Rapport de synthèse Nice Historique Annexion 2010
rique. Spécial annexion 1860. Rapport de synthèse
 
Présentation du numéro spécial de Nice Historique, 2010
 

L’année 1860. Chroniques de l’annexion

 
Nice, Hôtel Westminster, vendredi 24 septembre 2010
Accueil par Jean-Paul Baréty, ancien maire de Nice, président de l’Acadèmia Nissarda
Présentation du numéro par Paul Isoart, vice-président : « A propos de 1860. Réflexions sur le destin de Nice » par Paul Isoart
Interventions des auteurs
Rapport de synthèse par Michel Bottin :
 
Pour citer : Michel Bottin, Présentation du numéro spécial de Nice Historique, 2010. « L’année 1860. Chroniques de l’annexion », sur WWW.Michel-Bottin.com
 
 
        Ce numéro de Nice Historique relève un défi, celui de renouveler nos connaissances dans un domaine déjà bien connu et dans lequel notre revue a apporté depuis bien des années son lot de contributions. Il s’inscrit dans une continuité de recherches. Chacun des auteurs de ce numéro spécial sait ce qu’il doit à tous ces prédécesseurs.
        Il fallait pourtant prendre le parti du renouvellement historique parce que, au fil des ans, de vulgarisation en simplification, on avait réduit l’histoire de l’annexion à deux approches :
        La première concerne le choix en faveur de la France. On l’explique communément par l’attraction irrésistible de ce pays. Le régime sarde n’avait plus rien à proposer aux Niçois alors que la France promettait une sorte d’eldorado. Dès lors le résultat du plébiscite de 15 et 16 avril 1860 était acquis d’avance.
        La seconde approche concerne la mise en place du régime français. On s’accorde à considérer que celle-ci s’est déroulée dans la plus parfaite harmonie. La visite triomphale de Napoléon III au mois de septembre 1860 en est le témoignage éclatant. Nice vient de passer de l’ombre à la lumière.
 
        Ce Nice Historique renouvelle ces questions. Pas en ajoutant des analyses ou des interprétations, mais en retournant aux sources. Et en s’appliquant à éclairer les zones d’ombre. Le numéro couvre toute l’année 1860, avant et après le plébiscite. La méthode d’exposition met en valeur les acteurs. Elle évite l’exposé dogmatique et les interprétations prématurées. A ce titre ce Nice Historique est une source à laquelle pourront puiser d’autres chercheurs. Il ne prétend pas clore l’histoire de l’annexion mais au contraire la promouvoir. Le titre choisi décrit cette démarche, « L’année 1860. Chroniques de l’annexion ». Il s’agit d’une vaste chronique, telle qu’aurait pu l’écrire un contemporain, un observateur bien informé de la vie politique locale. Seule différence, il s’agit ici d’une chronique à plusieurs mains.  Sept auteurs se sont partagés la tâche. Je me permets de placer à part Denis Andreis qui a préfacé ce numéro spécial, et vous-même, Monsieur le Professeur, qui avez réalisé la mise en perspective historique et juridique de l’annexion de 1860. Je sais que nous en reparlerons dans un moment.
        Je présente ces contributions dans l’ordre fixé par la table de matières de la revue. On va y voir, comme au théâtre, entrer en scène les uns après les autres tous les acteurs de l’événement. Simonetta Tombaccini étudie l’action de l’avocat François Malausséna, maire de Nice, avant et après l’annexion, et celle de Louis Lubonis, ancien procureur général près la Cour d’appel de Nice, gouverneur provisoire de la province de Nice et à partir du mois de décembre 1860 député de Nice à la Chambre de députés à Paris. Gille Bouis analyse le choix de Jean-Pierre Sola, évêque de Nice, avant et après l’annexion. Ugo Bellagamba présente Pierre-Marie Pietri, ancien préfet de police de Paris, sénateur, proche de l’Empereur et envoyé extraordinaire à Nice en charge de la préparation du plébiscite et de la transition administrative. Karine Deharbe renouvelle notre connaissance sur le préfet en poste de juin à décembre, Roland Paulze d’Ivoy. Marc Ortolani analyse le voyage impérial des 12 et 13 septembre. J’étudie en ce qui me concerne le « parti français » de Nice à travers la correspondance de son représentant le plus engagé, le banquier Auguste Carlone. L’étude suivante met en valeur l’action de l’Antibois Nicolas Rapetti, l’adjoint de Pietri, un ancien professeur au Collège de France qui tente de s’implanter politiquement à Nice. Jérôme Bracq étudie le comportement des Garibaldiens et des Mazziniens de Nice face à tous ces changements.
 
