes départementales, presque totalement tributaires des centimes additionnels, amoindrit en effet considérablement la portée des autorisations budgétaires accordées par les conseils généraux. Ces dépenses et recettes se trouvent soumises à l’ordonnancement des ministres comme toutes les autres. Rouvier, ministre des Finances, explique la nécessité des mesures qu’il souhaite prendre : « Les départements auront désormais, comme l’ont les communes, la gestion directe de leurs finances. Les ministres n’auront plus à intervenir directement dans l’ordonnancement de leurs dépenses ; le préfet deviendra l’ordonnateur primaire, mandat analogue à celui du maire dans sa commune. Le trésorier-payeur général sera conservé comme comptable du département et sa situation sera à cet égard comparable à celle d’un receveur municipal »[106]. La proposition de Rouvier est consacrée par la loi du 18 juillet 1892 qui réalise ainsi l’autonomie du budget départemental. La loi de Finances n’a plus d’autre objet que de fixer le nombre de centimes additionnels que les conseils généraux ont le droit d’imposer.
Cet épisode législatif permet de mieux comprendre l’intérêt que porte Rouvier à l’action publique départementale. Les Alpes-Maritimes lui offrent un terrain d’observation des questions à réformer. Il permet aussi d’éclairer les rapports que Rouvier entretient avec ses collègues et les préfets en poste. Il intervient sans doute peu en réunion, mais on peut raisonnablement penser que hors réunion, et même si ses séjours à Nice sont toujours limités au strict nécessaire, il prend du temps pour expliquer et pour convaincre ses collègues. Et ceci explique bien des choses, particulièrement sur l’autorité politique qu’il exerce sur ses collègues et sur toute la classe politique du département, des maires aux parlementaires.
 
 
La réélection du « chéquard »
 
Le scandale de Panama prend forme au début de l’année 1892. Il est déclenché par deux journaux, La Libre parole de Drumont et La Cocarde de Ducret. Le scandale touche très rapidement une grande partie des parlementaires, dont Emile Loubet ministre de l’Intérieur et Rouvier ministre des Finances. Tous ont reçu des sommes plus ou moins importantes pour faciliter le vote d’une loi autorisant un emprunt assorti d’une loterie pour combler les déficits accumulés par les constructeurs du canal de Panama. Le Baron de Reinach, un des principaux intermédiaires est retrouvé mort le 21 novembre 1892 ; Cornelius Herz, autre intermédiaire, s’enfuit en Angleterre. La Chambre ouvre une enquête. Rouvier, proche de Reinach, est particulièrement visé. Il démissionne. Un long procès commence au cours duquel Rouvier explique qu’il a certes perçu de l’argent mais qu’il l’a fait pour soutenir deux petits journaux, financièrement mal en point, qui menaçaient de passer dans le camp de Boulanger. Rouvier plaide la raison d’Etat. S’il avait disposé de davantage de moyens légaux d’intervention il n’aurait pas eu besoin d’utiliser ces expédients. Pendant de longs mois Rouvier est emporté dans la tourmente médiatique et judiciaire. Il obtiendra un non-lieu le 7 février 1893. Mais un grand doute subsistera sur la légalité et l’honnêteté de l’opération.
 L’horizon se dégage. Rouvier est présent en avril 1893 pour la session de printemps du conseil général. Le climat politique local ne lui est pas défavorable. Il peut espérer une réélection lors des élections législatives du 20 août 1893.
La campagne se développe autour de son bilan ministériel. En négatif, malgré le non-lieu, les chèques reçus de Reinach. Il reste trop de zones d’ombre et la justification républicaine anti-boulangiste de Rouvier n’est pas acceptable pour une bonne partie de l’électorat.
En positif, son action sur les Finances publiques a permis à la rente de 3% d’atteindre le pair ce qui ne s’était plus vu depuis Louis-Philippe. C’est un signe majeur de prospérité nationale. Cela permet à l’Etat de réduire la dette et d’emprunter plus facilement. Pour le particulier elle annonce la baisse des taux et le crédit moins cher. C’est ce qu’explique Jean Riquier dans Le Petit Niçois du 15 août 1893. Il n’est nulle part question du bilan local de Rouvier. D’ailleurs Rouvier n’a même pas besoin de présenter de bilan. Léon Garibaldi dans L’Eclaireur du 15 août explique la solide position de Rouvier par son influence : « Du jour où il prit dans le gouvernement opportuniste la haute influence qu’on sait, tous les gros bonnets de l’arrondissement tous les affairistes sentirent en lui un complice complaisant un protecteur assuré et entreprirent de corrompre l’arrondissement ». « Sous la haute direction du millionnaire Chiris, qui devait tirer le plus profit de l’amitié de M. Rouvier, une camorra s’organisa pour se rendre maîtresse du pays et disposer à sa guise du suffrage universel »[107].
Le 20 août, jour du scrutin, L’Eclaireur affirme que Rouvier n’a jamais rendu visite aux électeurs grassois, ce qui est au demeurant bien possible. Le quotidien assure que « lorsqu’il s’est arrêté dans le département il est allé s’installer à Saint-Jean dans une luxueuse villa qu’il possède » et qu’« il s’est contenté de distribuer des décorations et des places à ses seules créatures »[108].
En fait l’élection paraît jouée depuis plusieurs jours. Rouvier occupe le terrain électoral, sillonne l’arrondissement en tous sens. Le vendredi 18 août il en est déjà à sa 62ème réunion. « Il est très fatigué » ajoute Le Petit Niçois.
Son adversaire Gabriel Baron[109] ne paraît pas à la hauteur. Il fuit les réunions contradictoires[110]. Hors de Cannes « ce socialiste-clérical » ainsi que le qualifie Le Journal de Grasse, ne paraît pas très à l’aise[111]. Les résultats sont conformes aux attentes : Baron domine largement Rouvier à Cannes, 2.093 contre 572, mais est sévèrement battu à Grasse, 390 voix contre 1.494. Total Rouvier 8.171, Baron 5.014[112].
Le Conseil général se réunit le lendemain de l’élection, lundi 21 août 1893. Le Palais préfectoral est gardé par d’importantes forces de police[113]. Craint-on des troubles ? La séance est tendue, marquée par un incident entre Gazagnaire et Rouvier. Celui-ci est tout de même élu, pour la quatrième fois, par 18 voix et 4 blancs[114]. A la sortie Rouvier est protégé par les Turcos sous les sifflets d’une partie du public qui crie « A bas les chéquards ! »[115].
 
L’union de tous les républicains
 
Mais Rouvier n’en a pas fini avec les affaires. Le 22 décembre 1894 le député Godefroy Cavaignac interpelle à la Chambre des députés le gouvernement sur les escroqueries, les détournements et les dépassements de crédits qui marquent la gestion de la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France. La ligne Nice-Puget-Théniers est particulièrement concernée[116]. Plusieurs députés et sénateurs ont participé aux syndicats financiers formés pour constituer la Société du Sud France. Le baron de Reinach en a été vice-président. Rouvier en fait partie. Il est d’autant plus en vue qu’il est président de la Commission du budget. Attaqué par les députés socialistes, particulièrement par Jaurès, Rouvier doit se défendre. La question fait grand bruit dans l’opinion. La presse s’en prend aux « sudistes ». Ces difficultés sont à l’origine de la chute du troisième cabinet Ribot le 28 octobre 1895[117].
L’affaire est évidement dans tous les esprits lors de la première session du Conseil général de 1894. Mais Rouvier n’est pas attaqué. Ce serait entrer dans un débat politique, et la loi l’interdit. Le 4 avril 1894, Ernest Lairolle, le spécialiste des questions ferroviaires au Conseil général, doit se borner à demander des éclaircissements sur l’état d’avancement des voies ferrées. On parle d’un temps d’arrêt pour Nice-Coni et de problèmes pour le tunnel de Saint-André. Le préfet répond partiellement et donne la parole aux députés et sénateurs présents. Rouvier, très laconique, se borne à assurer que « les sénateurs et les députés ne perdront jamais de vue cette importante question »[118]. Il est clair qu’il ne tient pas aborder un débat. Et le 20 août 1894 il est réélu à la présidence du Conseil général avec 21 voix et 4 blancs[119].
L’année suivante, en 1895, il est réélu conseiller général le 28 juillet sans campagne et sans opposition[120]. Et le 20 août au Conseil général il obtient 18 voix contre 5 à Laurenti, une à Chiris et un blanc[121]. Réélu le 17 août 1896 avec 17 voix, une à Laurenti et 8 abstentions[122]. Réélu le 16 août 1897 avec 15 voix, une à Lairolle et 8 blancs[123]. Ces blancs et abstentions sont le signe d’une sourde opposition. Mais cela ne va pas plus loin.
Au cours de la session d’avril 1898 Rouvier fait part d’une bonne nouvelle pour le département. Ses interventions sont assez rares pour être notées. Peut-être veut-il retrouver la confiance du Conseil ? Il donne lecture d’une lettre du ministre du Commerce qui annonce que la Compagnie générale transatlantique consent à l’établissement d’une ligne entre Nice et l’Algérie. Voilà de quoi satisfaire le Conseil qui n’a jamais cessé de réclamer une telle liaison. Même si les conditions de l’exploitation sont limitées. « A cet effet, dit la lettre, les paquebots desservant la ligne Bône-Ajaccio suivront une fois par quinzaine à partir du 6 avril courant jusqu’à Nice. Mais la Compagnie fermera la ligne en juillet si les charges ne sont pas couvertes »[124]. Le projet tournera rapidement court. Blancon, conseiller municipal de Nice, assure à la fin du mois de mai que si la liaison n’a pas eu de succès c’est en raison de la faiblesse des liaisons possibles. Il faudrait une ligne Nice-Oran et un délai d’expérimentation plus long. A son avis la Compagnie générale transatlantique l’a fait exprès.[125].
Mais l’heure est à l’apaisement politique. La crise anarchiste a conduit les républicains opportunistes, devenus « progressistes », à se déplacer vers le centre. Le ralliement des catholiques modifie la donne à droite. Deux présidents de la République conservateurs, Casimir-Perrier et Félix Faure encouragent l’apaisement. Le long ministère Méline (avril 96-juin 1898) gère. Rouvier poursuit ses activités, tantôt à la présidence de la Commission du budget tantôt à celle des impôts.
Les élections législatives prévues pour le 8 mai 1898 s’annoncent ainsi sans difficultés pour les candidats en place. On ne distingue plus les nuances politiques entre ces notables jadis irréductiblement opposés. Le Petit Niçois refuse même de combattre Raiberti, « un candidat dont la politique est devenue la nôtre ». On complimente Bischoffsheim député de la montagne niçoise : « ces populations ont trouvé en leur député sortant un véritable bienfaiteur ». On félicite Poullan, « homme considéré ». Quant à Rouvier il n’y a aucune difficulté ; Andrieu, le candidat que le radicalisme présente contre lui n’est pas à la hauteur[126].
« Rarement journée électorale a été plus calme » peut conclure L’Eclaireur du 9 mai. Pas pour tout le monde en tout cas. Dans l’arrondissement de Grasse, Rouvier a été accroché par Andrieu. Celui-ci bat Rouvier à Grasse-ville, 1.538 voix contre 967 et fait presque jeu égal à Cannes 1.512 voix contre 1.970. Au total Rouvier l’emporte avec 8.803 voix contre 7.404 au candidat radical[127]. La circonscription n’est plus très sûre. Rouvier songe déjà à un redécoupage. Dans l’immédiat sa position départementale est intacte. Il est est réélu président du Conseil général en août avec 22 voix contre une à Borriglione et 3 blancs[128] ; plusieurs conseilleurs ont demandé à Borriglione de se présenter mais il a refusé.
 
Et toujours Paris-Nice et Nice-Paris
 
Les élections à la présidence du Conseil général se suivent et se ressemblent : 19 voix en 1899, 22 voix en 1900. Le 21 janvier 1900 il se déplace à Grasse pour les funérailles d’Edmond Chiris décédé à Paris le 16. Une première cérémonie religieuse a eu lieu à Paris à Saint-Pierre-de-Chaillot. A la fin de la cérémonie Rouvier accompagne la famille dans le wagon mortuaire « transformé en chapelle ardente » qui ramène le défunt à Grasse où doivent avoir lieu des obsèques solennelles[129]. Rouvier sait ce qu’il doit à Chiris.
Il retourne à Nice pour la première session du Conseil général et la visite officielle du président de la République Emile Loubet les 7 et 8 avril 1901. Quelques jours plus tard, le 15 avril, il ouvre la session du Conseil général en exposant les avantages que le département peut espérer de la visite du président de la République accompagné de plusieurs ministres. Il adresse aux ministres qui l’ont accompagné, « notamment M. le ministre des Travaux publics un remerciement qui leur est dû pour être venu étudier sur place les solutions intéressant la prospérité de cette région ». Il donne une information : les conseillers généraux auront bientôt à examiner « une combinaison financière » permettant d’achever rapidement la ligne Saint-André-Puget-Théniers[130].
 Peut-être subit-il un petit passage à vide au cours de l’été 1901. Le bruit a couru qu’il ne se représenterait pas à l’élection cantonale du 21 juillet. C’est du moins ce que le Docteur Davéo a cru comprendre. Il dépose sa candidature. Rouvier alerté prend le train pour Breil. Le vendredi 19 juillet, avant-veille du scrutin, il est de passage en gare de Nice. « M.Rouvier s’est rendu à Breil »[131]. Il rencontre le Docteur Davéo qui retire sa candidature[132]. Rouvier est réélu[133]. Le 19 août il n’est élu à la présidence du Conseil général qu’avec 14 voix contre trois à Raiberti, une à Borriglione et quatre blancs[134].
L’année suivante Rouvier, malade, est absent pour la session d’avril 1902. Ernest Lairolle, qui assure la présidence, précise que Rouvier est absent pour la première fois depuis 12 ans[135]. Ce qui n’est pas tout à fait exact[136]. Lairolle propose une motion de prompt rétablissement afin de « lui permettre de continuer longtemps son concours énergique et dévoué à l’œuvre du gouvernement de la République »[137]. Il n’est pas question du département.
 