        Ceux qui ont déjà lu ce Nice Historique auront certainement été frappés par l’intensité dramatique qui traverse toute la période. Rien ne paraît jamais joué d’avance, ni le plébiscite, ni l’accomplissement des promesses, ni la fixation de la frontière franco-italienne, ni la nouvelle configuration départementale, etc. Au mois de juin personne ne sait encore ce que sera l’avenir de Nice dans sa nouvelle nation. Et lorsque la situation administrative se stabilise, on s’interroge sur les pratiques de l’administration française, on doute du succès du voyage impérial ou encore on se demande si la police est capable de contrôler les activités des Garibaldiens. L’exposition foisonnante des faits qui s’entrecroisent contraint peu à peu le lecteur à entrer dans les doutes et les espoirs des contemporains.
        Si je puis me permettre de donner mon point de vue je dirai que, une fois la lecture terminée, on a appris deux choses ;
Que les opérations d’annexion ont été très complexes, infiniment plus qu’en Savoie.
Que les mois qui  suivent le plébiscite n’ont pas été la lune de miel attendue.
 
   Commençons par les opérations d’annexion
 
        On ne trouvera pas dans cette publication d’éléments nouveaux concernant les opérations de vote proprement dites. Les archives font défaut. On y apprend  cependant bien des choses intéressantes sur les raisons qui ont permis le vote quasi unanime qu’on connaît.
        Ce Nice historique met en valeur le rôle majeur joué par six acteurs de l’annexion, Carlone, Malausséna, Lubonis, Sola, Pietri et Rapetti.
Carlone, porte drapeau du « parti français » de Nice dirige en compagnie de Victor Juge,  L’Avenir de Nice. Il a tout fait depuis une dizaine d’années pour que Nice devienne française. Mais ce n’est pas avant le début de l’année 1860 que l’argumentation du « parti français » est prise en compte par le gouvernement impérial. La correspondance que Carlone entretient avec Albin Mazon, le correspondant parisien du journal niçois, nous apprend que le « parti français » a été en relation au mois de janvier avec un envoyé d’Alphonse Billault, le ministre de l’Intérieur, François Danjou, par ailleurs dirigeant de l’agence télégraphique Bullier-Havas. Ce François Danjou a été à Paris le propagandiste efficace de cette annexion jusqu’au cabinet de l’Empereur. C’est à partir de ces informations que le processus d’annexion s’est engagé à la fin du mois de janvier. Les diplomates se rencontrent alors, un traité secret est signé le 14 mars et rendu public le 24 mars. Deux jours après, Pierre Marie Pietri est envoyé à Nice pour organiser le plébiscite.
        La personnalité et l’action de Pietri sont analysées par Ugo Bellagamba. Napoléon III n’a pas choisi sans raisons son envoyé. Pietri est un fidèle de la première heure. Il a montré ses qualités de négociateur et son esprit de décision durant plusieurs années passées à la tête de la Préfecture de police de Paris et il a accompli quelques missions délicates en Italie. Aussitôt arrivé à Nice il est appelé à Turin par Cavour pour faire le point. Cette rencontre est essentielle pour comprendre la suite des événements. Cavour sait qu’il joue très gros dans l’opération. Davantage que Napoléon III qui en cas d’échec pourrait se retirer sans que l’annexion de la Savoie soit remise en cause. Pour Cavour il y va de l’avenir de sa politique d’unification de l’Italie.
        Ceci explique que Cavour se soit aussi complètement impliqué dans l’opération. Il a dû convaincre son proche entourage, Teodoro di Santa Rosa, un ancien député d’Utelle, par exemple qui ne comprenait pas qu’on se sépare de Nice. Il a dû surtout trouver une solution honorable qui permette  au « parti italien » de changer de position. C’est ce qu’il appelle la « conciliation ». Il a conseillé à Pietri de s’engager dans cette voie et il lui a indiqué les personnalités les plus capables de l’aider dans cette politique, particulièrement Louis Lubonis, François Malausséna et Monseigneur Sola.
        Tous trois sont pourtant hostiles à l’annexion. Malausséna et Lubonis font d’ailleurs partie de ce qu’on appelle le « parti italien ». Ils ont choisi ce camp davantage pour des raisons dynastiques que par choix italien comme c’est le cas des « italianissimes ». Mais Victor Emmanuel II les a déliés de leur serment de fidélité et leur a fait comprendre que le plus grand service qu’ils pourraient rendre à la dynastie était de faciliter l’annexion de Nice à la France. C’était là le passage obligé pour que l’Italie centrale puisse passer sous la souveraineté de la Maison de Savoie sans que la France s’y oppose. Pietri arrive donc à Nice, ainsi que le dit Ugo Bellagamba, non pour gouverner mais pour concilier. Il le fera avec habileté. La partie n’était en effet pas facile.
        En ce qui concerne Lubonis, ainsi que l’explique Simonetta Tombaccini, le déchirement était très fort. En devenant français, il quittait une fonction élevée et abandonnait l’espoir de faire une grande carrière dans la magistrature.
        Le revirement était plus facile pour Malausséna qui conservait sa position de grand notable local. Il était maire de Nice. Il restait maire de Nice. Par fidélité en quelque sorte. Il accompagnait les Niçois dans le changement. Malausséna avait-il d’autres ambitions ? Simonetta  Tombaccini montre qu’il aurait souhaité devenir président du tribunal à Nice. Il finira par y renoncer. Carlone explique dans sa correspondance qu’on n’abandonne pas aussi facilement le barreau surtout lorsqu’on est à la tête d’un cabinet aussi prospère que le sien.
        En ce qui concerne Monseigneur Sola le choix fut d’autant plus difficile qu’il était Piémontais. Mais, ainsi que l’explique Gilles Bouis, l’attitude des gouvernements sardes, depuis une dizaine d’années, était très hostile à l’Eglise. La situation de la France paraissait plus favorable, tant au plan du statut du clergé qu’à celui de la politique extérieure en faveur de la défense des Etats pontificaux. Il y avait donc des raisons de faire le choix de la France et c’est ainsi que l’a compris une bonne partie du clergé. Mais au-delà de ces considérations le choix de l’évêque de Nice est guidé par des motivations pastorales. Il a compris que l’annexion de Nice était inévitable et qu’il devait accompagner son clergé et les fidèles dans cette transition. Tout autre choix eut été irresponsable.
 