Le député de Cannes
 
Par contre Rouvier est bien présent pour la campagne des élections législatives du 27 avril 1902. Un changement important est intervenu depuis les dernières élections législatives. La circonscription de Grasse a été coupée en deux : Grasse 1ére pour Grasse et environs, Grasse 2ème  pour Cannes et environs. Rouvier a choisi celle-ci, Maure se présentant dans celle de Grasse 1ère.
Le regroupement des républicains est très net. La presse le traduit par les étiquettes qu’elle pose sur les candidats. Pour L’Eclaireur : Antoine Maure républicain progressiste « avec un programme qui est à peu près identique à celui de M. Raiberti ». Contre le collectivisme et pour la liberté d’enseignement. Même chose pour Félix Poullan et pour Bischoffscheim, « républicain progressiste » qui a voté contre la loi sur les associations et contre l’abrogation de la loi Falloux. Pour Rouvier c’est différent. « Les raisons qui nous ont fait prendre position contre lui demeurent entières ». Mais ses adversaires n’ont guère de qualités : Andrieu, conseiller à la cour d’appel de Paris[138], a un « programme jacobin et sectaire », et Dareste, « fort galant homme, républicain indépendant », mais sans chances de succès. Donc neutralité[139] : « Quelle belle et satisfaisante journée que celle d’hier » clame L’Eclaireur du lundi 28 avril 1902. « Les Alpes-Maritimes condamnent la politique radicale et socialiste »[140]. Raiberti, Poullan, Maure, Bischoffsheim et Rouvier sont élus. En fait la lutte a été chaude, pour Maure qui l’emporte avec 4.662 voix contre 2.615 à Ossola et pour Rouvier, 4.171 voix contre 2.343 voix à Andrieu et 1.166 à Dareste[141]. Rouvier peut poursuivre sa carrière politique.
Le 7 juin 1902 il est nommé ministre des Finances dans le ministère Combes. Son emploi du temps est sans doute chargé mais les décès d’Alfred Borriglione et de Désiré Pollonnais, le doyen d’âge du Conseil général, lui font l’obligation de se déplacer à Nice. L’un et l’autre lui sont trop proches. Et les obsèques de Borriglione sont un véritable événement politique local. Il prononce deux discours le dimanche matin 31 août au cimetière du Château, un pour Borriglione dans la partie catholique du cimetière, l’autre pour Pollonnais dans la partie israélite. Il y rappelle que Borriglione « avait avec Chiris préconisé l’union et l’entente des populations des deux rives du Var, union féconde autant par ses résultats dans notre région que pour le développement démocratique du département ». Rouvier repart pour Paris tout de suite après la cérémonie accompagnée de ses assistants Albert Vignal et Edouard Combalet[142]. Un voyage éclair pour deux cérémonies funèbres un dimanche. On n’ose pas penser que c’est l’emploi du temps de Monsieur le ministre qui a fixé la date !  Il est absent à la seconde session du Conseil général le 27 octobre. Motif, « indisposition subite »[143].
 
Le sénateur
 
Le déplacement que fait Maurice Rouvier à Nice le vendredi 2 janvier 1903 est exceptionnel. Il vient s’y présenter à l’élection sénatoriale prévue le lendemain. Le ministre des Finances arrive par le train de « 2h26 » accompagné de Vignal son secrétaire particulier. Le préfet Granet l’attend sur le quai[144].
Rouvier sait que sa candidature est sans risque. Il a reçu au lendemain de la mort de Borriglione « un manifeste signé par la presque unanimité » de ses collègues au Conseil général lui demandant « d’abandonner » son siège de député pour aller siéger au Sénat[145]. La garantie est forte et on peut penser que Rouvier qui connaît tout de même le département depuis 17 ans a fait ses calculs. Deux sièges sont à pourvoir. Trois candidats sont en présence, Rouvier, Sauvan , le maire de Nice et Ernest Lairolle.
Le congrès des grands électeurs se tient à Nice dans la salle du Politeama-Garibaldi. Le discours que prononce Rouvier à cette occasion est particulièrement intéressant. Il y récapitule sa carrière dans les Alpes-Maritimes depuis 1885 et souligne fortement que tout ce qu’il a accompli d’utile et de bon, « c’est grâce à vous que j’ai pu le faire ». Il insiste particulièrement sur l’accueil qui lui a été fait après son départ de Marseille et sur cette élection de 1885 qui lui a permis de rester député puis de devenir ministre et ainsi en 1887 de se dresser contre le « parti césarien » qui « menaçait les institutions républicaines ». Et c’est toujours grâce aux électeurs de ce département qu’il a pu soutenir le cabinet de « défense républicaine » de Waldeck Rousseau. Il l’a fait parce que ce ministère avait une « majorité faible et hésitante » et que des troubles menaçaient. Il fait maintenant partie du cabinet Combes et il soutient de toutes ses forces son programme : application sans réticences de la loi sur les associations, refus d’une loi de conscription à deux ans au lieu de trois car il faut une armée forte. Il veut rechercher les moyens d’assurer une répartition plus équitable de l’impôt. Il espère aussi avancer sur la question des retraites ouvrières. C’est un vrai programme de défense républicaine.
« Je vais vous dire maintenant quelque chose concernant plus particulièrement vos propres intérêts ». Enfin, a-t-on envie de dire ! « Il n’est aucune question qui vous intéresse qui ne me soit étrangère ». Rouvier n’aborde ici que deux questions : la ligne Nice-Puget-Théniers. Le problème est toujours le percement du tunnel de Saint-André. Il faut contracter un emprunt. « Je le soutiendrai avec énergie ». En cas d’échec il faudra en passer par un vote au Parlement. « Cette ligne il vous la faut et vous l’obtiendrez ».
Quant à la ligne Nice-Coni, « nous avons cru un instant la tenir », mais le gouvernement italien veut une ligne Breil-Vintimille et le « génie militaire a fait des observations, mais ces difficultés s’aplaniront »[146].
Rouvier est élu. Il obtient 267 voix sur 395 votants. Sauvan avec 247 voix et est également élu. Lairolle n’obtient que 181 voix[147]. On remarquera qu’un électeur sur trois n’a pas voté pour Rouvier. C’est-à-dire une bonne partie des maires et conseillers municipaux du département. On est loin de l’unanime soutien du Conseil général.
Rouvier revient à Nice trois mois plus tard pour présider l’assemblée départementale réunie en session d’avril. Il avoue avoir été touché par sa réélection à la présidence en octobre dernier, alors même qu’il était absent, et encore davantage par son élection au Sénat : « Vous m’avez fait votre fils d’adoption »[148]. Le 22 avril ses collègues offrent en son honneur un banquet dans la salle des fêtes du London-Horse[149].
Lors de la session d’octobre 1903, il est réélu, pour la treizième fois, avec 18 voix et 8 abstentions. Dans son discours, comme pour éteindre tout débat, il précise que les retards budgétaires qui affectent la ligne Nice-Digne sont dus au Sénat et qu’il ne doit « rien dire de définitif ». Une intervention lors de la session d’avril 1904 éclaire l’attitude de Rouvier. Répondant à une demande pressante de Baréty sur la ligne Nice-Digne, il répond qu’« il doit borner son ambition à les concilier loyalement avec les intérêts supérieurs dont il a charge »[150].
 