        Pietri n’a pas seulement convaincu les responsables politiques, il a aussi rassuré la population. Et pour cela il a fait beaucoup de promesses. Cette question traverse tout ce Nice Historique. On aurait presque pu faire un numéro sur le thème des promesses de Pietri, celles qu’il a tenues comme l’arrivée du chemin de fer ou le lancement des grands travaux, celles qu’il n’a pas tenues comme le maintien des avantages de certaines professions, celles encore qu’il a laissées sous-entendre comme le maintien de la cour d’appel ou la prise en compte du rang administratif régional de Nice. Je dis dans mon étude sur Carlone qu’il a volontiers confondu promesses et conciliation
        Tout cela a contribué à assurer le résultat du vote et dans les semaines qui suivent à entretenir un climat euphorique. Pietri a été aidé dans ce travail de communication par son secrétaire Nicolas Rapetti. Je profite ici de l’occasion pour  dire tout ce que mon étude sur Rapetti doit à Paul Malausséna et à Lucien Mari. Ils ont découvert l’importance du personnage et ils ont largement contribué à alimenter mon étude en sources d’archives. C’est aussi une façon de souligner qu’un Nice Historique, celui-ci ou un autre, est aussi le fruit d’un travail d’équipe. Je reviens à Rapetti, secrétaire de Pietri. Comparse devrais-je dire, parce que les deux hommes ont entre eux une grande complicité. Ils ont l’année précédente effectué plusieurs missions en Italie, d’une part à Turin pour y rencontrer Kossuth et les partisans de l’indépendance hongroise et d’autre part en Toscane pour aider le Prince Napoléon Jérôme à monter sur le trône du Grand-duché de Toscane, trône qui lui était promis à la suite de son mariage avec Marie Clotilde, fille de Victor Emmanuel II. La question avait été discutée à Plombières-les-Bains en juillet 1858. C’était aussi une des raisons de l’engagement militaire de la France en Italie du Nord. L’affaire n’aboutira pas. Les deux hommes partagent les mêmes idées et savent très bien travailler ensemble. Ils se sont partagés la tâche, Pietri a géré le volet politique, Rapetti s’est chargé des contacts de terrain.
        Tout ceci explique que le corps électoral ait aussi rapidement basculé. Et dans l’enthousiasme. Les « italianissimes », Garibaldiens ou autres, qui pensaient encore à la mi-mars pouvoir tenir la rue ont été désorientés : par la proclamation du traité, par les propos du roi en faveur de l’annexion et par le choix des principaux responsables locaux. Le départ de Garibaldi pour la Sicile a achevé de les décourager.
 