Retour à la direction du Gouvernement
 
Rouvier est absent lors de la seconde session de 1904 qui commence le 10 octobre. Il est retenu par la réunion de la Commission du budget du lendemain. Il est tout de même réélu avec 23 voix et 2 abstentions[151]. Le 18 janvier 1905, avec la chute du cabinet Combes, affaibli depuis l’affaire des fiches, il abandonne son portefeuille des Finances. Mais c’est lui qui quelques jours après est appelé à former un nouveau gouvernement. Le 24 janvier 1905 il est nommé président du Conseil et ministre des Finances. Le 1er mai pour la première session du Conseil général de 1905 il est à nouveau absent. Il est « retenu à Paris par des obligations d’ordre majeur »[152]. Le 7 juin le préfet adresse au maire de Breil une lettre l’assurant qu’il peut, pour toutes les affaires intéressant sa commune, s’adresser personnellement à lui. Il convient, explique le préfet, « d’épargner à M. Rouvier tout souci départemental et de répondre à son sentiment personnel en donnant aux communes de son canton tout le concours et tout l’appui dont elles peuvent avoir besoin ». Le préfet rappelle qu’il a d’ailleurs toujours agi ainsi. « Je serai votre intermédiaire auprès des diverses administrations du département »[153].
 Chacun aura compris que le chef que le chef du gouvernement doit faire face à des difficultés. Il ne s’agit pas des débats sur de la loi de séparation. Son ministre des Cultes, Bienvenu-Martin, s’occupe de tout[154]. Il s’agit des très fortes complications diplomatiques qui suivent la visite de Guillaume II à Tanger. Le 17 juin il écarte Delcassé des Affaires étrangères et forme un nouveau gouvernement ou il cumule les portefeuilles des Finances et des Affaires étrangères. C’est à ce titre qu’il prend l’initiative de la Conférence d’Algésiras et qu’il engage la solution de la crise marocaine entre la France et l’Allemagne. En octobre, lors de la seconde session du Conseil général il obtient l’unanimité : il est réélu avec 25 voix, une abstention, probablement la sienne. Il en est ému : « Seize fois successives vous m’avez confié le soin de diriger vos travaux. Chaque fois j’ai vu s’accroître le nombre de voix qui m’appellent à la présidence du conseil, ce qui n’est pas un fait banal ». Il est reconnaissant au département : « Je l’aime autant que ceux qui virent le jour sur ses bords enchanteurs et il apparaît comme l’image réduite mais magnifique d’une France souriante et hospitalière en même temps que digne et fière »[155]. Rouvier reste à la tête du gouvernement jusqu’au 9 mars 1906.
Lors de la session ordinaire d’avril 1906, Rouvier est absent « en raison de la maladie de son fils ». C’est Louis Laurenti, maire de Menton, qui préside en son absence. Il le félicite pour son succès dans la conférence d’Algesiras et on le remercie pour son activité en faveur de la ligne Nice-Coni et des lignes de tramway. Le 2 octobre il est réélu, encore à l’unanimité, avec 25 voix et une abstention[156]. Pour la seizième fois.
Le 28 juillet 1907 son siège de Breil est soumis au renouvellement. C’est sa sixième candidature. Il doit affronter Denis Bottone, « candidat aventureux » ainsi que le qualifie L’Eclaireur[157] : 805 voix pour Rouvier, 250 pour Bottone[158]. Et il est réélu le 14 octobre à la présidence du Conseil général, toujours à l’unanimité, avec 26 voix et une abstention[159]. Rouvier est arrivé la veille à six heures du soir. Il a été reçu comme s’il était encore chef du gouvernement. Sur le quai de la gare l’attendent le préfet et presque tous les chefs des services administratifs. Le soir M. le préfet et Madame donnent une réception en son honneur[160].
La routine s’est vraiment bien installée. Le consensus aussi. Voici comment Dominique Durandy, conseiller général du canton de Villefranche, décrit la séance du mardi 27 avril 1908. Il y est question, une fois de plus, des retards apportés à la construction de la ligne Nice-Coni. Les conseillers s’impatientent, critiquent l’administration et soulignent le rapide avancement des travaux côté italien.  « M. Rouvier, raconte Durandy, dirige paternellement avec la seule férule d’un coupe-papier qui scande et accentue ses paroles ». Il calme ses collègues et fait entendre, « avec une ironie pleine de finesse, qu’il était peut-être dangereux de faire trop publiquement comprendre au ministre des Travaux publics qu’il ne se moquait pas mal de la ligne Nice-Coni, et aux services compétents qui nous tiennent sous leur étreinte, qu’ils dormaient avec une impudence déconcertante »[161]. Quel conseiller général oserait choisir la voie de la contestation publique après des conseils aussi sages ?!
Rouvier est réélu à la présidence du Conseil général à l’unanimité en 1908[162]. Il est présent à la première session de l’année 1909 du 19 au 21 avril. Sans doute ne retourne-t-il pas à Paris. Le président Fallières arrive en visite officielle dans le département le 25 avril pour inaugurer le monument érigé à Gambetta. Rouvier a beaucoup œuvré pour son érection. Il rappelle dans son discours qu’il est un des deux derniers survivants de son ministère de 1881. Il remercie le président de la République de sa présence et l’assure que « les populations si républicaines et patriotes de cette région-frontière garderont précieusement le souvenir » de sa « présence au milieu d’elles en ce jour qui est comme une apothéose du grand citoyen dont elles conservent pieusement la glorieuse dépouille »[163].
 Rouvier est évidement réélu en août 1909[164]. Mais il est absent lors de la session du 9 mai 1910. Son médecin lui a interdit le déplacement[165], et il est réélu le 3 octobre 1910 avec 24 voix et un blanc. « Il y a 26 ans… », « Fils d’adoption de votre beau département » … « Le même dévouement de chacun de nous à la Patrie et à la République a fait régner parmi nous la concorde et assuré la cordialité des rapports personnels »[166]. Les discours qui ponctuent ces élections à la présidence se suivent et se ressemblent. Quelques mots sur ceux qui ne sont plus là et sur ceux qui arrivent, un commentaire sur la politique nationale, bien que la loi de 1871 interdise de faire de la politique, s’empresse-t-il toujours de préciser. Mais jamais rien sur la politique départementale et les grandes orientations !
Il est encore présent pour la première session de 1911 le 24 avril. Il décède à Paris le 7 juin 1911 d’une congestion pulmonaire. Raiberti lui succède le 2 octobre 1911[167].
 