               La mise en place du régime français
 
        L’arrivée à la mi-juin du préfet Paulze d’Ivoy ouvre une nouvelle période, celle de la mise en place des institutions françaises. Karine Deharbe corrige l’image qu’on a de lui. Paulze d’Ivoy est un administrateur compétent. Toute sa carrière le montre. Mais il a dû travailler à Nice dans un contexte difficile, celui de la suppression de la cour d’appel, du non rattachement de Tende et La Brigue, de l’attente de la publication des décrets autorisant les grands travaux. On lui  doit en particulier d’avoir réussi à mettre en place le nouveau département des Alpes-Maritimes. L’entreprise n’était pas simple. Elle associait dans une même circonscription l’arrondissement de Grasse et l’ancienne province de Nice. L’opération était évidemment tissée de méfiances réciproques. Paulze d’Ivoy fit consciencieusement son travail. La francisation de la province de Nice fut également difficile à faire accepter. L’arrivée massive de fonctionnaires français ne fut pas appréciée par tous. Carlone lui-même, pourtant admirateur de la France, se plaint souvent dans sa correspondance que les employés français se comportent comme en pays conquis.
        Au plan politique Paulze d’Ivoy a pratiqué une forme de conciliation. Il a tout fait pour gagner la confiance des anciens adversaires de l’annexion, Malausséna, le comte de Cessole, le marquis de Constantin, le banquier Gastaud et même certains Garibaldiens très en vue comme Jean Baptiste Maiffret dit « le Padre ». Le « parti français » s’en est offusqué.
        Cette politique était-elle la meilleure ? Cet entourage du préfet n’est pas désintéressé. Il attend places et avantages. Dès que ceux-ci se font attendre, le préfet est critiqué, voire déstabilisé. Karine Deharbe illustre cette fâcheuse tendance par l’affaire Gimelle, un ébéniste niçois renommé. Le préfet s’y trouve pris dans une obscure histoire de promesse non tenue. Certains l’interprèteront même comme une manœuvre malhonnête du préfet. Paulze d’Ivoy doit quitter son poste au début de l’année 1861. C’était bien la preuve que la politique niçoise née du rattachement était devenue très compliquée. Il fallait s’appuyer sur les anciens adversaires de l’annexion et écarter les plus fidèles soutiens de la France. Quelle ambiguïté !
        Les anciens militants de l’ancien « parti français » ont en effet pratiquement disparu du paysage politique, volontairement ou non. Victor Juge, qui rêvait de devenir ingénieur des mines, a réalisé son rêve. Victor Tiranty attend que l’annexion  apporte une plus-value à ses terrains niçois, Joseph Gioan a été écarté du secrétariat de la mairie par Malausséna. Léon Féraud occupe un poste important dans la nouvelle succursale de la banque de France. Carlone, lui, voudrait bien devenir député mais pas à n’importe quel prix. On le récompensera autrement en lui confiant l’organisation de la réception de Napoléon III au bord du Var et le discours de présentation des travaux d’endiguement prévus.