Zones d’ombre sur l’action départementale
 
 Les hommages de la presse locale et des personnalités du département saluent tous l’action de l’homme d’Etat mais paraissent plus retenus et vagues, voire embarrassés, pour parler de son action départementale. Le Petit Niçois, son indéfectible soutien, salue ce « fils adoptif des Alpes-Maritimes »[168] mais ne dresse aucun bilan dans les jours qui suivent. L’Eclaireur : « M. Rouvier fit beaucoup pour notre département au service duquel il ne cessa de mettre son activité et sa précieuses autorité. En dernier lieu notamment il intervint très énergiquement en faveur de la ligne Nice-Cuneo et des primes à l’oléiculture »[169]. Mais ici encore pas de bilan. Le Journal de Grasse, qui paraît une semaine après, accorde toute sa une à l’événement mais se borne à souligner « les éminents services » que Rouvier « a rendus à notre ville qu’il chérissait particulièrement et à toutes les communes de l’arrondissement »[170]. La tonalité des télégrammes des autorités locales est semblable. Les conseillers généraux adressent un télégramme à Madame Rouvier pour saluer la mémoire de celui « qui a tant donné de preuves de son dévouement et qui a rendu de si grands services à son pays d’adoption »[171]. Alexandre Durandy, président de la Chambre de commerce de Nice, assure que l’institution qu’il préside est « reconnaissante du concours précieux qu’il lui avait toujours donné pour faire aboutir les questions qui intéressent le département »[172]. Le préfet de Joly dans son discours prononcé à Paris rappelle « que toutes les communes des Alpes-Maritimes ont connu le dévouement de Monsieur Rouvier »[173].
Deux hommages doivent être mis à part. Celui de Raiberti, le successeur de Rouvier à la présidence du Conseil général, qui dans le discours qui suit son élection le 2 octobre réussit à ne pas dire un mot de l’action départementale de son prédécesseur, salué par ailleurs de « fondateur de la république ». « Il tenait de Gambetta, poursuit Raiberti, la grande tradition républicaine ». « Il a honoré ce département qui s’est honoré en lui restant fidèle »[174].
Celui, ensuite, de Sauvan, maire de Nice, prononcé le jour des obsèques à Paris. Rouvier s’est « employé à solutionner les questions importantes qui intéressaient la vie du département et qui devaient marquer le début d’une ère de prospérité pour les populations si intéressantes et si peu fortunées de nos montagnes ». « C’est grâce à lui », dit Sauvan, que le département a été pourvu « d’un admirable réseau de tramways établissant dans des régions peu accessibles et pauvres des communications faciles ». Menton, « si durement éprouvée en 1887 » par le tremblement de terre n’oubliera jamais son concours. Cannes lui doit « son port spacieux et sûr », Nice, « les travaux de son avant-port ». « C’est lui encore qui obtint la ligne du chemin de fer du Sud, ligne qui, au point de vue économique a été pour les vallées du Var, de la Tinée et de la Vésubie et  pour les montagnes de l’arrondissement de Grasse, un véritable bienfait ». « C’est lui enfin qui par ses pressantes démarches a largement contribué à l’heureuse solution du grand projet de chemin de fer de Nice-Coni ». A quoi il faut ajouter ses récentes interventions en faveur de « l’industrie horticole dans notre région ». Sauvan terminait en soulignant « l’œuvre politique « de Rouvier dans le département, œuvre « toute d’apaisement, d’union et de concorde, c’est-à-dire constamment conforme aux principes républicains »[175].
 
Jalons pour un bilan
 
Le bilan de l’œuvre départementale de Rouvier reste à faire. Les documents publics et la presse n’éclairent pas totalement son action. Mais ils sont parfois très explicites. En écoutant Sauvan on ne peut ainsi s’empêcher de rappeler l’extrême détachement que manifeste Rouvier pour les questions départementales tout au long de sa carrière : peu de choses dans ses allocutions de campagnes électorales, aucun engagement dans les commissions et les séances du Conseil général, avant comme après son élection à la présidence, pratiquement rien sur la politique départementale dans les 21 discours prononcés après chacune de ses élections. Il faut les comparer aux huit discours prononcés par Joseph Durandy, son prédécesseur, de 1882 à 1889. Les projets et thèmes abordés sont précis : service médical cantonal, questions forestières, hygiène communale, travaux au Palais de justice, école normale, enseignement primaire, etc. Les objectifs de la politique départementale sont apparents. La comparaison est très défavorable pour Rouvier. Il lui arrive même, comme pour s’en excuser, de préciser à ses collègues que ses fonctions ministérielles lui interdisent tout favoritisme. Si on doit croire les hommages qui lui sont rendus il faut donc en conclure que ses interventions ont été discrètes, très discrètes. Il faut espérer que les correspondances privées en auront gardé quelques traces !
Faut-il aussi rappeler que Rouvier n’a pas de résidence dans le département ? Sans doute la villa du Cap-Ferrat a pu servir, pendant un temps au moins, de lieu de villégiature.  Mais Rouvier paraît toujours trop pressé pour donner l’impression qu’il souhaite s’installer, même saisonnièrement. Il habite Paris et va, « chaque semaine »[176], dans son château de Chapuis, à Pamfou, en Seine-et-Marne.
On peut, faute de mieux, tenter d’aborder le problème autrement. La question-clé est de savoir si la longue présence de Rouvier à la tête des affaires départementales a été un facteur décisif de développement. Rien ne permet de le dire. Par contre l’expansion économique que connaît cette région pendant toute cette période a accru fortement la valeur des centimes additionnels et, donc, les moyens du département. Rouvier n’y est pour rien.
Par ailleurs, l’évolution des grands équipements structurants, les voies ferrées en particulier, ne plaide pas en faveur de Rouvier. Un quart de siècle de pouvoir local -et national- pour un résultat décevant : l’autorité militaire donne le feu vert pour Nice-Cuneo en 1883, les études du tronçon Nice-L’Escarère sont à peine terminées en 1907 ; la ligne Nice-Digne -à voie large- est autorisée en 1889 mais elle n’ouvre entièrement qu’en 1911 … à voie étroite. La politique frontalière avec l’Italie, dans les périodes où le réchauffement des relations diplomatiques le permet, est inexistante. On pourrait poursuivre sur le développement tardif et limité des équipements du port de Nice ou sur l’indispensable transformation du commerce de l’huile.
Le mérite de Rouvier est peut-être ailleurs. Il a une approche politique –politicienne- des questions départementales. Les services qu’il rend, sa capacité à rallier les opposants, son origine extérieure, font de lui la seule personne capable de rassembler toutes les parties du département. Il a sur ce plan admirablement réussi. La disparition de toute opposition conservatrice a favorisé un unanimisme républicain autour de sa personne, autant parce qu’il était un proche de Gambetta que parce qu’il incarne, en tant qu’ancien ministre, ministre en exercice ou futur ministre, l’action du gouvernement de la République. Chacun pouvait très naturellement penser, au-delà des services rendus, que le département ne pouvait qu’être bénéficiaire.
Il reste à savoir si cette union des républicains, cette longue pacification politique a été bénéfique. Force est de constater que la puissance du discours politique national a fait reculer le discours politique local. On l’écarte parce qu’il est un facteur de division. Rouvier a ainsi anesthésié la politique locale. Il n’avait aucun intérêt à voir se développer de grands débats. Et d’ailleurs les incidents sont rares. Telle cette lettre de Raphaël Bischoffsheim « député de Puget-Théniers » adressée au Réveil de la montagne et de Nice le 20 novembre 1903, dans laquelle il fait porter à « M. Rouvier et à la Commission du budget » les difficultés de la ligne Nice-Digne. L’Eclaireur y voit « la preuve flagrante des accusations qui, de tout temps, ont été formulées contre M. Rouvier pour son inaction coupable au sujet des affaires départementales »[177].
Enfin, il n’est pas incongru de se demander, pour terminer, ce que le département des Alpes-Maritimes a apporté à Rouvier. L’intéressé lui-même a dit, et répété, qu’il lui devait beaucoup. C’est grâce à lui qu’il a pu surmonter les mauvais moments politiques. Et Rouvier en a eu sa part. Quel autre département en effet aurait été aussi complaisant avec un « chéquard » de l’importance de Rouvier ? Faut-il conclure que les Alpes-Maritimes ont davantage apporté à Maurice Rouvier, et indirectement à la République, que celui-ci n’a apporté au Département ?
 
 
         
 
 


[1] Lucien de Grammont, M. Rouvier et le général Boulanger devant le pays, Paris, Dentu, 1887 ; Bernard Sourdille, L’œuvre financière de Rouvier, Paris, Domat-Monchrestien, 1941 ; C-J Gignoux, Rouvier et les finances, Paris, Gallimard, 1931 ; Jaques-François Béguin, Maurice Rouvier (1842-1911), thèse de l’Ecole pratique des hautes études, Paris, 1997 et dans position des thèses, Livret-annuaire 13 de l’Ecole pratique des hautes études, 1997-1998, section des sciences historiques et philologiques, Paris, A la Sorbonne, 1999, pp. 271-276. La thèse de J-F Béguin est actuellement indisponible pour des raisons de travaux jusqu’en 2013. Cette étude fait donc une impasse. Celle-ci est toutefois raisonnable. Le résumé du travail de J-F Béguin laisse penser que cet aspect n’a pas intéressé son auteur. Il y a déjà beaucoup de matière sur son œuvre nationale ! La présente étude repart donc aux sources locales disponibles. Il conviendra bien évidemment de comparer, et éventuellement d’amender, lorsque la thèse de J-F Béguin sera disponible.

[2] Jacques Basso, Les élections législatives dans les Alpes-Maritimes de 1860 à 1939. Eléments de sociologie électorale, Paris, L.G.D.J, 1968 : Henri Courrière, L’Etat, la nation et la petite patrie. La vie politique à Nice et dans les Alpes-Maritimes de 1860 à 1898 : genèse d’un département français, thèse d’histoire, Université de Nice, 2008.

[3] Position de la thèse de J-F. Béguin, Livret-annuaire 13 de l’Ecole pratique des hautes études

[4] Le Temps du 9 juin 1911 dit que Rouvier siégeait « sur les bancs de l’extrême gauche ».

[5] Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, 1891.

[6] Marc Lagona, Le parti colonial français, Presses de l’Université du Québec, 1990, p. 52. Il faut noter qu’Etienne sera sous-secrétaire d’Etat aux colonies dans le gouvernement Rouvier en 1887 et ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Rouvier en 1905.

[7] Le Temps du mardi 6 octobre 1885

[8] Paul Basquiat, Une dynastie bourgeoise républicaine : les Pelletan, L’Harmattan, 1996.

[9]  Le Temps du 20 octobre 1885.

[10] Le Temps du 12 octobre 1885.

[11] Louis Alype dit Pierre-Alype, Dictionnaire des parlementaires, op.cit.

[12] Le Siècle du mercredi 14 octobre 1885.

[13] Emmanuel Arène est un ami de la famille Rouvier.  Il fait état de ces relations amicales dans un billet publié dans Le Petit Niçois du 4 septembre 1890 à l’occasion du décès du père de Maurice Rouvier.

[14] L’Eclaireur annonce le 13 octobre la candidature de Rouvier en Corse.

[15] Liste de l’Union républicaine : Arène 20.414 et trois colistiers à moins de 17.000 voix. Liste radicale, quatre colistiers entre 13.000 et 5.000 voix. Liste républicaine indépendante, entre 3.000 et 2.000 voix. Liste bonapartiste : Gavini 23.000 voix et ses colistiers autour de 18.000 voix. Liste indépendante : un candidat, Pozzo di Borgo, 10.000 voix. Le Temps du 7 octobre 1885.

[16] Arène fut battu : 24.647 voix suivi de trois colistiers contre Gavini, député sortant, 27.118 voix et ses trois colistiers, Le Temps du 21 octobre 1885.

[17] Paul Gonnet, « Alfred Borriglione », in Les Niçois dans l’histoire, dir. Michel Derlange, Privat, Toulouse, 1988.

[18] Le Petit Niçois du 9 octobre 1885.

[19] L’Eclaireur du 11 octobre 1885.

[20] L’Eclaireur du 13 octobre 1885.

[21] L’Eclaireur du 13 octobre 1885.

[22] L’Eclaireur du 14 octobre 1885.

[23] L’Eclaireur du 15 octobre 1885.

[24] Le 111e Régiment d’infanterie, « régiment de Nice », Paul Isoart, « Nice et la guerre de 1914-1918 : semailles sanglantes et lieux de mémoire », in Nice Historique, 1988, pp. 135-154. L’Eclaireur du 15 octobre 1885.

[25] Le Petit Niçois du 10 octobre 1885.

[26] L’Eclaireur du 9 octobre 1885.

[27] Le Petit Niçois du 13 octobre 1885. 16 octobre également.

[28] Le Temps du 20 octobre 1885.

[29] Alphonse-Louis Constant (1810-1875) dit Elephas Levi, une des célébrités des milieux occultistes de l’époque. Jean Estèbe, Les ministres de la République. 1871-1914, 1982, précise p. 83 que Constant n’était pas un abbé défroqué puisqu’il n’avait reçu que les ordres mineurs.