        Il reste Rapetti qui depuis son retour à Paris est devenu le correspondant politique de tous les anciens du « parti français ». Ses nombreux contacts niçois l’encouragent à s’engager davantage pour Nice et à briguer la députation à l’occasion des élections du mois de décembre. Il se présente, mais le préfet, qui ne souhaite pas sa victoire emploie l’arme de la candidature officielle et soutient Lubonis, qui, ainsi que le fait remarquer Simonetta Tombaccini, ne manifestait guère d’enthousiasme pour s’engager dans cette élection. Mais il était indispensable que Rapetti soit écarté. On ne pouvait exclure une manœuvre ministérielle de dernière heure en sa faveur. Le camp des anciens du « parti italien » maintenant ralliés, aurait été très mécontent. Peut-être même se serait-il rapproché des « italianissimes », jusqu’à rendre la province ingouvernable et à remette en cause l’annexion.
        Les « italianissimes » ! On les avait oubliés ! Jérôme Bracq nous rappelle qu’ils sont toujours là. La morosité ambiante leur a donné une vigueur nouvelle. Les succès de Garibaldi en Italie du sud sont encourageants. A Nice on suit avec intérêt toutes ces péripéties. On y participe même, en organisant des filières pour l’engagement de volontaires. L’Abbé Cougnet, principal animateur de l’opposition du printemps, est toujours bien présent, Maiffret, « le Padre », a repris ses activités, le colonel Dayderi recherche des volontaires, le comte Carlo Laurenti-Robaudi active ses réseaux, Jean Basso le secrétaire de Garibaldi et son confident, conserve le contact avec tous ses amis et parents niçois. L’agitation gagne les villages de l’est de la province. La police surveille et fait de son mieux pour contrôler.
        Aux élections législatives de décembre les « italianissimes » ne présentent pas de candidat. Ils font campagne pour Henri Avigdor, un ancien du « parti français » qui a fait fortune à Paris dans une délocalisation de la banque Avigdor de Nice. Il rêve d’être député. Il a, au mois de février, fait des offres de service à Carlone qui n’en a pas voulu. Avigdor espère rassembler tous les mécontents, ceux du « parti français » et les « italianissimes ». Cette étrange coalition d’intérêts ne parvient pas à battre Lubonis mais atteint tout de même, explique Jérôme Bracq, près de 30% des voix avec des résultats considérables dans les communes de la vallée de la Bévéra. Ces résultats montrent qu’après neuf mois de présence française le calme politique était loin d’être acquis.
       
        C’est à la lumière de ces mécontentements et sourdes rancœurs qu’il faut analyser le voyage de l’Empereur et de l’Impératrice des 12 et 13 septembre. En prenant un peu de recul on doit constater que le déplacement n’était pas facile. A la mi-août rien n’était assuré. Les décrets permettant le lancement des grands travaux promis n’étaient même pas encore pris. Carlone a craint le pire : le désintérêt des francophiles et les manifestations de Garibaldiens. Il a sollicité Pietri à plusieurs reprises pour que les ministres concernés fassent le nécessaire. Les décrets sont publiés le 18 août, trois semaines à peine avant l’arrivée d’Eugénie et Napoléon. Les francophiles de Nice avaient maintenant toutes les raisons de donner libre cours à leur enthousiasme. Le voyage, ainsi que l’explique Marc Ortolani, n’est en effet pas un simple déplacement protocolaire. Il revêt une forte charge symbolique. Il s’agit d’une sorte d’ « entrée royale » qui marque une prise de possession et crée un attachement entre le souverain et la population. L’adhésion la plus large était indispensable. La fête fut bien préparée. Le succès du voyage a été tel qu’on a oublié le reste. Le plébiscite d’avril se trouvait en quelque sorte régénéré dans la liesse populaire. Il fallait au moins cela pour affronter les turbulences électorales de l’hiver.
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