[30] Stéphanie Deschamps, « Noémie Constant dite Claude Vignon (1828-1888) : l’ébauchoir du sculpteur et la plume du romancier », in Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 2003.

[31] Archives départementales des Alpes-Maritimes, 402 Q 04/038 (hypothèques), enregistrement d’un achat à Villefranche au 10 janvier 1882, n°43.

[32] Ibidem. Achat à Françoise Mansueti pour 17.500 francs. Superficie 1035 m². Les époux Rouvier son absents. Ils sont représentés par Désiré Pollonnais, maire de Villefranche et conseiller général du canton.

[33] Description rapportée par Le Petit Niçois du 13 avril 1888 à l’occasion du décès de Claude Vignon.

[34] Archives départementales des Alpes-Maritimes, 402 Q 04/072, n°43, 9 juin 1884, enregistrement d’un achat à Villefranche. Claude Vignon achète à Baptiste Boldure entrepreneur de travaux publics demeurant à Cannes et Antoine Rebuffel, entrepreneur demeurant également à Cannes, qui l’ont acheté à Jean Faraut pour 715 francs.

[35] Cadastre de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, parcelle n°780. La parcelle appartient à cette époque à Louis Vignon, fils et héritier de Marie-Noémie.

[36] Description d’Henry Polday, journaliste au Ruy Blas, rapportée par Le Petit Niçois du 13 avril 1888 à l’occasion du décès de Claude Vignon.

[37] Claude Vignon avait un fils à l’époque de son mariage avec Maurice Rouvier. Celui-ci, Louis, est né le 27 août 1859 d’une union illégitime avec Hector Lefuel, un architecte très renommé du Second-Empire, La Revue du Louvre et des musées de France, vol. 28, 1978. Louis Vignon a bénéficié de la protection de son beau-père qui le nomma chef de cabinet lorsqu’il était ministre du Commerce, lui obtint un poste de consul en Indochine puis le nomma à nouveau chef de cabinet lors de son passage aux Finances de 1889 à 1892. Louis Vignon était un spécialiste renommé de la politique coloniale. C’est lui qui obtint le soutien de Rouvier pour insérer dans la loi de Finances du 17 juillet 1889 une disposition permettant de créer l’Ecole coloniale. Vignon y devint professeur. Il décèdera à Saint Jean Cap Ferrat en 1932. Il était maître des requêtes au Conseil d’Etat.

[38] Archives départementales des Alpes-Maritimes, 402 Q 04/0613.

[39] L’Eclaireur du 4 août 1886.

[40] Précisé par Rouvier dans sa déclaration de programme, Le petit Niçois du mardi 17 août 1886.

[41] Plus de 400 voix précise Rouvier, Le Petit Niçois du mardi 17 août 1886.  Plus exactement, Rouvier, 344 voix, Balestre 154.

[42] L’Eclaireur du dimanche 8 août 1886.

[43] L’Eclaireur du lundi 9 août 1886.

[44] Michel Bottin, « Du libre-échange au protectionnisme : la déchirure frontalière, 1887-1888 », in Les Alpes-Maritimes et la frontière, 1860 à nos jours. Ed. Serre, Nice, 1992, pp. 41-54.

[45] L’Eclaireur du jeudi 12 août 1886.

[46] Bottin, « Du libre-échange au protectionnisme », op.cit. p. 43.

[47] L’Eclaireur du samedi 14 août 1886.

[48] Le Petit Niçois du mardi 17 août 1886.

[49] Le Petit Niçois du jeudi 19 août 1886.

[50] Le Petit Niçois du vendredi 20 août 1886.

[51] Le Journal de Grasse du 26 août 1886.

[52] L’Eclaireur du samedi 21 août 1886.

[53] Le Journal de Grasse du 26 août 1886.

[54] L’Eclaireur du lundi 23 août 1886.

[55] Breil : inscrits 716 ; votants 541 ; Rostagni 263 ; Rouvier 278.

Fontan : inscrits 356 ; votants 262 ; Rostagni 135 ; Rouvier 127.

Saorge : inscrits 450 ; votants 331 ; Rostagni 51 ; Rouvier 274.

L’Eclaireur du lundi 23 août 1886.

 

[56] Le Petit Niçois du mardi 26 avril 1887.

[57] Absent lors de la seconde session du Conseil général qui ouvre le 22 août, P.V. des délibérations du conseil général.

[58] Alexandre Zévaes,  Histoire de la Troisième République (1870-1926), Paris, 1926, pp. 208 sq.

[59] Bottin, « Du libre-échange au protectionnisme », op.cit. p. 45.

[60] Michel Bottin, « La militarisation de la frontière des Alpes-Maritimes, 1878-1889 », in Les Alpes-Maritimes 1860 à 1914. Intégration et particularismes, Ed. Serre, Nice, 1988, pp. 97-116, à la p. 107.

[61] Bottin, « La militarisation de la frontière », op.cit, p. 103.

[62] Le Petit Niçois du 25 septembre au 3 octobre 1887.

[63] Le Petit Niçois du vendredi 30 septembre 1887.

[64] Bottin, « La militarisation de la frontière », op.cit, et aussi Marc Ortolani, « La frontière des Alpes-Maritimes dans le cadre des relations franco-italiennes. 1871 à 1914 », Recherches régionales Alpes-Maritimes, 2008, pp. 46-64.

[65] Le Petit Niçois du lundi 3 octobre 1887.

[66] Bottin, « La militarisation de la frontière », op.cit, p. 107.

[67] P.V. des délibérations du conseil général 1988.

[68] Le Petit Niçois du vendredi 13 avril 1888.

[69] Société amicale des Alpes-Maritimes, Paris, 1888, 53 p.

[70] Archives communales de Breil 069/097 1K21.

[71] P.V. des délibérations du Conseil général 1889.

[72] L’article 1 de la convention annexée à la loi précise que la voie doit comporter quatre rails et deux écartements, un mètre et un mètre 45. Sur cette ligne, C. Graillec, « Information et polémique. La presse des Alpes-Maritimes et la ligne de chemin de fer de Nice à Digne, 1879-1914 », Cent ans du train des pignes, Ed. de l’Ecomusée de la Roudoule, 2011, pp. 29-38.

[73] P.V. des délibérations du Conseil général 1889 et l’étude de Denis Andréis sur Joseph Durandy dans ce numéro de Nice Historique.

[74] Ibidem.

[75] Rouvier dans son discours. Le Petit Niçois du mardi 27 août 1889.

[76] Le Petit Niçois du 27 août 1889.

[77] L’Eclaireur du 27 août 1889.

[78] L’Eclaireur du 28 août 1889.

[79] L’Eclaireur du 3 septembre 1889.

[80] Le Phare du littoral du jeudi 29 août 1889 publie la lettre de démission.

[81] Nom donné aux agents électoraux de Borriglione.

[82] L’Eclaireur du samedi 21 septembre 1889.

[83] L’Eclaireur du dimanche 22 septembre 1889.

[84] Sur 13.308 votants pour 21.214 inscrits. Le Petit Niçois du lundi 23 septembre 1889.

[85] P.V. des délibérations du Conseil général 1890.

[86] Le Petit Niçois du mardi 15 avril 1890.

[87] Hibert est élu à la vice-présidence du Conseil général de 1882 à 1899, soit à 16 reprises, P.V. des délibérations du Conseil général.

[88]  L’Eclaireur du vendredi 25 avril 1890.

[89] P.V. des délibérations du Conseil général 1887, 1888 et 1889 sauf une intervention conjointe avec Borriglione et Roure sur les chemins de fer.

[90] P.V. des délibérations du Conseil général 1890.

[91] Ibidem et Le Petit Niçois du 19 août 1890.

[92] L’Eclaireur du 19 août 1890.

[93] Dans le deuxième cabinet Tirard.

[94] P.V. des délibérations du Conseil général 1890.

[95] P.V. des délibérations du Conseil général 1890.

[96] L’Eclaireur du dimanche 24 août 1890.

[97] L’Eclaireur du mardi 7 avril 1891.

[98] P.V. des délibérations du Conseil général 1891.

[99] P.V. des délibérations du Conseil général 1891.

[100] La France sociale et politique, 1892, p. 518. Elle était veuve du Docteur Guyot et avait abandonné une prometteuse carrière de violoniste.

[101] Le Petit Niçois du 1 mars 1906 note sa présence à Vence pour un séjour avec ses enfants.

[102] Le Petit Niçois des 2 et 4 octobre 1891.

[103] P.V. des délibérations du Conseil général 1892.

[104] P.V. des délibérations du Conseil général 1892.

[105] Michel Bottin, « Les budgets extraordinaires d’Achille Fould. Réflexions sur le classicisme en droit budgétaire », in Hommage à Jacques Basso, France-Europe Editions, Nice, 2006, pp. 87-107, à la p. 97.

[106] Michel Bottin, « L’autorisation budgétaire », in Histoire du droit des finances publiques, dir. H. Isaïa et J. Spindler, vol. 3, Les finances locales, Economica,  1988, pp. 97-125, à la p. 124

[107] L’Eclaireur du 15 août 1893.

[108] L’Eclaireur du dimanche 20 août 1893.

[109] Avocat à la Cour d’appel d’Aix, conseiller général socialiste de Bouches-du-Rhône. L’Eclaireur du 2 août 1893.

[110] Le Petit Niçois du mercredi 16 août 1893.

[111] Le Journal de Grasse du 24 août 1893.

[112] Le Phare du littoral du lundi 21 août 1893.

[113] L’Eclaireur du 22 août 1893.

[114] P.V. des délibérations du Conseil général.

[115] L’Eclaireur du 22 août 1893.

[116] L’Eclaireur du 23 décembre 1894.

[117] J-F. Béguin, Position des thèses, op.cit., pp 273-274.

[118] L’Eclaireur du 5 avril 1894.

[119] P.V. des délibérations du Conseil général 1894.

[120] Archives communales de Breil, E069/097  1 K 21.

[121] P.V. des délibérations du Conseil général 1895.

[122] P.V. des délibérations du Conseil général 1896.

[123] P.V. des délibérations du Conseil général 1897.

[124] P.V. des délibérations du Conseil général 1898.

[125] Le Petit Niçois du 29 mai 1898.

[126] Le Petit Niçois du dimanche 8 mai 1898.

[127] Pour 22.308 inscrits. Le Petit Niçois du lundi 9 mai 1898.

[128] P.V. des délibérations du Conseil général 1898.

[129] Le Petit Niçois du 17 au 23 janvier 1900.

[130] Le Petit Niçois du 16 avril 1901.

[131] Le Petit Niçois du samedi 20 juillet 1898.

[132] L’Eclaireur du samedi 20 juillet 1898.

[133] Elections du 21 juillet 1898. Archives communales de Breil, E069/097 ; 1 K 21 : Breil 407 : Fontan 238 (où Davéo obtient 21 voix) et Saorge 293 voix

[134] P.V. des délibérations du Conseil général 1901.

[135] P.V. des délibérations du Conseil général 1901.

[136] La dernière absence de Rouvier remonte au mois d’avril 1892.

[137] P.V. des délibérations du Conseil général 1902.

[138] Le Petit Niçois du mercredi 29 septembre.

[139] L’Eclaireur du samedi 26 avril 1902.

[140] L’Eclaireur du lundi 28 avril 1902.

[141] Le Petit Niçois du lundi 28 avril 1902.

[142] Le Petit Niçois du lundi 1 septembre 1902.

[143] P.V. des délibérations du Conseil général 1902.

[144] Le Petit Niçois du samedi 3 janvier 1903.

[145] Rouvier dans son discours. Le Petit Niçois du dimanche 4 janvier 1903.

[146] Le Petit Niçois du 4 janvier 1903.

[147] Le Petit Niçois du lundi 5 janvier 1903.

[148] P.V. des délibérations du Conseil général 1903.

[149] Le Petit Niçois du jeudi 23 avril 1903.

[150] P.V. des délibérations du Conseil général 1903.

[151] P.V. des délibérations du Conseil général 1904.

[152] L’Eclaireur du 2 mai 1905.

[153] Archives communales de Breil-sur-Roya, E O69/097, 1K21.

[154] Sur l’attitude des parlementaires locaux, voir l’étude de Marc Ortolani dans Nice Historique 2005 et celle de Christophe Bellon dans les Cahiers de la Méditerranée 2007.

[155] P.V. des délibérations du Conseil général 1905.

[156] P.V. des délibérations du Conseil général 1906.

[157] L’Eclaireur du lundi 29 juillet 1907.

[158] Archives communales de Breil-sur-Roya, E O69/097, 1K21.

[159] P.V. des délibérations du Conseil général 1907.

[160] Le Petit Niçois du lundi 14 octobre 1907.

[161] Le Petit Niçois du mardi 28 avril 1908.

[162] 23, un blanc.

[163]  L’Eclaireur du 25 avril 1909.

[164] 25, un blanc.

[165] P.V. des délibérations du Conseil général 1909.

[166] P.V. des délibérations du Conseil général 1910.

[167] 23 voix et un blanc. P.V. des délibérations du Conseil général 1911.

[168] Edouard Cristini. Le Petit Niçois du jeudi 8 juin 1911.

[169] L’Eclaireur du jeudi 8 juin 1911.

[170] Le Journal de Grasse du 15 juin 1911.

[171] Le Petit Niçois du 9 juin 1911.

[172] Le Petit Niçois du 8 juin 1911.

[173] Le Petit Niçois du 11 juin 1911.

[174] P.V. des délibérations du Conseil général 1911.

[175] Le Petit Niçois du 11 juin 1911.

[176] Le Matin du 8 juin 1911.

[177] L’Eclaireur du 30 novembre 1903.

1 -